Être réserviste et adhérent de l’A.O.R.L. : Incarner le lien entre l’armée et la nation.

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Être réserviste et adhérent de l’A.O.R.L. : Incarner le lien entre l’armée et la nation.

Tout au long de la seconde moitié du XXe siècle, les réservistes sont l’incarnation du lien entre l’armée et nation. Pour comprendre comment ces derniers atteignent leurs objectifs il est nécessaire de revenir sur leur formation. L’histoire de l’A.O.R.L. est indissociable de celle du service militaire, devenu service national en 1965. La construction du citoyen-soldat se fait lors des mois passés sous les drapeaux. Le parcours d’accès à l’épaulette, c’est-à-dire au grade d’of-ficier, n’est pas aisé et il faut aux jeunes hommes ambition et persévérance pour l’atteindre. Mais ce moment si particulier de la vie des garçons reste un rite de passage aussi fondamental dans l’instruction militaire que l’apprentissage de la vie. Il est alors nécessaire de revenir dans un premier chapitre sur la formation des officiers de réserve pour mieux les appréhender dans leur rôle au sein de la cité mais aussi au sein de l’A.O.R.L. travers l’engagement associatif symbolisé par la création de diverses A.O.R., les officiers de réserves peuvent incarner le lien entre l’armée et la nation. L’organisation de l’A.O.R.L. est donc entièrement tournée vers cet objectif. Fédérer pour mieux diffuser l’esprit de défense est la stratégie de ces associations. Dès lors le second chapitre de cette étude est orienté vers le fonctionnement de l’A.O.R.L. afin d’en révéler les mécanismes internes qui en font une des associations les plus attrayantes de la place lyonnaise jusqu’aux années 1980.
Être officier de réserve c’est revêtir un uniforme autant dans la société civile que dans la société militaire. L’officier de réserve est à la fois un cadre de la nation mais aussi un cadre militaire. Cette dualité relève d’un engagement sans faille envers l’institution, l’État, mais aussi leur profession civile. Les officiers que nous avons pu rencontrer à l’A.O.R.L. se sont révélés être des hommes engagés dans leur vie civile, militaire et même associative. Un dévouement qu’il ne faut certes pas généraliser aux centaines de milliers d’officiers de réserve en France, mais que l’on peut tout de même attribuer à ceux qui se sont massivement investis durant le XXe, et qui perpétuent encore aujourd’hui la mémoire de l’armée de réserve à travers l’A.O.R.L. Le dernier chapitre s’attardera donc à décrypter des facteurs d’engagement autant civil que mi-litaire.
Incarner le lien entre l’armée et la nation résulte donc d’un processus de formation indivi-duelle d’hommes qui décident de s’unir en association pour diffuser l’esprit de défense. Entre construction du citoyen-soldat, mise en valeur de celui-ci par l’association et l’étude des sché-mas d’engagement, qui sont les officiers de réserve français qui adhèrent à l’A.O.R.L. entre 1954 et 1999 ?

Devenir officier de réserve

Il est nécessaire de commencer cette recherche en commençant par ce préambule : comment devient-on officier de réserve ? Ou dans le langage militaire « comment accède-t-on à l’épau-lette » ? Avant et pendant le service national, le parcours du jeune homme qui se destine à être officier est réservé à quelques privilégiés susceptibles à terme d’assumer de hautes responsabi-lités en temps de paix comme en temps de guerre. Cette période d’apprentissage a formé les hommes qu’ils sont devenus. Les membres de l’A.O.R.L., avec lesquels des entretiens ont été menés ont tous, à l’exception d’un1, raconté leur service militaire. Tant et si bien qu’il est im-possible de détacher la définition de l’officier de réserve du parcours qui l’a amené à le devenir. Ce chapitre fait d’ores et déjà appel à la mémoire.
Devenir officier de réserve c’est accéder à un statut définit selon un cadre juridique bien précis. En effet, l’objet d’étude a si peu été questionné par l’historiographie qu’il nous ait apparu évident de revenir sur sa caractérisation juridique. Afin d’y parvenir, il est nécessaire de sortir du simple environnement de l’A.O.R.L. et de se pencher sur les lois et décrets qui régissent l’emploi des officiers de réserve en France2. Depuis la mise en place de ce corps après la guerre de 1870, les officiers de réserve gagnent progressivement des droits et un statut social. Ce statut connaît, lors de la période étudiée, son aboutissement.
Comment la période du service militaire a eu des conséquences dans la vie des officiers de réserve ? Juridiquement quel est leur statut dans la société ?
L’officier de réserve qui n’a pas souhaité en parler a fait son service militaire en Algérie en 1964.
La liste de ces textes de lois est proposée dans l’état des sources.
Comment accéder à l’épaulette ?
Tout le monde n’accède pas à l’épaulette et ne devient pas officier qui veut. L’accès au grade se fait dans l’armée de manière réglementée. Pour devenir officier de réserve le jeune homme doit s’impliquer avant et pendant le service militaire.
Il faut, par précaution, rappeler une chose essentielle à la bonne compréhension du sujet. Le service militaire – puis le service national qui lui succède en 1965 avec la loi Debré1 – est une obligation légale. Faire son service n’est donc pas un choix – malgré la possibilité d’être objec-teur de conscience – tous les Français masculins doivent leur service entre 18 et 35 ans. C’est le régime de conscription. Faire partie de la réserve militaire c’est la loi, quel que soit le grade la fin du service militaire : homme du rang, sous-officier ou officier. La loi du 9 juillet 1965 fixe pour « tous les citoyens français masculins » la durée du service militaire qui est de dix-sept ans. Le titre IV de la loi précise que les cinq premières années sont réparties entre le service actif (16 mois) et la disponibilité. Puis les citoyens passent douze années dans la réserve. Pen-dant la disponibilité mais aussi la période de réserve, les citoyens peuvent être, en cas de conflit rappelés à servir.

La Préparation Militaire Supérieure (P.M.S.), le premier entraînement2.

Les diverses préparations militaires sont des sujets redondants dans le Bulletin de l’Asso-ciation des Officiers de Réserve de Lyon. En effet les officiers de réserve sont particulièrement intéressés par ce sujet pour deux raisons. La première relève du fait qu’ils y sont eux-mêmes passés et pour la plupart d’entre eux, à la P.M.S. La seconde raison réside dans le fait que certains peuvent être instructeurs en Préparation Militaire Élémentaire notamment. Enfin la P.M.S. présente quelques évolutions de formules pendant notre période qui sont documentées par l’association.

Qu’est-ce que les préparations militaires ?

Il convient tout d’abord de revenir sur la distinction entre les différentes préparations mili-taires. Largement explicitées dans la thèse de Christian Mérot1, elles sont régies pour notre période par l’instruction ministérielle du 10 août 1962 qui accorde dans leur organisation une place plus importante à l’U.N.O.R. et à la F.N.A.S.O.R. Cette nouvelle directive est nécessaire la sortie de la guerre d’Algérie, dans un contexte où la santé morale des armées est basse. Ainsi l’État cherche à créer une atmosphère de confiance entre armée et associations dans les dispositifs prémilitaires. L’armée de terre, de l’air, mais aussi la marine nationale, possèdent leur propre préparation militaire (P.M.T.2, P.M.M.3). La Préparation Militaire Élémentaire4 est définie par l’instruction ministérielle du 31 juillet 1962, elle est destinée aux futurs sous-offi-ciers. Elle s’adresse aux jeunes Français qui souhaitent obtenir une instruction prémilitaire d’élève-gradé. Elle se déroule généralement dans les centres d’instruction ou dans les camps militaires.
Quant à la Préparation Militaire Supérieure5 un débordement du cadre chronologique est nécessaire pour comprendre son importance dans l’accès à l’épaulette. Elle est institutionnalisée en France en 1923. Elle joue un rôle spécifique car elle a pour mission de former les jeunes gens à devenir officiers de réserve. S’étalant sur deux années, c’est une formation d’environ 400 heures, pratique comme théorique, qui est proposée à la jeunesse masculine. Elle est sanc-tionnée par un brevet qui ouvre de nombreux droits et à l’accès au peloton élève officier de réserve (P.E.O.R.). Cette dernière est obligatoire pour tous les jeunes hommes qui souhaitent appartenir à une grande école, est ouverte aux titulaires du baccalauréat, ainsi qu’aux brevetés de la P.M.E. qui ont obtenu la mention « très bien ». L’armée cherche par la P.M.S. à recruter pour son corps de cadres de réserve des jeunes hommes dont le niveau intellectuel est élevé6. Elle est rétablie après la période de la Seconde Guerre mondiale – pendant laquelle elle semble disparaître – le 1er janvier 1953 selon la thèse plus récente de Christian Mérot7 alors que Michel Mifsud présente une reprise en 19518.
Obtenir le brevet P.M.S. donne aux jeunes gens des droits pour leur période au service mi-litaire actif. L’avantage principal est la possibilité d’obtenir un sursis sur la totalité du temps des études. Le sursis est un atout considérable pour les jeunes hommes qui leur permet de ne pas interrompre leurs études supérieures. La P.M.S. accorde aussi aux jeunes gens de voir leur service actif réduit d’un tiers de son temps initial et ainsi de démarrer leur vie professionnelle plus rapidement. La P.M.S. accorde enfin un accès au P.E.O.R.1 dès le début du service militaire actif afin de préparer directement le concours d’officier de réserve.

L’A.O.R.L. et la redéfinition de la préparation militaire en 1962.

Dans le Bulletin de l’Association des Officiers de Réserve de Lyon les références à la P.M. sont importantes. Les différentes préparations militaires sont abordées généralement lors des conseils d’administration, des assemblées générales, dans les rapports moraux et quelques fois une rubrique y est entièrement consacrée. Cependant, ces effectifs ne sont pas régulièrement transcrits, et son fonctionnement résulte d’un lieu commun pour les officiers de réserve qui ne prennent pas la peine de le décrire. Cette première donnée est essentielle car elle montre que la vie de la préparation militaire est intégrée à celle de l’association car elle est mentionnée lors des moments les plus importants. Bien souvent elle est questionnée lorsqu’elle rencontre des difficultés.
L’A.O.R.L. s’implique dans la vie de la P.M.E. de diverses manières. Elle peut simplement récompenser les brevetés de la P.M.S. à l’instar du président Martel2 en 1956 : Le commandant Martel remit au major de la Promotion P.M.S. 1955, le jeune Colin, un ou-vrage destiné à perpétuer le souvenir de cette manifestation et à montrer l’intérêt que porte l’As-sociation à tout ce qui touche la préparation militaire comme l’instruction de réserve ; il s’agis-sait de « L’Histoire de l’Armée Française », du général Weygand.3 »
Il est intéressant ici de montrer que le geste s’il peut paraître anecdotique, est fort en signi-fications. Il est clairement explicité dans la citation l’intérêt de l’Association pour l’instruction des jeunes futurs réservistes. En offrant des récompenses aux brevetés elle s’assure une image de soutien et de guide dans la réserve. Elle propose comme prix un livre du général Weygand, ce n’est donc pas n’importe quel livre ou un quelconque ouvrage sur l’armée. Le livre est reçu comme un guide presque spirituel. Le message transmis par cet acte est donc très intéressant.
La préparation militaire éprouve dans le début des années 1960 des difficultés qui troublent son fonctionnement. En 1960 une « commission de défense nationale » se réunit au sujet de l’instruction civique des jeunes. La bibliographie ne renseigne pas sur cet événement cependant, l’A.O.R.L. dans sa revue en apporte un compte rendu. Onze délégués de la région sont présents dont trois Lyonnais. La commission a délibéré sur la place de l’officier de réserve dans la nation mais aussi celle de la P.M.E. Elle s’accorde sur le fait que l’instruction civique doit passer par les écoles, mais ne veut pas pour autant bannir l’apprentissage militaire de la vie des jeunes gens, ainsi l’enseignement militaire obligatoire des étudiants des grandes écoles en P.M.S. est maintenue. Pour valoriser et attirer plus de jeunes dans les préparations militaires elle propose d’élargir le droit au sursis : un jeune participant à une P.M.E. mais n’obtenant pas le brevet pourrait selon la commission bénéficier d’un an de sursis, tandis que celui qui valide son brevet peut obtenir deux années de sursis. Cette réflexion amène à une redéfinition de la préparation militaire en 1962.
Cette redéfinition n’est pas mentionnée dans le Bulletin, mais dans le rapport moral de 1962 il est inscrit : « Notre participation à l’encadrement de la P.M. et de la P.M.S. fut nettement freinée cette année par des mesures malencontreuses survenues en mars.1 ». En 1962 des modi-fications sont apportées à la préparation militaire que ce soit la P.M.E. ou la P.M.S. Cependant, aucun autre indice n’est laissé à la perception de l’historien. La nouvelle formule vise d’autant plus à instruire, sélectionner et entraîner les futurs appelés du contingent. À la lecture du cha-pitre sur « la consolidation du socle associatif » de la thèse de Christian Mérot2 il semble que cette réforme a apporté du positif aux associations. En effet avec la nouvelle version de la P.M.E. elles obtiennent un rôle qui devient de plus en plus important. Elle comprend une réalité concrète sur le terrain et de véritables possibilités d’avancement de carrière pour les instructeurs P.M.E. Pour jouer ce rôle prépondérant, elles doivent recevoir un agrément de l’autorité mili-taire qui répond à des critères précis. L’association doit posséder des instructeurs de réserve ; accepter d’appliquer un programme d’instruction diffusé par l’autorité militaire (et par consé-quent se soumettre à son contrôle) ; et elle doit posséder une couverture sur le plan de la responsabilité civile. Les officiers de réserves lyonnais s’avèrent, dans le rapport moral qu’ils dres-sent à la fin de l’année 1962, déboussolés. Il serait intéressant de savoir en combien de temps l’association a obtenu l’agrément, mais aucune information n’est donnée à ce sujet.

Les années 1970 : la P.M. renouvelée ?

L’association ne mentionne plus dans son bulletin la P.M. entre la fin de l’année 1962 et 19721. Pendant dix années le sujet est inexistant. Pourtant les officiers de réserve ont un rôle à part entière puisqu’ils sont souvent, aux côtés des militaires de carrière, des instructeurs. L’ins-truction ministérielle de 1962 a ainsi permis aux associations de jouer un rôle concret sur le terrain et favoriser son avancement. Alors pourquoi ce silence sur la question ? La bibliographie tend à le justifier. En effet la note du 2 février 1966 de l’état-major envisage en plus de la suppression de l’instruction militaire obligatoire et de la P.M.S. L’idée est de simplifier le sys-tème de recrutement de l’armée2. En effet, les différentes préparations militaires disparaissent à la fin des années 1960. Cette extinction de l’activité est tout de même réactivée au début des années 1970. À Lyon, Lépine dès 1972 prend la parole dans les conseils d’administration pour indiquer sa reprise et les problèmes matériels3 auxquels elle doit faire face. Finalement cette première année de reprise se solde par ce constat dans le rapport moral : C’est une tâche très dure que de reprendre une activité qui avait été abandonnée, pour des raisons que je n’avais jamais pu comprendre, car, pour ma part, c’est avec la seule formation P.M.E. et P.M.S. que je suis partie commander des hommes en guerre. Quoiqu’il en soit, à une époque où la chose militaire et même le patriotisme tout court semblent peu goûtés par ceux qui ont la mission de nous informer, et d’autres encore, c’est déjà un bon résultat que d’avoir pu reprendre cette activité et ce dans des proportions notables.4 »
Lépine fait à travers ce discours référence directement à la suspension de l’activité, c’est la seule citation qui dans le Bulletin en atteste. Mais les causes de sa suppression ne sont pas évoquées. Il indique que les événements qui ont bouleversé l’organisation du pays – Mai 68 notamment – sont sans conteste à l’origine de cette disparition. Ce rapprochement est à ques-tionner. Mai 68 a connu certes un élan de contestation massif de nombreux corps de métier mais les revendications des jeunes n’ont pas porté sur l’armée et le système de conscription. Ainsi le Livre blanc sur la défense nationale dirigé par Michel Debré1 en 1972 insiste sur l’attachement du pays à la conscription et au service universel. Dans ce contexte l’instruction militaire obli-gatoire est supprimée et est remplacée par le système de P.M. pour les volontaires. L’activité reprend au cœur des associations. Dans le Rhône elle attire de nombreux jeunes et le Bulletin recense 185 inscrits dès la première année d’exercice. L’association développe alors une véri-table campagne de publicité à travers sa revue afin de dynamiser et recruter pour la P.M.E. : Figure 2 : Publicité pour la P.M.E. par l’A.O.R.L. dans le Bulletin2.
Malgré ces efforts, et l’investissement de la part de l’A.O.R.L., la P.M.E. connaît rapidement des difficultés. Alors même qu’elle se réinstalle, elle est l’objet d’une rivalité entre les officiers de réserve eux-mêmes. La diriger se révèle être, dans les carrières, un signe de reconnaissance, une sorte d’« adoubement » reçu par le Commandement selon C. Mérot3. Ainsi le sujet de la P.M. devient brûlant comme en témoigne la démission de Lépine en 1975 à Lyon, il revient sur les causes de sa décision : Le fond du problème est de savoir si l’Administration centrale croit ou non dans les possibili-tés de la P.M.E. L’impulsion est nulle parce que les objectifs ne sont pas clairs. Je ne pouvais continuer à me faire l’apôtre de mauvaises et vaines promesses, tant pour les cadres qui ne sont pas récompensés au niveau de leur dévouement que pour les jeunes Brevetés qui ne trouvent pas, dans le corps de troupe, un accueil différent des autres, sinon du scepticisme à l’égard de leur diplôme P.M.E., de toutes façons décourageant pour eux.1 »
Les avantages de la préparation militaire ne figurent plus, en 1975, comme tels. Elle s’avère ne plus être dirigée convenablement et avec des ordres stricts. La critique est caustique envers le Commandement. Il faut alors une nouvelle fois réfléchir à une nouvelle formule pour les membres de l’A.O.R.L. en charge de la P.M.E. Dans le courant de cette même année des alternatives sont proposées. Dorénavant elle offre des avantages complémentaires pour les jeunes hommes brevetés dont : le service dans la région, le choix de l’affectation, l’admission au P.E.O.R., l’emploi dans sa spécialisation, une bonification de 1 mois pour les nominations de caporal, caporal-chef et sergent et enfin quatre jours de permission additionnels2. La P.M.E. devenue P.M.T. est dirigée par A. Villemagne et le support logistique est assuré par le 99ème R.I.3 à Lyon. Les conscrits arrivent après leur P.M.E. audit « Service Militaire ».

Le service militaire

Il suffit de questionner quelque peu les officiers de réserve présents à l’A.O.R.L. pour com-prendre la place du service militaire dans leur mémoire. Souvenir à part entière, ils y ont tous passé entre douze et vingt-quatre mois suivant leur âge. Il est resté dans leur mémoire comme le moment de la découverte de l’armée, de l’ordre et de l’ouverture sur le monde. Le passage au service militaire reste dans la seconde moitié du siècle un moment fondateur et notamment pour les futurs officiers de réserve. Mais le service reste-t-il le sacro-saint rite de passage entre l’enfance et l’âge adulte, pendant lequel le jeune homme devient « Bon pour le service, bon pour les femmes, bon pour la vie » selon l’expression de l’historienne Odile Roynette4 ?

L’acception du régime de conscription dans la société française.

En vigueur depuis la loi Gouvion-Saint-Cyr du 10 mars 1818 le service militaire est notam-ment issu de la Révolution française et de son système de garde nationale5. L’institution est perçue comme « l’intégration progressive des citoyens à la communauté nationale1 » tout au long du XXe. Il devient un devoir de défense et citoyenneté2.
Le modèle du soldat-citoyen ne s’est pourtant pas imposé rapidement dans l’opinion. La société s’inquiète de voir le pays se militariser de plus en plus. Les opposants à l’impôt du sang
– périphrase désignant le service militaire – sont principalement des hommes de gauche, des orléanistes et bonapartistes jusqu’en 1848, puis républicains qui l’affirment comme étant iné-galitaire et qui dénature les perspectives initiales des jeunes gens. Les doutes sur l’apprentissage militaire sont vifs, le service est perçu comme l’école de la barbarie. L’institution est alors rendue coupable d’un « rapt de la jeunesse masculine3 ». Les défenseurs de ce modèle sont ceux qui sont attachés à l’idée que l’armée demeure une école du civisme et de la civilisation4. Les philosophes se joignent aux débats des hommes politiques, et si Rousseau et Dubois Cancré pensent le service militaire universel comme un idéal, d’autres, comme Guibert, plaident pour un système de conscription mais pas universel. Décrié et évité grâce à la possibilité du rempla-cement et des dispenses, après le tirage au sort pour les plus riches, le service militaire s’est imposé finalement à tous les citoyens masculins majeurs avec la loi du 25 juillet 1972 de sorte faire face à la guerre moderne5. Il faut au régiment de conscription plus d’un siècle pour se faire accepter.
Le modèle du citoyen-soldat s’impose aussi par la création des réserves en 1975. L’armée prend conscience de la nécessité de l’arrière et d’hommes entraînés pour faire face en cas de conflits. La défaite militaire de 1870 a joué un rôle important dans l’acceptation de la nation armée. Xavier Boniface explique que « La France manque de soldats, de réserves entraînées et de forces du second ban – la garde mobile ne voit pas le jour avant juillet 1870 – alors que les Allemands disposent d’une importante Landwehr (réserve), parfois moquée par les Français qui voient en elle une armée de juristes et d’occultismes6 ». La victoire allemande apparaît comme le résultat de l’organisation de l’armée ennemie. Le système de la Landwehr devient alors le modèle à imiter. Cela ne va pas tout à fait de soi pour les parlementaires et les débats sont orientés autour des deux questions principales : recrutement et formation. La conscription est plébiscitée par certains quand elle est réfutée par d’autres. Thiers notamment refuse ce système au profit d’une armée de « vieux soldats » et demande que les armes ne soient pas mises entre les mains des ouvriers. Finalement une dernière tendance émerge à l’assemblée qui « souhaite une organisation proche de la Landwehr et du Landsturm prussiens, fondés sur une armée d’ac-tive restreinte et d’abondantes réserves mobilisables en temps de guerre1».
Le modèle allemand inspire la France pour plusieurs raisons. L’officier allemand apparaît comme prestigieux. Les élites civiles encouragent elles aussi ce modèle dans la société, un con-sensus se crée autour de l’armée, ce qui a amené les Allemands à la victoire. De plus, une égalité de traitement entre officiers de réserve et d’active est mise en place, tous deux sont perçus comme des élites de la société, et ainsi, être officier de réserve est ressenti comme une promo-tion sociale. Cependant, le prestige d’un corps social implique une sélection sévère des indivi-dus, l’armée allemande ne recrute pas tous les hommes, le corps des officiers reste éminemment sélectif. Le système prussien fait appel à deux critères de sélection qui sont l’instruction géné-rale et la position sociale avant de demander au candidat de s’engager personnellement2. Cette description permet de comprendre sur quel modèle vont être pensées les réserves en France.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : Être réserviste et adhérent de l’A.O.R.L. : Incarner le lien entre l’armée et la nation.
Chapitre 1 : Devenir officier de réserve
I)Comment accéder à l’épaulette ?
A)La Préparation Militaire Supérieure (P.M.S.), le premier entraînement.
α) Qu’est-ce que les préparations militaires ?
β) L’A.O.R.L. et la redéfinition de la préparation militaire en 1962.
γ) Les années 1970 : la P.M. renouvelée ?
B)Le service militaire
α) L’acception du régime de conscription dans la société française.
β) Le service militaire au XXe siècle.
γ) L’officier de réserve, un « fana-mili » ?
ε) Le service militaire : un objet histoire ?
II)Le statut juridique des officiers de réserve
A)Le statut de 1925
α) Les dispositions statuaires
β) Le statut de 1925, un tremplin pour les associations ?
B)Le statut de 1956
α) La loi du 1er décembre 1956.
β) Les années 1960-1970
C)Le statut de 1976
Conclusion :
Chapitre 2 : La vie associative de l’A.O.R.L.
I)Le fonctionnement de l’A.O.R.L.
A)Les statuts de l’A.O.R.L.
B)Organisation de la vie associative
C)Une association affiliée à l’Union Nationale des Officiers de Réserve
α) Les effectifs de l’U.N.O.R.
β) Le congrès annuel de l’U.N.O.R.
II)Effectifs en baisse et cotisations en hausse dans la seconde moitié du XXe siècle
A)Les effectifs de l’A.O.R.L.
α) 1953-1975 : Une perte de plus de 1 500 adhérents en vingt ans.
β) Les années 1990 : Comment passe-t-on de plus de mille adhérents à 300 ?
γ) Recruter
B)Cotiser à l’A.O.R.L.
III)Le Bulletin de l’Association des Officiers de Réserve de Lyon
A)Diffusion et réception
α) Le tirage du Bulletin
β) La réception du Bulletin par les membres
B)L’information concernant la vie associative
C)L’information militaire
Conclusion
Chapitre 3 : Des hommes engagés
I)Un engagement favorisé par des facteurs extérieurs ?
A)Une enfance bercée par la guerre.
α) Posséder une « hérédité militaire lourde »
1. La famille Chazit, quatre générations dans la réserve :
2. Un autre exemple : la famille de Jean Marmiesse :
3. Des contre-exemples :
β) Un apprentissage au temps de la guerre.
1. Grandir pendant la Seconde Guerre mondiale :
2. Grandir au temps des guerres de décolonisation :
γ) L’A.O.R.L., un espace où se retrouvent pères et fils.
B)Mai 1968, face au désordre s’engager dans la discipline.
α) Mai 68, une contestation générale qui ne touche pas l’armée
β) « Mai 68 a eu l’effet inverse sur moi »
II)Qui sont les adhérents de l’A.O.R.L. ?
A)Adhérer à l’A.O.R.L
α) Profil sociologique de l’adhérent à l’A.O.R.L.
β) Comment l’A.O.R.L. se fait-elle connaître ?
γ) Le réseau associatif des officiers de réserve
1. Les engagements associatifs à titre individuel
2. L’A.O.R.L., engagée auprès d’autres associations
B)L’officier de réserve, un cadre à la fois civil et militaire.
III)Des carrières militaires à part entière
A)Rôle et affectations des officiers de réserve
α) …En cas de mobilisation
1. Mobiliser des hommes :
2. De la mobilisation à la Défense Opérationnelle du Territoire
3. L’A.O.R.L. et la mobilisation :
β) …En temps de paix sur le territoire français.
1. 1962 – 1999, un temps de paix ?
2. Rôle des officiers de réserve en temps de paix
3. Le cas des O.R.S.E.M.
B)Étienne Tissot : une trajectoire locale, nationale et internationale singulière
α) Un médecin des hôpitaux de Lyon
β) Un militaire convaincu
γ) « Toutes les fois où je suis rentré dans quelque chose, j’ai fini président ».
1. Du local à l’international
2. La Confédération Internationale des Officiers de Réserve :
Conclusion :
PARTIE 2 : L’A.O.R.L. entre loisir sexué et instruction militaire : Promouvoir le lien entre l’armée et la nation.
Chapitre 4 : Instruire pour maintenir le lien avec l’armée
I)Les activités militaires
A)Le rallye des réserves
α) Qu’est-ce que le rallye ?
β) Le rallye dans les mémoires
B)Le tir
II)Le tournant des années 1980
A)Organiser les réserves militaires
α) La loi de programmation de 1976
β) La création des Centres d’Entraînement Prémilitaire et des Réserves.
γ) Les régiments dérivés, un lien sur le terrain avec l’active
1. La convocation verticale de la 227ème compagnie médicale de montagne
2. Alpes
ε) Les conseillers réserves, les traits d ’union entre l’armée et la nation.
B)Se renouveler pour garantir une forme d’instruction.
α) La section des lieutenants
β) La mise en place du challenge Olivier Grégoire.
γ) Les lundis de l’A.O.R.L.
Conclusion
Chapitre 5 : Obtenir la cohésion d’un groupe
I)Sections et activités paramilitaires, un entre-soi genré
A)Section montagne, cross et plongée : des activités sportives et instructives
α) La section de montagne :
β) Section de plongée :
γ) Section cross :
B)L’A.O.R.L. à l’échelle départementale : les sections locales
α) Villefranche-sur-Saône
β) Vienne
C)Activités ouvertes aux familles : la continuité d’un modèle paternaliste
α) Le rallye-surprise de l’A.O.R.L.
β) Repas et fêtes
II)S’instruire par la visite ou le voyage
A)Connaître Lyon et sa région d’un point de vue militaire
B)Voyager et connaître les politiques de défense voisines
III)Les jumelages de l’A.O.R.L
A)Le jumelage avec l’Association des Officiers de Réserve de Turin
α) La difficile mise en route du jumelage :
β) La concrétisation du jumelage :
B)Le jumelage avec l’Association de Réservistes de Francfort
α) La réconciliation franco-allemande, jusqu’au sein de l’A.O.R.L. ?
β) Le jumelage de 1990
Conclusion
Chapitre 6 : L’A.O.R.L. le trait d’union entre institutions civiles et militaires à Lyon 
I)Des moments de partage qui favorisent le dialogue entre les institutions.
A)Le bal : un pont entre société civile et militaire
α) L’organisation du bal
β) Le bal, le baromètre du prestige de l’A.O.R.L.
γ) Les grands moments du bal de l’A.O.R.L.
1. Le défilé de Pierre Balmain pour l’A.O.R.L. en 1969.
2. Les manifestations pour le 60e anniversaire de l’A.O.R.L.
B)Le pot des nouveaux : un pont entre l’active et la réserve
α) L’organisation du pot des nouveaux
β) L’audience du pot des nouveaux
C)Les dîners-débats et conférences
II)L’institution militaire privilégiée ?
A)Des liens plus étroits avec les autorités militaires ?
α) L’esprit de défense
1. Qu’est-ce que l’esprit de défense ?
2. Concrétisation de cet esprit de défense à l’A.O.R.L.
β) 1989 : la chute du Président
B)S’identifier à un système de valeurs propre à l’armée
α) Le devoir de mémoire
β) L’association, une famille d’officiers de réserve
III)Les membres de l’A.O.R.L. et la politique locale
A)Des officiers de réserve intégrés à la vie politique locale, voire nationale
α) L’association et la presse
β) Peut-on être maire ou conseiller municipal et faire partie de l’A.O.R.L. ?
γ) Des hommes politiques locaux qui favorisent les actions de l’A.O.R.L.
B)L’A.O.R.L. et apolitisme
α) L’A.O.R.L., une « grande muette » ?
1. Les élections de 1974
2. Le vote du budget de la défense pour 1993
β) La rubrique « Tribune libre » ou « Libres propos »
γ) Une association à droite de l’échiquier politique
1. Un apolitisme impossible dans les années 1990
2. La droite politique, une caractéristique des A.O.R. ?
Conclusion
PARTIE 3 : Conflits armés et politiques de défense : Se mobiliser pour le lien entre l’armée et la nation.
Chapitre 7 : Une crise majeure : la guerre d’Algérie
I)La perception de la guerre d’Algérie à travers le Bulletin jusqu’en 1960
A)La montée en puissance d’un événement
α) Un sujet discret qui devient omniprésent par l’intermédiaire du lieutenant-colonel Trebbia
β) Les prises de partie des « lettres d’Algérie » du lieutenant-colonel Trebbia
B)Comment évoquer la guerre d’Algérie ?
α) Le vocable de la « guerre »
β) Aborder la guerre
γ) Les discours en lien avec la guerre qui marquent les officiers de réserve lyonnais
1. Le gouverneur militaire, Marcel Descour :
2. Le Chef d’état-major des armées, le Général Lorillot :
3. Le Chef d’état-major de l’armée de terre, Le général Zeller :
4. Le général de division Faure :
C)La position colonialiste de l’A.O.R.L.
α) Février 1956 – Mai 1958 : Adopter le discours gouvernemental.
β) Le retour du général de Gaulle
γ) La rupture avec le discours gaulliste
II)La guerre d’Algérie vécue par les officiers de réserve
A)Les membres de l’A.O.R.L. engagés dans la guerre
α) Le rappel sous les drapeaux vécu par les membres de l’A.O.R.L.
1. Les rappelés
2. Les morts pour la France de l’A.O.R.L. en Algérie
β) Comment l’A.O.R.L. soutient-elle la guerre ?
1. L’envoi de dons d’argent :
2. « Les Missions Militaires d’Information ».
B)L’U.N.O.R. et la guerre d’Algérie
α) Comment l’U.N.O.R. aborde-t-elle la guerre d’Algérie ?
1. Le début de la guerre :
2. La peur de la scission avec les A.O.R. d’Afrique du Nord :
3. Prise de conscience et gestion de l’apolitisme :
4. La fin de la guerre d’Algérie :
β) La création du Comité d’Étude de Défense Nationale
III)La difficile sortie de la guerre
A)La crise au sein de l’A.O.R.L.
α) Le putsch dans le Bulletin
β) La mémoire de cette période à l’A.O.R.L.
B)S’unir autour d’une cause commune : les harkis.
α) Le rôle des harkis pendant la guerre d’Algérie
β) « La tragédie des harkis »
γ) L’aide de l’A.O.R.L. aux harkis entre 1962 et 1964
C)L’A.O.R.L., espace d’accueil et de mémoire pour les appelés ?
α) Faire son service militaire en Algérie
β) L’A.O.R.L. une association d’anciens combattants ?
Conclusion
Chapitre 8 : La fin d’un modèle
I)Il y a-t-il encore de la place pour les réservistes dans l’armée ?
A)1958-1996 : Une armée qui ne cesse d’être réformée
α) Les différentes réformes de l’armée
β) La perception de la modernisation de l’armée à l’A.O.R.L.
γ) Repenser les liens entre l’active et la réserve pour perdurer
1. Un nouveau statut pour les officiers de réserve ? :
2. Les officiers « appelés » :
B)Des réservistes toujours aptes à faire la guerre
α) L’A.O.R.L. et la menace soviétique
β) La guerre du Golfe : ils étaient prêts.
γ) Des réservistes toujours sur le terrain : La guerre en ex-Yougoslavie.
1. La guerre commentée par l’A.O.R.L.
2. Des réservistes sur le terrain
II)La menace disparaît, les officiers de réserve aussi.
A)La suspension du service militaire
α) Genèse et réforme de 1997.
β) L’A.O.R.L. et la fin du service militaire : vénérer une relique.
B)…induit de nouvelles formes de réserve.
α) La réflexion autour du nouvel emploi des réservistes : le plan « Réserves 2000 ».
β) La réforme des réserves de 1999.
γ) Une association qui peine à survivre.
1. Perdurer dans les années 1990
2. Des perspectives envisagées ?
3. Quoiqu’il en coûte, l’A.O.R.L. doit rester le lien entre l’armée et la nation.
Conclusion
CONCLUSION
PRÉSENTATION DES SOURCES
Le Bulletin de l’Association des officiers de Réserve de Lyon.
La revue de presse
L’Officier de Réserve.
Les sources législatives
Les sources audiovisuelles
Le site Mémoire des Hommes
Sources orales
BIBLIOGRAPHIE
SITOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE 1 : Les membres du bureau de l’A.O.R.L. 1953-1999
ANNEXE 2 : U.N.O.R. : Insigne et Présidents 1954-2004
ANNEXE 3 : Liste des lieux des congrès de l’UNOR 1950 – 2000
ANNEXE 4 : Exemple d’un programme de congrès U.N.O.R.
ANNEXE 5 : Liste des Présidents de la C.I.O.R.
ANNEXE 6 : Liste des lieux où se tiennent les congrès de la C.I.O.R.
ANNEXE 7 : Exemple d’un programme d’un Congrès C.I.O.R.
ANNEXE 8 : Nouvelles couvertures successives du Bulletin
ANNEXE 9 : Archive d’articles du journal Le Monde au sujet de la démission du Président National Weissmann
ANNEXE 10 : Limite d’âge des officiers de réserve dans les cadres décret du 22 mai 1967
ANNEXE 11 : Le Curriculum Vitae court d’Etienne Tissot
ANNEXE 12 : Plaquette de présentation du bal du 60e anniversaire de l’A.O.R.L. en 1980
ANNEXE 13 : Invitation pour le Gouverneur Militaire de Lyon au bal de l’A.O.R.L.
ANNEXE 14 : Photographies d’archives de l’A.O.R.L.

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *