Définition du domaine des « mathématiques discrètes »

Définition du domaine des « mathématiques discrètes »

Les mathématiques discrètes constituent une branche des mathématiques relativement jeune, sans définition conventionnelle partagée par les mathématiciens (Maurer, 1997). Plusieurs tentatives de définition du champ ont été proposées. Nous pouvons distinguer les initiatives pour introduire les mathématiques discrètes dans les curricula prises par des mathématiciens, par exemple aux États-Unis (DeBellis & Rosenstein, 2004; Maurer, 1997; Hart & Martin, 2016), d’autres initiatives proposées plus spécifiquement par des chercheurs en didactique des mathématiques, par exemple en France, pour arriver à la construction d’ingénieries didactiques des mathématiques discrètes (Grenier & Payan, 1998). Ces essais de définition des mathématiques discrètes sont liés à la posture épistémologique de leurs auteurs (mathématiciens, didacticiens) et à la fonction que l’on donne à une définition : définition pour les mathématiciens afin de définir un champ, ou pour des didacticiens, afin de caractériser un domaine de recherche, ou pour des enseignants, afin de présenter une partie des mathématiques. Nous décrivons dans cette partie les consensus qui existent au sein de la littérature, ainsi que les quelques points de controverse. Nous commencerons par exposer plusieurs définitions montrant les différents aspects communs ; nous interrogerons ensuite les divergences.

Nous prenons comme base de départ une définition « naïve » ou « naturelle » des mathématiques discrètes : le discret par opposition au continu. Pour des chercheurs en didactiques des mathématiques, enseigner les mathématiques discrètes conduit à étudier des structures mathématiques qui sont « discrètes » par opposition aux structures « continues ». Les structures discrètes sont définies comme des configurations qui peuvent être caractérisées par un ensemble fini ou dénombrable de relations. Un ensemble dénombrable est un ensemble ayant la même cardinalité (nombre d’éléments) qu’un sous- ensemble de l’ensemble des nombres naturels ℕ (Grenier & Payan, 1998; Ouvrier-Buffet, 2014). Les objets discrets sont des objets qui peuvent être décrits par des éléments finis ou dénombrables. Ce champ des mathématiques traite aussi des objets qui ne peuvent avoir que des valeurs distinctes et séparées. Le champ des mathématiques discrètes est fortement lié à la théorie des nombres, la théorie des graphes, la combinatoire, la cryptographie, la théorie des jeux, l’algorithmique, la probabilité discrète, la théorie des groupes, les structures algébriques, la topologie et la géométrie. « Discrete mathematics is the branch of mathematics dealing with objects that can assume only distinct, separated values. The term « discrete mathematics » is therefore used in contrast with « continuous mathematics, » which is the branch of mathematics dealing with objects that can vary smoothly (and which includes, for example, calculus). Whereas discrete objects can often be characterized by integers, continuous objects require real numbers. » (Wolfram Research, Inc., 2020)

Le site Wolfram discute du lien entre les mathématiques discrètes et l’informatique. Il précise que les mathématiques discrètes constituent le langage mathématique de l’informatique, et qu’en conséquence son importance a considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Grenier et Payan (1998) ajoutent que les mathématiques discrètes représentent une manière de considérer un objet mathématique. Ce type de définitions peut largement être débattu, notamment en ce qui concerne l’aspect « fini ». Par ailleurs, Maurer (1997) souligne les intérêts de certains aspects des mathématiques discrètes pour l’enseignement (essentiellement primaire et secondaire), notamment : l’introduction de preuves, le travail sur l’abstraction, l’introduction d’algorithmes et de propriétés récursives, l’introduction d’un travail sur la modélisation (Maurer, 1997, p. 125). Il insiste également sur l’attractivité de ce champ mathématique pour les étudiants, car proche d’applications concrètes, et ouvrant aux élèves et étudiants la possibilité de faire de la recherche.

Plus récemment, dans ICME-13 (13th International Congress of Mathematical Education), le Topic Study Group 17 (TSG-17), dédié à l’enseignement et à l’apprentissage des mathématiques discrètes (Teaching and Learning of Discrete Mathematics), a défini les mathématiques discrètes comme suit (Hart & Martin, 2016) : « […] a comparatively young branch of mathematics with no agreed-upon definition but with old roots and emblematic problems. It is a robust field with applications to a variety of real-world situations, and as such takes on growing importance in contemporary society. We take discrete mathematics to include a wide range of topics, including logic, game theory, algorithms, graph theory (networks), discrete geometry, number theory, discrete dynamical systems, fair decision making, cryptography, coding theory, and counting. Crosscutting themes include discrete mathematical modeling, algorithmic problem solving, optimization, combinatorial reasoning, and recursive thinking. » (Hart & Martin, 2016, pp. 14- 15) Martin et Hart (2016) ont classé les problèmes qui existent en mathématiques discrètes en cinq catégories formant les cinq chapitres du monographie: « enumeration, sequential step-by- step change, relationships among a finite number of elements, in- formation processing, and fair decision-making ». La définition proposée par Martin et Hart (2016) nous semble très intéressante en ce qu’elle ne limite pas les mathématiques discrètes à un ensemble d’objets et de méthodes, mais qu’elle précise le rôle de ces objets et de ces méthodes pour la résolution des problèmes. Ces problèmes concernent un nombre fini ou dénombrable d’éléments et processus, tout en rendant compte des connections entre eux. Nous interrogeons la nature des liens entre ces objets et ces méthodes : quels liens permettent de faire de cet ensemble le champ des mathématiques discrètes ? Quelles en sont les limites ? Quelle en est la portée ? Ces questions nous permettent de mieux délimiter le champ des mathématiques discrètes.

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *