Thermoplastiques renforcés en fibres de verre courtes

Généralités sur les polymères

Les polymères sont des macromolécules formées par des enchaînements covalents d’un grand nombre de motifs élémentaires, appelés monomères. Les monomères sont des groupements d’atomes autour d’un atome de carbone ou de silicium (cas des silicones). On peut distinguer les polymères d’origine naturelle (les protéines, l’ADN, le latex), les polymères artificiels obtenus par réaction chimique à partir de matériaux naturels (tels que le caoutchouc naturel, obtenu par vulcanisation du latex), et les polymères synthétiques qui représentent aujourd’hui 90 % du marché. Par exemple, le polyamide 66 est synthétisé par polycondensation (élimination d’eau) de l’acide adipique avec l’hexaméthylènediamine (HMDA) .
Les polymères sont omniprésents dans la vie courante. Si certains, d’origine naturelle, sont connus et utilisés depuis des millénaires (le latex, le coton, la laine), il faut attendre la révolution industrielle et la découverte par Charles Goodyear en 1839 du procédé de vulcanisation pour assister à leur émergence en laboratoire. Les frères Hyatt inventent le celluloïd en 1870 (remplaçant de l’ivoire pour les boules de billard, puis appliqué aux support des pellicules argentiques), Baeckland synthétise la bakélite en 1907 (utilisée pour les boîtiers de radios, ustensiles de cuisine. . .), DuPont de Nemours brevète le nylon – nom commercial du polyamide – en 1938 et connaît un succès mondial avec l’application aux fameux bas-nylon. Au sortir de la seconde guerre mondiale, les polymères connaissent un développement industriel massif et envahissent le quotidien. Au fur et à mesure des découvertes s’agrandit le champ d’application des matériaux polymères et ces derniers sont aujourd’hui utilisés dans de nombreux secteurs :
l’emballage (25 % des débouchés en valeur), exploitant la bonne résistance au vieillissement et les propriétés de barrière chimique de nombreux polymères : bouteilles plastiques en PET, sacs et sachets en polystyrène. . . ;
le bâtiment (18 % des débouchés) : fenêtres en PVC, équipements sanitaires. . . ; la mise en forme de tuyaux (polypropylène), plaques, films, profilés (14 % des débouchés) : industrie lourde très capitalistique qui alimente les entreprises des secteurs précédents en produits de base ;
les pièces techniques (37 % des débouchés), avec notamment une forte part de l’industrie automobile en pleine croissance, mais aussi de l’aéronautique, du médical, de l’électronique, des articles de sports et loisirs. . . Parmi les avantages des matériaux plastiques, on retiendra leur facilité de mise en forme, leur importante raideur spécifique lorsqu’ils sont renforcés, ainsi que leurs propriétés isolantes ;
les articles de consommation courante (7 % des débouchés) : textiles (fibres de polyamide et de polyester), articles de bureau, ustensiles divers. . .

Chimie des polymères

Cette grande diversité d’applications s’explique par la grande variété de propriétés physiques des polymères. Pour mieux comprendre leur origine, intéressons-nous à la structure chimique des polymères. Il existe plusieurs façons de classifier les matériaux polymères, nous choisissons ici de les classifier en fonction de l’échelle d’observation .
Échelle moléculaire : L’atome de base le plus couramment rencontré dans les chaînes polymériques est le carbone. Ainsi, les monomères de base (extraits lors du raffinage du pétrole) sont très souvent des assemblages simples de fonctions hydrocarbures, aldéhydes, cétones, amides ou benzène. D’autres atomes peuvent composer la trame de la chaîne primaire : on trouve ainsi des atomes d’oxygène pour les polyéthers (éléments C–O–C), ou d’azote pour les polyamides (éléments C–N–C). Des atomes (chlore, fluor, phosphore, etc.) ou des groupements moléculaires plus complexes peuvent composer des radicaux liés à la chaîne principale.
Les atomes de la chaîne polymérique sont liés par des liaisons covalentes (simples, doubles voire triples). Ces liaisons sont fortes (elles nécessitent un apport énergétique élevé pour être rompues) et directionnelles. Le degré de valence d’un atome ou le nombre de fonctionnalité d’un monomère conditionne alors le type de structure polymérique réalisable : linéaire dans le cas d’éléments bifonctionnels, avec des ramifications dans le cas d’éléments de fonctionnalité plus élevée intercalés dans de longues séquences linéaires, voire tri-dimensionnelles avec de nombreux éléments tri- ou quadri-fonctionnels. Nous constatons ainsi que l’organisation moléculaire conditionne la structure macro-moléculaire, ce que nous allons décrire par la suite.
Échelle macromoléculaire : A l’échelle macromoléculaire, nous pouvons tout d’abord distinguer les homopolymères, assemblés à partir du même monomère, et les copolymères, formés à partir d’au moins deux monomères différents. Ces copolymères seront dits alternés, séquencés, statistiques ou ramifiés suivant le type d’enchaînement des monomères de base.
Dans le cas des polymères linéaires, la tacticité ou stéréo-isomérie permet ensuite de caractériser plus finement le type de séquençage, suivant la position géométrique relative des monomères (radicaux toujours du même côté de la chaîne principale : isotacticité, positionnés de façon alternée: syndiotacticité, ou de façon aléatoire : atacticité). Cette régularité configurationnelle de l’agencement des monomères pour former la chaîne polymérique est importante, car elle pilote notamment la capacité de cristallisation.

Déformation des sphérolites

A l’échelle des sphérolites, les modes de déformation évoqués ci-dessus se traduisent par un mécanismes plus global d’aplatissement . Cet aplatissement peut être homogène et réversible ou bien localisé dans des zones particulières, et alors souvent irréversible.
Dans le premier cas, qui n’est valable qu’aux faibles contraintes, il faut comprendre que seule la phase amorphe se déforme, par cisaillement interlamellaire voire par accompagnement de mouvement d’ensemble des blocs lamellaires. Dans le second cas, les mécanismes de déformation se font aussi bien
dans la phase amorphe interlamellaire que dans la phase cristalline. On distingue alors plusieurs zones dans le sphérolite :
les zones polaires, où les lamelles sont orientées dans une direction proche de l’axe de traction, sont les premières sollicitées. On y observe une fragmentation des cristaux ainsi qu’un basculement global des cristaux dans la direction de traction ;
les zones équatoriales présentent une séparation interlamellaire accommodée par la phase amorphe qui est soumise localement à de fortes déformations, ainsi que de possibles glissements transverses dans la phase cristalline ;
les zones diagonales sont le siège de mécanismes de cisaillement qui provoquent à la fois des glissements cristallins le long de l’axe des chaînes ainsi qu’un cisaillement de la phase amorphe liée. Ces glissements locaux se traduisent par un alignement progressif des lamelles dans la direction de traction.

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Modélisation du comportement de la matrice polyamide 66

Nous avons décrit quels sont les modes principaux de déformation des polymères semi-cristallins. La matrice thermoplastique du composite que nous étudions peut donc subir tout un panel de déformations microstructurales au cours d’un chargement mécanique. Certains de ces mécanismes sont irréversibles à l’échelle locale (plasticité cristalline), et peuvent donc potentiellement entraîner des déformations résiduelles à l’échelle de la structure macroscopique. Les mécanismes de reptation ou de changement conformationnel des chaînes de la phase amorphe 6, qui font intervenir des ruptures de liaisons intermoléculaires (liaisons faibles), s’apparentent davantage à des phénomènes visqueux, partiellement ou totalement réversibles. En effet, s’ils présentent des temps de réponse liés à la fréquence de passage d’un état énergétique à l’autre, le retour à l’état non contraint après application d’une sollicitation laisse penser que le réseau macromoléculaire continue de se réorganiser pour retrouver un état énergétique minimal. Enfin, des mécanismes d’endommagement (cavitation de la phase amorphe interlamellaire, crazing, fragmentation lamellaire) à l’échelle locale sont susceptibles d’altérer les propriétés mécaniques macroscopiques.
Par ailleurs, nous avons pu constater l’importance de la température sur la phase amorphe (transition vitreuse entre comportement vitreux ou caoutchoutique) aussi bien que sur la phase cristalline (cristallisation ou fusion, activation de la plasticité). Nous avons également évoqué le rôle important joué par la teneur en humidité sur les caractéristiques de la réponse mécanique dans le cas des polyamides. Nous pouvons donc anticiper la forte dépendance du comportement mécanique de la matrice polyamide 66 à l’environnement thermique et hygrométrique.

Modélisation de l’interface fibre-matrice et endommagement

Jusqu’ici, dans tous les modèles micromécaniques que nous avons évoqués, les interfaces fibre matrice ont été implicitement supposées parfaites. Or, même si les fabricants de matière plastique prennent soin d’ajouter des additifs permettant d’améliorer l’adhésion entre la matrice et les fibres, une description rigoureuse et complète du comportement d’un composite renforcé en fibres courtes doit modéliser le comportement et l’endommagement de l’interface fibre-matrice.
La littérature permet de mettre en évidence une influence forte de la température sur les modes de rupture en traction uniaxiale, ce qui s’explique tout d’abord par la moins bonne adhérence de l’interface lorsque la température augmente, puis par la différence de comportement de la matrice thermoplastique. La présence de fibres partiellement mises à nu sur les faciès de rupture permet de mettre en évidence l’endommagement de l’interface, et les extrémités des fibres sont considérées comme des sites propices d’amorçage de microfissures par décohésion et cavitation locale. Il paraît ainsi difficile de s’affranchir de la modélisation de l’interface et de la supposer a priori parfaite, même dans le cas où l’on ne s’intéresse pas à la rupture du matériau. Nous présentons ici rapidement la façon de tenir compte de l’évolution des propriétés interfaciales dans un modèle micromécanique.
La rupture de l’interface fibre-matrice est considérée comme une variable aléatoire qui suit classiquement une loi de Weibull, fonction de la tension subie par les fibres, ou bien d’une combinaison entre la tension des fibres et le cisaillement de la matrice. Il est alors possible de modéliser les fibres ayant subi cette décohésion comme une troisième phase du matériau composite. Ju et al. proposent de travailler avec du vide remplaçant les fibres dont l’interface est endommagée pour construire le comportement effectif. Leurs travaux sont appliqués à des composites à fibres longues ou à fibres courtes unidirectionnellement alignées, avec une homogénéisation pour un matériau triphasique non linéaire (matrice élastoplastique, fibres élastiques, fibres rompues).
Baptiste, dans sa revue sur la micromécanique des composites à fibres courtes, propose une modélisation similaire où les fibres rompues sont remplacées par des micro-fissures perpendiculaires à l’axe de traction. Le modèle d’homogénéisation est appliqué à une matrice d’aluminium renforcée en fibres courtes de silicate et présente une très bonne corrélation avec les essais expérimentaux. En plus de l’effet de la qualité de l’interface sur le comportement effectif, Baptiste indique la forte influence de la distribution des fibres dans le composite (uniformément réparties ou bien sous forme de clusters) sur le comportement mécanique : la présence d’amas de fibres peut fortement dégrader les propriétés mécaniques du composite.

Table des matières

Introduction 
I Comportement 
1 Étude bibliographique 
1.1 Les matériaux polymères
1.2 Mécanismes physiques de déformation des thermoplastiques semi-cristallins
1.3 Modélisation du comportement des thermoplastiques renforcés
2 Analyse de sollicitations 
2.1 Modèle thermique
2.2 Modèle thermo-hygrométrique
3 Modélisation du comportement cyclique 
3.1 Analyse mécanique
3.2 Équations constitutives
3.3 Sources de dissipation et auto-échauffement
3.4 Discussion
4 Influence des conditions environnementales sur le comportement mécanique 
4.1 Identification et validation thermo-hygrométrique du modèle
4.2 Influence de l’humidité sur la température de transition vitreuse
4.3 Équivalence température-humidité
4.4 Dépendance des paramètres matériaux à l’environnement
5 Distribution d’orientation des fibres et comportement 
5.1 Distribution et tenseurs d’orientation
5.2 Influence de la microstructure sur les propriétés élastiques
5.3 Influence de la microstructure sur les propriétés viscoplastiques
5.4 Validation de la prise en compte de la microstructure sur la réponse mécanique
6 Validation sur structures 
6.1 Principe de la chaîne de calcul numérique
6.2 Éprouvettes de fatigue
6.3 Répartiteur d’air à l’admission
II Tenue en fatigue 
7 Étude bibliographique 
7.1 Introduction au phénomène de fatigue
7.2 Mécanismes d’endommagement des thermoplastiques renforcés en fibres courtes
7.3 Paramètres influents sur la tenue en fatigue
7.4 Critères proposés dans la littérature pour les thermoplastiques chargés
8 Proposition d’un critère de fatigue multiaxiale 
8.1 Analyse d’essais de la littérature
8.2 Application des critères classiques
8.3 Discussion : vers un critère énergétique
9 Critère de fatigue énergétique 
9.1 Identification du critère
9.2 Application et validation sur structures
9.3 Discussion autour du critère énergétique
Conclusions générales & Perspectives 
Bibliographie 
A Eprouvettes utilisées 
A.1 Éprouvettes pour la caractérisation du comportement cyclique
A.2 Éprouvettes pour l’étude de la réponse anisotrope .
A.3 Éprouvettes de fatigue
B Intégration numérique des équations du comportement 
B.1 Schéma implicite et méthode de Newton locale
B.2 Résultats issus de la méthode de Newton
B.3 Cas des éléments coques en contraintes planes
B.4 Décomposition énergétique
C Liste des publications scientifiques

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