La mesure de l’implication dans la profession

La mesure de l’implication dans la profession

Les outils de mesure disponibles

Il existe de nombreuses échelles d’implication professionnelle. En accord avec l’approche défendue par Meyer & Allen [1997], nous envisageons l’implication dans la profession sous l’angle du métier (occupational commitment). Plusieurs outils de mesure ont été élaborés afin de mesurer l’attachement des individus vis-à-vis du métier exercé [ex : Blau – 1985 ; Carson & Bedeian – 1994 ; Aranya & al. – 1986 ; Meyer Allen & Smith – 1993]. Deux outils de mesure dominent aujourd’hui : l’échelle de Blau [1985], qui est restée longtemps la plus utilisée118 ; et l’échelle tri-dimensionnelle de Meyer & al. [1993], directement adaptée de leur échelle d’implication organisationnelle, qui prend aujourd’hui de l’importance [DemeryLebrun – 2007 p. 8]. Ce dernier outil, présenté en annexe 4, a l’avantage d’être compatible avec une vision multi-composantes de l’implication, telle que nous l’avons adoptée. Il a été validé à partir d’une enquête menée sur plusieurs échantillons d’infirmières. Les enquêtes menées sur d’autre échantillons ont confirmé la fiabilité de l’échelle. On peut citer l’étude menée par Irving & Coleman [1997] sur un échantillon de fonctionnaires canadiens ; ou l’étude menée par Redman & Snape [2006] sur un échantillon de salariés travaillant dans le domaine des ressources humaines). 1.2.2. L’adaptation de l’échelle de mesure adaptée à la situation des intérimaires A notre connaissance, aucune étude sur l’implication professionnelle n’a été menée auprès de cette population. A première vue, il n’apparaît pas nécessaire d’adapter l’échelle d’implication dans la profession de Meyer & al. à la situation des intérimaire, puisque nous avons affaire à un objet d’implication (le métier exercé) indépendant de la relation d’emploi. Il apparaît cependant que l’opérationnalisation de la dimension normative de l’implication dans la profession pose des problèmes méthodologiques particuliers dans le cas des salariés appartenant à notre population d’étude : En premier lieu, la dimension normative de l’implication dans la profession repose sur un sentiment d’obligation éprouvé par le salarié envers sa profession : selon le modèle proposé par Meyer & Herscovich [2001 p 317], ce sentiment peut par exemple reposer sur l’internalisation par le salarié de normes propres à la profession119 . Cette dimension normative ne nous semble valable que pour certains types de professions très organisées et/ou socialement valorisées (dont les professions médicales constituent l’exempletype120), ou alors pour certains individus particuliers, lorsque le choix du métier repose par exemple sur une tradition familiale. Autrement dit, cette dimension existe, mais n’est sans doute pas présente chez tous les salariés. Méthodologiquement, la mesure de l’implication normative nous semble donc bien adaptée à des échantillons homogènes exerçant une profession particulièrement reconnue et/ ou qualifiée, envers laquelle on peut envisager un sentiment de devoir moral, fondé sur une croyance dans un certain système de valeurs propre à la profession (véhiculé par exemple par des associations professionnelles). Sur le plan socioprofessionnel, nous avons pu voir que les intérimaires ont des caractéristiques particulières : les statistiques montrent qu’ils sont très représentés dans des métiers très peu qualifiés comme manoeuvre ou employé de libre service. Il est bien entendu parfaitement concevable que les salariés puissent s’attacher à leur métier, quel que soit leur niveau de qualification ou la pénibilité du métier : les témoignages de Bernard, boulanger ou Fred, peintre en bâtiment cités par M. Thévenet [2004 p 103 et suiv.] illustrent parfaitement ce point. Par contre, une implication normative apparaît peu pertinente lorsque la profession est peu organisée ou que le métier est peu reconnu. En second lieu, l’échelle de Meyer & Allen, seul outil de mesure de l’implication professionnelle fondé sur une vision tri-dimensionnelle disponible actuellement fait encore l’objet de critiques : si l’échelle d’implication organisationnelle a été largement utilisée et finit aujourd’hui par recueillir un relatif consensus (malgré les débats récurrents portant sur la pertinence de la dimension normative121), les critiques demeurent sur l’échelle d’implication professionnelle, qui a fait l’objet de recherches beaucoup moins approfondies. Ces critiques portent essentiellement sur la dimension normative : Blau [2001, 2003] considère par exemple que la preuve de la discrimination entre les dimensions affectives et normatives n’est pas apportée : il critique notamment la validité discriminante et convergente de l’échelle. On peut enfin rappeler que le modèle général d’implication proposé par Meyer & Herscovich repose sur l’idée que l’implication est une attitude qui peut comporter des dimension affectives, calculée et normative.

La mesure de l’implication dans la valeur-travail 

Les outils de mesure disponibles

 L’implication dans la valeur-travail est envisagée de différentes manières, et a été opérationnalisée par des échelles de mesure très diversifiées. L’approche la plus commune dans la littérature anglosaxonne consiste à lier l’implication dans les valeurs du travail à l’adoption d’une éthique protestante du travail (protestant work ethic). Les questionnaires mis au point par Blood [1969], Mirrel & Garett [1971] ou Blau & Ryan [1997] visent à mesurer l’opinion des répondants vis-à-vis d’un certain nombre de croyances (considérées comme représentative d’une vision anglo-saxonne et protestante du travail) concernant le rôle et la place du travail dans la vie [Furnham – 1990]. Ces croyances se réfèrent par exemple à la méfiance envers les loisirs (ex : « La plupart des gens  perdent leur temps dans des distractions non profitables », item n° 1 de l’échelle de Mirrel & Garret – 1971) ou bien la nécessite de travailler dur pour réussir (ex : « travailler dur rend l’homme meilleur », item n° 1 de l’échelle de Blood – 1969]. D’autre auteurs ont tenté de proposer une approche moins philosophique de la valeur –travail, en abandonnant la référence « protestante » et ses attributs supposés (ascétisme, anti-loisir…) dans leur définition et en mettant au point des outils de mesure plus généraux, permettant de mesurer plus simplement l’importance accordée par l’individu au travail en général : les outils de mesure de Kanungo (« work involvement » 1982), Paullay et al. (« work centrality » – 1994) ou Jackson & al.(« employment commitment » – 1983) sont représentatifs de cette approche. Cette vision de la valeur-travail, qui est également illustrée par M. Thévenet [2004, p. 86] nous paraît adaptée dans un contexte français. Les échelles que nous venons de citer présentent aussi l’avantage de ne pas se focaliser sur les valeurs associées au travail, qui peuvent générer une confusion entre valeur et attitude : selon Gruère [1994, p73], les valeurs servent de guide aux attitudes, mais ne doivent pas être confondues avec ces dernières (car elles occupent une position plus centrale dans la personnalité des individus). Les échelles d’éthique protestantes utilisées pour mesurer la valeurtravail dans les contextes anglo-saxons [ex : Mirrel & Garret – 1971] nous paraissent problématiques en raison de cette confusion entre valeur et attitude.

Le choix d’une échelle adaptée à notre cadre d’étude

 Il n’existe a priori aucune différence au niveau théorique entre l’implication dans les valeurs du travail des intérimaires et des salariés permanents. En étudiant la relation de travail intérimaire de manière plus détaillée, on a pu en effet remarquer que ce secteur peut attirer à la fois des salariés très impliqués dans le travail et des salariés n’accordant qu’une valeur strictement utilitaire au travail. Durant les entretiens, plusieurs responsables d’agence nous ont confirmé qu’il existe des salariés non impliqués dans le travail en général, qui ne souhaitent pas s’engager dans une entreprise en particulier, et utilisent l’intérim pour limiter leur temps de travail (en calculant leur temps de mission en fonction de la durée d’assurance chômage dont ils disposent). A l’opposé, nous avons rencontré des salariés pour lesquels le travail est une valeur fondamentale, et pour lesquels l’intérim représente un moyen d’éviter le chômage, même si les conditions de travail peuvent être difficiles. Certains intérimaires (appelés « temps pleins » dans les agences) ne prennent même jamais de vacances, et enchaînent continuellement des missions durant plusieurs années. Comme nous l’avons mentionné dans le premier chapitre, il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’outil correspondant à une vision tri-dimensionnelle de l’implication dans la valeur- travail. Le modèle général de l’implication proposé par Meyer & Herscovich a pour l’instant été seulement utilisé 269 comme base pour des tentatives d’extension vers des objets précis d’implication comme la stratégie, le changement organisationnel [ex : Herscovich & Meyer – 2001] ou des composantes de l’organisation comme le superviseur ou les collègues de travail [ex : Stinghambler & al. – 2002]. Deux solutions sont alors envisageables : partir de zéro (« start from scratch » selon l’expression de P. Morrow – 1993, p.161) et s’engager dans la mise au point d’une échelle tri-dimensionnelle spécifique de mesure de l’implication dans la valeur travail dérivée du modèle de Meyer & Hercovich, ou bien tenir compte de l’existant et tenter l’adaptation et la combinaison d’items issus d’échelle déjà validées, selon la méthode utilisée par Blau et al. pour la mise au point du « general index of commitment » mesurant l’implication globale au travail. La mise au point d’une échelle nouvelle directement inspirée de l’outil de mesure tri-dimensionnel de Meyer & Allen nous semble poser problème en ce qui concerne la dimension calculée de l’implication dans le travail. En effet si la dimension affective (caractérisée par le désir de travailler) et la dimension normative (caractérisée par le sentiment de devoir vis-à-vis du travail) de l’implication paraissent en effet transposables moyennant la mise au point d’échelles nouvelles, la dimension calculée (implication à continuer) est plus problématique sur le plan conceptuel. Cette dimension repose en effet sur la notion de « side bets » (investissements passés difficilement récupérables) et/ou sur le manque d’alternatives : un salarié qui présente un niveau élevé d’implication à continuer va persister dans sa ligne de conduite car il possède peu d’alternatives et/ou parce que les efforts (investissements) réalisés jusqu’alors seraient perdus s’il venait à renoncer à l’objet de son implication (son entreprise ou sa profession, par exemple). Appliquer la notion d’implication à continuer à l’objet « travail » au sens large est délicat pour deux raisons : d’une part parce que la notion de « side bets » semble difficile à appliquer dans ce cas, et d’autre part parce que les « alternatives » au travail en général (par exemple la famille ou les loisirs) appartiennent à un domaine différent, contrairement à l’implication organisationnelle, pour laquelle les alternatives sont des organisations différentes. Il faut également noter que, dans un modèle fondé sur l’activité salariale, les alternatives au travail sont trop peu nombreuses pour être sérieusement prises en compte par la plupart des individus. Finalement, l’implication calculée envers le travail pourrait peut-être être plus facilement conceptualisée comme une implication instrumentale (le travail étant envisagé simplement sous l’angle d’une source de revenus). Or, si les économistes théorisent depuis longtemps le choix du travail sous l’angle instrumental, dépendant des niveaux de salaires offerts et d’un arbitrage entre salaire et loisirs [ex : Perrot – 1992], il n’existe pas à notre connaissance d’échelles de mesure permettant de capturer cette dimension dans le champ de la GRH : l’approche psychologique retenue par la plupart des auteurs envisage l’implication dans la valeur-travail sous l’angle affectif (le travail est perçu comme source d’accomplissement) ou sous l’angle cognitif (l’individu développe des croyance normatives sur l’importance du travail dans la vie). C’est pour ces raisons que nous allons mesurer l’implication dans la valeur-travail en retenant la méthode proposée par G. Blau, c’est-à-dire en adaptant les échelles de mesure existantes à la situation étudiée. Nous avons recensé quatre échelles d’implication dans la valeur travail cherchant à mesurer celleci sous l’angle de l’importance et la place du travail pour l’individu. Le tableau suivant regroupe ces échelles, accompagnées de la définition de chacun des concepts mesurés. Nous avons regroupé les items de manière à mettre en évidence les formulations communes à plusieurs échelles.

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