Instabilité de tôle ondulée créée par une roue 

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Grains en écoulement

Écoulements sur plan incliné

Une expérience aussi simple que faire s’écouler du sable le long d’un plan incliné peut faire apparaître plusieurs instabilités. L’exemple le plus courant d’écoulement gravitaire sont les avalanches. Lorsque que l’on incline une plaque recouverte de grains au-delà de l’angle de frottement dynamique, une simple perturbation suffit à générer une avalanche. La figure 6a) montre un dispositif expérimental servant à étudier la mor-phologie des avalanches ainsi créées (Daerr [2001]). Une plaque recouverte de velours sur laquelle est déposée une couche de grains d’épaisseur variable est progressivement inclinée avec précision. La surface du lit granulaire est ensuite éclairée à l’aide d’une nappe laser en incidence oblique. Pour de faibles angles d’inclinaison de la plaque et une faible épaisseur de grains les avalanches ne s’étendent qu’en aval du lieu de per-turbation (figure 6b)). Pour des épaisseurs et des angles plus importants (figure 6b)), l’avalanche se propage également en amont (les grains s’écoulant toujours vers le bas).
Figure 6 – a) Dispositif expérimental utilisé afin d’étudier l’apparition et la forme des avalanches en fonction de l’angle d’inclinaison du plan. b et c) Deux avalanches typiques, sur la sous-figure b) le plan est incliné de 31◦ et l’avalanche se propage uniquement en aval. Pour une inclinaison de 34◦ l’avalanche se propage également en amont. D’après Daerr [2001].
Certaines instabilités comme une digitation (Pouliquen et Vallance [1999]) ou en-core l’apparition de vortex (Forterre et Pouliquen [2001]) peuvent également se déve-lopper au sein d’une avalanche. La figure 7 illustre ces deux instabilités.
Figure 7 – À gauche, suivi du front d’une avalanche dans deux situations. Sur les sous-figures a, b et c) le milieu granulaire est mono-disperse et le front de l’avalanche est stable. Sur les sous-figures d, e et f) le milieu est bidisperse et on observe une digitation. D’après Pouliquen et Vallance [1999]. À droite, dispositif expérimental et illustration des rouleaux de convection au sein d’une avalanche. D’après Forterre et Pouliquen [2001].

Tambours tournants

Un dispositif couramment utilisé pour reproduire des avalanches consiste en un tambour tournant partiellement rempli de grains. En effet, lorsque la surface libre des grains contenus dans le tambour est inclinée au delà de son angle de repos, une avalanche apparaît. Lorsque le tambour tourne suffisamment vite, l’écoulement de la surface libre devient continu. De tels systèmes sont très largement utilisés en industrie pour mélanger, recouvrir, sécher ou encore broyer des grains. Ces tambours sont souvent le siège de ségrégation, empêchant alors un mélange correct du milieu granulaire. Deux types de ségrégation peuvent avoir lieu dans un tel système : une ségrégation radiale et une ségrégation axiale. La première appraît généralement assez vite, (i.e après quelques tours) et se manifeste par une accumulation de petits grains au centre du tambour, les gros grains étant rejetés à sa périphérie (voir figure 8a)). Pour de faibles vitesses de rotation, la zone circulaire formée des petits grains se déstabilise pour former un motif en pétales (figure 8b) issue de Gray et Chugunov [2006]). La ségrégation axiale apparaît dans des tambours dont la longueur est plus grande que le diamètre, elle se manifeste par une succession de bandes axiales de gros et petits grains. La figure 8c) issue de Richard et Taberlet [2008] montre un exemple de ségrégation axiale obtenue dans une simulation numérique de dynamique moléculaire de sphères molles.
Figure 8 – a) Ségrégation radiale en tambour tournant. b) Formation de pé-tales en tambour tournant à très faible vitesse. D’après Gray et Chugunov [2006]. c) Ségrégation axiale en tambour tournant. D’après Richard et Taberlet [2008].
Une autre méthode de mise en mouvement de grains consiste à leur appliquer direc-tement un cisaillement en déplaçant une des parois les contenant. Pour cela, on peut utiliser toutes les géométries rencontrées en rhéologie classique des fluides. Une des géométries couramment utilisée est celle de Couette. Elle consiste en deux cylindres coaxiaux dont l’un tourne par rapport à l’autre. Lorsque l’échantillon, placé entre ces deux cylindres, est un fluide classique, on observe à fort taux de cisaillement l’apparition de vortex. Cette instabilité, connue sous le nom d’instabilité de Taylor-Couette, appa-raît également en présence d’un milieu granulaire fluidisé et polydisperse. La figure 9a) présente le dispositif expérimentale utilisé par Conway et al. [2004] pour produire cette instabilité illustrée sur les figures 9b-c).

Chute libre

Une expérience aussi simple que faire tomber un jet de grains en chute libre peut également faire apparaître une instabilité à l’instar d’un filet d’eau en chute libre. Lorsque chez soi on ouvre faiblement un robinet, on aperçoit un filet d’eau au niveau de la sortie qui se déstabilise pour former des gouttelettes en aval. Cette instabilité connue sous le nom de Rayleigh-Plateau est due à la tension superficielle de l’eau qui tend à minimiser la surface de contact entre le jet d’eau et l’air. Prado et al. [2011] ont montré que cette instabilité possède un analogue dans les milieux granulaires. Leurs travaux montre que l’on peut définir une tension de surface effective pour un jet granulaire. Cette tension de surface résulte de l’interaction complexe entre les grains et l’air ambiant car cette instabilité disparaît sous vide d’air.

Rides et dunes

Figure 10 – Dunes de sable au sommet de laquelle des rides se développent. (Source : Google Image)
L’interaction entre un fluide et un milieu granulaire est responsable de nombreuses autres instabilités. Les plus communes sont les formations géologiques telles que les dunes (voir figure 10), bancs de sable ou rides sous-marines ou éoliennes (Langlois [2005]; Andreotti et al. [2002a,b]; Hersen [2004]). Nous reviendrons plus en détail sur les mécanismes responsables de leur formation dans la partie 3. La formation de dunes n’est toutefois pas réservée à l’interaction entre les grains et un fluide en écoulement. En effet, sur les pistes en sable ou graviers, on observe sous certaines conditions l’apparition de rides. Ce phénomène que l’on appelle tôle ondulée ou « washboard road »fait l’objet de ce manuscrit.

Plan du manuscrit

Cette thèse est donc dédiée à l’étude de l’instabilité de tôle ondulée. Dans un premier temps nous présentons l’état des connaissances actuelles sur cette instabilité. Nous éta-blissons ensuite un parallèle entre cette instabilité et d’autres phénomènes d’apparition spontanée de rides. Dans la seconde partie, après avoir présenté les outils expérimentaux et numériques d’étude, nous mettons en exergue les différentes caractéristiques de la tôle ondulée. Puis nous présentons un modèle de stabilité linéaire dans un cas simplifié où le véhicule est constitué d’une lame inclinée et libre de se déplacer verticalement. Ce modèle est fondé sur la mesure directe des forces agissant sur la lame. Dans la troisième et dernière partie nous réalisons différentes études afin d’obtenir une description plus réaliste de l’instabilité. Nous commençons par l’interaction entre différents véhicules, puis nous proposons un début d’interprétation de l’instabilité dans le cas où elle est créée par le passage d’une roue. Pour finir nous étudions l’effet de l’humidité et donc de la cohésion du lit granulaire sur l’apparition du motif.
Les annexes rapportent deux travaux numériques effectués en parallèle de l’étude de l’instabilité de tôle. Nous présentons tout d’abord des résultats sur la vidange d’un silo, puis sur l’effet des variations de température sur un empilement granulaire.

Premières expériences

Bien que les premières observations du phénomène datent d’environ un siècle, les premières études expérimentales de l’instabilité de tôle ondulée sont dues à Keith Ma-ther, de l’université de Melbourne (Mather [1963, 1962]). Il a reproduit une piste circu-laire en sable (figure 2.1(a)) sur laquelle roule une roue poussée par un bras motorisé. Cette roue est reliée au bras par l’intermédiaire d’une suspension et est dotée d’un pneumatique en gomme dure. Grâce à ce système expérimental, Mather fut en mesure de reproduire l’instabilité. Il observa un motif de rides dont il étudia les propriétés. Il a ainsi pu mettre en évidence l’existence d’une vitesse seuil pour l’apparition des rides, en dessous de cette vitesse toute perturbation présente sur la piste est lissée, au dessus des rides apparaissent en quelques tours. Il a également mesuré la longueur d’onde du motif en fonction de la vitesse et la masse de la roue ainsi que l’influence de la raideur de la suspension.
La figure 2.1b) montre la longueur d’onde du motif mesuré par Mather en fonction de la vitesse de la roue pour différentes situations. La courbe en noir est le cas standard, la courbe en gris est pour une roue plus lourde et la courbe en pointillé pour une suspension plus rigide. Il a également pu faire des relevés du profil de la piste grâce à un micromètre monté sur le bras. Ainsi, la figure 2.1c) montre l’évolution du profil à partir d’une perturbation initiale. Sur ce schéma, la roue décolle au sommet des bosses et creuse un peu plus la piste à chaque impact. Nous verrons cependant dans le chapitre 2 de la troisième partie de cette thèse qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait impact entre la roue et la piste pour que l’instabilité se produise, et qu’elle commence à apparaître alors que la roue est toujours en contact avec la piste. Mather précise qu’il a aussi observé une migration du profil de la piste dans le sens rétrograde (inverse au sens de circulation de la roue). Il a enfin constaté que le phénomène était très robuste, en variant la raideur de la suspension, la masse de la roue, le mode de traction de la roue (poussée ou mise en rotation avec un couple moteur) et en utilisant des grains de tailles et formes très variables (sable, riz, sucre ou encore pois cassés). On peut noter toutefois que le lit de sable utilisé est assez mince et que la roue touche le support de l’expérience entre deux bosses.

Tentatives de modélisations

Quelques années après les premières investigations de Mather, Riley et Furry de l’université de Cornell aux États-Unis ont réalisé un montage très similaire à celui de Mather (Riley [1971]; Riley et Furry [1973]). Une roue suspendue via un amortisseur à un bras motorisé, est mise en mouvement sur un lit granulaire à vitesse constante. La roue est là aussi dotée d’un pneu dont la pression intérieure peut être réglée. Dans cette étude très complète, les auteurs ont fait varier : la masse de la roue, la raideur de la suspension, la pression des pneus, l’amplitude de la perturbation initiale, le milieu granulaire et également la hauteur du lit de grain. Riley et Furry ont alors retrouvé les résultats établis par Mather, c’est-à-dire que le phénomène est robuste, qu’il existe une vitesse seuil et que les rides se déplacent sur la piste. Ils ont également pu mettre en évidence qu’il n’était pas nécessaire de faire une perturbation initiale pour déclencher l’apparition des rides, mais que l’irrégularité naturelle de la piste était suffisante. De plus, ils ont observé une saturation de l’amplitude des rides et ils ont découvert que la longueur d’onde du motif n’était pas directement liée à la fréquence propre de la suspension (cette fréquence propre n’étant d’ailleurs pas toujours définie puisque les suspensions sont prévues pour être suramorties).
Outre les nombreuses expériences de tôle ondulée réalisées par Riley et Furry, ils ont également proposé le premier modèle physique convaincant pour cette instabilité et la plupart des modèles plus récents s’inspirent directement de leurs travaux. La figure 2.2 présente la modélisation de l’interaction roue/route que font ces auteurs. Ils considèrent uniquement le mouvement de la roue. Cette simplification suppose que la dynamique du châssis rattaché à la roue via la suspension est négligeable. Cette roue est modélisée par une masse montée sur un ressort et un amortisseur en parallèle qui reposent sur la route. Celle-ci est modélisée par un système analogue de masse sur ressort et amortisseur. La masse de la route étant donnée par la largeur de la zone de contact entre le pneu et la piste. Riley et Furry obtiennent alors deux équations différentielles couplées en
Figure 2.2 – Modélisation de l’interaction roue/route faite par Riley. La roue est modélisée par un système masse plus ressort avec une dissipation visqueuse, cette roue évolue sur une route qui elle aussi est modélisée par un système masse plus ressort. La masse de la route est donnée par l’épaisseur du lit de grains et la taille de sa zone de contact avec le pneu.
appliquant le principe fondamental de la dynamique aux deux masses. Puis, grâce à des tests de pénétration dans le sol, ils établissent une loi pour la déformation plastique de la route. De la même manière, tous les coefficients apparaissant dans la modélisation roue/route sont mesurés expérimentalement. Ils arrivent ainsi à un système complet qu’ils intègrent numériquement. Il faut souligner la qualité de ces travaux, tant au niveau des expériences réalisées que du modèle proposé et surtout de sa résolution numérique avec les moyens informatiques dont disposaient les auteurs en 1970.
Ce n’est que trente ans plus tard que la tôle ondulée refait sont apparition en phy-sique. En 2000, Mays et Faybishenko (Mays et Faybishenko [2000]) reprennent exacte-ment le modèle de Riley, mais en proposant une loi de déformation du lit granulaire ad hoc, plutôt que la loi expérimentale trouvée par Riley. De plus, au lieu de faire une résolution par intégration numérique des équations, les auteurs implémentent un automate cellulaire. Ce modèle, certes produit des rides, mais dépend très fortement du choix arbitraire des coefficients de l’automate cellulaire. Les auteurs mesurent alors une vitesse de dérive des rides (tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre), un taux d’accroissement d’entropie et des exposants de Lyapunov locaux.
L’année suivante, en 2001, Kurtze, Booth et Hong ont modélisé l’instabilité de tôle ondulée à partir du modèle de Riley, mais en cherchant une expression analytique des taux de croissance, longueurs d’onde, vitesse critique et vitesse de migration des rides. Pour cela, ils font la même modélisation de la roue que Riley mais utilisent une description lagrangienne du flux de voitures. Ils obtiennent alors l’équation dynamique suivante : (∂t + V ∂x)2 Z + Γω0 (∂t + V ∂x) (Z − H ) + ω02 (∂t + V ∂x) = 0 (2.1) où ω0 est la pulsation propre du système, γ est l’inverse du facteur de qualité, V la vitesse de la voiture, Z son altitude et H la hauteur de la piste. Les auteurs supposent ensuite que la déformation de la piste se fait proportionnellement à la force exercée par la roue sur celle-ci. Ils modélisent donc la compacité locale de la façon suivante : ∂H = −M a(H ) (g + (∂t + V ∂x)) Z) (2.2) Le facteur de proportionnalité a(H ) est l’inverse d’une compressibilité. Il décrit une piste qui se durcit au fur et à mesure que celle-ci se compacte (a est une fonction croissante). Puis, en faisant un développement perturbatif autour d’une hauteur H0, les auteurs obtiennent une expression pour le taux de croissance des rides qui fait apparaître une transition entre deux régimes : un régime où la route reste lisse et un autre où la tôle ondulée est présente. La tôle ondulée se manifeste alors dès que la relation suivante est satisfaite : d ln a < ω02 (2.3) dH H0 Γ(2−γ)
On observe que la transition entre les deux régimes est donnée par la forme de la fonc-tion a et la valeur de la dissipation visqueuse. On remarquera d’une part que cette expression n’est pas valable lorsque la roue est suramortie, et que la vitesse de la roue n’y joue aucun rôle. Cependant les auteurs ne font pas de commentaire sur ce point.
Six mois plus tard, les mêmes auteurs rédigent un autre article dans lequel ils affinent un peu leur modèle. Ils gardent la même équation pour la dynamique de la roue, mais modifient l’expression de la compaction de la piste de la façon suivante : ∂H = −M a(H ) (g + k (H − Z)) + D(H ) ∂2h (2.4) ∂t ∂x2
Le premier changement notable dans cette équation est que la force totale subie par la route (M (∂t + V ∂x)2 Z) est remplacée par le terme de rappel élastique uniquement, ce qui paraît déjà assez douteux. Mais plus étonnant encore, ils rajoutent un terme de diffusion de la route, expliquant que toutes les perturbations de la route sont lissées par ce processus qui peut être dû au vent, à la pluie ou encore au passage des voitures. Outre, le fait que ce terme n’a aucune justification physique, il est très surprenant de supposer que le passage des voitures a pour effet de diffuser les perturbations alors que l’objectif de cette modélisation est justement de comprendre quel est l’effet du passage des voitures sur la route ! Quoi qu’il en soit, l’ajout de ce terme ad hoc permet de faire apparaître une vitesse seuil entre les deux régimes route lisse/route ondulée. De plus, à cause du terme de diffusion, les auteurs trouvent qu’il existe un flux de voiture critique, quelle que soit la vitesse des voitures, au dessus duquel la route est instable. Ceci est bien sûr faux, la route est soit stable soit instable et ce indépendamment du nombre de voitures circulant dessus. La croissance des rides se fera simplement plus rapidement si le trafic est intense.
En 2007 et 2009, Hoffmann et al. de l’université de Hambourg rédigent deux articles sur l’instabilité de tôle ondulée (Hoffmann et Misol [2007]; Hoffmann et al. [2009]). Ils reprennent le premier modèle de Kurtze et al., et le raffinent en considérant un trafic de voitures de différentes masses et différentes vitesses. Même s’ils partent d’un modèle fortement discutable, celui-ci sert finalement de prétexte aux auteurs pour illustrer une technique d’analyse de systèmes résonants.
Enfin, nous pouvons également citer les travaux récents de Balmforth, Hewitt et McElwaine (Hewitt et al. [2012]) inspirés par les discussions que nous avons eues avec McElwaine. Ces travaux traitent de l’instabilité de tôle ondulée non pas sur un lit granulaire mais sur un fluide complexe. Le phénomène est alors traité sous l’angle de la théorie de la lubrification viscoplastique, mais en oubliant que l’instabilité apparaît à cause du passage répété des voitures. En effet, ils ne considèrent que le premier passage du véhicule sur la piste, leur travaux sont donc en réalité plus proches des ricochets que de la tôle ondulée.

Études préliminaires à la thèse

Comme indiqué précédemment, l’instabilité de tôle ondulée est étudiée expérimen-talement depuis les années 60 (Mather [1962, 1963]) et c’est dans l’optique de compléter ces études que Nicolas Taberlet a commencé à étudier la formation du motif créé par une roue tirée à vitesse constante sur un lit granulaire (Taberlet et al. [2007]; Bitbol et al. [2009]). Pour cela, il a utilisé deux montages expérimentaux (voir figure 2.3), l’un situé au laboratoire du DAMTP à Cambridge (UK) et l’autre au laboratoire de physique de l’ENS de Lyon. Le premier, consiste en une table tournante sur laquelle repose un lit de sable alors que le deuxième ressemble beaucoup plus à l’expérience Mather, avec une piste circulaire au centre de laquelle un axe en rotation permet d’entraîner une roue. Dans les deux expériences la roue est fixée à un bras articulé autour d’une liaison pivot, aucune suspension n’est attachée à la roue. Elle est donc soumise uniquement à son poids et à la réaction du lit de sable. Un capteur d’angle magnétique permet de mesu-rer l’angle que fait le bras soutenant la roue avec l’horizontale, ce qui permet d’obtenir l’altitude de la roue. Ces expériences sont également complétées par des simulations numériques de dynamique moléculaire de sphères molles à deux dimensions. De plus amples détails seront donnés sur les simulations et les expériences dans la partie 1 de cette thèse.
Les travaux réalisés avant ma thèse (Taberlet et al. [2007]; Bitbol et al. [2009]) confirment le fait que l’instabilité de tôle ondulée n’est pas due à la présence de sus-pension sur les véhicules et qu’elle ne résulte pas d’une résonance interne à la voiture.
Figure 2.3 – Photographies des deux montages expérimentaux. À gauche, l’expé-rience réalisée à Cambridge, une table tournante sur laquelle est déposée une couche de grains est mise en rotation. L’avantage de ce dispositif est que la roue n’est pas en rotation autour de la piste et donc il est facile de l’instrumenter. Cependant, à cause de la force centrifuge, les grains sont éjectés vers le bord extérieur de la table tournante et le lit de sable n’est pas horizontal. À droite, l’expérience réalisée à Lyon. Ici, la piste est fixe et c’est la roue qui se déplace, il est donc plus compliqué de l’instrumenter. Par contre, la piste n’est pas soumise à la force centrifuge et est deux fois plus longue qu’à Cambridge.
Bien que la roue soit fixée à l’extrémité d’un bras, formant ainsi un pendule, l’inclinai-son du bras est proche de l’horizontale. Ainsi pour de faibles amplitudes d’oscillation la fréquence propre du pendule ne joue aucun rôle. De plus, les simulations montrent qu’aucune compaction ou ségrégation n’interviennent durant l’apparition du motif et que l’instabilité peut être traitée par un modèle 2D sans aucune cohésion entre les grains. Autre fait important, la taille et la forme des grains ne jouent aucun rôle dans le phénomène de tôle ondulée. Ceci signifie que le milieu granulaire peut, ici, être consi-déré comme un milieu continu. Une autre découverte importante faite avant ma thèse est que l’instabilité n’apparaît pas uniquement dans le cas d’une roue qui roule. Ma-ther avait déjà montré que la roue pouvait être motrice ou passive, mais dans l’article de Bitbol et al. [2009] les auteurs montrent que la roue peut être bloquée ou même remplacée par une simple lame inclinée. L’instabilité présente alors les mêmes carac-téristiques que dans le cas d’une roue : existence d’une vitesse critique, croissance exponentielle des rides, migration du motif, etc. Elle possède également un avantage technique, en effet c’est un système plus simple à traiter car elle supprime le degré de liberté associé à la rotation de la roue, et seule sa masse, sa largeur et son inclinai-son servent à la caractériser. Un travail important sur la vitesse seuil de l’instabilité a également été mené. En identifiant les grandeurs importantes du problème, à savoir, la vitesse v, la masse de la roue m, la masse volumique de la piste ρ, et la largeur de la plaque w, il est possible de construire un nombre sans dimension F r, appelé nombre de Froude et défini par : où g est l’accélération de la pesanteur. Il apparaît alors que l’instabilité se produit à nombre de Froude constant. Ceci permet donc d’obtenir une loi d’échelle pour la vi-tesse critique vc : vc ∼ g ρwm . Une loi d’échelle similaire est également obtenue pour une roue, ce qui a permis aux auteurs d’extrapoler leurs mesures au cas de voitures, ils trouvent que la vitesse critique se situe vers 5-10 km/h. Bien que ces deux articles (Taberlet et al. [2007]; Bitbol et al. [2009]) soient très complets quant à la description du phénomène, ils ne fournissent pas de renseignement concernant le mécanisme res-ponsable de la formation de la tôle ondulée. Ces travaux préliminaires mettent toutefois en lumière toutes les propriétés de l’instabilité de tôle ondulée et que tout modèle se doit de reproduire :
– L’instabilité est due au passage répété du véhicule sur la piste.
– Il existe une vitesse critique séparant deux régimes : route lisse / route ondulée.
– Cette vitesse critique dépend de la masse et de la largeur du véhicule.
– Les rides se déplacent sur la piste, elles avancent dans le sens de la circulation avec une roue et avancent ou reculent avec une plaque, selon la vitesse de celle-ci.
– En utilisant une plaque et lorsque la vitesse est proche du seuil, les rides ont une longueur d’onde bien définie et ne subissent pas de mûrissement.
– La taille des grains n’intervient pas et donc le milieu granulaire peut être considéré comme un milieu continu.
– Le problème peut être ramené à deux dimensions.
Finalement, la bibliographie portant sur la tôle ondulée est assez maigre, on ne compte qu’une petite dizaine d’articles. Cependant, il existe plusieurs phénomènes pos-sédant de fortes analogies avec cette instabilité et sur lesquels de nombreux travaux ont été réalisés. Les paragraphes suivants présentent quelques exemples de phénomènes similaires.

Table des matières

Introduction générale 
0 Milieux granulaires 
0.1 Instabilités dans un milieu granulaire
0.1.1 Milieu granulaire vibré
0.1.2 Grains en écoulement
0.1.3 Rides et dunes
0.2 Plan du manuscrit
I Contexte de l’étude 
1 Présentation
2 État de l’art
2.1 Premières expériences
2.2 Tentatives de modélisations
2.3 Études préliminaires à la thèse
3 Phénomènes similaires
3.1 Usure ondulatoire des rails
3.1.1 Description
3.1.2 Origine de l’usure ondulatoire
3.1.3 Traitement
3.2 Dunes et rides de sable
3.2.1 Description
3.2.2 Intérêt
3.3 Broutement
3.4 Formation des bosses en ski
3.5 Autres phénomènes de formation de rides
3.5.1 Rouleau d’impression
3.5.2 Motifs laissés par une pointe d’AFM
3.5.3 Disques durs
3.5.4 Ricochets
3.6 Synthèse
II Une modélisation simplifiée de la tôle ondulée 
1 Expériences et simulations
1.1 Expériences
1.2 Simulations numériques
1.2.1 Introduction
1.2.2 Algorithme
1.2.3 Détection des collisions
1.2.4 Modèle de force
1.2.5 Intégration
1.2.6 Cas particuliers des simulations de tôle ondulée
2 Caractéristiques de la tôle ondulée 65
2.1 Caractéristiques et vitesses critiques
2.2 Relation de dispersion
2.3 Type de bifurcation
2.4 Conclusion
3 Mesures de forces en régime stationnaire
3.1 Introduction
3.2 État stationnaire
3.2.1 Phénomène d’hystérésis et oscillations
3.2.2 Mesure de la masse de sable transportée
3.3 Mesure des forces
3.3.1 Spectre de fréquence des forces
3.3.2 Influence de la vitesse
3.3.3 Influence de l’angle d’attaque
3.4 Loi de frottement effectif
3.5 Énergie dissipée
3.5.1 Conclusion des mesures de force en régime stationnaire
3.6 Premier modèle
3.6.1 Mise en équation
3.6.2 Jerk equation
4 Mesure de forces en régime oscillant
4.1 Premiers essais
4.2 Oscillations forcées
4.2.1 Motivations
4.2.2 Mises en oeuvre expérimentale et numérique
4.2.3 Oscillations sur un lit plat
4.2.4 Intégration du PFD sur le premier tour
4.2.5 Portance sur une route ondulée
4.2.6 Remodelage de la piste
4.2.7 Intégration des équations du mouvement
4.2.8 Taux de croissance
4.3 Conclusions et perspectives
III Vers une modélisation réaliste 
1 Interactions entre véhicules
1.1 Motivations
1.2 Interaction entre deux patins
1.2.1 Caractérisation des patins
1.2.2 Patins côte à côte
1.2.3 Patins de part et d’autre de la piste
1.2.4 Modèle d’interaction ad hoc
1.3 Interaction entre N patins
1.3.1 Motifs observés
1.3.2 Pulsation critique des patins
1.3.3 Conclusion
2 Instabilité de tôle ondulée créée par une roue
2.1 Présentation
2.2 Modèle pour la roue
2.3 Mesure de force
2.3.1 État stationnaire
2.3.2 Oscillations
2.4 Rebonds
2.5 Mécanisme de fixation de la longueur d’onde
2.6 Déformation du lit granulaire
2.7 Conclusions
3 Washboard sur un milieu granulaire humide
3.1 Présentation
3.2 Mesure de la cohésion
3.3 Résultats
3.3.1 Caractéristiques de la tôle ondulée
3.4 Conclusions
Conclusions et perspectives 
Annexes 
A Introduction
B Vidange d’un silo
B.1 Introduction
B.1.1 État de l’art
B.1.2 Détails des simulations numériques
B.2 Résultats
B.2.1 Loi de Beverloo
B.2.2 Bilan d’énergie
8 TABLE DES MATIÈRES
B.2.3 Cartographie du silo
B.2.4 Profil de vitesse et de densité à la sortie de la cuve
B.2.5 Conclusions
C Fluage d’une colonne de grains sous l’effet de variation de température189
C.1 État de l’art
C.2 Simulations numériques du cyclage thermique
C.2.1 Méthode numérique
C.2.2 Régimes de compaction
C.2.3 Compaction non-homogène
C.2.4 Dynamique des grains
C.2.5 Conclusion

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