ÉVALUATION DES ÉLÈVES

ÉVALUATION DES ÉLÈVES

ÉVALUATION ET DIDACTIQUE : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Ce premier paragraphe vise à préciser les termes que nous employons par la suite et à les situer non seulement dans le champ de l’évaluation, mais aussi dans celui de la didactique des mathématiques, en nous référant aux travaux existants.

Qu’évalue-t-on ? Comment ? Dans quels buts ?…

Les définitions de la notion d’évaluation prolifèrent, « chaque auteur en propose une, si ce n’est la sienne propre » (Figari & Remaud 2014, p.39). Nous avons donc choisi de ne pas en faire une revue, d’autant qu’elles ne sont pas toutes formulées dans un contexte d’enseignement, mais plutôt de nous centrer sur celles déjà exploitées dans des travaux en didactique des mathématiques et sur celles qui nous permettent de préciser notre questionnement.

Des définitions de l’évaluation

Dans une des premières recherches sur l’évaluation en didactique des mathématiques, Chevallard & Feldmann (1986) s’appuient sur Noizet et Caverni (1978) pour définir l’évaluation comme « un acte par lequel, à propos d’un évènement, d’un individu ou d’un objet, on émet un jugement en se référant à un (ou plusieurs) critère(s), quels que soient ces critères et l’objet du jugement », puis sur celle de De Landsheere (1979) qui perçoit l’évaluation comme « le processus systématique visant à déterminer dans quelle mesure les objectifs éducatifs sont atteints par les élèves ». Ces deux premières définitions soulèvent ainsi la question du jugement relativement à une norme, définie ici en termes de critères ou d’objectifs à atteindre. Bodin (1997), ajoute une dimension différente de celle de jugement, celle du traitement de ces informations, en proposant la définition suivante, qu’il qualifie de « minimale » : « Évaluer suppose d’organiser et d’étudier des situations permettant de recueillir des informations qui, après traitement, soient susceptibles de révéler quelque chose de fiable et de substantiel sur la « valeur » d’un « objet » ». Bodin (1997, p. 60) Nous retrouvons les trois étapes (recueillir, étudier, traiter) caractérisant le processus d’évaluation chez De Ketele (1989) pour qui évaluer signifie : « Recueillir un ensemble d’informations suffisamment pertinentes, valides et fiables ; d’examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux objectifs visés au départ ou ajustés en cours de route ; en vue de prendre une décision évaluative. » De Ketele (1989) Cette définition questionne la qualité même des informations récoltées à partir des situations d’évaluation évoquées par Bodin et soulève des questions relatives à la fidélité, la pertinence et la fiabilité des évaluations ; nous définirons par la suite ces trois critères pour les dispositifs d’évaluations externes. Retenons une dernière définition, donnée par De Peretti & al. (1998), différente des précédentes, mais qui nous semble complémentaire puisqu’elle prend en compte la relation entre l’élève et l’enseignant et s’appuie sur l’étymologie du terme « évaluation » : « comme celui d’une incitation délibérée à faire sortir des valeurs », à valoriser. Il s’agit alors clairement d’une visée d’encouragement des élèves dans leur travail, établissant au voisinage de l’enseignant un climat de confiance : en vue de soutenir et de rythmer, chez les enseignés, les efforts d’apprentissage, de savoir faire et d’obtention du savoir, en se protégeant de tout laxisme.» De Peretti & al. (1998, p. 474) Nous rejoignons Reuter & al. (2013, p.101) sur le fait que, quelle que soit la définition que l’on choisit elle reste large et montre que l’évaluation « n’est pas initialement une notion didactique » ; ce que Chevallard (1999) considère positivement, « l’évaluation scolaire gagne à être saisie comme une spécification de la notion générique d’évaluation.»

Évaluer pour juger, évaluer sans juger…

Si la seule définition de Noizet et Caverni (1978) que nous avons citée réfère à un quelconque « jugement », Bodin (1997) soulevait lui aussi cette question : « évaluer pour juger ou évaluer pour aider ? ». En évaluation et en docimologie, la formulation d’un jugement de valeur est une des finalités qui est souvent assignée à l’évaluation (Figari & Remaud 2014, p.42). Comme l’expliquent Figari et Tourmen (2006), ce jugement renvoie à la mise en relation et à la comparaison entre des données (des référés) et un référent, une «information choisie en référence, qui peut être constituée par un idéal ou une norme, mais aussi par un niveau, un élément de comparaison particulier, non normatif. » Que l’on définisse le référent comme un idéal ou plus largement comme un élément de comparaison, c’est en se référant à lui que l’interprétation des données sera menée et conduira à un jugement évaluatif. Pour notre travail, la définition de ce référent, intrinsèque à l’évaluation, joue un rôle central et crucial puisque c’est par rapport à lui que le contenu des évaluations est défini (ou analysé) ; nous y reviendrons dans le paragraphe IV.1 de ce chapitre. Cardinet (1989) défend, dans son article « évaluer sans juger », un autre point de vue : celui d’une évaluation descriptive, sans jugement, sans comparaison entre groupes d’élèves, qui respecte l’élève, dans le sens où elle se doit « d’être compatible avec une relation éducative » (ce qui n’est guère le cas avec les notations chiffrées ou les appréciations les accompagnant parce qu’« elles transforment 12 l’élève en objet »). Notons que ce point de vue est aussi partagé par Van den Heuvel-Panhuizen (2005) dans l’évaluation en mathématiques ; elle insiste sur le fait que l’évaluation doit être juste (« fair ») et se faire avec « respect » pour l’élève. Cardinet (1989) précise ensuite que : « la nouvelle définition proposée pour l’évaluation est issue de l’analyse de système, qui fait d’un processus d’évaluation efficace, la condition de fonctionnement essentielle de tout ensemble régulé : l’évaluation est l’apport d’informations en retour sur le résultat des actions passées, qui permet au sujet d’adapter la suite de ses actions, par rapport à son but. Vue dans cette perspective, l’information concernant la réussite ou l’échec de son projet est, pour l’enfant, une évaluation essentielle, celle sur laquelle se construit sa connaissance du monde, selon Piaget. » Cardinet (1989, p. 51) Le « jugement » ou l’échelle de valeur qui pourrait être donné à partir d’une évaluation disparait puisque le retour à l’élève consiste uniquement en un apport d’informations, et donc n’est pas porteur de jugement. C’est dans cette perspective que nous situons la conception de notre évaluation diagnostique : il ne s’agit pas de comparer la production de l’élève avec celles des autres, mais de repérer, selon les réponses données, ses praxéologies apprises par rapport à une référence.

La question de la mesure

Qu’elle prenne la forme d’une note dans les évaluations menées en classe par l’enseignant ou lors d’examens terminaux (comme le Diplôme National du Brevet ou le baccalauréat) ou la forme de scores (par élève, par pays, etc.) dans les évaluations externes nationales ou internationales, la mesure intervient dans de multiples dispositifs d’évaluations. Question vive dans les débats actuels sur l’éducation, la remise en question de la note remonte au début du XXème siècle et correspond en France aux premiers travaux en docimologie menés par Piéron en 1922 (Piéron 1963). La note ne saurait d’ailleurs être objective vu les nombreux biais qui peuvent être imputés au système lui même, aux enseignants et aux élèves (Leclercq & al. 2004). L’étude menée par Chevallard & Feldmann en didactique des mathématiques en 1986 avait alors permis d’observer la répartition des notes obtenues par différents enseignants et d’aborder la question du « langage des notes » auprès de la classe, de l’établissement et des parents et d’interroger les négociations existantes autour des notes. Glaeser (1995) soulignait aussi les « effets pervers de la notation » et les liait à un « détournement des objectifs de l’enseignement ». Nous n’évoquons pas davantage la question des notes dans notre travail, mais nous introduisons un premier questionnement autour de la mesure, cette dernière occupant une place prépondérante dans les évaluations externes. En effet, pour toutes les évaluations menées nationalement ou internationalement, les résultats sont donnés en termes de performance, c’est à dire qu’ils sont issus d’un calcul statistique ou de l’utilisation d’un modèle probabiliste. Par ailleurs, l’idée de négociation développée par Chevallard & Feldmann (1986) autour des notes données par l’enseignant dans sa classe peut être transférée aux évaluations externes (Matheron 2012) ; ce que nous aborderons dans le paragraphe spécifique aux évaluations externes. 

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