ETABLISSEMENT DE LA FILIATION ET LES DISCRIMINATIONS

ETABLISSEMENT DE LA FILIATION ET
LES DISCRIMINATIONS

Le désaveu de paternité

Le désaveu de paternité est une expression qui est techniquement réservée à l’action intentée par le mari en vue de faire écarter le rattachement normal de l’enfant issu de sa femme62. Elle tend à priver l’enfant de son statut d’enfant légitime et donc de renverser la présomption de paternité. Cette action en désaveu obéit à certaines règles édictées par la loi elle-même. 

Les causes de désaveu de paternité

En effet, il existe deux causes qui permettent au père présumé d’effectuer cette action en désaveu, premièrement, lorsqu’il y a impossibilité physique de cohabitation et donc de procréation, ensuite, lorsqu’il y a recel de la naissance de l’enfant par la mère63. L’article 11 de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 relative à la filiation, l’adoption et le rejet tient également à préciser que cette impossibilité physique de cohabitation correspond à la situation des époux qui serait en instance de divorce et autorisés par la justice à avoir une résidence séparée. Sauf, si la preuve a été apportée que pendant ce temps, il y a effectivement eu une cohabitation pendant un certain temps. Concernant le recel de la grossesse ou de la naissance de l’enfant par la femme, il fait peser une lourde suspicion sur le comportement de la mère. Par contre le recel uniquement ne constitue pas une cause de désaveu car il pourrait également y avoir d’autres raisons pour lesquelles la mère aurait dissimulé sa grossesse, mais il laisse tout de même la possibilité au présumé de père de prouver sa non paternité et ce, par tous les moyens. L’article 12 de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 relative à la filiation, l’adoption et le rejet vient ajouter que dans le cas où il y aurait eu mariage de la mère avec le père de l’enfant que son mari a désavoué, ce père présumé peut également désavouer l’enfant lorsque par le comportement de la mère, les caractères physiques de l’enfant ou par tous autres indices ou faits constants et notoires, il arrive à rapporter la preuve certaine qu’il n’est pas le père de l’enfant. Si telles sont les causes, comment s’effectuerait alors cette action en désaveu de paternité ?

L’exercice de l’action en désaveu de paternité

En principe, seul le père présumé peut intenter cette action en désaveu (article 13 de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 relative à la filiation, l’adoption et le rejet). Mais comme tout principe souffre d’une exception, il arrive que ses héritiers ou encore son représentant 63Le mari pouvait désavouer l’enfant s’il prouve que pendant le temps qui a couru depuis le 300e jour jusqu’au 180e jour avant la naissance de l’enfant, il était, soit pour cause d’éloignement, pour une cause médicalement établie de façon certaine, dans l’impossibilité physique de procréer. De même, en cas de recel de la grossesse ou de la naissance de l’enfant par la femme. Dans ces deux cas, le mari pouvait désavouer l’enfant en rapportant par tous les moyens la preuve de sa non-paternité. (Article 8 et 9 de la loi n° de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 sur la filiation, l’adoption, le rejet et la tutelle)  légal exercent l’action à sa place dans le cas où il viendrait à décédé ou qu’il deviendrait incapable. Ils peuvent alors poursuivre l’action de leur père si ce dernier avait déjà engagé l’action de son vivant. Cela se justifie par le fait que les héritiers continuent la personne du défunt. En second lieu, et selon l’article 14 de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 relative à la filiation, l’adoption et le rejet, l’action en désaveu doit être exercée contre l’enfant en présence de sa mère, la mère ne vient pas en représentation de l’enfant mais elle est partie au procès. Par contre, dans le cas où l’enfant serait mineur, il serait représenté par une personne désignée par le demandeur et selon les coutumes par le président du tribunal du lieu de la résidence de l’enfant. L’action en désaveu n’est pas imprescriptible étant donné qu’elle laisse l’état de l’enfant dans l’incertitude durant le déroulement de l’action. De ce fait, la loi l’a fixée à un délai très bref, c’est à dire un délai de six mois. Selon l’article 15 de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 relative à la filiation, l’adoption et le rejet, ce délai court soit du jour de la naissance de l’enfant soit du jour où le père présumé apprend la naissance de façon certaine. Cependant, l’action peut tout de même être suspendue en cas de force majeure, autrement dit, en cas d’événement extérieur, imprévisible et irrésistible. A l’issu du procès, si le désaveu est prononcé, l’enfant perd sa qualité d’enfant légitime. Par conséquent, sa filiation serait alors qualifiée de filiation hors mariage ou filiation naturelle. Dans le cas où l’enfant aurait été conçu pendant le mariage de la mère, sa filiation maternelle demeure établie, c’est ce que l’on appelle filiation adultérine à l’égard de la mère. Comme il s’agit d’un jugement qui concerne l’état des personnes, le jugement sur le désaveu de la paternité légitime a autorité absolue. 33 Section 2 – La filiation naturelle A l’opposé de la filiation légitime, la filiation naturelle est celle hors mariage, c’est-àdire celle où les parents ne sont pas mariés. Elle se subdivise en trois catégories64 que sont : – La filiation naturelle simple – La filiation naturelle adultérine – La filiation naturelle incestueuse La filiation est dite naturelle simple lorsque le père et la mère de l’enfant n’étaient pas mariés entre eux au moment de la conception de l’enfant ou bien lors de sa naissance. Elle est dite naturelle adultérine lorsque l’un des parents ou même les deux se trouvaient, au moment de la conception, dans les liens du mariage avec une tierce personne. Si l’enfant est le fruit d’un commerce adultérin de la mère, la filiation adultérine est dite « a matre » et si il provient de l’adultère du père, la filiation adultérine est dite « a patre »65. Enfin, la filiation naturelle est dite incestueuse lorsqu’il existait entre le père et la mère un lien de parenté ou d’alliance qui les empêchait à se marier, dans ce cas, l’enfant issu de cette relation est dit incestueux. I – Assimilation de l’enfant naturel à l’enfant légitime La filiation naturelle simple se rapproche légèrement de la filiation légitime, quoi qu’une petite nuance subsiste néanmoins quant à l’établissement du lien de filiation66. En effet, s’il suffit de produire un acte de naissance portant le nom des parents de l’enfant légitime (la mère et le mari de la mère) suffit à établir sa filiation légitime à l’égard de sa mère et de son père grâce à la présomption pater is est ; l’enfant naturel quant à lui ne peut pas établir sa filiation en se bornant à la simple production d’un acte de naissance, et ce même si 64La filiation est dite naturelle : – simple lorsque les parents sont tous les deux célibataires – adultérine si les parents ou l’un d’eux sont mariés avec des tiers – incestueuse si les parents sont unis par un lien de parenté ou d’alliance qui leur interdit de se marier (via Danièle HUET-WEILLER, Catherine LABRUSSE, Micheline VAN CAMELBEKE, « La filiation », Librairies Techniques (LITEC), Librairie de la Cour de Cassation, Alors même que la filiation légitime est indivisible à l’égard des deux parents mariés, la filiation naturelle est par essence divisible. Elle peut être établie à l’égard d’un parent et non de l’autre ( via Alain BENABENT, «Droit civil : La famille » , neuvième édition, Litec, Librairie de la Cour de Cassation, 27 Place Dauphine, 75001 Paris, 1998, p 415) 34 celui-ci comporte les noms de ses deux parents. Pour ce dernier, une reconnaissance est nécessaire, une reconnaissance qui serait faite par son père ; étant donné que la présomption de paternité ne peut pas lui être appliquée. Mais s’agissant de la filiation maternelle, il n’est pas nécessaire de faire une reconnaissance car en effet, selon le droit positif malgache, l’accouchement suffit à faire établir le lien qui existe entre un enfant et sa mère, et ce, même lorsqu’il s’agit d’une filiation naturelle67. Malgré le fait que la filiation naturelle a longtemps été considérée comme une filiation anormale et inférieure à celle de la filiation légitime, qui est plutôt considérée comme la filiation légale et normale, on remarque aujourd’hui une certaine évolution par rapport à ce fait . De nombreuses conséquences pouvaient en effet résulter de cette différence de conception, tant sur le plan de la filiation en elle-même que sur celui de la succession. II – L’établissement de la filiation naturelle La filiation naturelle s’établie séparément vis-à-vis des deux parents, Ainsi, pour pouvoir établir cette filiation, deux moyens sont apportés par la loi : – La reconnaissance – La déclaration judiciaire A – La reconnaissance d’enfant naturel Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’établissement de la filiation maternelle en droit positif malgache ne nécessite pas une reconnaissance et que le fait matériel de l’accouchement suffisait à établir la filiation naturelle maternelle, Par conséquent, la reconnaissance dont on il s’agit ici correspond à la reconnaissance de la filiation paternelle. Selon l’article 16 de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 relative à la filiation, l’adoption et le rejet, lorsque la filiation paternelle ne peut pas être établie par les présomptions de la loi, elle peut faire l’objet d’une reconnaissance faite par celui qui se prétend être le père de 67« Mater semper certa es » qui signifie que l’identité de la mère est toujours connue de manière certaine 68 Voir chapitre 2 35 l’enfant. Par conséquent, on peut le définir comme un acte unilatéral personnel et individuel par le père d’un enfant né hors mariage. C’est donc l’établissement de ce lien qui nous emmènera à voir tout d’abord, les conditions de validité de la reconnaissance, ensuite les effets de la reconnaissance et enfin, les moyens possibles pouvant attaquer une reconnaissance. 

Les conditions de validité de la reconnaissance

Cette reconnaissance peut se faire sous forme de déclaration devant l’Officier d’Etat Civil, soit dans un acte authentique, soit dans un acte authentifié, soit par testament. Il n’est pas mentionné que la déclaration doive se faire devant l’Officier d’Etat Civil du lieu de naissance de l’enfant. Selon l’article 17 de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 relative à la filiation, l’adoption et le rejet, la reconnaissance de paternité est faite par le père lui-même ou par son fondé de pouvoir. Lorsqu’elle est faite par ce dernier, il doit être muni d’une procuration spéciale authentique ou authentifiée et désignant individuellement l’enfant à reconnaître. Par contre, si l’enfant est encore mineur et que le père est déjà décédé ou se trouve hors d’état de manifester sa volonté, la reconnaissance pourrait être effectuée par l’ascendant qui selon la loi ou les usages, aurait exercé ou exerce l’autorité sur le père, sous réserve de l’accord préalable de quatre membres de la famille désignées selon les coutumes. Quant à l’enfant à reconnaître, il s’agit naturellement d’un enfant dont la filiation paternelle n’est pas encore établie. Mais la dessus, la loi a tenue à être plus précise, il peut s’agir donc :  D’un enfant simplement conçu : ici, ce qui justifie la possibilité de cette action se trouve dans la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, malgré le fait que son identité ne soit pas encore connue de façon certaine69.  D’un enfant décédé : bien que la prise en compte de cette catégorie semble posée certaines questions, cette reconnaissance est tout de même possible actuellement 69« L’infans conceptus pro nato habetur quoties de comodo ejus agitur » Expression latine qui signifie que l’enfant conçu sera considéré comme né chaque fois qu’il pourra en tirer avantage 36  D’un enfant adopté : ici, on distingue le cas de l’adoption simple et l’adoption judiciaire Lorsqu’il s’agit d’une adoption simple, le problème ne se pose pas, le père biologique de l’enfant peut toujours faire la reconnaissance de son enfant et ainsi établir sa filiation réelle. Par contre, lorsqu’il s’agit d’une adoption judiciaire, et plus particulièrement lorsque l’enfant qui a fait l’objet de cette adoption est un enfant abandonné ou encore un enfant dont le père est un inconnu, cet enfant ne peut plus être reconnu. Etant donné que mère dans ce cas précis aurait déjà donné son consentement et donc, l’enfant cesse d’appartenir à sa famille d’origine et acquiert ainsi la qualité d’enfant légitime de sa nouvelle famille.  D’un enfant déjà reconnu : si on se place du côté de la loi, de par son article 47 de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 relative à la filiation, l’adoption et le rejet 70 , cette reconnaissance serait elle aussi possible, étant donné que plusieurs personnes peuvent avoir demandé une reconnaissance à l’égard du même enfant.  D’un enfant né d’une relation adultérine : cette reconnaissance est également possible. Mais cela ne signifie pas qu’elle serait dans le but d’établir un quelconque lien de filiation mais aura seulement pour effet de créer une obligation alimentaire au profit de l’enfant.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I L’ETABLISSEMENT DE LA FILIATION A MADAGASCAR
Chapitre I Les différentes catégories de filiation à Madagascar
Chapitre II L’évolution du droit quant à l’établissement de la filiation à Madagascar
PARTIE II CONSEQUENCES DE L’ETABLISSEMENT DE LA FILIATION SUR LA SUCCESSION
Chapitre I Les discriminations qui résultent de la succession
Chapitre II Les solutions alternat

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