La microfluidique digitale pour l’expérimentation haut débit

La microfluidique digitale pour l’expérimentation haut débit

Génération de gouttes en microfluidique

Le point de départ de la microfluidique digitale est la formation des gouttes constituant des microréacteurs. Une production contrôlée de gouttes est indispensable dans le domaine de l’expérimentation haut-débit pour faciliter leur manipulation et avoir une bonne précision sur leur contenu. Dans cette partie, nous allons présenter les différentes techniques de génération de gouttes.

Génération passive de gouttes

La génération de gouttes en microfluidique peut se faire de manière passive par l’introduction de deux fluides immiscibles dans un système microfluidique présentant une géométrie spécifique. La phase à disperser est introduite dans un microcanal où elle rencontre la phase continue. Sous un régime d’écoulement spécifique, un jet de phase dispersée se forme dans la phase continue et des petites perturbations dans l’écoulement vont provoquer des ondulations sinusoïdales au niveau du jet de phase dispersée. Ces ondulations s’amplifient pour finalement casser le jet en gouttes. Ce phénomène, appelé l’instabilité de Rayleigh-Plateau est à l’origine de la formation des gouttes dans les systèmes microfluidiques [17]. La géométrie de la jonction avec les débits et les propriétés physiques des fluides (tension interfaciale et viscosité) déterminent localement les caractéristiques de l’écoulement qui vont contrôler la déformation de l’interface et conduire éventuellement à la formation d’une goutte. La microfluidique digitale pour l’expérimentation hautdébit 12 Les nombres adimensionnels sont souvent utilisés lors de l’étude de phénomènes physiques car ils permettent de caractériser l’importance relative des différents effets impactant le phénomène étudié. Parmi tous les nombres adimensionnels, le nombre le plus important pour la formation des gouttes est le nombre capillaire : Ca = ηcu γ (1) Avec 𝜂𝑐 la viscosité de la phase continue, u sa vitesse et 𝛾 la tension interfaciale. Le nombre capillaire compare l’importance relative entre les forces visqueuses et capillaires. Ce nombre varie entre 10-3 et 10 pour la plupart des microsystèmes de formation de gouttes [18]. D’autres nombres adimensionnels sont aussi souvent utilisés. Il s’agit de λ et φ qui représentent le ratio entre respectivement les viscosités et les débits des phases dispersée et continue. Le nombre de Reynolds compare l’importance relative entre l’inertie et les forces visqueuses, il est défini de la manière suivante : Re = ρuDH η (2) Avec 𝜌 la masse volumique de la phase considérée et 𝐷𝐻 le diamètre hydraulique du canal. Ce nombre est classiquement très inférieur à 1 dans les systèmes microfluidiques. 

Géométries de formation de gouttes

Les géométries de type : jonction T, co-courant et flow-focusing sont les trois géométries les plus utilisées en microfluidique pour la production de gouttes. Les tailles des gouttes obtenues sont généralement caractérisées par leur coefficient de variation CV qui est défini par le rapport de l’écarttype sur la moyenne des diamètres des gouttes de la population. 

Jonction T

La jonction T (Figure 1) a été employée pour la première fois en 2001 par Thorsen et al. [19] pour produire des gouttes d’eau dans de l’huile. Pour cela, ces deux fluides immiscibles sont injectés dans deux canaux perpendiculaires. La production de gouttes se fait là où les deux canaux se rencontrent. Cette géométrie est très utilisée car elle permet facilement de former des gouttes monodisperses (CV < 2 %). Des variantes de cette géométrie existent où l’on fait varier l’angle entre les deux canaux d’arrivée des fluides. Il est aussi possible de faire arriver les fluides face à face. 13 Figure 1 Géométrie jonction T I.

Co-courant

Comme son nom l’indique, dans la géométrie co-courant (Figure 2), les phases dispersée et continue constituent des courants parallèles au moment de leur rencontre dans le canal. Cette géométrie a été employée pour la première fois par Umbanhowar et al. [20]. Les géométries co-courant peuvent être soit planes (microsystèmes fabriqués par photolithographie), soit tridimensionnelles coaxiales (capillaires imbriqués), la géométrie coaxiale présentant l’avantage de limiter les problèmes de mouillage grâce à l’absence de ligne triple. Les gouttes formées en régime d’écoulement dripping présentent généralement un coefficient de variation en tailles inférieur à 3 %. Figure 2 Géométrie co-courant 

Flow-focusing

Pour la géométrie flow-focusing (Figure 3), les gouttes sont formées au niveau d’une jonction en croix ou similaire. La phase dispersée arrive par la branche de gauche et la phase continue par les branches verticales. La branche droite présente généralement une restriction. Anna et al. [21] furent les premiers à intégrer cette géométrie dans un système microfluidique. Cette géométrie permet de former des gouttes monodisperses présentant un coefficient de variation inférieur à 5 %. Figure 3 Géométrie flow-focusing 

Régimes d’écoulement

Lors de la formation passive de gouttes, l’écoulement est contrôlé soit par des pousse-seringues soit par des sources de pression. Différents régimes d’écoulement peuvent alors être observés : squeezing, dripping, jetting, tip-streaming et tip-multi-breaking (Figure 4). Le passage d’un régime à l’autre peut se faire en faisant varier le nombre capillaire. Les 3 premiers régimes ont été observés en jonction-T, co-courant et flow-focusing. Les deux derniers régimes n’ont pas été observés dans des géométries en jonction-T. Squeezing Dripping Jetting Tip-streaming Tip-multi-breacking Figure 4 Schémas des différents modes de formation de gouttes en géométrie co-courant Le régime « squeezing » est principalement contrôlé par le confinement dans les canaux. Généralement, les gouttes formées sous ce régime d’écoulement sont plus larges que la taille du canal et monodisperses. Ce mode apparait dans des jonctions-T pour des nombres capillaires inférieurs à 10-2 [22]. La phase dispersée obstrue complètement le canal au moment de la formation de la goutte. La goutte est confinée dans le canal et ressemble plus à un plug qu’à une sphère. Il est intéressant de noter que pour ce régime, le volume de la goutte est proportionnel au rapport des débits des phases dispersée et continue indépendamment de la viscosité de la phase continue [23]. Sous le régime de gouttes dripping, les gouttes sont plus petites que la taille du canal et monodisperses. Contrairement au régime squeezing, les gouttes se forment avant que la phase dispersée n’obstrue le canal. La taille des gouttes est principalement contrôlée par le nombre capillaire. On passe du régime dripping au régime jetting en augmentant le débit de la phase dispersée ou celui de la phase continue. Un jet de phase dispersée se terminant par des gouttes (instabilité de Rayleigh-Plateau) est alors émis. Sous le régime jetting, les gouttes sont polydisperses.  

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