Etudier le service d’eau comme une action publique

Etudier le service d’eau comme une action publique

Inscription disciplinaire et positionnement épistémologique 

Inscription disciplinaire La question du développement durable du service public d’eau à Paris peut être abordée par de nombreuses disciplines. Toutefois, l’approche retenue ci-après offre des perspectives originales.

Diversité des approches possibles

Un état de l’art sur 350 recherches françaises portant sur le « développement durable » montre que cet objet d’étude est récent en France (MATE, 2002). Toutefois, un nombre croissant d’auteurs s’intéressent à ce concept, que ce soit en sciences humaines et sociales (SHS), en sciences de la nature ou en sciences des techniques : « chaque discipline a ses propres perspectives sur ce concept » (FABER, et al., 2005). Il en est de même pour le développement durable des services d’eau, qui est aussi abordé par différentes approches disciplinaires (DESTANDEAU, 2004 ; MATE, 2002). Malgré la diversité des entrées disciplinaires possibles, la question du développement durable des services d’eau était initialement surtout abordée par les sciences de l’ingénieur et de la nature. Toutefois, cette tendance a évolué, et depuis quelques années « une réévaluation radicale du développement durable semble se profiler » (DAHAN et PINTON, 2008). Les approches physicomathématiques sont peu à peu rejointes par des approches de sciences sociales (ex : en économie, science de gestion, science politique, sociologie). Ces dernières sont plus qualitatives et Etudier le service d’eau comme une action publique 19 interdisciplinaires que les précédentes, et elles sont aussi plus critiques envers le « développement durable » visé, comme envers les modalités techniques et sociales proposées pour l’atteindre. Quelle que soit la discipline mobilisée, le développement durable reste un objet d’étude transversal, difficile à appréhender. C’est pourquoi la recherche académique s’oriente vers des approches inter ou pluri disciplinaires. Par exemple, les projets WATER 21 (BARRAQUE, et al., 1997) et EAU&3E (BARRAQUE, 2009) étudient la durabilité de services d’eau en Europe par des méthodes et des outils de l’économie, de science politique, de sciences de l’ingénieur… Certains auteurs proposent même de dépasser les frontières académiques, afin de fonder une nouvelle discipline consacrée au développement durable (TODOROV et MARINOVA, 2009). Cette thèse s’inspire de plusieurs approches pluri/trans-disciplinaires. Et s’il est inutile de trop insister sur l’appartenance à tel ou tel territoire académique (leur définition varie selon les époques et les lieux), il est néanmoins intéressant de préciser quel est l’ancrage disciplinaire de ce travail de recherche, afin d’en présenter l’intérêt et l’originalité, par rapport à d’autres approches possibles. 

Ancrage disciplinaire

Dans cette thèse, nous avons fait le choix d’aborder le développement durable du service public d’eau à Paris par une approche qui peut sembler surprenante aux yeux des lecteurs plus habitués à une entrée par les sciences de la nature, ou par les sciences de l’ingénieur : la sociologie politique. 

Une thèse en sociologie

Chaque discipline se singularise par l’objet d’étude qu’elle permet d’appréhender, par les méthodes et les théories qu’elle mobilise, et par les problématiques qu’elle interroge. Cette pluralité des approches possibles permet de développer la connaissance scientifique. Dans cette thèse, pourquoi choisir la sociologie plutôt qu’une autre entrée disciplinaire ? Principalement parce que nous souhaitons mener une étude scientifique du changement et du non changement au sein de la société : des dynamiques, des évolutions et des persistances, ainsi que leurs causes et leurs conséquences… Et c’est précisément ce que propose la sociologie. En France, la sociologie s’est constituée en discipline académique autour des travaux d’Emile DURKHEIM, qui en a défini un objet d’étude (le fait social3 ) et des méthodes (étudier les faits sociaux comme des choses, avec rigueur et objectivité). Toutefois, le social peut être abordé de diverses façons (cf. ANNEXE), par exemple : – comme une relation inter-individuelle entre plusieurs acteurs : l’étude du social porte alors sur « les interactions face-à-face entre des êtres humains individuels, intentionnels et réflexifs » (LATOUR, 2006: 281). Cependant, une telle approche permet peu d’appréhender les nombreuses limites de l’action individuelle : rationalité limitée, représentations, règles impersonnelles qui contraignent la façon de penser et d’agir des acteurs, etc. – comme une « dimension sociale » des phénomènes observés. Le social serait un « ingrédient spécifique », distinct d’autres matériaux. C’est cette approche qui domine actuellement la sociologie (discipline), et que B. LATOUR nomme « science du social ». – « Or il existe une autre approche, beaucoup moins connue, qui rejette l’axiome [précédent et affirme] qu’il n’existe aucune espèce de ‘dimension sociale’, aucun ‘contexte social’, aucun domaine distinct de la réalité auquel on pourrait coller l’étiquette ‘social’ ou ‘société’ » (LATOUR, 2006 : 12, 246). Le social est alors à étudier comme « ce qui tient ensemble » et non plus comme la « colle » permettant que cela tienne (LATOUR, 2006 : 63). C’est cette troisième acception du social – et de la sociologie – que nous retenons pour mener à bien ce travail de recherche. Nous considérons en effet qu’il n’y a pas une « explication sociale » à trouver, mais qu’au contraire « le social n’a jamais rien expliqué puisque c’est lui qu’il s’agit d’expliquer » (LATOUR, 2006 : 139). L’ajout d’une explication « sociale » sera donc soit superflu, soit le signe que l’explication proposée doit être étendue encore un peu plus loin (LATOUR, 2006 : 199). Plus précisément, nous mobiliserons deux regards sociologiques complémentaires, dont nous discuterons les théories et les méthodes dans les sections ultérieures.

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