Gestion optimisée d’un modèle d’agrégation de flexibilités diffuses

L’équilibre offre/demande : un enjeu essentiel

Un impératif du système électrique est de respecter l’équilibre offre/demande. En effet, l’électricité ne se stocke pas ou très peu et elle doit être disponible en temps réel, en toute saison et à tout moment de la journée pour les consommateurs. La production doit donc être égale à chaque seconde à la consommation. En effet, par exemple, si la consommation est supérieure à la production alors les moyens de production se déconnectent du réseau automatiquement pour éviter une casse. Ce découplage amplifie alors le phénomène et entraine une rupture de l’approvisionnement de l’électricité, il y a donc un blackout. Il est donc essentiel de prévoir la consommation à chaque instant. En France, la consommation varie en fonction de deux paramètres : le comportement des consommateurs et l’époque de l’année. Elle est cependant plus au moins prévisible car cyclique. Nous pouvons identifier trois cycles : un cycle annuel, un cycle hebdomadaire et un cycle journalier.
Mais la consommation dépend aussi fortement de la température. En effet, les variations de température induisent une augmentation de la consommation du chauffage électrique en hiver et de la climatisation en été. Une erreur de précision d’un degré Celsius fait varier la puissance appelée de 1000 MW en hiver et de 700 MW en été (sachant qu’une tranche nucléaire a une puissance maximum de 1300 MW). À court terme, l’équilibre offre/demande est réalisé par des systèmes de réglages automatiques installés directement sur les moyens de production. Afin de rétablir l’équilibre offre/demande, actuellement, ce sont les moyens de production démarrés et qui ont suffisamment de réserve qui s’adaptent généralement à la consommation, à trois exceptions près : l’asservissement des usages électriques comme le démarrage automatique des ballons d’eau chaude sanitaire pendant les heures creuses, l’effacement volontaire avec soit les tarifs EJP et tempo ou le pilotage direct, et le stockage de l’électricité via des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) dont le fonctionnement consiste à remonter de l’eau dans un barrage quand le prix de l’électricité est bas et à la turbiner quand ce prix est élevé.

L’électricité de la production à la consommation

Une fois produite par un moyen de production, l’électricité emprunte un réseau de lignes comparable au réseau routier [RTE, 2014b]. Le réseau de transport composé des grands axes, permet d’acheminer l’électricité depuis les lieux de production vers les régions de consommation. Le réseau de distribution composé des axes secondaires, permet d’acheminer l’électricité qui vient du réseau de transport vers les consommateurs. À l’intersection des voies, nous trouvons des postes électriques, l’équivalent des échangeurs sur les autoroutes. Leurs fonctions principales sont de répartir l’énergie entre les différentes lignes issues du poste, de raccorder un producteur ou un consommateur au réseau électrique et de modifier la tension de l’électricité acheminée. En effet en France, le courant produit est porté à 400 000 Volts ce qui permet de le transporter sur de longues distances avec le minimum de pertes d’électricité vers des régions consommatrices de grandes quantités d’énergie. Ces lignes sont comparables aux autoroutes. La tension de l’électricité est ensuite abaissée au niveau d’un poste afin de la transporter au niveau d’une région. Cette partie du réseau permet d’acheminer l’électricité jusqu’aux grands consommateurs industriels et aux réseaux de distribution. Elles sont comparables aux routes nationales. L’électricité passe du réseau de transport aux réseaux de distribution via un poste source. Elle est ensuite acheminée depuis un poste source vers un poste HTA/BT situé dans un quartier. Puis depuis ce poste, elle est distribuée
jusqu’au compteur du client. Pour résumer, l’électricité ne se stocke pas et elle doit être acheminée physiquement du lieu de production vers le lieu de consommation. Les deux enjeux essentiels sont donc : l’équilibre offre/demande à chaque seconde et le respect des contraintes réseaux : les contraintes d’intensité (la capacité maximale des câbles et des transformateurs) et les contraintes de tension dans les lignes électriques.

Les opérateurs du réseau électrique

Trois types d’opérateurs interagissent avec ce réseau afin de maintenir l’équilibre offre/demande : les fournisseurs d’électricité, les producteurs d’électricité et les gestionnaires du réseau. Les fournisseurs d’électricité comme EDF, GDF-Suez ou Direct Énergie commercialisent l’électricité en alimentant les consommateurs finaux en électricité soit à partir de l’électricité qu’ils ont produite eux-même, soit à partir d’une énergie qu’ils ont achetée en France ou à l’étranger.
Les producteurs d’électricité (EDF, GDF-Suez, la compagnie nationale du Rhône, …) disposent d’un certain nombre de moyens de production qui peuvent être regroupés en trois classes : la base, la pointe et le fatal. La base regroupe des centrales thermiques, nucléaires et à flamme. La pointe est composée des centrales hydrauliques et des turbines à combustion. Le fatal est, quant à lui, composé entre autres de toutes les énergies renouvelables comme l’énergie solaire, éolienne, hydraulique fatal ou les moyens de cogénération. Leur production dépendant des conditions météorologiques, ces énergies ne sont pas toujours disponibles. Il est à noter que selon sa taille, un moyen de production peut être relié soit directement au réseau de transport (par exemple une centrale nucléaire), soit à un réseau de distribution (par exemple les panneaux photovoltaïques chez un particulier). En plus de ces moyens de production, il existe quelques procédés permettant de stocker de grandes quantités d’électricité comme les STEP. Les gestionnaires du réseau doivent assurer l’acheminement de l’électricité des producteurs vers les consommateurs. Les gestionnaires doivent également réagir en temps réel en cas d’erreur de prévision de consommation ou de production.
Lorsqu’un déséquilibre se produit, des systèmes de réglage automatiques installés directement sur les moyens de production se déclenchent et permettent de maintenir l’équilibre offre/demande pendant 15 minutes. Pendant ce temps, les gestionnaires de réseaux font appel aux producteurs et aux consommateurs connectés au réseau afin qu’ils modifient très rapidement leur programme de fonctionnement prévu.

Le marché de l’électricité aujourd’hui

Depuis la libéralisation du marché de l’électricité, la France doit réussir à faire cohabiter plusieurs acteurs dans le système électrique. Afin que l’équilibre offre/demande puisse être satisfait à chaque seconde, le rôle de responsable d’équilibre a été créé. Tous les acteurs, qu’ils soient fournisseurs, producteurs, consommateurs ou tradeurs doivent être rattachés à un responsable d’équilibre. Ce dernier doit respecter l’équilibre offre/demande dans son périmètre d’équilibre. C’est à dire que la somme de sa production et de ses achats doit être égale à tout instant à la somme de sa consommation et de ses ventes tout en respectant les contraintes de ses acteurs et de façon à maximiser son gain global. Il est à noter que le responsable d’équilibre ne doit pas prendre en compte les contraintes réseaux pendant le calcul de son équilibre. Cependant, en France, il envoie son plan d’injection (quantité d’électricité injectée par le responsable d’équilibre en chaque poste, à chaque instant) aux gestionnaires de réseau de transport. Pendant la journée, le responsable d’équilibre a pour rôle de coordonner l’offre et la demande des opérateurs qu’il gère en compensant les erreurs des uns grâce aux autres. Actuellement, en cas de pic de consommation, le responsable d’équilibre peut :
augmenter la production :en agissant sur ses moyens de production de la pointe, ou en achetant sur les marchés; en déchargeant les procédés de stockage qui ont été chargés auparavant ; diminuer la consommation grâce à l’asservissement des usages électriques, l’effacement volontaire et le pilotage direct. Inversement, pendant les pics de production fatale, le responsable d’équilibre peut : diminuer la production pilotable; stocker grâce aux procédés de stockage; augmenter la consommation grâce à l’asservissement des usages électriques.
Si le responsable d’équilibre ne peut pas compenser les écarts, le gestionnaire de réseau utilise un mécanisme d’ajustement afin de rétablir l’équilibre offre/demande. Il fait appel alors aux responsables d’équilibre connectés au réseau pour qu’ils modifient très rapidement leur programme de fonctionnement prévu. Cet ajustement est payé par le responsable d’équilibre qui est à l’origine de l’écarts. Dans les cas extrêmes, le gestionnaire de réseau réalise un délestage (effacement imposé à une partie de la consommation) afin de sécuriser son réseau.

Vers plus de flexibilité dans le réseau

Du fait du caractère intermittent des ENR, leur insertion dans le réseau va rendre l’équilibre offre/demande encore plus difficile à maintenir pour les responsables d’équilibre et pour les gestionnaires de réseau. Une solution, pour intégrer ces nouvelles variables dans l’équation de l’équilibre offre/demande serait d’augmenter les capacités du réseau afin de pouvoir acheminer l’électricité à tout instant, mais aussi de pouvoir diminuer la production adaptable pendant la durée de leurs pics de production, et l’augmenter suffisamment pendant la durée de leurs creux de production. Les gestionnaires de réseau devront investir dans leur réseau.
Les responsables d’équilibre devront avoir recours aux moyens de production de la pointe afin d’adapter la production à la consommation. Cependant, le nombre de centrales flexibles économiques est limité pour des raisons d’économie du système.
Une autre voie afin d’intégrer les nouveaux moyens de production fatals est d’être capable de rendre ces procédés non fatals en les couplant à un moyen de stockage comme une STEP. Cependant, les moyens de stockage d’électricité industrielle sont limités. Une seconde façon de les rendre non fatals est de les coupler à un autre moyen de production comme dans les centrales combinées gaz hybrides. Une telle solution est utilisable par exemple pour des champs entiers de panneaux solaires, mais elle n’est pas rentable dans le cas de petits dispositifs tels que des panneaux solaires situés sur une maison.
Un responsable d’équilibre peut aussi intégrer ses moyens de production fatals en augmentant suffisamment la consommation pendant la durée de leurs pics de production, et en diminuant suffisamment la consommation pendant la durée de leurs creux de production. Ainsi, au lieu d’adapter la production à la consommation, le responsable d’équilibre réalise son équilibre offre/demande en modifiant la production et la consommation. C’est cette dernière piste qui va nous intéresser.
Afin de mettre cette solution en œuvre, le responsable d’équilibre peut développer le stockage et utiliser des procédés de modulation de la production et de la consommation. Ces sources de flexibilité sont hétéroclites : nous pouvons citer par exemple l’eau chaude sanitaire, les radiateurs, les véhicules électriques, le solaire thermique, l’électroménager. Les procédés de modulation sont eux aussi hétéroclites : par exemple un système regroupant une pompe à chaleur, des radiateurs auxquels nous ajoutons un ballon d’eau chaude ou un système qui permet de baisser la luminosité des lampadaires dans une rue. Les procédés sont aussi par nature petits (par rapport aux autres moyens de production) et répartis sur l’ensemble du territoire (procédés dits diffus). Il est à noter que de part leur taille, ces procédés seront reliés à un réseau de distribution .

Table des matières

1 Introduction 
2 Contexte 
2.1 L’équilibre offre/demande: un enjeu essentiel
2.2 L’électricité de la production à la consommation
2.3 Les opérateurs du réseau électrique
2.4 Le marché de l’électricité aujourd’hui
2.5 Les évolutions du marché de l’électricité
2.6 Vers plus de flexibilité dans le réseau
2.7 Objectif général de cette thèse
3 Architecture et mode de gestion 
3.1 État de l’art
3.2 Architecture proposée
3.3 Mode de gestion proposé
3.4 Communication entre les acteurs de la centrale d’agrégation
3.5 Conclusion
4 Calcul du plan de production des procédés 
4.1 État de l’art
4.2 Modélisation du procédé
4.3 Description détaillée du problème
4.4 Instances
4.5 Complexité
4.6 Programmation linéaire en nombres entiers
4.7 Programmation par contraintes
4.8 Comparaison des différentes approches
4.9 Conclusion
5 Agrégation des plans de production 
5.1 Description du problème
5.2 Caractérisation scientifique et complexité
5.3 Instances
5.4 Programmation dynamique
5.5 Programmation linéaire en nombres entiers
5.6 Méthode de Monte Carlo sur les chaines de Markov
5.7 Impact du signal de prix sur la solution
5.8 Conclusion
6 Conclusions et perspectives 
6.1 Conclusions
6.2 Perspectives
Annexes 
A Version désagrégée des contraintes des procédés
B Proposition d’un algorithme de modification d’un signal de prix linéaire
Bibliographie

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