Caractéristiques des collecteurs de Tsiperifery

Concepts et état de l’art

Concepts

Théorie de l’acteur stratégique

La théorie de l’acteur stratégique a été élaborée par Michel Crozier et Erhard Friedberg au cours des années 1970. Il s’agit d’une théorie centrale en sociologie des organisations, développée au sein de l’analyse stratégique. Crozier et Friedberg considèrent qu’il faut se concentrer, non sur la fonction des acteurs ou des sous-systèmes au sein d’une organisation, mais sur les stratégies individuelles des acteurs. Ces stratégies ne dépendent pas d’objectifs clairs et précis, elles se construisent au contraire en situation, elles sont liées aux atouts que les acteurs peuvent avoir à leur disposition et aux relations dans lesquelles ils s’insèrent. Pour le comprendre, il faut faire intervenir la notion de zone d’incertitude. Ces zones correspondent aux failles dans les règles, aux défaillances techniques, aux pressions économiques qui empêchent le déroulement des objectifs de l’organisation. Elles ont également une autre source, les acteurs peuvent avoir intérêt à masquer leur véritable jeu, afin de conserver une certaine capacité de négociation dans les jeux de pouvoir.

Théorie de la régulation sociale

La théorie de la régulation sociale est une théorie développée par le sociologue français JeanDaniel Reynaud depuis les années 1970. Elle met la négociation et les règles au centre des rapports sociaux. Un des principaux objectifs de la théorie de la régulation sociale, est d’essayer de comprendre comment les règles peuvent permettre à un groupe social de se structurer et d’élaborer une action collective. C’est-à-dire qu’il faut analyser par quels moyens les règles sont créées, maintenues, détruites et transformées, dans une durée donnée. Ainsi, portées par le système social auquel elles s’appliquent, elles vont subir des « mutations », des modifications, des combinaisons nouvelles, et se propager d’un groupe social à l’autre. Un des apports de Jean-Daniel Reynaud en 1970 est à cet égard de montrer que même si les acteurs . Ils s’appuient au contraire sur un système de règles extérieures nées des contraintes qui émanent de l’environnement. Il peut y avoir conflit entre des règles extérieures et intérieures d’un groupe ou une organisation, conflits qui au sein des organisations, seront souvent désamorcés par des négociations entre les acteurs concernés.

Etat de l’art

Produits Forestiers Non-Ligneux et mode de gestion

L’Arrêté interministériel n° 2915/87 du 30 Juin 1987, portant conduite de l’exploitation des produits accessoires des forêts réglemente l’exploitation des Produits Forestiers Non-Ligneux (PFNL). Les produits accessoires sont les plantes médicinales et celles des industrielles forestières. L’Article 2 de l’Arrêté n° 6686/2000 apporte des précisions sur la réglementation de l’exploitation et la commercialisation, et sur leur définition. Les plantes médicinales et les plantes industrielles forestières sont destinées à l’alimentation ou à la confection des produits artisanaux. Les PFNL incluent les ressources biologiques autres que le bois d’œuvre : dérivées de la forêt, des autres terres boisées et des arbres hors de la forêt. Ils s’agissent par exemples : des plantes médicinales, des plantes ornementales, d’huiles essentielles, des animaux vivants, et des raphias… (FAO, MEF et DGEF, 2001). Ainsi, ils font partie des produits accessoires des forêts. Ces deux arrêtés visent à réglementer la collecte et l’exploitation des produits accessoires. Ils fixent les conditions générales pour les différents exploitants : leurs activités ne peuvent être permises qu’en vertu d’une convention (Annexe1), un permis d’exploitation ou une attestation de producteur privé.

Identification des collecteurs

Les collecteurs n’ont pas commencé l’activité du Tsiperifery de leur propre initiative. Ils ont tous été commandités, de manière contractualisée ou non, par différents exportateurs ou par des groupements informels de récoltants. La contractualisation des collecteurs se fait très souvent oralement, mais aussi parfois sur la base d’un accord écrit. Afin de permettre aux collecteurs de commencer et de répondre aux besoins de trésorerie inhérents à cette activité, les exportateurs avancent les liquidités nécessaires. Ces collecteurs possèdent souvent un statut social important, conféré par leur activité commerciale, par leur origine ethnique, par leur appartenance aux lignées dirigeantes des villages concernés ou par la possession de grandes surfaces agricoles. Ce statut social et le savoir faire commercial de ces individusoffrent donc une garantie aux exportateurs.

Type de collecteurs

On distingue deux (2) types de collecteurs : les collecteurs primaires et ceux secondaires.

Collecteurs primaires

Ils sont originaires des villages de récoltants non organisés en groupement. Ces collecteurs sont souvent eux même des récoltants du Tsiperifery possédant des moyens de transport (vélo, charrette à bœufs). Dans la plupart des cas, ces derniers ne possèdent qu’une faible expérience commerciale et leur activité est surtout basée sur un compromis entre eux et puis entre lesautres récoltants du village.

Collecteurs secondaires

Ces collecteurs s’approvisionnent en produit à chaque jour de marché dans les zones de collecte et/ou font appel aux collecteurs primaires. Ils se contentent de négocier directement les marchandises livrées au marché par les récoltants. Pour répondre à des difficultés d’approvisionnement et à l’augmentation de la demande, certains collecteurs fournissent dans d’autres zones tout en tenant compte de leur temps et/ou de leurs moyens. Ces collecteurs secondaires sont en relation direct avec les clients exportateurs et/ou distributeurs ou personnes privées.

Stratégie de collecte et de commerce

Avant la période de collecte, les collecteurs viennent sur les marchés ou passent dans les villages pour prévenir les récoltants et anticipent une commande. Pour les collecteurs dotés d’une forte capacité de trésorerie, ils achètent le produit à un prix élevé tout au long de la saison. La majorité des collecteurs ne se consacrent pas à l’activité de collecte du Tsiperifery en juin et en juillet parce que c’est la période de basse saison. En cette période, les quantités disponibles sont faibles et la qualité de la récolte est souvent médiocre. Mais, pour des raisons spéculatives, ils accumulent des stocks à faible coût pour leur permettre d’augmenter les prix d’achat lors de la haute saison où se concentre la majorité des ventes.
Un certain nombre de collecteurs pratiquent des activités de transformation. Différentes raisons, spécifiques à l’organisation de la collecte ou résultant de stratégies commerciales, peuvent expliquer la mise en place de cette activité : besoin de conservation du Tsiperifery, volonté de spéculation, possibilité d’augmentation des marges commerciales et sur demande du commanditaire.

Formation du prix

En fait, les collecteurs de Tsiperifery ont des difficultés pour convaincre les locaux de se consacrer à l’activité de récolte, c’est ainsi que les prix de produit sont relativement élevés pour une filière non concurrencée. En effet, les cueilleurs préfèrent se consacrer à l’orpaillage plus rémunérateur même si c’est aléatoire . L’augmentation régulière des prix d’achat s’explique par une très forte concurrence et par la difficulté des collecteurs à honorer leurs commandes. Cette augmentation se répercute sur les prix de vente.

Méthodes

Démarche commune aux hypothèses

Des études bibliographiques et webographiques suivies des travaux de descente sur terrain ont été organisés afin de collecter les informations se rapportant au thème étudié. Ces travaux sont essentiellement une enquête formelle au niveau des collecteurs et une série d’entretiens semidirectifs réalisée auprès d’individus en contact avec eux (cueilleurs, distributeurs, exportateurs, acteurs institutionnels). Cette série d’entretiens permettrait une triangulation desinformations collectées.

Démarche de vérification de chaque hypothèse

Première hypothèse : « Les différents types de collecteurs présentent des distinctions significatives »

Approches adoptées

Deux (2) approches sont utilisées pour cerner le comportement et les caractéristiques des collecteurs.

Approche ethnographique

La particularité de l’ethnographie réside dans son caractère visuel. Cette particularité visuelle de la méthode ethnographique vient notamment des travaux de Malinowski, imposant l’observation directe de la « vie réelle » (MALINOWSKI, 1963) comme un des principes fondateurs de toute recherche ethnographique. Ainsi, l’ethnographie représente une méthode permettant de rendre compte de faits sociaux. L’ethnographie est apparue au sein des sciences humaines comme une démarche pertinente et capable d’apporter des éléments de compréhension des sociétés, des cultures et des activités humaines (BAPTISTE, 2013). C’est en ce sens que l’ethnographie a été investie pour comprendre le métier de collecteur du Tsiperifery à partir de l’observation directe de leurs comportements lors de la transaction avec les autres parties prenantes de la filière.

Approche de la « Grounded Theory»

La Grounded Theory est présentée essentiellement comme une approche inductive par laquelle l’immersion dans les données empiriques sert de point de départ au développement d’une théorie sur un phénomène et par laquelle le chercheur conserve toujours le lien d’évidence avec les données de terrain (GUILLEMETTE, 2006). Elle est idéale pour explorer
C’est une méthodologie générale qui permet de générer de nouvelles théories en sciences humaines et sociales (GLASER et STRAUSS, 1967). les relations sociales intégrales et le comportement des groupes où il y a eu peu d’exploration des facteurs contextuels qui affectent la vie des personnes (CROOKS, 2001).
Dans cette étude, elle a permis de connaître les caractéristiques des collecteurs tout en tenant compte de leur environnement et de leur fonctionnement.

Élaboration des codes et des catégories

Le discours de chaque collecteur du Tsiperifery enquêté a fait l’objet de transcription. En parcourant ce dernier, les questions suivantes se posent :
De quoi cela parle-t-il ?
Quelle catégorie ces quelques mots ou phrases indiquent-ils ?
Dans quelle propriété de quelle catégorie ces quelques mots ou phrases s’insèrent-ils ?
Quel est le problème auquel fait face le participant ?
Les données sont fracturées en codage : un codage ouvert ou open coding. Cette technique consiste à analyser les premières entrevues en profondeur, ligne par ligne et parfois mot par mot, pour en dégager les catégories pertinentes au phénomène étudié. Le but de cette étapeest d’énumérer toutes les catégories possibles.
Pour la facilitation du codage de discours de chaque enquêté, les caractéristiques des collecteurs sont divisées en cinq (5) thèmes d’après la fiche d’enquête collecteur (Annexe 3) : les généralités sur les collecteurs du Tsiperifery, la transaction entre cueilleur et/ou souscollecteur et collecteur, la formation de prix d’achat, la transaction entre collecteur et exportateur ou distributeur, la formation de prix de vente. Chaque thème montre les codes et les catégories caractéristiques des collecteurs (Annexe 4).

Typologie des collecteurs

Elle comprend trois étapes : la classification par CAH, le test de concordance des groupes par AFD et la caractérisation par ACM. Les données utilisées ont été les résultats de l’enquête (Annexe 5) menée selon la méthode de Grounded Theory. Dans cette méthode, les codes et les catégories représentent les variables et les critères.

Test de concordance des groupes par AFD

Cette méthode permet de comparer des groupes de collecteurs à l’aide de plusieurs variables.Elle cherche ainsi à décrire et à classer ces groupes. De plus, elle permet de différencier les valeurs les plus proches possibles dans les classes et les plus dispersées entre les classes. De ce fait, elle a été effectuée dans le but de confirmer les résultats de la classification par CAH. Les résultats du test de concordance par AFD sont présentés en Annexe 5.

Caractérisation par ACM

Cette méthode permet d’étudier l’association entre au moins deux variables qualitatives. Elle permet en effet d’aboutir à des cartes de représentation sur lesquelles on peut visuellement observer les proximités entre les catégories des variables qualitatives (caractéristiques des collecteurs) et les observations (types de classes de collecteurs). Ainsi, cette analyse a été faite pour représenter graphiquement les types de classes établies après le test de concordance par AFD. Le graphe ainsi obtenu est présenté dans la partie « résultats » à titre d’illustration de la typologie.

Deuxième hypothèse : « Les marges brutes des différents types de collecteurs montrent des écarts »

La logique des acteurs est déterminée à partir de l’analyse des coûts et des marges qu’ils obtiennent. En se focalisant sur chaque classe de collecteurs, ci-dessous les formules qui permettent de calculer ces coûts et ces marges.

Limites de la méthodologie

Le nombre des collecteurs enquêtés n’est pas exhaustif, du fait que le dénombrement de tous les collecteurs de Tsiperifery n’est pas préconisé par la méthodologie. De plus, la peur d’être enquêtés amène des collecteurs à se cacher ou à attendre l’occasion propice pour faire leur métier. Par ailleurs, les contraintes temporelles limitent l’identification de tous les collecteurs.
Quelque fois, l’observation directe de la transaction entre le collecteur et les autres parties prenantes de la filière (cueilleur, exportateur et/ou distributeur, acteurs institutionnels) ne se réalise pas. La rencontre avec le collecteur se fait sur son lieu d’habitation ou bien ce dernier arrête temporairement la collecte du Tsiperifery au moment de l’enquête. Comme le cas des collecteurs dans le District de Fénérive-Est où l’activité s’est coïncidée avec la saison de collecte de litchi.
Durant l’enquête, une certaine réticence a eu lieu par rapport à l’objet d’étude telle la cueillette du Tsiperifery dans la forêt. Cette situation a compliqué le déroulement de l’enquête des cueilleurs.
Pour les distributeurs et/ou les exportateurs mais aussi certains collecteurs, les informations relatives à leur stratégie commerciale, aux quantités et aux prix du Tsiperifery sont tenues confidentielles. Des données incomplètes et estimées ont alors été utilisées.
Certains acteurs institutionnels connaissent l’existence d’exploitation du Tsiperifery, mais n’ont pas d’informations et/ou de données chiffrées sur ce produit. En conséquence, ce n’est pas toujours possible de trianguler toutes les informations.
Cette étude se limite à quelques étapes du GT telle l’obtention des diverses catégories caractéristiques des collecteurs, objet du premier résultat.

Collecteur d’autres produits

En dehors du Tsiperifery, les collecteurs collectent habituellement d’autres produits comme les PFNL (Matanando (drozeria), Talapetraka (centela asiatica), grenadelle, champignons séchés, miel, cire d’abeille…), les épices (cannelle, vanille, girofle, poivre noir léger et lourd, poivre blanc, baie rose), les produits locaux agricoles (piment, gingembre, voandzou, taro, maïs, manioc, riz, haricot, arachide, litchi, noix de cajou…, poulet, porcs, volailles) et non agricoles (l’or) dans les zones où ils pratiquent leur activité de collecteur du Tsiperifery. Les vingt et un (21) collecteurs, 91% des enquêtés, sont concernés par cette activité.

Grossiste spécialisé en épices

Les cinq (5) collecteurs, 22% des enquêtés, possèdent chacun un magasin de grossiste spécialisé en épices. Ces grossistes se localisent soit au niveau local où le collecteur habite, soit au niveau régional et national. L’un d’eux effectue également l’extraction d’huiles essentielles d’eucalyptus globulus, de géranium, de cannelle et de pamplemousse. Ainsi, il met en vente les produits obtenus.

Transformation

Les collecteurs qui réalisent la transformation ont tendance à stocker le Tsiperifery en attendant la commande de client ou l’augmentation du prix de vente.

Pas de transformation

Les huit (8) collecteurs, 35% des enquêtés, ne pratiquent pas la transformation de Tsiperifery suite à la commande à l’état naturel proposée par des clients. Ils vendent le Tsiperifery frais sans transformation en sec ou autre.

Séchage

Le séchage s’inscrit dans deux stratégies : soit le collecteur a obtenu une commande de Tsiperifery sec et il fournit le produit après le traitement, soit il opte pour l’alternative de séchage due à la baisse du prix de vente du produit frais. Les douze (12) collecteurs, 52% des enquêtés, pratiquent le séchage.

Echaudage et séchage

L’échaudage est une pratique courante de certains collecteurs. Elle est parfois demandée par les clients. Ils pratiquent l’échaudage avant le séchage du Tsiperifery. La majorité des collecteurs de Moramanga pratiquent l’échaudage de ce produit suite à une formation donnée par un collecteur étranger et par une grande société exportatrice. Les six (6) collecteurs, 26% des enquêtés, pratiquent cette transformation.

Autres transformations

L’extraction d’huile essentielle constitue une autre façon de valorisation et de conservation de Tsiperifery. Mais, l’huile essentielle obtenue serait cancérigène selon l’étude d’un laboratoire américain d’après un collecteur expatrié résident à Moramanga. Un autre cas, la production de poivre sauvage blanc vient de la petite transformation du Tsiperifery frais et dont le procédé est à la portée des collecteurs. Les deux (2) collecteurs, 9% des enquêtés, font ce genre de transformations.

Moyens de transport du Tsiperifery

Cette caractéristique correspond aux moyens de transport possédés et/ou utilisés par le collecteur. Au fur et à mesure que la quantité collectée est élevée, les collecteurs font appel aux moyens de transport adaptés. L’utilisation d’un moyen de transport est un indicateur de la quantité du Tsiperifery échangée.

Table des matières

REMERCIEMENTS
RESUME
ABSTRACT
SOMMAIRE
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES CARTES
LISTE DES ACRONYMES
INTRODUCTION
1 MATERIELS ET METHODES
1.1 Matériels
1.2 Méthodes
2 RESULTATS
2.1 Caractéristiques des collecteurs de Tsiperifery
2.2 Coûts et marges obtenus par classe de collecteurs
2.3 Comportements institutionnels des collecteurs
3 DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
3.1 Discussions
3.2 Recommandations
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES ANNEXES
TABLE DES MATIERES

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