Étude du couplage entre diffusion d’eau et comportement mécanique de matériaux composites en milieu marin

Transition énergétique & développement de la filière renouvelable

Cette section ne vise pas à prendre part dans un sujet qui dépasse le cadre de ces travaux de thèse, mais de positionner le contexte politique et économique qui gravite autour du domaine d’application de ce projet, pour mettre notamment en évidence l’évolution des filières énergétiques renouvelables.
La transition énergétique et les défis climatiques sont au cœur des débats nationaux et internationaux, notamment à travers des successions de COP (Conférences des Parties). Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de trouver des sources d’énergies non fossiles, les moyens de production d’électricité renouvelables sont plus que jamais mis en lumière. La trajectoire française, notamment depuis 2015 avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) , avait pour principaux objectifs de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, sa consommation énergétique, et de rééquilibrer le mix énergétique en diminuant la part du nucléaire à 50% en 2025 et en portant la part des énergies renouvelables à près d’un tiers (32%) de la consommation finale brute d’énergie en 2030. En 2020, la part des énergies renouvelables était de 13,1% , composée à majorité d’hydraulique renouvelable. Ces installations sont principalement installées dans le quart Sud-Est de la France où près de 90% de ce type d’énergie est produite à travers différents types de centrales (de lac, au fil de l’eau, éclusées) d’après le bilan électrique 2019 publié par RTE . Parallèlement, depuis 2006, la part de l’éolien, encore très peu développé en France, s’accroît, pour devenir la 2ème source de production d’énergie renouvelable.

La présence des composites dans les énergies marines renouvelables

Evoluant en milieu marin, les dispositifs de récupération d’énergie en mer sont soumis à des conditions sévères environnementales (en termes d’humidité et de salinité) et de service. En effet, les éoliennes fonctionnent pour des vents compris entre 2 et 11 sur l’échelle de Beaufort, soit entre 10 km/h (3 m/s) et 90 km/h (25 m/s). Ainsi, celles-ci peuvent être mises en rotation à partir de 10 à 15 km/h, mais ne fonctionnent qu’à plein régime à 45 km/h (12 m/s). Enfin, les rotors, actionnés par une girouette, se coupent aux alentours 90 km/h en se positionnant face au vent pour préserver l’intégrité électromécanique de la structure.
De ce fait, le choix des matériaux utilisés pour résister à ces conditions durant une durée de vie estimée entre 25 et 30 ans, est primordial pour équiper ces « moulins à vent XXL ». A Saint-Nazaire, ce sont 80 éoliennes Haliade 6 MW de 125 m de hauteur (dont 100 m au-dessus de l’eau), composée de 3 pales de 73,5 mètres de long, qui verront le jour courant 2022. La masse des composants est répartie de la manière suivante : 32,5 tonnes par pale, 360 tonnes pour l’ensemble nacelle et génératrice et 400 tonnes pour le mat. C’est donc plus de 850 tonnes de matériaux nécessaire à la fabrication de chacune de ces éoliennes, 1500 tonnes si l’on prend en compte les fondations associées .
Sur ce type de structure, on retrouvera principalement de l’acier pour la partie mat et nacelle, revêtues de peintures anticorrosion, assurant la tenue mécanique et une stabilité accrue, afin de limiter les phénomènes de résonances induits par le vent ou les vagues pouvant interagir avec la structure métallique et ses fondations.
Les pales quant à elles sont composées de différents matériaux, principalement tournés autour de matériaux composites. Ceux-ci résistent à la corrosion et présentent un rapport masse / propriétés mécaniques très intéressant . le matériau composite est constitué d’une matrice (ici en gris clair) et de renforts (en noir). Alors que ces derniers confèrent les bonnes propriétés mécaniques du composite, la matrice assure la cohésion entre les fibres.
Dans le cadre des EMR, on retrouve principalement des fibres synthétiques, qui ne sont pas sujettes à un vieillissement humide comme peuvent l’être les fibres naturelles.  Au sein de la famille des fibres synthétiques, on retrouve les fibres de verre, qui représentent 90% des composites utilisés dans une pale tandis que les 10% restants sont attribués à l’utilisation de fibres de carbone, présentant de meilleures propriétés mécaniques mais également un coût supérieur .

L’industrie navale : des sports & loisirs à la défense

L’apparition des pièces en composite en milieu marin ne se limite pas aux énergies marines renouvelables. Un des secteurs en essor ces dernières années n’est autre que le secteur naval dans lequel on peut les retrouver sous différentes formes, pour des applications bien précises. En effet, si l’allègement et la résistance à la corrosion sont les principales qualités des matériaux composites, on peut également apprécier les bonnes propriétés acoustiques, recherchées dans le domaine de la défense pour les sous-marins nucléaires. D’autre part, hors de l’eau, ou de manière semi-immergée, les foils inondent le marché de la voile et des sports de glisse. S’ils étaient encore peu utilisés au début du siècle, la maîtrise technologique liée à la mise en œuvre de pièces composites complexes a permis l’essor de ces bras sous-marins. Ces foils permettent notamment de diminuer les zones de contact eau/structure et de ce fait, d’optimiser la vitesse de la structure à des régimes de vent plus faibles. Ainsi, différents sports ont émergés par la naissance et la démocratisation du foil : le Matrix Fibres  kite-foil, le wing-foil reprenant le concept du kitesurf et du wingsurf (planche à voile) ou plus simplement le surf-foil ou paddle-foil sans la partie voilerie . Sur des plus grosses structures, de 60 pieds et plus, on retrouve également ces foils sur les IMOCA (International Monohull Open Class Association) du Vendée Globe depuis 2016, On retrouve des sollicitations mécaniques multiaxiales importantes (vibrations, chocs, etc.) nécessitant une conception, une mise en œuvre et une utilisation de matériaux composites à hautes performances . Là encore, une meilleure compréhension des phénomènes couplés (eau et chargement mécanique) est à apporter.

Vieillissement des matériaux composites en milieu marin

Pendant leur mise en service, les composites sont soumis à des facteurs environnementaux (milieu, conditions de service) qui peuvent altérer leur durabilité via une modification des propriétés physiques ou chimiques . On parle ici de vieillissement. Il est possible de distinguer différents types de vieillissements qui affectent principalement la matrice (époxy dans le cas de cette étude) à travers des modifications structurales spécifiques. Le vieillissement physique de manière générale peut se traduire par une altération des propriétés d’utilisation du composite sans modification chimique à l’échelle moléculaire ou macromoléculaire. Différents phénomènes peuvent être à l’origine. Les phénomènes de transport via l’absorption de solvant ou la migration d’adjuvants (perte de masse) sont source de vieillissement. Celui-ci se traduit généralement par un gonflement du polymère et par une plastification du réseau qui engendre des modifications du comportement mécanique du composite . On observe fréquemment une diminution de la température de transition vitreuse ou Tg, marqueur de cette plastification.
Une première explication serait l’apparition d’une modification de la structure de la macromolécule dans le temps (volume libre, orientation des chaînes et relaxation de contrainte). On parle de relaxation structurale ou de vieillissement par relaxation structurale (VRS). Les travaux de thèse de Elkebir indiquent que le VRS ne conduit pas forcément à une diminution des propriétés mécaniques, et qu’en optimisant ce vieillissement, il est possible d’obtenir des propriétés élastiques supérieures au même titre qu’une augmentation de la contrainte au haut seuil de plasticité. Il est important de noter que ce type de vieillissement ne conduit pas à une modification de la structure chimique mais consiste uniquement en une réorganisation interne des chaînes macromoléculaires, et est directement lié au volume libre du matériau.

Couplage hygromécanique

La finalité de ces travaux de thèse porte sur l’étude du couplage hygromécanique. Beaucoup d’études se sont penchées sur cette thématique au sens large, cependant des précisions s’imposent. En effet, il faut distinguer vieillissement humide et couplage hygromécanique. Le couplage hygromécanique représente une interaction entre le comportement diffusif et comportement mécanique, ici appliqué aux matériaux composites. Ce schéma indique qu’une diffusion d’eau peut modifier la physico-chimie d’un matériau à matrice organique (hydrophile), et, de manière réversible, qu’un chargement mécanique peut impacter le comportement diffusif de ce dernier.
L’étude du couplage hygromécanique (expérimentale ou numérique) devrait donc inclure la boucle complète. Evidemment, avant de développer des bancs d’essais ou des modèles numériques poussés, il est nécessaire de maîtriser les comportements diffusifs et mécaniques de manière séparée. Dans les sections suivantes, un éventail des travaux de la littérature sur le couplage hygromécanique sera détaillé afin de poser les verrous expérimentaux et numériques gravitant autour de cette thématique.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
Chapitre 1 : Contexte industriel et positionnement scientifique
1. Enjeux industriels et verrous techniques : les polymères & composites dans les énergies marines et le naval
1.1. Les énergies marines renouvelables : un secteur en essor
1.1.1. Transition énergétique & développement de la filière renouvelable
1.1.2. Les EMR à l’image de l’éolien offshore, le vent en poupe
1.1.3. La présence des composites dans les énergies marines renouvelables
1.2. L’industrie navale : des sports & loisirs à la défense
1.3. Présentation du projet CEAUCOMP
2. Etat de l’art & positionnement scientifique
2.1. Vieillissement des matériaux composites en milieu marin
2.1.1. Diffusion d’eau au sein des polymères
2.1.2. Influence du vieillissement sur les composites à matrice époxy
2.2. Comportement mécanique à long terme
2.2.1. Modélisation du comportement à long terme
3. Etudes sur la viscoélasticité
3.1. Principe de Superposition Temps-Température
3.2. Couplage hygromécanique
3.2.1. Aspect expérimental
3.2.2. Approche numérique du couplage hygromécanique
4. Conclusion du chapitre
Références bibliographiques du chapitre 1 
Chapitre 2 : Matériaux et méthodologie d’étude
1. Introduction du chapitre
2. Choix des matériaux, des conditions de vieillissement et caractérisations initiales 
2.1. Choix des matériaux d’études
2.1.1. Résine époxy
2.1.2. Composites verre et carbone époxy
2.1.3. Eprouvettes composites en « loop »
2.2. Caractérisations initiales
2.2.1. Contrôle dimensionnel des éprouvettes
2.2.2. Analyses microscopiques
2.2.3. Analyses thermiques
2.3. Choix des conditions de vieillissement
3. Moyens d’essais et développements expérimentaux
3.1. Caractérisations hygro-élastiques
3.1.1. Conditionnement en phase de désorption / sorption
3.1.2. Suivi gravimétrique
3.1.3. Dilatométrie laser
3.2. Essais mécaniques quasi-statiques.
3.2.1. Essais de traction et corrélation d’images
3.2.2. Essais de fluage sur machine de traction universelle
3.3. Essais couplés
3.3.1. Cahier des charges et choix de l’instrumentation
3.3.2. Développement final des essais in situ
4. Conclusion du chapitre
Références bibliographiques du chapitre 2 
Chapitre 3 : Comportement hygro-élastique de matériaux composites à matrice époxy
1. Introduction du chapitre 
2. Diffusion de l’eau au sein des matériaux composites 
2.1. Suivi gravimétrique
2.1.1. Essais gravimétriques macroscopiques
2.1.2. Cinétiques de diffusion et modèles diffusifs associés
2.2. Dilatation hygroscopique
2.2.1. Mesures laser du gonflement hygroscopique
2.2.2. Détermination du coefficient de gonflement hygroscopique
2.2.3. Dilatation hygroscopique hors plan
2.3. Etude hygro-élastique en conditions environnementales cycliques
2.4. Analyse des contraintes induites par une diffusion d’eau au sein de matériaux époxydiques
3. Influence du vieillissement humide sur le comportement mécanique quasi-statique et physico-chimique des composites à matrice époxy 
3.1. Détermination des stades de vieillissement
3.2. Conséquences du vieillissement humide sur le comportement mécanique des matériaux d’étude
3.2.1. Essais mécaniques sur résine
3.2.2. Influence du type de vieillissement sur le comportement mécanique de la résine
époxy
3.2.3. Essais mécaniques sur matériaux composites
4. Conclusion du chapitre
Références bibliographiques du chapitre 3 
Chapitre 4 : Comportement hygro-viscoélastique : influence du vieillissement sur le comportement en fluage de matériaux composites à matrice époxy
1. Introduction du chapitre 
2. Caractérisation expérimentale du comportement viscoélastique 
2.1. Caractérisation en fluage en traction uni-axiale
2.1.1. Détermination des niveaux de chargement
2.1.2. Essais de fluage à l’état sain
2.1.3. Paliers de fluage sans histoire mécanique
2.2. Conséquence d’un vieillissement humide sur le comportement en fluage
2.2.1. Essais de fluage à différents stades de vieillissement
2.2.2. Evolution de la déformation résiduelle et étude de l’endommagement
3. Modélisation viscoélastique 
3.1. Viscoélasticité linéaire et modèles rhéologiques
3.1.1. Modèles rhéologiques classiques et leurs dérivés
3.1.2. Détermination d’un modèle rhéologique adapté
3.2. Analyses du modèle de Burgers
3.2.1. Evolution des paramètres du modèle de Burgers
3.2.2. Conséquence du vieillissement humide sur ces paramètres
3.2.3. Détermination des paramètres de Burgers pour des cas de vieillissement et chargement intermédiaires
4. Simulations par éléments finis d’essais de fluage à différents stades de vieillissement 
4.1. Description du problème éléments finis
4.2. Etude numérique du fluage
4.2.1. Simulations viscoélastiques sans diffusion d’eau
4.2.2. Simulations viscoélastiques couplées à une diffusion d’eau
5. Conclusion du chapitre
Références bibliographiques du chapitre 4 
Chapitre 5 : Comportement en fluage à long-terme et couplages hygro-mécaniques
1. Introduction du chapitre 
2. Essais de fluage à long terme 
2.1. Fluage en air
2.2. Fluage en immersion
2.3. Modélisation du comportement en fluage à long terme
2.3.1. Application et analyses du modèle de Burgers sur le fluage temps long
2.3.2. Prédiction du comportement à long terme à partir d’essais de fluage temps court
3. Etude du couplage hygromécanique appliquée aux éprouvettes loop
3.1. Caractérisation des loops
3.1.1. Suivi gravimétrique et identification diffusive
3.1.2. Comportement mécanique quasi-statique
3.2. Mode opératoire lié aux bancs d’essais couplés
3.3. Résultats de l’étude du couplage hygromécanique
3.3.1. Fluage sur loop en air
3.3.2. Fluage sur loop en immersion
4. Conclusion du chapitre
Références bibliographique du chapitre 5 
CONCLUSION GÉNÉRALE & PERSPECTIVES D’ÉTUDES

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