Fonctionnement de la d´echarge filaire : modèles physiques

Fonctionnement de la décharge filaire : modèles physiques

Modélisation de la transition de mode

A la lumière de résultats expérimentaux, Pigache [7] fit remarquer que, dans le mode de décharge haute pression (diffus) d’une décharge filaire, l’épaisseur de la gaine cathodique est du mˆeme ordre de grandeur que la longueur de gaine obtenue pour un courant d’ions limité par la charge d’espace – modèle de Child-Langmuir [38] – entre deux électrodes parallèles. Makarov et al [12] firent la mˆeme constatation en étudiant les propriétés du régime transitoire observé pour une décharge filaire en régime pulsé. Ces analyses supposent le rˆole joué par les électrons négligeable, puisque la décharge est modélisée comme un simple courant d’ions. Ces différents travaux ne faisant néanmoins état que d’un accord qualitatif entre les données expérimentales et un modèle d’écoulement ionique entre deux électrodes parallèles et non coaxiales, cette hypothèse implicite nécessite d’ˆetre vérifiée avant d’envisager une extension de cette approche pour la modélisation de la transition de mode. 

Evolution des niveaux de population avec la pression

Lorsque la pression augmente, la vitesse moyenne des ions décroit du fait d’une part d’une tension de décharge Vd moindre, et d’autre part d’un taux de collision – élastique et d’échange de charge en particulier – plus important. Le courant de cathode étant majoritairement un courant d’ions, le niveau de population ionique doit augmenter lors d’un accroissement de la pression de sorte de maintenir un flux `a la cathode constant. En de¸c`a d’une pression limite, le niveau de population de neutres rapides suit une 6.1 Modelisation de la transition de mode ´ 117 évolution similaire `a celui de la population ionique du fait des processus d’échange de charge se produisant au sein de la décharge. Lors d’une augmentation de la pression, l’énergie moyenne des neutres décroit du fait d’une part d’une énergie des ions moindre et d’un taux de collision élastique plus important. Les neutres rapides n’étant modélisés au moyen de superparticules qu’`a la condition que leur énergie cinétique excède une valeur limite prise égale `a 20 eV (c. f. section 4.3.1 et 5.1.2), le niveau de population de cette espèce décroit au del`a d’une pression limite. – nombre total de particules au sein d ´ u volume de la décharge – de chacune des espèces avec la pression pour un courant de décharge Is = 1 mA. Les niveaux de population obtenus par simulation numérique pour un courant de décharge Is = 1 mA présentés figure 6.1 confirment ce comportement. Par ailleurs, le niveau de population ionique Ni est environ dix fois plus important que le niveau de population électronique Ne− pour une pression proche de la transition de mode. La charge d’espace est par conséquent essentiellement constituée par les ions, justifiant ainsi l’assimilation de la décharge `a un seul courant d’ions au voisinage de la transition de mode. Néanmoins, du fait des valeurs relativement élevées des sections efficaces de collision élastique et d’échange de charge par impact ionique (σ = 2 × 10−19 m2 dans l’hélium), les ions subissent un nombre significatif de collisions sur leur trajet vers la cathode. Le libre parcours moyen (σng) −1 de l’ordre du demi centimètre pour une pression p = 2 × 10−2 mbar conduit en effet un ion `a subir en moyenne cinq collisions avant de rejoindre la cathode. La figure 6.2 illustre les modifications induites par les phénomènes collisionnels sur la trajectoire d’un ion créé par impact électronique. Les collisions étant équivalentes du point de vue des ions `a une force de freinage, la présence du gaz de fond neutre se traduit par une augmentation de la charge d’espace, et donc par une limitation accrue du courant de décharge comparativement `a un modèle purement 118 Fonctionnement de la decharge filaire : mod ´ eles physiques ` inertiel. Il est donc important de rendre compte des phénomènes collisionnels afin de modéliser fidèlement le comportement observé.

Explication phénoménologique de la transition de mode

La prépondérance de la densité ionique sur la densité électronique pour la charge d’espace ayant été démontrée, on cherche dorénavant `a généraliser le modèle d’un écoulement ionique collisionnel afin de proposer un modèle physique décrivant le phénomène de transition de mode. On commencera par établir un modèle permettant d’expliquer la transition de mode d’une décharge de courant fixé dans l’hélium, puis on montrera comment ce modèle permet d’appréhender les différences observées en fonction du gaz considéré ou encore de la valeur du courant de décharge. Dérivation d’un modèle décrivant la transition de mode L’évolution de la différence de potentiel Vd existant entre deux électrodes parallèles en fonction de la densité de courant j et de l’espace inter électrodes d dans le cas d’un écoulement limité par la charge d’espace est bien connue pour les cas asymptotiques que sont les lois de Child-Langmuir [38] (régime inertiel, i. e. écoulement non collisionnel) et de Mott-Gurney [113] (régime collisionnel). Bien que moins connue, la forme générale décrivant l’ensemble des régimes de collisionnalité peut ˆetre obtenue analytiquement. La dérivation de cette solution analytique fait l’objet de l’annexe E. Cette solution 6.1 Modelisation de la transition de mode ´ 119 ne peut toutefois pas ˆetre généralisée `a notre connaissance `a la configuration coaxiale d’électrodes telle que rencontrée dans le cas de la source plasma filaire. Dans ce cas, le système d’équations décrivant un écoulement ionique limité par la charge d’espace est d dr  r dφ dr  = − Is 2πε0Lv (6.1a) v dv dr = − q m dφ dr − νv (6.1b) o`u m, q et v sont respectivement la masse, la charge et la vitesse d’un ion, L est la dimension axiale des électrodes cylindriques, Is est le courant aux électrodes et ν est la fréquence de collision traduisant la force de freinage subie par les ions du fait des collisions élastique et d’échange de charge ion-neutre. Les équations (6.1a) et (6.1b) sont respectivement l’équation de Poisson en coordonnées cylindriques écrite pour une charge d’espace correspondant au courant de décharge Is et l’équation de quantité de mouvement pour les ions. La résolution numérique du système (6.1) associé aux conditions aux limites décrivant un écoulement limité par la charge d’espace (space charge limited – SCL) φ(r = Ra) = φa, φ(r = Rc) = 0 et E(r = Ra) = − dφ dr |Ra = 0 (6.2) permet de déterminer le courant maximal Iscl ⊙ pour la configuration coaxiale étudiée. Le courant Iscl ⊙ est obtenu lorsque la charge d’espace est telle que le champ électrique E est nul `a l’anode, ce qui correspond bien `a une maximisation du courant puisqu’une charge d’espace plus importante conduirait `a une inversion du champ électrique, et donc `a une réflexion des ions vers l’anode. A la différence de la solution de ChildLangmuir [38] jCL || ∝ Vd 3/2 d 2 (6.3) en régime inertiel pour laquelle la différence de potentiel Vd entre les électrodes ne dépend que de la densité de courant j et de l’espace inter électrodes d, le fait de prendre en compte un terme collisionnel implique que Iscl ⊙ dépend également de la pression : Iscl ⊙ = Iscl ⊙ (Vd, δR, p) (6.4) o`u δR désigne l’espace inter électrodes en géométrie cylindrique. La figure 6.3 présente l’évolution en fonction du rayon réduit ˆr = r/Rc du potentiel électrique réduit φˆ = φ/φa correspondant d’une part `a une décharge de courant limite Iscl ⊙ pour une pression p égale `a la pression de transition pt obtenue expérimentalement, et d’autre part aux résultats de simulation particulaire dans le plan axial médian (z = L/2) obtenus pour différentes conditions de pression et un courant de décharge Is = 1 mA. On constate que le profil correspondant au modèle d’écoulement collisionnel limité par la charge d’espace délimite l’espace (ˆr,φˆ) en deux zones, et que les profils obtenus par simulation se répartissent dans chacune de ces zones selon leurs modes de décharge respectifs. Cette dichotomie indique que le profil de potentiel obtenu au moyen du modèle d’écoulement ionique collisionnel limité par la charge d’espace est  représentatif du comportement de la décharge filaire au voisinage de la transition de mode.

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