Le système d’intérêt S dans l’ensemble microcanonique

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La sphère isotherme

Dans le cadre de l’étude statistique de la gravitation, le problème de la sphère isotherme est incontournable. Ce problème consiste à étudier un système à N corps en interaction gravitationnelle dans une boîte sphérique en négligeant les effets à courte portée. Cette hypothèse permet de traiter le système comme un fluide sans interactions locales et de traiter la gravitation uniquement du point de vue du champ moyen. Cette vision a été utilisée dès 1907 par Emden [11] pour discuter la structure interne des étoiles, où les gaz qui les composent sont soumis uniquement à leur propres actions gravitationnelles. De plus, cette description fluide permet de s’affranchir des nombreux problèmes inhérents à l’étude d’un système à N corps.
En 1962, V.A. Antonov étudie le système à N corps avec cette approche [9]. Dans ce cadre, le système est thermalisé ce qui justifie l’appellation de ce problème, i.e. la sphère isotherme. Son travail a mis en avant ce qui a été appelé par la suite l’instabilité d’Antonov, ou catastrophe gravotherme, qui exprime le fait qu’il n’existe pas d’état d’équilibre du système pour des énergies inférieures à une certaine valeur. Par la suite, D. Lynden-Bell et R. Wood [10] ont précisé la formulation du problème, notamment sur les questions de stabilité des états d’équilibre. Enfin, le raisonnement a été finalisé par T. Padmanabhan en 1989 [46, 47] dont le travail a permis de définir totalement la relation entre l’énergie et la température du problème. Tous les éléments du raisonnement ont été synthétisés dans la revue [48].
Au vu de l’importance historique de cette discussion, et comme ils constituent une première base importante du traitement statistique de la gravitation, la plupart de ces résultats sont reproduits dans ce chapitre. Le premier paragraphe II.1 reprend la formalisation du problème du point de vue de la physique statistique. L’hypothèse de champ moyen, centrale dans ce modèle, est précisée dans ce cadre. Ensuite, ces éléments seront utilisés dans le paragraphe II.2 pour déduire et discuter les principaux résultats de ce problème, en particulier la catastrophe gravotherme.
Pour finir, dans le paragraphe II.3, nous étendrons cette méthode de calcul à un gaz de sphères dures isotherme. En effet, si le modèle suppose que les interactions gravitationnelles à courte portée sont négligeables, il n’interdit pas de prendre en compte des corrélations locales entre les objets, notamment en considérant l’équation d’état locale d’un gaz de sphères dures pour décrire le fluide.

Le champ moyen dans l’ensemble microcanonique

Sous des hypothèses de champ moyen, il est possible dans l’ensemble microcanonique de calculer la fonction de distribution du système gravitationnel à N corps. Cette distribution est alors de type Maxwell-Boltzmann et peut être interprétée comme une conséquence d’un traitement de type hydrostatique du problème.

Discussion de la relation entre l’énergie et la température de la sphère isotherme

La discussion complète de cette courbe figure II.3 est très riche et présente de nombreuses subtilités. Une partie de ces aspects sortent du cadre de la discussion de cette thèse et nous renvoyons le lecteur à la lecture des articles historiques [10, 46, 47] pour les détails complets. Toutefois, nous souhaitons insister sur quelques élément de discussion.
On remarque immédiatement des zones où l’énergie est décroissante avec la température. Cela signifie que la capacité calorifique à volume constant cv = ∂E/∂T est négative. Dans l’ensemble microcanonique, cela ne pose aucun problème. Si il est possible de décrire le système dans l’ensemble canonique, alors les ensembles seraient clairement non-équivalents. En effet la capacité calorifique est toujours positive dans l’ensemble canonique car elle est proportionnelle aux fluctuations de l’énergie moyenne. Toutefois, la description du système dans l’ensemble canonique dépend de la construction d’un thermostat, ce qui pose problème dans un contexte hydrostatique. Ensuite, on remarque que dans une certaine gamme d’énergie, le système est multivalué. C’est à dire qu’il existe plusieurs états d’équilibres de température différentes pour une même énergie. La droite verte matérialise une de ces valeurs. On peut donc se poser la question de l’état réalisé par le système, et en particulier la stabilité de ces états. La discussion complète de cet intéressant problème a été réalisée par T. Padmanabhan [47] ou encore par J. Katz [51] et nous renvoyons le lecteur à la lecture de ces références pour tous les détails. Le résultat à retenir est que, pour les valeurs d’énergie supérieures à la valeur critique εc, il existera une distribution d’équilibre métastable si la quantité R = ρ(0)/ρ(R) est plus petite que 709. La métastabilité s’explique car il n’existe pas, à cause de la divergence du potentiel en 1/r, de maxima absolu de l’entropie. Il s’agit donc uniquement de maxima locaux. Cette zone correspond à la partie supérieure de la courbe de la figure II.3 qui parcourt l’énergie de l’infini jusqu’à εc. Au passage de la tangente verticale, la quantité R = ρ(0)/ρ(R) devient plus grande que 709, l’entropie est extrémale mais sous la forme d’un point-selle. Il n’existe donc plus de maxima local et le système est dans un état instable pour la partie inférieure de la spirale [29, 48].
Il est à noter que cette valeur de R est très faible, comparée à celle estimée pour certains objets astrophysiques comme les amas globulaires, où la densité entre le centre et les bords peut varier sur de nombreux ordres de grandeurs. Toutefois, comme la notion de boîte n’a pas de sens pour les objets astrophysiques, la densité sur les bords de l’amas tend vers 0 et la comparaison avec cette grandeur du système théorique est limitée.
Enfin, un des aspects central de ce travail est l’existence de cette valeur limite de l’énergie εc = −0.335. Si l’énergie du système est en dessous de cette valeur, il n’existe pas d’extremum d’entropie et donc il n’existe pas d’état d’équilibre du système. On parle généralement de ca-tastrophe gravotherme. Dans la littérature, il existe assez peu de discussions sur les éventuels états du système dans cette configuration. Dans son article [47], T. Padmanabhan pose la ques-tion d’une éventuelle distribution constituée d’une binaire très liée entourée d’un halo très chaud 1. Dans leur article [10], D. Lynden-Bell et R. Wood expliquent que la distribution de type Maxwell-Boltzmann (II.26) n’est sans doute plus valable, et qu’il faudrait prendre en compte les effets col-lectifs pour décrire correctement le système dans cette gamme d’énergie. Ce résultat est d’ailleurs le point de départ de notre réflexion autour de cette thèse. Pour essayer de discuter cet aspect, et inspiré par les réflexions ci-dessus, nous avons choisi de nous intéresser à d’éventuels effets à courte portée, dus à la taille finie des objets ou à la courte portée de la gravitation.

Le gaz isotherme de sphères dures

Dans le but de décrire des états d’équilibres de systèmes astrophysiques, le modèle de la sphère isotherme, bien que déjà très riche sur de nombreux aspects, est vraisemblablement trop simpliste. Un premier prolongement naturel est d’essayer de prendre un compte les aspects de courte portée. Nous allons dans ce paragraphe rester sur une description de type champ moyen, ce choix nous force à négliger les aspects de courte portée de la gravitation. Toutefois, il est possible de prendre en compte des effets locaux dus uniquement à la taille finie des objets dans une description de type hydrostatique. La justification de l’équivalence entre la description hydrostatique et l’hypothèse de champ moyen dans le cadre de sphères dure sera réalisée dans le chapitre III suivant.
Dans ce paragraphe, nous utilisons donc la méthode décrite dans la première partie du chapitre pour discuter un système de sphères dures en interaction gravitationnelle dans une approche hy-drostatique. Pour cela, on tient compte dans la description de la sphère isotherme de la fonction de corrélation locale des sphères dures. Ce travail a en grande partie déjà été réalisé dans la réfé-rence [41] dans laquelle les auteurs ont en particulier étudié les transitions de phases de ce système. T. Padmanabhan a réalisé le même type de travail avec un fonction de corrélation plus simple, qu’il qualifie lui-même de « modèle jouet » [52], tout comme E.B. Aronson et C.J. Hansen [53]. Des tra-vaux proches ont étés réalisés pour un système de fermions en interaction gravitationnelle [12,23], où les corrélations locales d’origine quantique sont prises en compte avec la fonction de distribution de Fermi-Dirac, et pour un système gravitationnel avec une régularisation « molle » du potentiel [54,55].
Dans ce paragraphe, nous développons une méthode de calcul proche de celle du paragraphe précédent en utilisant à nouveau un système dynamique. Grâce à celui-ci, nous sommes en mesure de déterminer numériquement la relation entre l’énergie et la température pour un gaz de sphères dures en interaction gravitationnelle pour différentes fractions d’empilements. Ces courbes, très proches de celles obtenues d’autres régularisations [12, 54–56], et originales pour ce système, sont discutées dans le dernier paragraphe de cette section et permettent une nouvelle lecture du modèle de la sphère isotherme pour des particules ponctuelles.

Définitions et notations

Nous considérons maintenant un système de N sphères dures de diamètre σ et de masse m en interaction gravitationnelle dans une boîte sphérique de volume Λ = 43 πR3. Nous supposons que le système est thermalisé au sens du paragraphe II.1.3 à la température T .

Le modèle de sphères dures

Nous supposons qu’à petite échelle, les seules interactions entre les particules sont celles entre les sphères dures. Autrement dit, l’interaction gravitationnelle est négligée aux petites échelles. La pression locale des sphères dures s’exprime [57]

Méthode numérique de résolution

Résumons la méthode numérique utilisée pour tracer avoir accès à un triplet (η0, ε, T ∗) :
— on fixe η0 ;
— on choisit une valeur de α comprise entre ]0, 0.49], comme α est la fraction d’empilement au centre et que la fonction η(r) est une fonction décroissante, cette borne supérieure permet d’éviter la transition de phase du gaz de sphères dures ;
— on résout le système (v, w) (II.69) pour x variant entre 0 et une valeur la plus grande possible ;
— on cherche la solution X de l’équation (II.78) ;
— on calcule (ε, T ∗) grâce à cette valeur de X que l’on insére dans les équations (II.73) et (II.76). Pour retrouver par cette méthode les résultats de la sphère isotherme des masses ponctuelles, il suffit de prendre η0 = α = 0. Dans ce cas, tous les points X seront solutions de (II.69) et permettront d’avoir accès aux couples (ε, T ∗) de la sphère isotherme. Il est à noter que ce tracé permet de tester l’algorithme de calcul proposé. De plus, au cours de tous les calculs numériques effectués, l’équation (II.78) n’a toujours eu qu’une et une seule solution, ce qui a permis d’utiliser la méthode proposée assez simplement.
En suivant cette méthode, on a calculé numériquement plusieurs courbes tracées figure II.4 pour différentes fraction d’empilement. Ces courbes appellent plusieurs remarques.
On remarque qu’à haute énergie, les corrélations entre les sphères dures n’interviennent pas. Tout se passe comme si le gaz de sphères dures se comportait comme un gaz de particules ponctuelles, et ce d’autant plus longtemps que la fraction d’empilement est faible. Ce comportement est attendu car il s’agit simplement du comportement du gaz parfait. À haute énergie, les aspects cinétiques sont totalement prépondérants. Les corrélations deviennent de plus en plus importantes lorsque l’on parcourt la spirale et on observe un comportement que l’on peut qualifier de « déroulement », de plus en plus marqué lorsque la fraction d’empilement augmente.
On remarque trois types de comportements distincts :
— pour les très faibles fractions d’empilement, la courbe reste longtemps proche de la sphère isotherme et il reste une multivaluation pour une large gamme d’énergie ;
— pour les fraction d’empilement intermédiaire, il existe une certaine valeur minimum de η0, vraisemblablement proche de 10−5, telle que la multivaluation disparaisse ;
— pour les larges valeurs de fraction d’empilement, il existe une certaine valeur minimum de η0, vraisemblablement proche de 10−2, telle que la courbe soit toujours croissante.
Malheureusement, l’implémentation de la méthode numérique n’est pas totalement satisfaisante et n’a pas permis d’atteindre des valeurs significativement plus faible de fraction d’empilement.
Pour toutes les courbes, il existera un valeur minimale de l’énergie εcoll telle que l’inverse de la température augmente fortement. Cette énergie correspond à l’énergie minimale accessible lorsque le système est gelé dans un état totalement effondré. La quasi-totalité de l’énergie disponible est alors stockée sous forme gravitationnelle. Comme le modèle numérique s’arrête avant la transition de phase du gaz de sphères dures vers un état vitreux, on n’observe pas la divergence de l’inverse de la température, mais uniquement une forte augmentation et cette énergie limite n’est pas accessible.
Toutefois, au voisinage de ces états effondrés, le modèle de champ moyen n’est plus raisonnable et la discussion de la courbe dans ce domaine n’est donc pas pertinente.

États d’équilibres et multivaluation

Les courbes d’équilibre tracées figure II.4 comportent, pour certaines, une multivaluation. Il est légitime de se demander quel état d’équilibre va être choisi par le système.

Table des matières

I Introduction 
II La sphère isotherme 
II.1 Le champ moyen dans l’ensemble microcanonique
II.1.1 Définitions et notations
II.1.2 L’hypothèse de champ moyen
II.1.3 Dérivation de la fonction de distribution
II.1.4 L’approche hydrostatique
II.2 La catastrophe gravotherme
II.2.1 L’équation de Poisson
II.2.2 Les variables de Milne
II.2.3 Étude du système dynamique
II.2.4 L’énergie des sphères isothermes
II.2.5 Discussion de la relation entre l’énergie et la température de la sphère isotherme 17
II.3 Le gaz isotherme de sphères dures
II.3.1 Définitions et notations
II.3.2 Système dynamique
II.3.3 États d’équilibres et multivaluation
II.4 Pertinence astrophysique et éléments de conclusion
III Étude de la validité de l’approche hydrostatique 
III.1 Définitions
III.1.1 Le système d’intérêt S dans l’ensemble microcanonique
III.1.2 Construction de la limite de scaling
III.1.3 À propos de l’introduction des systèmes auxiliaires
III.2 Étude des propriétés de scaling des systèmes auxiliaires
III.2.1 Extensivité de l’énergie potentielle
III.2.2 Fonctions de distribution de masse
III.2.3 Hypothèse de fluctuations de l’énergie potentielle
III.3 Émergence de la thermalisation locale
III.3.1 Introduction du potentiel gravitationnel
III.3.2 Une distribution de masse de type Maxwell-Boltzmann
III.3.3 Identification de l’équilibre thermodynamique local
III.4 L’approche hydrostatique pour le système infini
III.4.1 Séparation d’échelle et équilibre hydrostatique
III.4.2 Cohérence de l’hypothèse concernant les fluctuations
III.5 Validité de l’approche hydrostatique pour le système fini S
III.5.1 Sur l’introduction du facteur de Boltzmann
III.5.2 Sur l’omission des fluctuations
III.5.3 Exemples astrophysiques
III.6 Synthèse de la discussion
IV Le modèle soluble de la gravitation à une dimension 
IV.1 L’approche hydrostatique
IV.1.1 Le modèle
IV.1.2 Les équations physiques
IV.1.3 Équation d’état
IV.1.4 Validité et limitations
IV.2 L’ensemble isobarique
IV.2.1 Transformation de Laplace
IV.2.2 Fonction de partition isobarique pour le système fini
IV.2.3 La limite du système infini
IV.2.4 Fonctions thermodynamiques
IV.3 Équivalence des ensembles
IV.3.1 Rappel mathématique : la méthode du col
IV.3.2 Ensemble canonique
IV.3.3 L’ensemble microcanonique
IV.3.4 Discussion
IV.4 La structure coeur-halo
IV.4.1 Développements explicites pour le système fini
IV.4.2 Représentation intégrale dans la limite de système infini
IV.4.3 La densité exacte dans le halo
IV.5 Conclusion de l’étude
V Un modèle de binaires partiellement thermalisées 
V.1 Le modèle statistique à deux espèces
V.1.1 Position du problème
V.1.2 Fonctions de densité des différentes espèces
V.1.3 État physique du système
V.2 La sphère isotherme à deux corps
V.2.1 Contenu physique
V.2.2 Système dynamique
V.2.3 Algorithme et courbes
V.3 Prise en compte de la courte portée : un modèle de binaires
V.3.1 Le modèle de binaires
V.3.2 Distribution en énergie des binaires
V.3.3 Utilisation des binaires dans l’équilibre à deux corps
V.4 Éléments de discussion
VI Conclusion et perspectives 
A Compléments
A.1 Fonction de partition exacte à une dimension
A.1.1 Application du théorème des résidus
A.1.2 Calcul des résidus
A.1.3 Fonction de partition
A.2 Modèle d’équilibre chimique pour la distribution de binaires
A.2.1 Construction du modèle
A.2.2 Étude de la fonction de partition Zλ
A.2.3 L’équilibre chimique
A.2.4 Fonction de partition interne des binaires
A.2.5 Prédictions de l’équilibre chimique
B Validity conditions of hydrostatic : a microcanonical analysis
C A solvable model of hard rods with gravitational interactions
Bibliographie 

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