Impacts socio-économiques des innovations dans la transformation artisanale des produits halieutiques au Sénégal

Importance de la transformation artisanale

Au Sénégal, la transformation artisanale est la forme de valorisation de produits halieutiques la plus ancienne. Cette filière permet, non seulement de mieux conserver le poisson frais, mais aussi d’en faire un produit d’échange diffusé très largement à l’intérieur du continent (Sène, 2004). Avec le temps, la transformation artisanale a évolué d’une production d’usage à une production marchande. Elle a commencé à se développer dans un contexte assez particulier.
La motorisation des pirogues, l’introduction de la senne tournante et coulissante et certaines mesures incitatives (péréquation sur le carburant pêche, détaxe des équipements de pêche) se sont traduites par un accroissement exponentiel de captures de la pêche artisanale. Les importants volumes des mises à terre de petits pélagiques surtout, qui tournent autour de 90 % des débarquements (DPM, 2015), exigent des conditions de traitement et de conservation qui ne sont pas toujours réunies.
Des pertes post-captures énormes ont alors été déplorées. C’est ainsi que la transformation artisanale des produits halieutiques s’est imposée comme moyen relativement simple pour valoriser la partie de la production artisanale et industrielle qui n’a pas pu intégrer la consommation en frais (Mbaye, 2005).

La fermentation

Le processus de fermentation comprend les deux phases suivantes : Une phase de scission ou d’hydrolyse des protéines du produit halieutique en acides aminés et en peptides sous l’action des enzymes protéolytiques ;
Une phase de conversion des acides aminés et des peptides en constituants savoureux. La saveur provient essentiellement des réactions de désamination et de décarboxylation des acides aminés qui donnent des acides gras inférieurs, des amines et des carbonyles.
Trois types de fermentation sont utilisés pour les produits halieutiques. La fermentation anaérobie par immersion de la matière première halieutique entière ou ouverte mais avec les viscères dans une saumure ou de l’eau de mer pendant le temps qu’il faut (environ 24 à 72 heures).
La fermentation anaérobie par enfouissement de la matière première halieutique entière ou non enveloppé dans des sacs de jute ou en plastique sous terre pendant 24 à 72 heures. La fermentation aérobie intense par addition de sel au produit entier ou ouvert pendant 24 à 72 heures.
Elle sert à stabiliser le produit et à modifier ses qualités organoleptiques et biochimiques notamment. La fermentation confère au produit une odeur typique et des saveurs particulières et recherchées. Suivant la technique utilisée et le type de produits concernés, la fermentation donne plusieurs types de produits.

Le poisson salé séché (Sali)

Sa production comporte trois phases : la préparation du poisson avant le salage, le salage et le séchage. En ce qui concerne la préparation, après la réception, le poisson est écaillé, étêté ou non, éviscéré soigneusement, ouvert sur le ventre en portefeuille, tranché de part et d’autre de la colonne vertébrale surtout pour les pièces épaisses, lavé, rincé et égoutté.
Après la préparation, le poisson peut être salé selon deux variantes en fonction de la teneur en graisse. Le salage à sec pour les espèces maigres et le salage en saumure pour les espèces grasses. Pour le salage à sec, le poisson est salé par alternance de couches de poissons et de sel, étalé sur une plateforme dallée ou de préférence dans une cuve fermée pourvue de palette sur le fond et de trous d’évacuation latéraux. La quantité de sel nécessaire est de 30 à 40 % du poids frais. La durée de salage est d’environ trois jours. Il est recommandé d’utiliser du sel fin et du sel en gros cristaux dans une proportion de 2/1. A la sortie de la cuve de salage, le poisson est rincé et le sel éliminé. Il est étalé ensuite sur des claies de séchage pendant trois à cinq jours. Le rendement se situe autour de 45%.
Le salage en saumure est recommandé pour les poissons gras. Le poisson préparé est salé dans une saumure (260 g/1litre d’eau et 2 litres d’eau pour 1 kg de poisson).
La durée de salage dans une saumure est de six à vingt quatre heures. La saumure agit par osmose : la teneur en sel du produit s’équilibre avec celle de la saumure. Pour maintenir le degré de saturation de la saumure, il est conseillé d’y plonger un petit sac de sel. Après le salage, le poisson est égoutté et mis à sécher sur des claies pendant trois à cinq jours. Il présente une couleur brun-clair. Cependant avec le rajout de l’iode dans le sel, le Sali peut changer de couleur et devenir rougeâtre (DPM, 2009).

Le braisage traditionnel au sol

Le braisage-séchage est une technique de conservation très ancienne. Les Lébous en font usage dès les XVème et XVIème siècles (Sène, 2004). Il est utilisé dans la fabrication du kéthiakh. La préparation du kéthiakh nécessite un produit frais et utilise la sardinelle (Sardinella aurita et S. maderensis), l’ethmalose (Ethmalosa fimbriata) et parfois le chinchard (Caranx rhonchus). Le braisage consiste à exposer le produit au médium de braisage (air chaud et sec en mouvement) soutenu par un feu intense pendant 30 à 45 mn. L’objectif est de déshydrater le produit, coaguler les protéines et rendre la chair ferme. Les poissons sont étalés à même le sol et soigneusement rangés côte à côte. La couche de poissons est saupoudrée de sable de façon à éviter que les poissons ne se collent entre eux lors du braisage. Ils sont ensuite recouverts de combustible (paille de mil, coques d’arachide, herbes, résidus de poisson, etc.).
La combustion dure environ 3 heures. Le poisson est laissé à refroidir sous la cendre pendant la nuit. Le lendemain, le poisson est dépiauté et saupoudré de sel fin afin d’éviter I’infestation par les larves de mouches. Le rendement varie de 30 % à 40 % selon la quantité de sel utilisée et le temps de séchage (Bakhayokho et al., 1997).

Le fumage traditionnel

Le fumage est une technique de conservation qui consiste à exposer les produits de la pêche à la fumée obtenue par combustion du bois. Cette fumée contient des substances colorantes et odorantes qui améliorent les qualités organoleptiques des poissons (flaveur, textures, couleur) et leur assurent une bonne conservation, IDEE. Casamance (2014). Au Sénégal, le fumage a été introduit dans la transformation artisanale des produits halieutiques vers les années 50. A cet effet, Lourdelet (1966) a signalé l’introduction du métorah au Sénégal par les guinéens qui se sont installés en Casamance puis le long de la côte. Selon lui, les premiers fumoirs à métorah ont fonctionné à Mbour en 1957.
Le fumage comporte trois opérations unitaires distinctes ayant chacune son importance sur la qualité du produit. Elles sont le pré-séchage, la cuisson et le fumage proprement dit. Le pré-séchage consiste à déshydrater le poisson avec un feu doux. Cette étape dure jusqu’à deux heures de temps pendant lesquelles il est conseillé d’utiliser des combustibles ne produisant pas de fumée en vue de limiter l’apport en Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), substances reconnues pour leur effet cancérigène sur l’homme.
La phase de cuisson a pour objectif de coaguler les protéines et rendre la chair ferme. Cette étape nécessite un feu intense et dure une à deux heures.
Pour la phase de fumage, la flamme est étouffée avec de l’eau et la fermeture des foyers et du dessus du fumoir. Des copeaux de bois ou d’autres types de combustibles ligneux sont intégrés dans le foyer pour favoriser la production de fumée. Cette étape dure également une à deux heures. Cette technologie combine l’action déshydratante des températures élevées et l’imprégnation des produits des substances antiseptiques que renferme la fumée (phénol, carbonyles, acides) Rivier et al. , (2010).
Les poissons fumés sont constitués de trois principaux types de produits que sont le métorah, le bonga, le mâchoiron fumé.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE 1 : CARACTERISATION ET EVOLUTION DE LA FILIERE HALIEUTIQUE
1.1. Importance de la transformation artisanale 
1.1.1. La production
1.1.2. Les marchés
1.1.3. Les acteurs
1.1.3.1. Les professionnels de la transformation artisanale
1.1.3.2. Les employés
1.1.3.3. Les mareyeurs
1.1.3.4. Les fournisseurs de matières et d’intrants autres que le poisson
1.1.3.5. Les grossistes de produits transformés
1.1.3.6. Les détaillants de produits transformés
1.1.4. Les valeurs ajoutées
1.1.5. Les institutions d’appui à la transformation artisanale
CHAPITRE 2 : LES TECHNIQUES DE TRANSFORMATION ARTISANALE DES PRODUITS HALIEUTIQUES
2.1. La fermentation 
2.1.1. Le poisson ouvert fermenté séché « Guedj »
2.1.2. Le poisson fermenté entier « Tambadiang »
2.1.3. Le Cymbium fermenté séché « yeet »
2.1.4. Le Murex sp. fermenté séché « Touffa »
2.1.5. La sauce de poisson « Nuoc mam »
2.2. Le salage 
2.2.1. Le poisson salé séché
2.3. Le braisage traditionnel 
2.4. Le braisage au fumoir traditionnel 
2.5. Cuisson et séchage des produits halieutiques 
2.6. Le fumage traditionnel 
2.6.1. Le métorah
2.6.2. Le bonga
2.6.3. Le mâchoiron fumé
2.7. La valorisation des sous-produits
2.7.1. Valorisation des épluchures de kethiakh
2.7.2. Extraction de l’huile de poisson
2.7.3. Séchage direct des produits
2.8. Les limites des techniques traditionnelles
2.8.1. Le milieu
2.8.2. Les matières
2.8.3. Le matériel
2.8.4. Les méthodes
2.8.5. La main d’œuvre
CHAPITRE III : LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
3.1. Le contexte historique 
3.2. Les principaux types de fumoirs 
3.2.1. Les fumoirs métalliques démontables
3.2.2. Les fumoirs Altona
3.2.2.1. Le modèle de l’ITA
3.2.2.2. Le modèle de la FAO
3.2.2.3. Le modèle de Ndangane Sambou
3.2.3. Le fumoir Chorkor
3.2.4. Le fumoir de « green Sénégal »
3.2.5. Les fumoirs « parpaing »
3.2.5.1. Les fumoirs «parpaing » en banco
3.2.5.2. Les fumoirs en briques de ciment ou briques pleines réfractaires
3.2.5.3. Les fumoirs en béton armé
DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE DE L’ETUDE
4. CADRE DE L’ETUDE
4.1. Le site Domine de Bargny
4.2. Le site Khelcom à Joal
4.3. Le site de Kayar
4.4. Le site de Ndangane Sambou
5. MATERIEL ET METHODES 
5.1. Matériel
5.2. Méthodes
5.2.1. Revue documentaire
5.2.2 Enquêtes
5.2.3. Collecte des données
5.2.4. Saisie, analyse et interprétation des données
5.2.5. Approche d’analyse
5.2.5.1. La pertinence
5.1.5.2. L’efficacité
5.2.5.3. L’efficience
5.2.5.4. La durabilité
5.2.5.5. Approche d’analyse
TROISIEME PARTIE : RESULTATS ET DISCUSSION 
6. PRESENTATION DES RESULTATS 
6.1. Le site Domine de Bargny
6.1.1. Etat des fumoirs
6.1.2. Production du site
6.1.3. Les principales innovations du site
6.2. Le site Khelcom à Joal
6.2.1. Etats des fumoirs du site
6.2.2. Production du site
6.2.3. Les principales innovations du site
6.3. Le site de Kayar
6.3.1. Etat des fumoirs
6.3.2. Production du site
6.3.3. Les principales innovations du site
6.4. Le site Ndangane Sambou
6.4.1. Etat des fumoirs
6.4.2. Production du site
6.4.3. Les principales innovations du site
6.5. Conclusion
7 ANALYSE ET DISCUSSION DES RESULTATS 
7.1. La pertinence
7.2. L’efficacité
7.2.1. Meilleure capacité de production
7.2.2. Meilleure qualité des produits
7.2.3. Réduction de la consommation de combustible
7.2.4. Raisons des contres performances
7.3. L’efficience
7.4. Durabilité
7.5. L’impact
7.5.1. Réduction des pertes post capture
7.5.2. Sécurité alimentaire
7.5.3. Création de richesse
7.5.4. Amélioration des conditions de travail
8 RECOMMANDATIONS ET PERSPECTIVES 
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
ANNEXES I 

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