Mécanismes biologiques liés à l’antibiothérapie et à l’antibiorésistance

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Mécanismes biologiques liés à l’antibiothérapie et à l’antibiorésistance

Biologie des bactéries

Bactérie : «être unicellulaire, à structure très simple, dépourvu de noyau et d’organites, au matériel génétique diffus, généralement sans chlorophylle et se reproduisant par scissiparité »
Le vivant se divise en 3 catégories : les eucaryotes, les archées et les bactéries (cf figure 1.16). Les bactéries forment un ensemble vaste d’organismes procaryotes (qui ne comportent pas de noyau cellulaire, leur ADN se trouve dans le cytoplasme, entremêlé en ce qu’on appelle un nucléoide), la plupart du temps unicellulaires et dont la taille est généralement de l’ordre de 0.1 à 10 µm avec quelques exceptions (notamment 0.7 mm pour une bactérie découverte en 1999 en Namibie [46]).
La classification des bactéries est construite avec le nom du genre en premier commen-çant par une majuscule (souvent relié à la morphologie ou au découvreur : Streptocoque, Pasteurella, Yersinia…) puis à un nom d’espèce commençant par une minuscule (sou-vent relié à une fonction, ou conséquence de la bactérie : bronchiseptica, pneumoniae, pestis…). Lors de la découverte d’une nouvelle bactérie, le nom est choisi arbitraire-ment et est soumis à un comité de nomenclature. On connaît aujourd’hui une dizaine de milliers d’espèces différentes de bactéries. Elles se reproduisent par division cellulaire (ou division binaire, scissiparité…). Le matériel génétique est d’abord répliqué puis la bactérie s’étire avant de se diviser. Elles peuvent présenter des morphologies variées (cf figure 1.17) et font probablement parties des premiers organismes vivants sur Terre. Elles sont présentes dans tous les biotopes terrestres et font partie du type d’organismes recherché ailleurs dans le système solaire afin d’éclairer les théories sur la provenance de la vie [48].
Outre leur capacités pathogènes bien connues, les bactéries ont un rôle positif et fondamental dans les écosystèmes. Elles permettent par exemple la conversion de l’azote atmosphérique en N H3 pour permettre la croissance des plantes [49], la décomposition des matières organiques dans les sols comme dans les systèmes digestifs des animaux (par exemple la cellulose n’est pas assimilable par l’homme ou les animaux d’élevage, ce sont des bactéries qui s’occupent de la dégrader au niveau du colon [50] en plus petites molécules assimilables). Les bactéries sont indispensables à la bonne santé d’un être vivant, elles colonisent des zones sensibles (muqueuses) ainsi que la peau et empêchent d’autres micro-organismes pathogènes de s’installer [51]. Les bactéries présentes dans le système digestif permettent aussi la maturation du système immunitaire humain [52].
Toutes les bactéries présentent une structure cellulaire commune composée des élé-ments visibles en figure 1.18.
— Capsule : coquille de la bactérie entourant la paroi, généralement composée de polysaccharide (polymère de sucre) ayant pour fonction connue de protéger la bactérie de la phagocytose (destruction par le système immunitaire). Elle est donc directement reliée à la virulence de la bactérie. Elle possède aussi une fonction d’accrochage et permet à la bactérie de se fixer dans un milieu voulu. La présence d’une capsule autour d’une bactérie dépend de son milieu de culture.
— Paroi cellulaire : la paroi permet une protection contre les agents pathogènes et contre les variations de pression osmotique. En fonction du type de bactérie, elle peut être composée de différentes molécules.
— Membrane plasmique : composée d’une bicouche de phospholipides à 35% et de protéine à 65%, certaines étant constitutives et d’autres ayant une fonc-tion de transport comme visible sur la figure 1.19.
— Cytoplasme : le cytoplasme est un hydrogel dans lequel baignent les éléments cellulaires, il est défini comme une émulsion colloïdale à l’aspect granuleux constituée de cytosol, solution aqueuse de sels minéraux et de divers composés organiques, et est composé à 80% d’eau.
— Ribosomes : les ribosomes traduisent l’ARN messager en protéines.
— Plasmide : un plasmide est défini comme une molécule d’ADN distincte de l’ADN bactérien et pouvant s’autorépliquer. Les plasmides jouent un rôle dans la résistance aux antibiotiques. On notera que contrairement à l’ADN bactérien la transmission des plasmides chez les cellules filles est aléatoire. Une bactérie fille pouvant ainsi n’avoir aucun plasmide de la bactérie mère. Il est important de noter que les plasmides ne sont pas indispensables au fonctionnement métabolique de la bactérie, et qu’ils peuvent se transmettre par conjugaison et transduction. Cela signifie que les bactéries peuvent échanger des plasmides (et donc de l’information génétique) directement entre individus sans reproduction. Ceci va se révéler particulièrement important dans la transmission de résistances acquises entre les bactéries.
— Nucléoïde : zone de forte concentration de matériel génétique (double brin d’ADN appelé circulaire) qui n’est pas séparé du milieu par une membrane nucléaire. Autrement dit le matériel génétique de la bactérie forme un enche-vêtrement d’un double brin d’ADN dont plusieurs copies coexistent au sein du nucléoïde.
— Pili : poil de structure protéique (la piline) utile pour l’adhésion de la bactérie sur des surfaces et par conséquent facteur de sa virulence.
— Flagelle : structure rigide protéique (flagelline) permettant la mobilité des bactéries qui en sont pourvues.
Ainsi, les bactéries se différencient des cellules eucaryotes par leur absence d’organite tels que par exemple les mitochondries, l’appareil de Golgi ou encore le réticulum endo-plasmique. Jusqu’à l’avènement de la phylogénie, les bactéries étaient classifiées selon trois catégories : Gram positif (Gram +), Gram négatif (Gram -) et cyanobactérie. Les développements modernes de la biologie moléculaire ont bousculé cette classifica-tion qui reste cependant à l’heure actuelle la plus utilisée. Le lecteur intéressé par les avancées actuelles concernant la classification phylogénétique du genre bacteria pourra se référer au chapitre 12 de [49] qui décrit en détail la classification des organismes procaryotes. Nous ne développerons pas par la suite les cyanobactéries par manque de pertinence vis à vis de cette thèse : les cyanobactéries sont ce qu’on appelle dans le langage courant les algues bleues-vertes et n’ont pas de rapport direct avec les patho-logies humaines (certaines toxines qu’elles produisent peuvent tout de même mettre en danger les mammifères). On notera tout de même qu’en 2013, un type de cyanobacté-rie est découvert dans l’intestin humain, possiblement première espèce d’un nouveau genre : les “Melainabacteria” [54].
La nomenclature de Gram, qui doit son nom à une méthode de coloration mise au point par le bactériologiste Hans Christian Joachim Gram (1853 – 1938), consiste à classer les bactéries en fonction des propriétés de leur ensemble membrane et paroi cellulaire [55]. La coloration va permettre de colorer différemment les bactéries : en violet les Gram + et en fuchsia les Gram – (différences visibles en figure 1.20).
Les morphologies associées sont : Gram + : chez les bactéries Gram positif, on trouve une membrane cytoplasmique, puis un espace périplasmique servant d’espace de stockage et enfin une paroi cellulaire (composée de peptidoglycanes) très épaisse. Dans le réseau de peptidoglycanes sont insérés des acides téichoïques et lipotéichoïques qui permettent l’accrochage de la paroi à la membrane.
Gram – : chez les bactéries Gram négatif, on trouve une membrane cytoplasmique, puis un espace périplasmique contenant une paroi cellulaire fine (composée de pepti-doglycanes) et une seconde membrane externe. Cette dernière, perméable aux petites molécules, est composée essentiellement de phospholipides ayant une fonction structu-relle. On y trouve aussi des porines, protéines responsables de sa perméabilité ainsi que des sucres.
Les peptidoglycanes jouent un rôle structurel important pour la bactérie. En effet, la forte concentration de différents solutés présents dans le cytoplasme produit une pression osmotique conséquente (environ deux atmosphères chez E. coli [49]) et la couche de peptidoglycanes participe à contenir cette forte pression. Ces peptidoglycanes sont composés majoritairement de deux dérivés sucrés : N-acétylglucosamine et N-acétylmuramique, ainsi que de courtes chaînes d’acides aminés [49]. Ces composants sont interconnectés via une réaction enzymatique pour former une structure rigide (cf figure 1.23).
Il est important de spécifier que les peptidoglycanes sont spécifiques aux cellules pro-caryotes et n’existent pas dans les cellules eucaryotes [49]. Les différences de structures et de compositions chimiques des bactéries par rapport aux cellules eucaryotes jouent un rôle important dans la sélectivité des antibiotiques.
Les bactéries présentent une capacité au transfert horizontal de gène stupéfiante. On qualifie le transfert d’horizontal par rapport au transfert vertical (via la descendance). Ces transferts peuvent avoir lieu selon trois modes distinctifs :
— la conjugaison, ou transfert direct entre deux bactéries via contact (et notam-ment via un pili qualifié de sexuel).
— la transformation, qui est l’incorporation directe d’ADN nu de l’environne-ment dans la bactérie.
— la transduction, processus dans lequel un séquence génétique est transférée d’une bactérie à l’autre via un bactériophage (virus spécifique aux bactéries).
Cette capacité à échanger du matériel génétique, couplée à la rapide reproduction des bactéries permet l’apparition de nombreux mutants, et la transmission de gènes permettant des avantages évolutifs entre bactéries et donc, comme nous le verrons par la suite, une capacité à se transmettre des résistances aux antibiotiques.
Muni de ces informations sur la biologie des bactéries, le prochain chapitre va être consacré à la manière dont les différentes familles d’antibiotiques interviennent au sein de la bactérie afin de précipiter sa destruction, ou d’inhiber sa reproduction.

Mécanismes d’action des antibiotiques

On distingue cinq modes d’action principaux des antibiotiques (cf schéma 1.24) :
— inhibition de la synthèse de la paroi cellulaire
— effet sur la membrane cellulaire
— inhibition de la synthèse protéique
— inhibition de la réplication et de la réparation de l’ADN
— inhibition de la synthèse des folates
Les différents modes d’action et plus particulièrement le mode correspondant à l’in-hibition de la création de la paroi peptidique (car correspondant au mode d’action de l’ampicilline, antibiotique étudié pendant cette thèse) vont être détaillés. Ces modes peuvent se décomposer en deux familles. Les antibiotiques à effet bactéricide (qui tuent les bactéries) et les antibiotiques à effet bactériostatique (qui empêchent la multiplica-tion des bactéries).

Inhibition de la synthèse de la paroi cellulaire

Il existe différents mécanismes permettant d’inhiber la construction de la paroi cellulaire. La famille d’antibiotiques la plus connue ayant cet effet est celle des β-lactames (molécule d’antibiotique contenant un cycle β-lactame, cf figure 1.25) dont les membres sont : la pénicilline et ses dérivés, les céphalosporines, les monobactames et carbapénèmes. Initialement, les antibiotiques de la famille des β-lactames étaient principalement efficaces contre les bactéries Gram +, le développement d’antibiotiques de la famille des β-lactames à spectre large a permis l’obtention d’une activité contre les bactéries Gram -. Afin de comprendre précisément le rôle des antibiotiques de la famille des β-lactames, il est important de revenir non pas sur la composition de la paroi de peptidoglycanes mais sur la manière dont elle est synthétisée par la bactérie.
La cible des β-lactames est une enzyme responsable de la solidité de la paroi cel-lulaire. Comme expliqué précédemment, cette dernière est principalement composée de peptidoglycanes, réseau formé de chaînes de disaccharides (N-acetylglucosamine et acide N-acetylmuramique) (cf figure 1.23) sur lesquelles sont greffés des chaînons de peptides. Ces derniers sont reliés entre eux par l’enzyme transpeptidase formant ainsi un réseau de peptidoglycanes schématisé en figure 1.26. C’est cette enzyme qui est la cible des β-lactames [56, 57]. L’inhibition des liaisons entre les chaînes peptidiques au sein de la paroi de peptidoglycanes mène à une paroi cellulaire faible incapable de maintenir l’intégrité de la bactérie face à la pression osmotique, conduisant à un écla-tement de la bactérie. Lors de l’inhibition de la transpeptidase, le cycle β-lactame de l’antibiotique s’ouvre afin de se lier de manière covalente et durable à la transpeptidase (avec une demi-vie allant de quelques heures à quelques jours) [35], interrompant ainsi le cycle catalytique. Dans la figure 1.27 est présentée la réaction chimique de liaison du cycle β-lactame avec la transpeptidase.
Figure 1.26 – Schéma bidimensionnel du réseau formé par les peptidoglycanes. En réalité cette structure est tridimensionelle.
Il est important de remarquer sur la figure 1.27 que la liaison de l’antibiotique avec la transpeptidase s’effectue via rupture du cycle (entre le carbone du carbonyle intra cyclique et l’azote de la fonction β-lactame). Cette considération est importante car il s’agira lors des études par simulations numériques de vérifier l’accessibilité de cette fonction carbonyle, et la possibilité de rupture du cycle pour confirmer la potentielle activité bactéricide de l’antibiotique au sein des systèmes étudiés dans cette thèse.
D’autres méthodes d’inhibition de la synthèse de la paroi cellulaire existent et sont utilisées via d’autres familles d’antibiotiques. Par exemple, on pourra citer les glycopeptides comme la vancomycine qui intervient en complexifiant les terminaisons pep-tidiques empêchant ainsi l’agrégation en réseau. Une vision schématique est présentée dans la figure 1.28 qui montre la séquestration des terminaisons peptidiques par la vancomycine.

Effet sur la membrane cellulaire

Au delà d’attaques contre la paroi de peptidoglycanes, certains antibiotiques ont un effet directement sur la membrane cellulaire, comme la famille des gramicidines découverte par René Dubos, peptide qui s’insère dans la membrane comme un nouveau pore, augmentant la perméabilité cationique [58].
La polymixine, autre antibiotique agissant comme détergent et détruisant l’intégrité de la bicouche lipidique formant la membrane, permet la destruction de bactéries par sortie des éléments hydrosolubles de la bactérie dans le milieu [59]. L’antibiotique s’in-sère entre les phospholipides externes et entraîne une augmentation anormale de la perméabilité membranaire conduisant à la fuite du matériel intracellulaire vers l’exté-rieur. Les cellules eucaryotes étant elles aussi sensibles à un tel mécanisme, ce genre d’antibiotique est utilisé dans des configurations présentant un risque minimal (notam-ment pour des affections intestinales car l’antibiotique ne peut pas traverser la barrière intestinale). Leur faible utilisation leur assure cependant un faible nombre de souches résistantes, il est donc souvent utilisé comme un antibiotique de dernier recours.
L’acteur central du processus de synthèse des protéines, par lequel l’ARN messa-ger (issu de la transcription de l’ADN) est traduit en protéine, est le ribosome. Ainsi, environ la moitié des antibiotiques agissant par inhibition de la synthèse protéique agissent sur, ou au sein, du ribosome. D’autres mécanismes comme l’inhibition de la traduction de l’ARN messager existent. On distingue quatre grandes familles d’anti-biotiques agissant sur la synthèse protéique :
— les aminoglycosides ou aminosides (contenant la streptomycine) qui viennent introduire des erreurs dans la traduction de l’ARN messager conduisant à des protéines aberrantes [60].
— les cyclines (contenant la tétracycline) qui se fixent à la sous-unité 30s du ribosome empêchant la synthèse protéique [61].
— les macrolides et plus récemment les kétolides qui miment l’apparence d’une molécule d’ARN de transfert et viennent prendre sa place au sein du ribosome bloquant ainsi l’agrégation peptidique par encombrement stérique [62].
— les phénicolés qui inhibent la peptidyl transférase, enzyme nécessaire à l’élon-gation des chaînes peptidiques [63].

Inhibition de la réplication et de la réparation de l’ADN

La réplication (ou la réparation) de l’ADN permettant la multiplication bacté-rienne est la quatrième cible des antibiotiques (effet bactériostatique). Les antibiotiques les plus récents inhibant la réplication de l’ADN font partie de la famille des quinolones. Ils agissent en se liant avec une enzyme de la cellule appelée ADN-gyrase (membre d’un groupe plus large d’enzymes appelées topoisomérases). Cette enzyme intervient en uti-lisant l’énergie pourvue par l’hydrolyse de l’ATP afin de forcer un déroulement local de la double hélice d’ADN pour permettre sa transcription et sa réplication [64, 65]. Pour se répliquer l’ADN est tout d’abord déroulé par une topoisomérase (cf figure 1.29). Par la suite les deux brins sont séparés par l’enzyme hélicase. Enfin l’intervention de plu-sieurs enzymes permet de compléter le brin manquant générant ainsi deux molécules d’ADN à partir d’une seule [66, 67]. En inhibant l’ADN-gyrase, les quinolones bloquent la machinerie de réplication à la première étape [68]. Un autre type de topoisomérase permet le surenroulement de la molécule d’ADN, permettant ainsi un stockage plus compact de l’information génétique. Cette enzyme est elle aussi visée par certains an-tibiotiques de la famille des quinolones, induisant des cassures du brin d’ADN (effet clastogène) [69]. Les quinolones se fixent ensuite au bout du brin d’ADN empêchant son ré-assemblement Enfin, il a été démontré récemment que les quinolones s’attaquaient aussi à la topoisomérase IV [67, 70], une enzyme responsable de la séparation des deux nouveaux brins d’ADN post réplication. Dans ces deux cas la bactérie ne peut plus se reproduire et finit par mourir d’apoptose (mort cellulaire programmée). La revue [66] présente une liste des différents antibiotiques de la famille des fluoroquinones (sous-famille des quinolones principalement utilisées cliniquement) ainsi que de leur mode d’action spécifique.

Inhibition de la synthèse de folates

L’avantage de ce mode d’action est sa sélectivité. En effet la production intra-cellulaire de folates est spécifique aux cellules procaryotes. Les organismes eucaryotes obtiennent les folates nécessaires via leur alimentation. Ainsi, en bloquant sélectivement la synthèse intracellulaire des folates, on s’assure de ne pas perturber le fonctionnement des cellules de l’hôte.
Les folates sont une classe de molécules (regroupant la vitamine B9, les acides fo-liques et la folacine) indispensables au fonctionnement métabolique de la cellule, plus particulièrement lors de la synthèse d’ADN et d’ARN en permettant la méthylation de l’ADN et touchant donc par extension la synthèse de protéines. La première classe d’antibiotiques permettant l’inhibition de la synthèse de folates est les sulfonamides dont la découverte fut considérée comme étant celle de la première famille d’antibio-tiques (cf section 1). Une classe plus récente est celle des diaminopyrimidines, avec des antibiotiques comme le triméthoprime et le pyriméthamine qui agissent en inhi-bant non pas la synthèse mais la réduction des folates. Ces antibiotiques sont donc des antibiotiques bactériostatiques car empêchant la reproduction cellulaire en bloquant indirectement la synthèse d’ADN. Ils sont actifs contre des bactéries Gram + comme Gram .

Mécanismes de résistances

Une question que l’on peut se poser en constatant que les micro-organismes pra-tiquent une guerre chimique avec leurs voisins est la manière dont ils arrivent à se protéger eux-mêmes des molécules qu’ils produisent. Cela implique une co-évolution des mécanismes de défense avec la production de molécules bactéricides et, comme nous l’avons mentionné précédemment, explique le caractère naturel des résistances. Ainsi, sous la pression évolutive, les bactéries sont sujettes à des mutations génétiques leur permettant l’expression de mécanismes de défense. Cela explique la présence de gènes de résistances dormant qui se réactivent en situation de stress. A ces résistances dormantes s’ajoutent des résistances se développant lorsque des souches bactériennes sont mises en contact avec un nouvel antibiotique.
Aujourd’hui, trois grands types de mécanismes de résistance sont connus [35] :
— la désactivation de l’antibiotique
— l’évacuation en continu de la molécule d’antibiotique par efflux, ou la modifi-cation de la perméabilité membranaire
— la modification de la cible de l’antibiotique (et sa surexpression)
Il est possible qu’un mécanisme de résistance confère une résistance à plusieurs an-tibiotiques. C’est le cas notamment de l’évacuation par efflux. On parle dans ce cas de résistances croisées. Elles font, elles aussi, partie des causes d’apparition de MDR.
La facilité d’apparition d’une résistance est corrélée avec la simplicité du mécanisme associé. A l’inverse, une résistance peut nécessiter la mutation de plusieurs gènes et ainsi prendre un temps beaucoup plus long. C’est en partie ce qui explique la diversité des temps d’apparition des résistances : comme vu au chapitre précédent, à peine quelques années pour la pénicilline, mais plusieurs dizaines d’années pour la vancomycine (dont la résistance implique la mutation de cinq gènes [71]). Bien entendu, la fréquence et les doses d’utilisation restent les facteurs déterminants de sélection de populations de bactéries résistantes.

Résistances par modification enzymatique de l’antibiotique

Ce mode de résistance a été principalement observé pour des antibiotiques pro-duits naturellement au sein de micro-organismes suggérant que pour ce mode de ré-sistance la durée d’exposition à un antibiotique créé par l’homme n’est pas suffisante pour le développement de résistance au sein de la population bactérienne [35] (quelques dizaines d’années au maximum vs des millions d’années d’évolution). Il s’agit princi-palement de modifier (hydrolyse par exemple), ou d’inactiver (encombrement stérique) la molécule d’antibiotique via une enzyme synthétisée par la bactérie. Pour donner un exemple concret de ce type de mécanisme et inscrire la discussion dans le cadre de cette thèse, une enzyme responsable de la résistance bactérienne à l’ampicilline est la β-lactamase qui vient l’hydrolyser. C’est le mode privilégié de résis-tance aux antibiotiques de la famille des β-lactames. La réaction chimique impliquée est visible dans la figure 1.30.
Il est important de noter que le gène codant la β-lactamase est parfois dormant au sein de la bactérie et ne s’active que lorsque la présence d’un antibiotique de type β-lactame est détecté , suggérant ici aussi la présence de mécanismes anciens se réactivant en cas de besoin [35].
Un moyen de surmonter les résistances dues aux β-lactamases est d’ajouter au trai-tement antibiotique un inhibiteur de la β-lactamase, inhibant l’enzyme avant qu’elle puisse hydrolyser le cycle β-lactame (par exemple le couple amoxicilline/acide clavu-lanique), ou de créer des antibiotiques β-lactames incompatibles avec les β-lactamases connues. Cependant, l’inhibition artificielle de la β-lactamase ne suffit pas car on ob-serve de nouvelles résistances apparaître, rendant inefficace le système couplé antibio-tique + inhibiteur de β-lactamase par modification de la β-lactamase [72].
L’inhibition de l’antibiotique par une enzyme produite par la bactérie n’est pas le seul mode de résistance. Un autre moyen pour la bactérie de se protéger contre l’anti-biotique est de s’assurer qu’il ne rentre pas, ou qu’il soit évacué avant d’atteindre une concentration dangereuse pour la bactérie.

Evacuation par efflux de l’antibiotique

Dans le chapitre sur la biologie des bactéries, nous avons vu que leurs membranes cytoplasmiques possèdent des portes sur l’extérieur permettant le transport de molé-cules. Quand ces portes servent à évacuer une substance, on parle de pompe à efflux. Les pompes à efflux sont des protéines dont le rôle est d’évacuer les substances toxiques se trouvant à l’intérieur de la cellule. Ces pompes se retrouvent dans tous les types de cellules, procaryotes ou eucaryotes. Ces pompes peuvent être spécifiques à une seule molécule ou agir sur un spectre plus large. Chez les bactéries Gram + (ne possédant pas de membrane externe), la pompe consiste en une protéine enchâssée dans la mem-brane cytoplasmique. Chez les bactéries Gram -, l’association de l’imperméabilité de la membrane externe et de transporteurs dans la membrane interne, ainsi que parfois des transporteurs externes acquis par transfert génétique horizontal, explique leur grande résistance naturelle aux antibiotiques [73].
Les analyses ont démontré l’existence de cinq types de pompes à efflux présentes chez les bactéries dont quatre joueraient un rôle dans la résistance aux antibiotiques [74]. Parmi ces quatre pompes, trois fonctionnent via un gradient de proton (gradient d’acidité) [75] alors que la quatrième fonctionne via hydrolyse de l’ATP [76]. Le lec-teur intéressé par une description en détail du fonctionnement de ces pompes pourra consulter les références [75–79].
Comme beaucoup de réactions biochimiques, ces pompes fonctionnent sur le principe de reconnaissance de cible puis de modification conformationnelle afin d’induire un mouvement. Pour illustrer ce propos, on peut voir sur la figure 1.31 un exemple d’une partie d’une pompe à efflux (protéine TolC chez E. coli) en mode fermé et ouvert.

Modification de la cible de l’antibiotique

Le dernier mécanisme de résistance aux antibiotiques est la modification de la cible de l’antibiotique par mutation spontanée, ou par acquisition d’une séquence ADN via transfert horizontal. Vis-à-vis des antibiotiques ciblant la réplication de l’ADN, une simple modification de quelques bases azotées peut permettre à la bactérie de survivre. Notons que la méthylation de bases azotées de l’ADN [80] ou d’un site du ribosome [81] a été déterminée comme étant un mécanisme de résistance contre les antibiotiques bactériostatiques empêchant la réplication d’ADN. Il est aussi possible qu’une surexpression de la cible permette de la maintenir à un taux suffisant à assurer sa fonction au sein de la cellule.

Table des matières

1 Introduction Bibliographique 
1.1 Aperçu historique et sociétal de la découverte des micro-organismes jusqu’à l’antibiorésistance
1.1.1 La théorie microbienne
1.1.2 L’antibiothérapie
1.1.3 L’antibiorésistance
1.2 Mécanismes biologiques liés à l’antibiothérapie et à l’antibiorésistance
1.2.1 Biologie des bactéries
1.2.2 Mécanismes d’action des antibiotiques
1.2.3 Mécanismes de résistances
1.2.4 Solutions alternatives envisagées
1.3 Les nanoparticules de métaux nobles
1.3.1 Une brève histoire des nano-objets
1.3.2 Les nanoparticules de métaux nobles dans l’antibiothérapie : un comparatif en faveur de l’or
1.4 Le nanoconjugué or-ampicilline (AuNP@Amp)
1.4.1 La nanoparticule d’or
1.4.2 La molécule d’ampicilline
1.4.3 Le nanoconjugué or-ampicilline
1.4.4 Vers l’optimisation de nanoconjugués
12 Table des matières
2 Méthodes 
2.1 Introduction
2.2 Rappels de chimie quantique
2.2.1 Equation de Schrödinger
2.2.2 Approximation de Born-Oppenheimer
2.2.3 Principe variationnel
2.2.4 Approximation des particules indépendantes et méthode de Hartree- Fock
2.2.5 Les bases
2.3 Théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT)
2.3.1 Le modèle de Thomas-Fermi, un précurseur de la DFT
2.3.2 Théorèmes de Hohenberg et Kohn
2.3.3 L’ansatz de Kohn et Sham
2.3.4 Les fonctionnelles d’échange et corrélation
2.3.5 Résolution numérique des équations de Kohn-Sham
2.4 Systèmes périodiques
2.4.1 Cristaux : symétrie et périodicité
2.4.2 Théorème de Bloch et points k
2.4.3 Périodicité pour des systèmes non cristallins
2.4.4 Les pseudopotentiels
2.5 La dynamique moléculaire
2.5.1 Concepts généraux
2.5.2 Ensembles thermodynamiques
2.5.3 Intégrateurs
2.5.4 Dynamique moléculaire classique
2.5.5 Dynamique moléculaire ab initio
2.6 Mise en pratique du logiciel VASP
2.6.1 Modèle
2.6.2 Paramètres de simulation
2.7 Conclusion
3 Rôle des interactions intermoléculaires dans la stabilisation des nanoantibiotiques AuNP@Ampicilline 
3.1 Modèles
3.1.1 Surfaces d’or
3.1.2 Ampicilline
3.1.3 Paramètres des simulations
3.2 Modes d’adsorption d’un monomère isolé
3.2.1 Résultats principaux
3.2.2 Discussion
3.3 Adsorption d’un monomère en fonction du taux de couverture
3.3.1 Description des systèmes
3.3.2 Définition des énergies
3.3.3 Résultats et discussion
3.4 Dimérisation de l’ampicilline
3.4.1 Description des systèmes
3.4.2 Définition des énergies
3.4.3 Résultats et discussion
3.5 Adsorption des dimères d’ampicilline sur les surfaces d’or
3.5.1 Description des systèmes
3.5.2 Définition des énergies
3.5.3 Résultats et discussion
3.6 Rôle des interactions intermoléculaires dans la stabilisation des nanoantibiotiques
3.7 Discussion autour du mécanisme d’action biologique des nano-antibiotiques AuNP@Ampicilline
3.8 Conclusion
4 Adsorption comparée sur l’or du méthylthiolate, du méthanolate et de la méthylamine 
4.1 Introduction
4.2 Quelques conventions pour la lecture de ce chapitre
4.3 Etat de l’art
4.3.1 Les thiols et leur adsorption sur l’or
4.3.2 Les méthoxys et leur adsorption sur l’or
4.3.3 Les amines et leur adsorption sur l’or
4.4 Méthode
4.4.1 Paramètres des simulations
4.4.2 Définition des énergies
4.4.3 Nombre de coordination généralisé
4.5 Résultats
4.5.1 Description des adsorbats
4.5.2 Analyse énergétique
4.5.3 Transferts de charge
4.5.4 Analyse structurale
4.6 Comparaison du comportement de SCH3, OCH3 et NHCH3
4.7 Conclusion
4.8 Perspectives

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