Evolution clinique, mortalite et survie de la myasthenie auto-immune

La myasthénie auto-immune ou myasthenia gravis (MG) est une maladie autoimmune caractérisée par un bloc de la transmission de l’influx nerveux au niveau de la jonction neuromusculaire en post-synaptique, secondaire à la production d’autoanticorps dirigés principalement contre les récepteurs à l’acétylcholine (RAch) [1, 2]. Elle se traduit par la fatigabilité de la musculature striée [2, 3]. La MG est une maladie rare, avec une incidence de 8 à 10 cas par million d’habitants par an, et une prévalence de 150 à 250 par million d’habitants [2]. Les auteurs s’accordent sur l’existence de 2 pics de fréquences : un premier entre 20 et 40 ans où la femme est préférentiellement atteinte, et un second pic après 50 ans où les hommes sont le plus souvent affectés [1]. C’est une maladie qui existe partout dans le monde, pouvant toucher toutes les différentes ethnies .

La MG est grave car elle peut engager le pronostic vital surtout lors d’une atteinte des muscles respiratoires lors des crises myasthéniques [1], environ 15-20% des patients présenteront une crise myasthénique dans leur vie [3]. Dans 80% des cas, les crises myasthéniques surviennent avant 5 ans [9]. Généralement, la mortalité survient dans les 5 premières années après le diagnostic dans environ 20% des cas [4]. Tandis qu’il y a 50 ans, la mortalité liée aux crises myasthéniques était de 50 à 80 % [3]. La prise en charge symptomatique des crises repose sur l’utilisation des immunoglobulines et des échanges plasmatiques. Les corticoïdes et les immunosuppresseurs constituent les traitements de fond de la MG [10]. La rémission est possible sous traitement.

DISCUSSION

Forces et limites de l’étude

Notre étude avait pour objectifs de décrire l’évolution clinique de la myasthénie, le taux de mortalité et leur survie à deux ans sans et avec traitement afin d’améliorer sa prise en charge plus tard, et d’obtenir une base de données pour d’autres études ultérieures. Il s’agit d’une des rares études sur la myasthénie effectuée à Madagascar à notre connaissance. En vérifiant les thèses en ligne Malgache entre 2003 et 2017, les articles publiées sur google, pubmed et google scholar, en utilisant comme mots clés Antananarivo, Madagascar, myasthenia gravis ou myasthénie auto-immune, nous avons retrouvé 2 mémoires de spécialités et une thèse malgache en rapport avec le diagnostic et la prise en charge de la myasthénie [13, 14,15], un mémoire et une thèse malgaches en rapport avec la prise en charge d’un thymome lors de la myasthénie mais qui ne rapportaient que quelques cas voire un cas sur une courte période .

Cette étude nous a permis d’avoir une première base de données sur la myasthénie même si elle n’est pas représentative à l’échelle nationale. Elle nous a permis également d’actualiser nos connaissances sur les avancées actuelles de la myasthénie autoimmune. Cependant, la contrainte majeure était le contexte socio économique, c’est -à-dire l’inaccessibilité des examens sérologiques par la plupart de nos patients, c’est pourquoi nous n’avons pas mis dans les variables à étudier les types d’auto-anticorps retrouvés.

L’examen électromyographique (EMG) était absent pour confirmer le diagnostic. Dans la myasthénie,l’EMG est caractérisé par la présence de décrément du potentiel moteur sous l’effet de stimulations répétitives supra maximales à basse fréquence (2 à 5 Hz).Le décrément maximal survient entre le deuxième et le cinquième potentiel et doit être supérieur ou égal à 10 %.Ce test peut être complété par un test à la prostigmine qui entraine une amélioration franche du tracé chez le myasthénique.L’enregistrement du Jitter neuromusculaire par électromyographie en fibre unique est une technique récente plus sensible pour diagnostiquer un dysfonctionnement de la jonction neuromusculaire [1, 18].L’EMG permet de différencier la myasthénie avec le syndrome myasthénique de Lambert Eaton caractérisé par la présence d’une augmentation franche de l’amplitude du potentiel moteur après effort maximal ou incrément (> 50 % jusqu’à 400%) des réponses motrices sous stimulations répétitives à haute fréquence (20 à 50 Hz). Dans notre étude, le diagnostic de myasthénie a été posé cliniquement après le test positif à la prostigmine sans confirmation EMG.

Lors des collectes de données, une des difficultés rencontrées était l’absence de contact téléphonique figurant dans le dossier, ou l’invalidité du numéro de téléphone. C’est pourquoi, ils ont été exclus, alors que la myasthénie est déjà une maladie autoimmune rare dans le monde [2, 5]. Ceci explique le nombre de cas retrouvés dans notre étude. En plus, beaucoup de patients myasthéniques malagasy ne viennent pas à l’hôpital ou en consultation neurologique lorsque les premiers symptômes surviennent car les symptômes sont encore fluctuants au début. Jusqu’ici, l’USFR de neurologie constitue encore le seul centre de référence de la myasthénie à Madagascar.

Afin d’améliorer nos collectes de données, il faudrait bien remplir à l’avenir tous les renseignements sur l’état civil du patient, enregistré au moins deux numéros de téléphones pour que les patients ne soient plus perdus de vue dans leur suivi et dans l’évolution de la maladie. Il serait important également de préciser dans le dossier si le patient a été référé par un médecin, une autre personne, ou s’il est venu de lui-même. Il faudrait aussi inciter à ce que le patient et sa famille intègrent l’Association Myasthénie Madagascar.

Fréquence et caractères sociodémographiques

La fréquence hospitalière de la myasthénie est très faible dans notre étude par rapport aux autres données de la littérature.Par exemple, aux Etats-Unis [3], ils ont recruté 5 502 myasthenia gravis en 5 ans alors que nous n’avons eu que 25 nouveaux cas en 7 ans qui se rapproche de ceux de Mariem M et al[19] avec 44 cas de myasthénie généralisée en 8 ans en Tunisie. Aux Etats-Unis, ils ont une base de données nationale appelée « the Nationwide Inpatients Sample » ou NIS regroupant les données de 1000 hôpitaux dans le pays [3].A Madagascar, il est encore difficile de réaliser une étude sur la population entière pour estimer la prévalence et l’incidence de la myasthénie vue qu’elle est rare et méconnue par beaucoup de médecins, et que nous ne disposions pas encore d’un système de collecte de données nationale. C’est pourquoi, nous sommes encore restés sur sa fréquence hospitalière.

Mais, il n’est pas impossible de réaliser une étude sur l’ensemble du pays en prenant exemple sur Dakar-Sénégal. Leur équipe a essayé d’effectuer des consultations décentralisées de neurologie sur la myasthénie auto-immune au centre hospitalier national de Pikine dans la banlieue de Dakar-Sénégal [5]. En plus à Madagascar, le nombre de Neurologue est en train de s’accroitre et d’être réparti dans les autres provinces de Madagascar.L’idéal serait de faire un registre national pour pouvoir collecter les données comme celles effectuées dans les pays développés:DNRP ou Danish National Registry of Patients créer depuis 1977 pour Danemark ; NIS ou Nationwide Inpatients Sample pour les Etas-Unis ; Euromyasthenia – MYOBASE pour l’Europe.

Une prédominance féminine a été constatée dans notre étude. Cette prédominance avant l’âge de 40 ans est similaire à la littérature [1, 3, 5] ; par contre à cause du nombre de sujets que nous avons retenus, la prédominance féminine a été notée même à partir de la 5ème décennie. Généralement, l’homme est préférentiellement atteint de la maladie après 50 ans. Dans une étude de Dragin N et al [20], il a été démontré que les œstrogènes seraient parmi les responsables du développement des maladies autoimmunes y compris la myasthénie et favoriseraient leur prévalence chez les femmes avant la ménopause. Dans celle d’Alshekhlee et al [3], l’incidence annuelle de survenue de la myasthénie chez les femmes noires était plus fréquente que les femmes blanches (0,01 par 1000 habitants/ an contre 0,009 par 1000 habitants/ an).

Dans notre étude, nous n’avons pas retrouvé de cas de myasthénie juvénile qui survient avant l’âge de 10 ans [1, 21]. Nous avons retrouvé que des cas de myasthénie de l’adulte jeune et à début tardif. Ceci est probablement dû à notre lieu d’étude qui est monocentrique. Ils sont vus dans les autres centres comme la pédiatrie, comme le cas d’une fille de 19 mois, rapporté en 2007 par Rasoamampionona et al lors de sa soutenance de thèse [13]. La fillette avait présenté une atteinte oculaire (ptosis bilatérales fluctuantes) comme celles des 2 fillettes maliennes résidant à Togo rapportée par Nidain et al [21]. La forme oculaire pure chez les enfants est très fréquente chez les asiatiques .

La plupart de nos patients proviennent de la capitale (Antananarivo) mais ne sont que de petits employés et ont beaucoup du mal à réaliser tous les bilans nécessaires au diagnostic comme les Ac anti-RAch, les Ac anti-MuSk, le scanner thoracique avec injection, l’EFR ou l’exploration fonctionnelle respiratoire, l’EMG (qui ne peut être effectué qu’à l’extérieur). C’est pourquoi, notre diagnostic est resté clinique après le Test à la prostigmine positif.

Table des matières

INTRODUCTION
I. METHODES
I.1. Type d’étude
I.2. Lieu d’étude
I.3. Période d’étude
I.4. Population d’étude
I.4.1. Critères d’inclusion
I.4.2. Critères d’exlusion
I.5. Variables à étudier
I.5.1. Caractéristiques démographiques
I.5.2. Caractéristiques clinico-radiologiques
I.5.3. Prise en charge
I.5.4. Evolution
I.5.4.1. Evolution clinique
I.5.4.2. Mortalité
I.5.4.3. Survie
I.6. Mode de collecte des données
I.6.1. Paramètres collectés dans dossiers
I.6.2. Paramètres collectés au recontacte des patients
I.7. Mode d’analyse des données
I.8. Analyse statistique
I.9. Considérations éthiques
II. RESULTATS
II.1. Recrutement
II.2. Durée moyenne de suivi
II.3. Caractéristiques démographiques
II.3.1. Répartition des patients selon l’âge et le genre
II.3.2. Domiciliation selon résidence
II.3.3. Profession selon les trois secteurs d’activité
II.4. Caractéristiques clinico-radiologique
II.4.1. Type de myasthénie selon la classification d’Ossermann
II.4.2. Présence ou non d’anomalie de la loge thymique
II.5. Prise en charge
II.6. Evolution
II.6.1. Evolution clinique
II.6.2. Mortalité
II.6.3. Survie
II.6.3.1. Survie globale et survie avec traitement
II.6.3.2. Survie avec traitement et sans traitement
III. DISCUSSION
III.1. Forces et limites de l’étude
III.2. Fréquence et caractères sociodémographiques
III.3. Caractéristiques clinico-radiologiques
III.4. Prise en charge
III.5. Evolution
III.5.1. Evolution clinique
III.5.2. Mortalité
III.5.3. Survie
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

Télécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *