La participation de Hong Kong à l’initiative Belt and Road mobilise les autorités politiques chinoises et hongkongaises

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L’initiative Belt and Road est l’un des axes prioritaires de la politique étrangère du président chinois Xi Jinping

Multidimensionnelle, l’initiative Belt and Road s’érige comme le « projet du siècle » pour la Chine qui aspire à retrouver son statut de grande puissance par l’initiative du président chinois Xi Jinping dont la doctrine politique a récemment été inscrite dans les textes du Parti Communiste Chinois. Extensible à souhait, cette initiative n’en est pas moins sensible politiquement notamment au sein de l’Union Européenne. Hong Kong est pour sa part appelé dès la publication du document officiel, à jouer un rôle clé, dans le prolongement de sa relation d’interdépendance historique avec la Chine continentale.

L’initiative Belt and Road s’inscrit dans une stratégie de long terme ayant vocation à faire retrouver à la Chine son rang de grande puissance mondiale

Xi Jinping est intronisé à la tête du parti et de l’Armée populaire de libération (APL) en 2012 puis à la présidence du pays, en mars 201383. Avec le slogan du « rêve chinois » (zhongguo meng 中国梦), le président et son premier ministre, Li Keqiang, mettent l’accent sur la fondation d’un « pays puissant » (qiangguo 强国) et la prospérité économique, dans le but d’œuvrer à la « grande renaissance de la nation chinoise » (Zhonghua minzu weida fuxing 中华民族伟大复兴). Ce slogan, largement repris par les médias officiels, met ainsi l’accent sur la nation chinoise, autour d’un nationalisme renouvelé84. En effet, la notion de « rêve » a pour vocation d’intégrer toutes les dimensions de la puissance. Il s’agit pour la République populaire, de demeurer séductrice sur le plan culturel au côté de sa force politique, économique et diplomatique. Xi Jinping opère ainsi une rupture avec son prédécesseur Hu Jintao. Il apparaît en effet plus confiant, décontracté et la politique étrangère ne cesse de se personnifier au cours de son mandat. Cette personnification est rendue possible du fait de la faiblesse des institutions qui cantonne le ministère des Affaires étrangères dans un rôle de représentation extérieure, soumis au Bureau politique en charge de coordonner les grandes décisions de politiques étrangères85. L’objectif est d’égaler la puissance américaine sur le terrain asiatique. Ainsi, ce que Xi Jinping annonce comme un « nouveau type de relations entre grandes puissances » (xinxing daguo guanxi 新型大国关系) est en fait une réponse au « pivot asiatique » de Barack Obama86. La République populaire souhaite étendre sa sphère d’influence en Asie et s’engage pour ce faire, dans une démarche plus interventionniste, au détriment de la promotion d’une montée en puissance « harmonieuse » largement revendiquée par les précédents présidents87. C’est dans cette optique de puissance globale que le président Xi Jinping et l’appareil étatique dans son ensemble, font la promotion des « Routes de la Soie », expression forgée par le géographe allemand Ferdinand Von Richtofen au XIXe siècle aujourd’hui renouvelées et connues sous le nom de « Belt and Road Initiative » (BRI) avec pour objectif premier de renforcer la connectivité et favoriser les échanges commerciaux.
Annoncé pour la première fois en septembre 2013 par le président Xi Jinping en visite officielle au Kazakhstan à l’université Nazarbayev88, l’initiative des Nouvelle Routes de la Soie, en chinois yi dai yi lu 一带一路 littéralement “une ceinture, une route” se compose comme le montre la carte ci-dessous de deux routes terrestres “Silk Road economic Belt” et une route maritime “21st Century maritime Silk Road”. La route terrestre est composée de deux axes : le premier part de la Chine et traverse le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l’Allemagne et les Pays-Bas. L’autre rejoint l’Ouzbékistan, l’Iran et la Turquie en partant de Xi’an (ancienne capitale de l’Empire chinois) pour rejoindre l’antique grand bazar d’Istanbul qui reste un des carrefours commerciaux les plus mythiques. Les tracés des Nouvelles Routes de la Soie sont lisibles dans les nouvelles lignes de gazoducs et d’oléoducs, de routes, de chemins de fer desservant l’Asie du sud Est, le Moyen Orient, l’Asie centrale et l’Europe ainsi que la fréquentation de l’axe maritime reliant le golfe d’Aden et le golfe arabo-persique aux mers de Chine via le détroit de Malacca89.
Carte des tracés des Nouvelles Routes de la Soie
Source :Maritime Silk Road Society
Pensée depuis la fin des années 1990 dans les cercles de la haute politique chinoise avec le « go out policy » du président Jiang Zemin, cette initiative puise dans une histoire vieille de plusieurs millénaires, du temps de la domination de la Chine et de l’Inde dans les échanges mondiaux au IIème siècle avant notre ère. La Belt and Road Initiative peut ainsi être définie comme une stratégie de développement visant à améliorer la connectivité ferroviaire et maritime pour renforcer la position de la Chine dans le monde et s’inscrit dans le cadre d’une vision stratégique de long terme, au service de la stabilité du régime politique chinois90. S’agissant de la dimension terrestre, le concept de connectivité accorde une place centrale aux infrastructures de transport, d’énergies, de télécommunications, et de zones industrielles en vue de renforcer la connectivité régionale et ainsi faciliter la circulation des marchandises et des personnes le but étant d’atteindre le marché européen par la terre bien plus rapidement que par la mer. S’agissant de la « New Maritime Silk Road », l’objectif principal de la République populaire est de développer ses propres infrastructures portuaires dans des pays jugés stratégiques91. Le projet de Grande Baie (« Greater Bay Area ») ainsi que l’accroissement des investissements dans les ports des grandes villes côtières font ainsi partie intégrante du développement de la Route de la Soie Maritime92.
Cette expansion doit être remise dans la perspective des actions menées par la Chine depuis une quarantaine d’années pour élargir sa puissance selon des cercles « déconcentriques » en commençant par les relations avec sa périphérie en Asie de l’Est et du sud-est puis du « collier de perles » dans l’océan indien, pour ensuite se concentrer sur les périphéries terrestres via le rapprochement avec la Russie et l’Asie centrale dans le cadre de l’organisation de coopération de Shanghai OCS et les Nouvelles Routes de la Soie. La « rationalité géopolitique » de la Chine selon le terme utilisé par le politologue français Thierry Garcin, s’exprime donc par la vision de long terme du gouvernement qui accompagne une stratégie d’ensemble guidant son expansion progressive93. Multidimensionnelle, la Belt and Road Initiative remplit plusieurs objectifs non seulement économiques et plus largement géopolitiques à savoir la rénovation de la diplomatie chinoise pour initier son grand retour sur la scène internationale et par la même diffuser un modèle politique qui s’inscrit comme une alternative au modèle « occidental » visant in fine un rééquilibrage des relations diplomatiques, l’approfondissement de ses relations avec les pays d’Asie centrale (zone d’influence de la Russie) ainsi que la sécurisation de ses approvisionnements énergétiques et la sécurité de ses ressortissants à l’étranger (notamment au Moyen Orient) en assurant sa présence via des infrastructures. Bien plus que la simple réactivation de routes commerciales, l’objectif de la Chine est de renforcer sinon de créer un réseau d’alliance pour revitaliser sa diplomatie de périphérie à l’ouest (après une période ou la priorité était à l’est, favorisant les régions et grandes métropoles côtières de la Chine) avec la conviction que les investissements et la croissance ainsi apportés dans les provinces de l’ouest permettront de réduire les revendications indépendantistes (Xinjiang et Tibet) tout en approfondissant les relations avec l’Asie centrale 94 . Les Nouvelles Routes de la Soie apparaissent sur le plan économique comme le moyen de relancer la consommation interne et assurer les débouchés aux grandes entreprises nationales, de poursuivre l’internationalisation des entreprises et nous l’avons vu, de la monnaie chinoise. Se dégagent ainsi quatre impératifs étroitement liés entre eux : relancer la croissance économique et assurer la stabilité du régime par la prospérité, sécuriser les approvisionnements énergétiques et revitaliser la diplomatie de périphérie.
La Chine bénéficie pour se faire d’un contexte international propice, d’une « fenêtre d’opportunité » ouverte par la politique protectionniste de Donald Trump et les tourments qui divisent l’Union Européenne avec la crise migratoire et les répercussions de la crise économique et financière de 2007. La Belt and Road Initiative cristallise ainsi à elle seule les ambitions politiques, économiques, géostratégiques et géopolitiques de la Chine de Xi Jinping sur le plan de la politique intérieure et étrangère. La promotion du « rêve chinois » se rallie parfaitement à la mystique qui entoure ce projet autour d’un nationalisme renouvelé notamment par la mise en avant des pans les plus conservateurs du confucianisme. En somme la Belt and Road Initiative doit être analysée dans le contexte de la montée en puissance de la Chine à l’échelle régionale et mondiale susceptible in fine de modeler un nouvel ordre mondial. Cet aspect est de plus en plus évident à mesure que la Chine aligne le concept « Belt and Road Initiative » à la majorité de ses priorités de politique domestique et étrangère95.

L’initiative Belt and Road suscite de nombreuses inquiétudes

Xi Jinping a présidé le 15 mai 2017 pendant deux jours à Pékin un sommet de la Nouvelle Route de la Soie (« Belt and Road Summit ») et a souligné dans son discours l’importance de cette initiative : « La Chine est pour le développement commun et souhaite transformer l’ancien monde, divisé entre les gagnants et les perdants, en un nouveau monde, où tout le monde est gagnant. Si l’initiative ‘Une ceinture, une route’ avance de manière continue, elle sera la coopération économique mondiale la plus vaste et la plus porteuse de succès du XXIe siècle. »96. Ce sommet s’est conclu par une « déclaration commune » signée par 30 pays. Premier d’une longue série de sommets, cette réunion qui a rassemblé 29 chefs d’Etats dont Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine a permis la signature de 270 accords de coopération selon le gouvernement chinois en invitant à l’idée d’une « prospérité commune » fruit d’un « développement partagé » en liant les deux grands marchés que représentent l’Europe et l’Asie réactivant par la même l’ancienne route mythique de la soie. Les Nouvelles Routes de la Soie couvrent ainsi 65 pays, 40% de la superficie mondiale habitée, 70% de la population mondiale et représentent 60% de la richesse mondiale et 75% des réserves énergétiques connues97.
Cet apparent succès diplomatique aussi bien qu’économique ne semble pourtant pas faire l’unanimité. L’Union européenne (UE), unie sur ce sujet, n’a pas signé la déclaration finale commune et l’Inde a boycotté le sommet en raison de la dispute territoriale sur le corridor entre la Chine et le Pakistan qui traverse le Cachemire. Il faut également souligner que les prêts, bienvenus dans certains pays de la région, doivent être partiellement formulés en yuan dans le but de renforcer la monnaie chinoise et sont soumis à de strictes conditions sous la supervision de compagnies d’Etat elles même liées à des entreprises chinoises. Il y a également polémique sur la nature même de ces grands projets d’infrastructures dont les coûts dépassent parfois les prévisions et qui sont bien souvent surdimensionnés et inutiles 98 . Le Fond Monétaire International (FMI) estime pour sa part que la Belt and Road Initiative est « une initiative bienvenue et potentiellement transformative », sous réserve d’être mise en œuvre dans un cadre exigeant, en particulier au regard de « la soutenabilité de l’endettement des pays partenaires »99. Ce projet international de connectivité a été inclus dans la Constitution du Parti communiste chinois (PCC) lors du 19e Congrès national du PCC en octobre 2017 signe de son importance politique100.

les autorités chinoises envisagent le rôle de Hong Kong dans l’initiative Belt and Road aux contours encore flous

L’initiative Belt and Road a été formalisée dans un document officiel publié conjointement par le ministère des Affaires étrangère (MOFA) et le ministère du Commerce Chinois (MOFCOM) fin 2015. Les autorités chinoises y envisageaient d’ores et déjà bien que timidement, l’inclusion de Hong Kong : « En mettant pleinement en valeur le rôle des zones de l’ouverture et de la coopération de Qianhai à Shenzhen, de Nansha à Guangzhou, de Hengqin à Zhuhai et de Pingtan au Fujian, la Chine approfondira sa coopération avec Hong Kong, Macao et Taiwan afin de créer la grande zone Guangdong-Hong Kong-Macao (…) Elle fera jouer le rôle particulier des Chinois d’outre-mer ainsi que des régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao dans la construction de la Ceinture et de la Route, et adoptera des mesures appropriées pour favoriser la participation de la région de Taiwan à la construction du projet. »101. Cette inclusion à demi-mot est permise par le caractère éminemment flexible et donc adaptable de l’initiative Belt and Road qui rend l’analyse de ses implications relativement complexe.
La spécialiste française de la Chine Alice Ekman élabore une méthodologie d’analyse de la Belt and Road Initiative pour dépasser son caractère vague en soulignant trois dimensions sur lesquelles nous pourrons nous baser afin d’analyser la position de Hong Kong en son sein : une dimension de « diplomatie publique » en support d’une « initiative flexible » en « perpétuelle expansion ». Tout d’abord, la BRI dispose d’une forte dimension de diplomatie publique102. Les discussions que génèrent ce projet sur le plan international sont une réussite en soi en termes d’influence pour la Chine qui entend diffuser ses normes et ses valeurs sur la scène internationale. La stratégie de communication est contrôlée au niveau central mais se démultiplie via divers canaux (think tank, grandes entreprises, universités) qui diffusent un message identique parsemé de concepts clés : la BRI est une « initiative » et non pas une stratégie, la BRI est « ouverte et inclusive » avec des « gains mutuellement bénéfiques », « complémentaire » d’autres projets nationaux (du plan Juncker pour l’Union européenne par exemple) et « économique » dans sa nature et non pas géopolitique ou géostratégique. D’autre part, la Belt and Road Initiative est un projet flexible qui s’ajuste et se définit selon les circonstances. En effet, le projet lui-même a été annoncé avant même d’être défini dans le cadre d’un document officiel. Le gouvernement chinois a organisé une série de conférences et de sommets à l’international en vue de récolter avis et réactions sur la question. La BRI peut ainsi être considérée, dès sa phase de conception, comme un projet « inclusif ». Ce procédé « multilatéral » a pour avantage d’enrichir la réflexion tout en gagnant l’approbation d’acteurs étrangers. La BRI devient ainsi un label que s’approprient les autorités locales aussi bien que les acteurs privés sous la supervision plus ou moins étroite du gouvernement central chinois. Enfin, la BRI est un projet en expansion aussi bien sur le plan géographique (elle regroupait initialement 60 pays et compte aujourd’hui près de 100 pays et Organisations internationales) que sectoriel (le projet inclue aujourd’hui le secteur du tourisme et du droit en plus des infrastructures). En termes de diplomatie publique, la BRI rejoint les concepts de « grand retour de la nation chinoise » ou de « communauté de destin ». Bien plus que des ambitions de court terme la BRI devient un outil au service de la promotion d’une gouvernance mondiale aux caractéristiques chinoises (plateformes d’échanges multilatérales, forums et sommets, Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures103). En somme, la flexibilité intrinsèque de cette initiative est la condition sine qua non de sa réussite et le gouvernement chinois va continuer d’élargir les mécanismes bilatéraux et multilatéraux sous cette bannière104.
103 La banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB) a été lancée en 2015 avec un capital de 100Mds USD dont 49% sont détenus par la Chine en concurrence. Elle est établit en concurrence directe avec la Banque Mondiale et la Banque asiatique d’investissements et complète les dispositifs existants (FMI, réserves de changes) pour le financement des grands projets d’infrastructures.
Titre 2- La participation de Hong Kong à l’initiative Belt and Road renouvelle son rôle d’interface entre la Chine et le reste du monde et suscite une forte mobilisation des autorités politiques pour bénéficier des opportunités offertes par la route maritime et dans une moindre mesure terrestre Conscient des opportunités économiques, commerciales et diplomatiques offertes par cette initiative, le gouvernement hongkongais a très rapidement fait la promotion du rôle de « super connecteur » que Hong Kong pourrait incarner au sein de ce vaste plan international à travers l’organisation de sommets et la création d’institutions et dispositifs spécifiquement dédiés à cet effet. L’intégration de Hong Kong aux tracés officiels des Nouvelles Routes de la Soie en juillet 2017 parachève ces efforts de communication alors que peu de projets concrets sont réellement menés.

les autorités hongkongaises prennent rapidement conscience des opportunités offertes par une participation à l’initiative Belt and Road.

Un sommet inaugural (« Belt and Road Summit ») s’est tenu à Hong Kong le 18 mai 2016 au Convention and Exhibition Center, organisé par le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong Kong en association avec le Conseil de développement du commerce de Hong Kong (HKTDC), organe de promotion du commerce extérieur de Hong Kong et soutenu par les plus hautes instances de la République populaire de Chine105. Ce sommet a regroupé des personnalités politiques et issues du monde des affaires de Chine continentale, de Hong Kong ainsi que de l’ensemble des pays concernés par l’initiative Belt and Road106. Invité au Belt and Road Summit, Zhang Dejiang, membre du comité permanent du bureau politique du PCC a insisté dans son discours sur le rôle de premier plan que Hong Kong avait vocation à jouer au sein de cette initiative principalement dans quatre domaines identifiés par les autorités chinoises : les services professionnels, les services financiers, les échanges humains et la coopération avec la Chine continentale pour le développement de relations d’affaires sur l’ensemble des itinéraires terrestres et maritimes entre la Chine et l’Eurasie. Les autorités hongkongaises de l’époque le Chef de l’exécutif de Cy Leung, le Secrétaire aux finances, John Tsang, et le Secrétaire au commerce, Greg So ont à tour à tour vanté le rôle unique que Hong Kong peut jouer, soulignant (i) les avantages structurels de la région administrative spéciale (hub financier, commercial et logistique, Etat de droit, système juridique de common law, main d’œuvre éduquée, hub d’accès vers la Chine etc., (ii) sa volonté de prendre toute sa part dans ce projet majeur dans le cadre du principe « un pays, deux systèmes » (avec la mise en place d’un bureau « One Belt One Road » au sein de l’administration et d’une plateforme de financement au sein de l’autorité monétaire de Hong Kong, la HKMA), (iii) la capacité des entreprises présentes à Hong Kong, place RMB offshore de référence, à se positionner dans tous les domaines (infrastructures, droit et arbitrage, assurance et réassurance, financements, logistique, etc.) et enfin (iv) la volonté de développer des relations bilatérales tous azimuts sur le plan commercial (négociation d’accords de libre-échange ou Free Trade Agreement FTA), culturel et académique107.
A la suite de ce forum a été créé le 4 juillet 2016 l’Infrastructure Financing Facilitation Office (IFFO) qui a pour but d’agréger les expertises de 41 acteurs clés dans les domaines de l’investissement (Blackstone), de la banque (HSBC, Asia Investment Bank), du conseil (KPMG), et des transports et de l’énergie (MTR, Airport Autority et CLP Group) au sein de l’autorité monétaire de Hong Kong (HKMA)108. Le secrétaire aux finances de l’époque John Tsang a rappelé une nouvelle fois que la position géographique favorable de Hong Kong, son expertise et ses infrastructures financières en faisaient l’un des acteurs les plus crédibles dans le financement du projet des Nouvelles Routes de la Soie. En marge de cet événement, deux accords de coopération ont été signés par la HKMA respectivement avec le Global Infrastructure Hub (GI Hub) initié par le G20 et avec la Société Financière Internationale (groupe Banque mondiale). L’objectif de ces accords est de renforcer la position de Hong Kong comme centre de financement majeur dans le cadre du projet, notamment pour la banque asiatique d’investissements pour les infrastructures (AIIB). Il s’agit de permettre aux acteurs financiers et industriels hongkongais de mieux tirer parti des opportunités liées aux Nouvelles Routes de la Soie109. Les autorités hongkongaises ont par ailleurs mis en place en aout 2016 un « bureau OBOR » doté d’un budget dédié au sein de l’administration sous l’autorité d’un « Belt and Road Commissioner », Yvonne Choi Ying-pik, nommée pour un an et qui rend compte directement au Chef de l’Exécutif. Le bureau OBOR semble avoir eu pendant un an un rôle essentiellement limité au « brainstorming ». Afin de le doter de ressources supplémentaires et de « l’institutionnaliser », le bureau OBOR a été placé depuis le 1er juillet 2017 au sein du département du Commerce et du Développement économique (« Commerce and Economic Development Bureau »), sous l’autorité d’Edward Yau et ne dispose plus de « Belt and Road Commissioner »110. Alors même que Hong Kong n’est pas officiellement associé à ce projet, le gouvernement hongkongais, avec l’appui des autorités politiques chinoises semble ainsi se mobiliser pour l’intégration à venir.

La participation de Hong Kong se formalise en décembre 2017 et parachève les efforts de promotion du gouvernement hongkongais

Dans le prolongement du « Belt and Road Forum » organisé en mai 2016 à Hong Kong et du « One Belt, One Road Beijing Summit » de mai 2017 à Pékin, le gouvernement hongkongais a organisé un nouveau forum le 11 septembre 2017 pour promouvoir l’initiative et en particulier le rôle de « super-connecteur » que Hong Kong entend jouer. Cette nouvelle conférence autour du thème « from vision to action » n’a cependant donné lieu, malgré la présence de plusieurs représentants du gouvernement chinois, à aucune nouvelle annonce concrète. De manière assez convenue, des représentants de plusieurs pays concernés en Asie centrale, dans l’ASEAN ou en Europe orientale (Pologne) ont indiqué leur volonté de participer pleinement au projet. Les autorités hongkongaises ont rappelé les atouts de Hong Kong (interface traditionnelle entre la Chine et le reste du monde, environnement des affaires favorable, place financière incontournable en Asie, savoir-faire en matière de services financiers et juridiques) 111. Cependant, malgré l’intérêt des acteurs privés hongkongais pour cette initiative, les projets concrets faisant intervenir l’expertise de ces acteurs tardent à se concrétiser. Si un grand nombre de projets sont labellisés « Belt and Road » cette étiquette peut sembler quelque peu artificielle.
La nouvelle cheffe de l’éxécutif Carrie Lam112 s’est pourtant félicitée du succès de ce sommet lors de son discours de politique générale le 11 octobre 2017. Le sommet aurait atteint son objectif de « transformer la vision en action, en encourageant une coopération concrète dans le cadre de l’initiative ». Carrie Lam a affirmé l’intention du gouvernement hongkongais de continuer à travailler avec le conseil du commerce extérieur de Hong Kong (HKTDC) en vue de promouvoir Hong Kong en tant que plateforme du commerce international et prévoit d’organiser des évènements de ce type chaque année pour promouvoir le rôle de Hong Kong dans le cadre de l’initiative Belt and Road. Carrie Lam a indiqué que le gouvernement entendait capitaliser sur la participation active de Hong Kong à l’initiative Belt and Road et au projet de Grande Baie (« Greater Bay Ara »). Cette participation est cependant pensée en premier lieu pour servir le développement de la Chine comme en témoigne l’expression « what the country needs what Hong Kong is good at » (ce dont le pays a besoin et de quels avantages Hong Kong dispose) utilisée par Carrie Lam dans son discours. La cheffe de l’exécutif préconise ainsi un dialogue approfondi avec les autorités centrales chinoises, les entreprises et chambres de commerces afin de traduire les orientations politiques par des opportunités commerciales113. Le gouvernement a, à ce titre instauré une politique pour stimuler l’innovation (axe identifié comme prioritaire par le gouvernement de Carrie Lam) et attirer les entreprises notamment chinoises par des incitations fiscales (abaissement des taxes pour les deux premiers millions de profits et exonérations de taxes pour les dépenses en Recherche et Développement)114. Dans son discours de politique générale d’octobre 2017, Carrie Lam a par ailleurs mentionné les discussions en cours avec les autorités centrales en vue de la conclusion d’un accord sur la participation officielle de Hong Kong à l’initiative115.
Penchons-nous désormais du côté des autorités centrales chinoises. Au moment de sa visite à Hong Kong en juillet 2017 pour célébrer le 20ème anniversaire de la rétrocession, le président chinois Xi Jinping a affirmé le soutien des autorités centrales pour l’intégration de Hong Kong dans l’initiative Belt and Road. A la demande de la cheffe de l’exécutif, les deux parties ont décidé à cette date la signature prochaine d’un « arrangement on advancing Hong Kong’s full participation in the Belt and Road Initiative » (Arrangement portant sur la pleine participation de Hong Kong à l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie). La visite de la cheffe de l’exécutif Carrie Lam à Pékin a donné lieu à la signature, le 14 décembre 2017, d’un accord entre le gouvernement hongkongais et la Commission Nationale pour la Réforme et le Développement présidé par He Lifeng, sur la participation de Hong Kong à l’initiative « Belt and Road » se concentrant sur 6 éléments déterminants : « finance and infrastructure and maritime services; economic and trade facilitation; people-to-people bonds; taking forward the Guangdong-Hong Kong-Macao Bay Area Development; and enhancing collaboration in project interfacing and dispute resolution services »116. L’accord mentionne en particulier le rôle que pourra jouer Hong Kong dans des secteurs dans lesquels la région administrative spéciale dispose soit d’une expertise reconnue soit d’un avantage comparatif sur ses concurrents : l’émission d’obligations vertes, les services à haute valeur ajoutée dans le domaine du transport maritime ainsi que les services d’arbitrage et de règlement des différends (ces points seront développés ultérieurement dans la troisième partie). L’accord prévoit également d’encourager les entreprises chinoises à installer leurs sièges régionaux à Hong Kong et de poursuivre l’ouverture du marché chinois aux entreprises hongkongaises, permettant à Hong Kong de conserver sinon approfondir son rôle d’interface dans le processus d’ouverture économique et financière de la Chine. Cet accord instaure par ailleurs un mécanisme de dialogue bilatéral (« Joint Conference mechanism ») qui doit se réunir au moins une fois par an afin d’évaluer la participation de Hong Kong à l’initiative Belt and Road et qui rassemblera des représentants de la Commission Nationale pour la Réforme et le Développement (CNDR), du bureau du Conseil des affaires de l’Etat responsable de Hong Kong et Macao ainsi que des membres du gouvernement hongkongais. Le document peut ainsi être considéré comme le plan directeur de la participation officielle de Hong Kong dans l’initiative. Dans le communiqué publié après la cérémonie de signature, la CNDR a précisé que l’accord était conforme aux nouvelles perspectives présentées au 19e Congrès national du Parti communiste chinois, ainsi qu’à la vision exprimée par le président Xi Jinping lors de sa visite à Hong Kong en juillet 2017117.

Table des matières

Introduction
Première partie – L’intégration de Hong Kong dans la Belt and Road Initiative (BRI) prolonge la relation d’interdépendance économique historique entre Hong Kong et la Chine continentale
Titre 1 – L’histoire des relations entre Hong Kong et la Chine continentale témoigne d’effets de synergies économiques qui justifient le maintien des caractéristiques singulières de Hong Kong au
moment de sa rétrocession à la Chine continentale en 1997
Section 1 : L’instauration de Hong Kong comme colonie britannique a été vécue comme une
« humiliation » pour la Chine
Section 2 : Dès l’instauration de la République populaire de Chine (RPC) en 1949, les relations
d’interdépendances économiques conduisent Hong Kong à se spécialiser dans les activités de
service
Section 3 : Les termes de la rétrocession de Hong Kong à la Chine continentale en 1997
préservent les spécificités héritées de la colonisation britannique au fondement du miracle
économique hongkongais
Titre 2 – L’approfondissement de l’intégration régionale et le renforcement des liens économiques
et financiers entre la Chine et Hong Kong annoncent l’intégration officielle de Hong Kong à
l’initiative Belt and Road
Section 1 : La multiplication d’accords commerciaux signés par Hong Kong avec ses partenaires
témoigne de l’importance de la région administrative spéciale en tant qu’interface commerciale
entre la Chine et le reste du monde
Section 2 : Hong Kong joue un rôle clé dans la stratégie d’internationalisation de la monnaie
chinoise (RMB)
Section 3 : Le plan d’intégration régionale de « Grande Baie » Greater Bay Area (GBA) est un
des axes prioritaires de Xi Jinping et reçoit l’accueil favorable des élites hongkongaises
Deuxième partie – La participation de Hong Kong à l’initiative Belt and Road mobilise les autorités politiques chinoises et hongkongaises
Titre 1 – L’initiative Belt and Road est l’un des axes prioritaires de la politique étrangère du
président chinois Xi Jinping
Section 1 : L’initiative Belt and Road s’inscrit dans une stratégie de long terme ayant vocation à
faire retrouver à la Chine son rang de grande puissance mondiale
Section 2 : L’initiative Belt and Road suscite de nombreuses inquiétudes
Section 3 : les autorités chinoises envisagent le rôle de Hong Kong dans l’initiative Belt and
Road aux contours encore flous
Titre 2- La participation de Hong Kong à l’initiative Belt and Road renouvelle son rôle d’interface
entre la Chine et le reste du monde et suscite une forte mobilisation des autorités politiques pour
bénéficier des opportunités offertes par la route maritime et dans une moindre mesure terrestre
Section 1 : les autorités hongkongaises prennent rapidement conscience des opportunités offertes
par une participation à l’initiative Belt and Road.
Section 2 : La participation de Hong Kong se formalise en décembre 2017 et parachève les
efforts de promotion du gouvernement hongkongais
Section 3 : Hong Kong devient membre de la banque asiatique d’investissement dans les
infrastructures et organise avec succès la troisième édition du sommet Belt and Road.
Troisième partie – L’intégration de Hong Kong dans l’initiative Belt and Road vise à renforcer les avantages compétitifs de Hong Kong tout en prolongeant son rôle traditionnel d’interface entre la Chine et le reste du monde : un partenariat « gagnant-gagnant » ?
Titre 1 – L’initiative Belt and Road renforce la place de Hong Kong dans ses domaines
d’expertises, source d’opportunités pour la diplomatie économique française.
Section 1 : Les entreprises hongkongaises se positionnent dans les secteurs des services professionnels et financiers et réalisent des investissements dans les pays traversés par les Nouvelles Routes de la Soie.
Section 2 : Le gouvernement hongkongais entend promouvoir Hong Kong comme hub régional
de la finance verte et de l’arbitrage dans le cadre de l’initiative Belt and Road.
Section 3 : L’intégration de Hong Kong dans cette initiative offre de nouvelles perspectives pour
la diplomatie économique française.
Titre 2 – L’intégration de Hong Kong au sein de la Belt and Road Initiative porte le risque d’une
dissolution économique et de facto politique
Section 1 : La croissance des intérêts économiques chinois laisse entrevoir une « sinisation » de
l’économie hongkongaise concomitante de la perte de compétitivité de Hong Kong au profit de
ses concurrents régionaux
Section 2 : L’évolution de la situation politique à Hong Kong renforce le constat d’une menace
grandissante sur les libertés politiques et l’autonomie de Hong Kong
Section 3 : Ce risque de dissolution économique et politique est à nuancer : Hong Kong peut
préserver son attractivité à l’international tout en se réinventant au sein de la Chine moderne.
Conclusion
Annexes
Bibliographie

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