Impact des traits de surface sur le transfert par l’analyse des mouvements oculaires

Impact des traits de surface sur le transfert par l’analyse des mouvements oculaires

Nous faisons l’hypothèse qu’un mode d’instruction qui favorise l’élaboration de connaissances abstraites et structurées en schémas est celui qui incite les participants à utiliser un processus de résolution analogique basé sur la comparaison des problèmes. Afin de le vérifier, nous testons dans ce chapitre, l’hypothèse spécifique selon laquelle la variabilité serait une caractèristique de ce mode d’instruction optimum. L’expèrience que nous présentons dans ce chapitre utilise l’analyse des mouvements oculaires pour explorer les processus de résolution des participants et tester l’impact de la variabilité des traits de surface des problèmes sur ceux-ci. La première hypothèse spécifique que nous testons découle des travaux sur l’interférence contextuelle (Shea & Morgan, 1979 ; Lee & Magill, 1983), et pose qu’un mode d’instruction intégrant de la variabilité favorise l’élaboration de schémas généraux puisque ce mode d’organisation de la tâche incite les participants à comparer les problèmes et à extraire une structure commune. Les connaissances élaborées lors de la phase d’apprentissage sont le plus souvent évaluées à partir de problèmes de transfert. Ces problèmes sont proposés après la phase d’apprentissage à tous les participants quel que soit le mode d’instruction auquel ils ont été confrontés. Ils permettent d’évaluer à travers leur réussite et/ou le temps de réponse le niveau de compétences des participants. La réussite des problèmes de transfert suggère que des connaissances ont été élaborées lors de la phase d’apprentissage, c’est à dire lors de la résolution des problèmes sources. Cette approche est sous-tendue par la notion de transfert. Ce mécanisme permet d’utiliser la solution d’un problème analogue, stockée en mémoire, pour résoudre le problème rencontré.

Largement étudié en tant que tel, il exige une recontextualisation des schémas (Richard, 1990). Celle-ci serait fortement dépendante de la représentation qui est faites du problème (Kotovsky & Fallside, 1989) et des traits de surface des problèmes (Holyoak & Koh, 1987 ; Ross, 1984, 1987). Reed, Ernst et Banerji (1974) observent que le transfert entre deux problèmes proches (le problème des missionnaires et des cannibales et celui des maris jaloux) a lieu uniquement si les participants ont à résoudre celui des maris jaloux en premier et qu’ils sont explicitement informés du lien entre les deux problèmes. Gick et Holyoak (1980) montrent, quant à eux, que l’utilisation de la solution du problème de la tumeur pour résoudre le problème de la forteresse décline lorsque les participants ne disposent pas d’indices pour les y aider. Dans leur étude, Gick et Paterson (1992) examinent l’effet d’un troisième exemple (problème contraste de non convergence) sur l’acquisition d’un schéma de résolution et sur le transfert de la solution à un nouveau problème. L’utilisation de ce troisième problème facilite l’acquisition de schémas ainsi que le transfert de la solution. Cependant lorsque les éléments superficiels du troisième exemple diffèrent des deux autres problèmes, l’effet de facilitation et de transfert n’étaient pas observés. Reed, Dempster et Ettinger (1985) étudient le transfert à travers quatre expériences. Ils s’interrogent sur la manière dont des étudiants peuvent utiliser les solutions de divers problèmes pour résoudre de nouveaux problèmes (problèmes d’algèbre). Dans chaque expérience, les participants résolvent tout d’abord un premier problème source puis deux problèmes tests. La solution du problème source leur est présentée avant les problèmes tests.. Le problème source est soit en lien avec les problèmes tests (groupe expérimental) soit sans lien (groupe contrôle).

Pour le groupe expérimental, un des problèmes test est équivalent au premier problème (il peut être résolu exactement de la même manière), l’autre est similaire (il requiert une légère modification de la procédure pour être résolu). Le groupe contrôle étudie les mêmes problèmes tests. Dans la première expérience, les participants du groupe contrôle et du groupe expérimental ne différent pas significativement dans leur habilité à résoudre les problèmes tests qu’ils soient équivalents ou similaires. Cependant, le groupe expérimental produit davantage de bonnes équations que l’autre groupe [29% vs 10%]. Les deux groupes réussissent davantage les problèmes équivalents que les problèmes similaires. Les auteurs font l’hypothèse que le faible niveau de performance du groupe qui a travaillé dans un premier temps sur un problème du même domaine par rapport à celui du groupe qui a travaillé sur un problème sans lien, est du à la difficulté pour les participants de se rappeler la solution. La seconde expérience teste cette hypothèse. Lorsque les participants ont accès à la solution du premier problème, ils produisent plus de réponses correctes que lorsqu’ils n’y ont pas accès (38% vs 18%) pour les problèmes équivalent. Il n’y a pas de différences pour les problèmes similaires. Les auteurs font alors l’hypothèse que c’est l’abstraction de la solution qui pose problème aux participants. L’expérience 3 introduit une présentation détaillée de la solution. Ceci permet au groupe expérimental de produire davantage de bonnes réponses que le groupe contrôle (56% vs 17%) pour les problèmes équivalents. Les performances pour les problèmes similaires restent faibles et identiques pour les deux groupes. Les participants n’arrivent pas à produire la bonne équation. Les auteurs testent un dernier facteur pouvant expliciter ces résultats dans l’expérience 4 : la complexité des problèmes. Comme pour les expériences précédentes, le premier problème est soit sans lien (groupe contrôle) soit relié aux problèmes tests. Il est également soit complexe soit simple. Que le premier problème soit simple ou complexe, les participants qui ont pratiqué le problème en lien ont de meilleurs résultats que le groupe contrôle. Les participants ayant pratiqué le problème complexe produisent encore davantage de bonnes réponses (57% vs 36% vs 11%) pour le problème simple. Mais moins pour le problème complexe (17% vs 46% vs 6%).

Les participants confrontés au premier problème simple réussissent mieux le problème simple ; les participants qui ont été confrontés au premier problème complexe réussissent mieux le problème complexe. Les résultats suggèrent que c’est pour abstraire l’équation à utiliser pour résoudre les problèmes que les participants rencontrent des difficultés. Lorsque la solution est présente (Expérience 2) ou lorsqu’une présentation détaillée de la solution est introduite (Expérience 3) ou bien lorsque le niveau de difficulté des problèmes est équivalent (Expérience 4), les performances augmentent. Nous pouvons conclure de ces résultats que c’est le mode d’instruction utilisé dans ces expériences qui influence le transfert puisqu’il conduit plus ou moins les participants à abstraire l’équation. La résolution des problèmes dans la première phase influence la réussite des nouveaux problèmes. Selon cette expérience, les participants résolvent davantage les nouveaux problèmes s’ils ont extrait un schéma suffisamment abstrait du ou des problèmes sources. La qualité de ce schéma déterminant la réussite du transfert de la solution. Cette qualité semble être influencée par le mode d’instruction utilisé (présentation de la solution, contrôle du niveau de difficulté). Cette influence pouvant se situer à plusieurs niveaux (organisation de la tâche, structure des problèmes, traits de surface). Holyoak et Koh (1987) ont notamment montré qu’une similarité visuelle entre les problèmes sources favorise la réussite de problèmes de transfert ; tout comme dans l’expérience de Reed, Dempster et Ettinger (1985), dans laquelle les participants résolvent plus facilement les problèmes de transfert équivalent. Tandis que, selon Lee et Magill (1983) et le courant des interférences contextuelles, c’est la variabilité qui favorise la richesse des schémas et la réussite des problèmes de transfert.

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *