La prévalence de la dermatite atopique

La dermatite atopique (DA), ou eczéma atopique, est une dermatose inflammatoire prurigineuse de prédisposition génétique évoluant par poussées récidivantes sur un fond de chronicité atteignant essentiellement le nourrisson et le petit enfant [1]. Souvent cette affection régresse avec l’âge, mais elle peut également persister au-delà de l’enfance et se poursuivre à l’âge adulte, ou même survenir pour la première fois à l’adolescence, voir chez l’adulte même âgé.

La DA est l’un des composants de la « maladie atopique » ou « la triade atopique », avec l’asthme et la rhinite allergique. Il s’agit souvent du premier problème à survenir dans « la marche atopique ». Il s’agit d’une maladie multifactorielle inflammatoire de la peau, dont la pathogénèse est complexe, résultant d’une interaction entre facteurs génétiques et environnementaux chez des sujets prédisposés, dits atopiques. L’atopie étant une prédisposition héréditaire du système immunitaire à développer des réactions d’hypersensibilité médiées par les immunoglobulines E (IgE) vis-à-vis d’antigènes (Ag) ou d’allergènes communs dans l’alimentation, les environnements extérieur ou domestique. Sur le plan physiopathologique, il existe des troubles du système immunitaire tels que l’élévation des IgE sériques, des anomalies de la barrière cutanée (mutations de gènes codant pour des protéines telles que la filaggrine) associée à la sensibilisation à certains allergènes de l’environnement, le paradigme th1/th2, et la colonisation microbienne de la peau [2, 3]. Ces anomalies de la barrière cutanée, qui favorise la pénétration facile des molécules au contact avec la peau, seraient liées à des mutations au niveau du gène de la filaggrine (flg) (appelé FLG), un composant protéique des cornéodesmosomes qui a un rôle essentiel dans le maintien de l’hydratation de la peau.

Les anomalies de la barrière cutanée peuvent être constitutionnelles mais aussi environnementales. L’hygiène trop fréquente de la peau et des muqueuses aboutit à une fragilisation de ces épithéliums de revêtement. L’hypothèse d’un déséquilibre des lymphocytes T spécifiques de type Th1/Th2 dans le sens des cytokines de type Th2 est soutenue par des travaux montrant l’existence, chez des nourrissons, d’un taux sérique élevé d’IL4 plusieurs mois avant le déclenchement de la DA. Par la suite, lors de la phase chronique, les cellules présentatrices d’antigènes sécrètent d’autres cytokines (IL16, etc.) qui activent les monocytes, lesquels activent des cellules dendritiques épidermiques qui sécrètent IL12 et IL18, capables de réorienter la réaction Th2 (qui favorise la production d’anticorps IgE) dans un sens Th1 (qui favorise l’immunité cellulaire). La résolution des poussées d’eczéma passerait par l’activation des lymphocytes Th1 producteurs d’interféron gamma, molécule inhibitrice des lymphocytes Th2 [1]. La peau des patients atteints de la DA est constamment colonisée par le Staphylococcus aureus (S. aureus), situation favorisée par un déficit en peptides antimicrobiens épidermiques. Le S. aureus peut occasionner des surinfections mais est également impliqué dans la survenue et la sévérité des poussées inflammatoires. La diversité du microbiote cutané est ainsi anormale dans la DA et des études dynamiques du microbiote montrent que la prédominance des staphylocoques est encore accrue au cours des poussées de DA. Cet état de dysbiose conduit à une majoration des réactions inflammatoires dans lesquels certaines toxines staphylococciques jouent un rôle important [4].

Le diagnostic de la DA est clinique, il est basé sur des critères proposés initialement par Hanifin et Rajka . Ceux-ci ont été revus, simplifiés et validés, en 1994, par le Working Party britannique dirigé par Williams , lesquels on a adopté pour la réalisation de ce travail. Enfin d’autres critères existent, comme ceux proposés par l’American Academy of Dermatology . Les maladies allergiques sont actuellement considérées par l’OMS comme la quatrième pathologie en terme d’importance, il y a seulement dix ans elles étaient au sixième rang [6]. La prévalence de la DA varie considérablement dans le Monde, avec en général une forte prévalence dans les pays occidentaux et une prévalence moins forte dans les pays en voie de développement. Au Maroc, l’expérience professionnelle montre que les maladies allergiques sont de plus en plus fréquentes, mais la rareté des données épidémiologiques surtout concernant la DA rend difficile d’apprécier l’ampleur et le retentissement de ce problème de santé.

La prévalence de la DA

La prévalence de la DA dans la ville de Marrakech déterminée par notre étude, est de 6.75%.
Au Maroc :
Très peu d’études concernant la DA ont été réalisées, en fait la majorité des données épidémiologiques disponibles émanent des résultats de l’étude ISAAC (International Study of Asthma and Allergies in Childhood) L’étude ISAAC est une étude internationale multicentrique, qui visait à comparer la prévalence des différentes manifestations allergiques dont la DA, dans les différentes régions du monde à l’aide d’un questionnaire [7, 8, 9], chez deux groupes d’enfants : 13-14 ans (échantillon obligatoire) et 6-7 ans (échantillon facultatif). Elle s’est déroulée en 3 phases, entre les années 90 et 2000. Le diagnostic de DA était retenu en cas de réponse positive à deux questions.
1) « avez-vous eu une éruption qui grattait de façon récurrente ? »
2) « est ce que cette éruption à un moment ou à un autre touchaient : le pli des coudes, derrière les genoux, la face antérieure des chevilles, le cou, les oreilles ou les yeux ? »
La prévalence de l’eczéma diagnostiqué était :
En 1996 (phase I) : 13.9% à Casablanca, 8.5% à Rabat et 13.1% à Marrakech [10].
En 2002-2003 (phase III) : 20.2% à Casablanca, 20.7% à Marrakech, 20% à Benslimane et 13.3% à Boulmane [11].
Ces prévalences sont largement supérieures à notre résultat.

Dans la ville d’Oujda, une enquête inspirée de l’étude ISAAC a été réalisée chez des écoliers en 2011, dans laquelle la prévalence de l’eczéma diagnostiquée était de 2.7%. [10]. Une autre étude a été réalisée à Marrakech entre Décembre 2002 et Décembre 2007, chez 160 enfants atopiques consultant un pédiatre dans le secteur privé et qui consistait à remplir un questionnaire, et à effectuer des tests cutanés par la méthode du prick-test, a trouvé une prévalence de la DA à 4%. [12].
Dans les séries maghrébines :
L’étude ISAAC, estimait la prévalence de la DA en Tunisie (Grand Tunis, 2005), à 8.3% chez les enfants âgés de 13 à 14 ans [13]. En Algérie (Alger, 2007) cette prévalence était de 6.5% [14]. Une étude tunisienne, ayant pour objectif de comparer les prévalences de la DA en France (Tours, Paris, 2001/2002) et en Tunisie (Tunis, Sfax, 2001/2002), a noté une prévalence de 0.44% en Tunisie et de 21% en France [15]. Selon une autre étude réalisée dans la ville de Constantine, Algérie chez des nourrissons au niveau de deux grands centres de vaccination entre Juillet 2009 et Juillet 2010, la prévalence de la DA était de 5.32% [14].
Dans les séries occidentales :
L’étude ISAAC phase I estimait la prévalence de la DA : En France à 8.8% chez les enfants de 6 à 7 ans, et de 10% chez les enfants de 13 à 14 ans. [16]. En Espagne à 3% chez les enfants de 6 à 7 ans, et de 4% chez les enfants de 13 à 14 ans [9]. En Italie à 6% chez les enfants de 6 à 7 ans, et de 6% chez les enfants de 13 à 14 ans [9].

Au Royaume-Uni à 13% chez les enfants de 6 à 7 ans, et de 16% chez les enfants de 13 à 14 ans [9]. D’autres études qui datent de 2004, estimaient la prévalence de la DA :
En Espagne à 8% chez les enfants de 13 à 14 ans [17].
En Allemagne à 13% avant 1 ans, et 21% avant 2 ans [18].
Au Royaume-Uni à 24% chez les enfants de 2 à 15 ans [19].

Notre résultat, était inférieur aux résultats trouvés dans l’étude ISAAC au Maroc, mais reste supérieur à celui trouvé dans les autres études concernant les villes d’Oujda et Marrakech. Cependant il est proche de celui trouvé dans les pays Maghrébins et moins élevé que les résultats observés dans les pays développés.

Cette variabilité des résultats peut être expliquée par les différentes méthodologies adoptées dans chaque étude. L’étude ISAAC, on lui oppose trois principales limites : elle n’étudie pas les nourrissons population chez qui la prévalence est la plus élevée, les critères diagnostiques sont très discutables, enfin la qualité des traductions peuvent limiter l’interprétation des résultats [20]. Pour les autres études, certaines se sont déroulées dans des centres de dermatologies ou de pédiatrie, ce qui peut constituer un biais de sélection. D’autre part les critères diagnostiques, les critères d’inclusion et d’exclusion, la réalisation d’un examen clinique ou non, varient et peuvent toutefois influencer les résultats.

L’âge

Dans notre étude l’âge moyen des enfants atteints de DA était de 2 ans 9 mois avec des extrêmes allants de 6 mois à 6 ans.

Dans une autre étude marocaine, faite à Marrakech (Janvier 2002-Décembre 2003) l’âge moyen des enfants atteints de DA était de 28.5 mois [21]. Dans une étude algérienne (Constantine), l’âge moyen des enfants atteints était de 9.3 mois [14]. Dans une étude tunisienne (Tunis, Sfax), l’âge moyen des enfants atteints était de 6.4 ans (± 4.04) [15].

Le sexe

Concernant le sex-ratio M/F, dans les séries occidentales, la prédominance est tantôt féminine [9,22, 23]. Et tantôt masculine [24, 25]. Le sex-ratio M/F est équilibré selon d’autres séries [26]. Dans les séries maghrébines et marocaines : On note une nette prédominance masculine, avec un sex-ratio M/F de 1.59, 1.22, 1.3 et 1.5 respectivement en Tunisie (Monastir), Algérie (Constantine), la ville d’Oujda et Marrakech [27, 14, 10, 21]. Dans notre étude le sex-ratio M/F était 1.25 avec 55.5% de garçons et 44.5% de filles, on note une prédominance masculine, donc nos résultats sont en accord avec les résultats des séries maghrébines et marocaines.

Table des matières

Introduction
Patients et méthodes
I. Type d’étude
II. Partenaires
III. Zone d’étude
IV. Population d’étude
V. Echantillonnage
VI. Recueil des données
VII. Analyse statistique
Résultats
I. Démographie médicale des centres de santé à Marrakech
II. Description générale de l’échantillon
1. Données démographiques
2. L’âge
3. Le sexe
4. L’origine
5. Antécédents personnels
6. Antécédents d’atopie familiale
7. La consanguinité
8. Les animaux de compagnie
9. Le motif de consultation
III. Description des cas de la DA
1. Critère obligatoire
2. Critères mineurs
3. Les complications
4. Le traitement reçu
IV. Etude comparative des deux groupes
1. L’âge
2. Le sexe
3. Les antécédents d’atopie familiale
4. L’allaitement maternel
5. La diversification alimentaire
6. Le tabagisme passif
7. La consanguinité
8. Les animaux de compagnie
Discussion
I. Les Données générales
1. La prévalence
2. L’âge
3. Le sexe
II. Les données anamnestiques et cliniques
. L’âge de début
. La marche atopique
3. Manifestations cliniques
4. Topographie des lésions
III. Les facteurs de prédisposition
1. L’atopie familiale
2. La consanguinité
3. Le tabagisme passif
4. La diversification alimentaire
5. L’allaitement maternel
6. Les animaux de compagnie
IV. Le traitement
V. L’évolution
Conclusion

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