La structure des réseaux trophiques pélagiques

LA STRUCTURE DES RÉSEAUX TROPHIQUES PÉLAGIQUES

Les travaux fondamentaux de Margalef (1978, 1997), Margalef et al. (1979), Cushing (1989), Legendre & Le Fèvre (1989), Legendre & Rassoulzadegan (1995) et Legendre et al. (1993) ont contribué à établir les bases et les théories sur l’écologie du phytoplancton marin. Cette science requiert une approche pluridisciplinaire en associant différents domaines de l’océanographie: la physique, la chimie ainsi que la biologie afin de mieux comprendre les processus et les interactions entre les communautés phytoplanctoniques et le milieu ambiant. Plusieurs modèles ont mis en évidence des relations entre la turbulence, les teneurs en nutriments et les caractéristiques physiologiques adaptatives et écologiques du phytoplancton dans leur milieu naturel (Margalef et al. 1979, Levasseur et al. 1984, Legendre & Rassoulzadegan 1995, Cullen et al. 2002). L’un de ces modèles conceptuels est décrit à la Figure 1. Dans ce modèle, on distingue quatre types de régime phytoplanctonique ayant chacun des propriétés biologiques spécifiques et bien défmies, entre autres, par la structure de taille, la biomasse, l’activité physiologique (e.g. taux de prise des nutriments, taux photosynthétique) et la composition taxinomique de la communauté phytoplanctonique. L’intensité de la stratification verticale détermine, en partie, le type de régime phytoplanctonique prédominant dans le milieu en contrôlant le renouvellement des nutriments dans la couche supérieure de la colonne d’eau. Le rapport surface:volume des cellules est l’ un des éléments-clés de la réponse du phytoplancton aux apports en nutriments. Les milieux turbulents à fortes concentrations en nutriments favorisent la croissance et l’accumulation des grosses cellules al gales au détriment des plus petites.

Au contraire, les milieux stratifiés et pauvres en nutriments favorisent le développement des petites cellules algales, en raison du rapport surface:volume élevé, permettant ainsi une meilleure accessibilité aux nutriments. Les régimes phytoplanctoniques sont donc fortement influencés par la turbulence et les teneurs en nutriments dans le milieu. Ainsi les milieux eutrophes et oligotrophes permettent le développement de deux régimes phytoplanctoniques distincts.

Millieu eutrophe  forte turbuience et forte teneur en nutriments 

Margalef (1978) a démontré le rôle crucial de la turbulence permettant le renouvellement des éléments nutritifs dans la couche supérieure de la colonne d’eau en soutenant un régime phytoplanctonique composé de grandes cellules. Ce régime phytoplanctonique dominé par des diatomées est souvent caractérisé par une forte biomasse algale et une forte production primaire. Ce régime permet le développement d’ un réseau alimentaire herbivore caractérisé par un transfert important de la production primaire vers les niveaux trophiques supérieurs comme les poissons et les mammifères marins (Michaels & Silver 1988, Legendre & Le Fèvre 1989, Ki0rboe 1993) ainsi qu’une exportation relativement importante de la matière organique particulaire vers les profondeurs océaniques (Eppley & Peterson 1979, Michaels & Silver 1988).

Milieu oligotrophe : faible turbulence et faible teneur en nutriments 

Les milieux aquatiques soumis à de faibles turbulences et à de faibles teneurs en . nutriments sont régis principalement par de petites cellules algales, le picophytoplancton (0,2 – 2 µm; Waterbury et al. 1979, Chisholm et al. 1988), et par des bactéries hétérotrophes, d’où le concept de la boucle microbienne (Azam et al. 1983, Landry et al. 1997). Dans de tels systèmes, la production primaire est contrôlée par la égénération des nutriments (e.g. ammonium) permettant un fonctionnement autosuffisant (boucle fermée). Dans ces systèmes, une faible fraction de la production primaire est disponible pour les niveaux trophiques supérieurs et l’exportation en profondeur (Legendre & Le Fèvre 1989, Peinert et al. 1989, Ki0rboe 1993).

INCERTITUDES DES RÉPONSES DES COMMUNAUTÉS PHYTOPLANCTONIQUES DE L’ ARCTTQUE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Étant donné le rôle crucial de la lumière et de la stratification verticale de la colonne d’eau implicitement liée à la couverture de la glace de mer, une attention particulière doit être accordée à ces deux variables par rapport aux changements environnementaux en cours dans l’océan Arctique. La réduction de l’étendue et de l’épaisseur du couvert de glace de mer, ainsi que les changements dans la dynamique de la fonte et de la formation de la glace entraîneront une modification de la disponibilité de la lumière (ACIA 2005) pour le système pélagique en plus d’accroître la durée de la saison de production dans les mers arctiques (Arrigo et al. 2008, Kahru et al. 2010). Grâce à l’imagerie satellitaire, Arrigo et al. (2008) ont estimé une augmentation moyenne de la production annuelle dans l’océan Arctique de 27,5 Tg C a⁻¹ entre 2003 et 2006 et de 35 Tg C a⁻¹ entre 2006 et 2007. Trente pourcents de cette augmentation serait imputable à la réduction du minimum estival de l’étendue du couvert des glaces pluriannuelles et 70% à une saison de croissance prolongée. Pour leur part, Rysgaard et al. (1999) ont suggéré que l’augmentation de la production primaire annuelle dans les eaux arctiques était directement corrélée à la durée de la saison de production. Cependant, Tremblay & Gagnon (2009) ont proposé que la variabilité de la production primaire annuelle en océan libre de glace serait régulée par des forçages environnementaux contrôlant les apports en nutriments dans la partie supérieure de la colonne d’eau. Ainsi la stratification serait un facteur déterminant permettant de comprendre les possibles changements de la production primaire dans l’océan Arctique.

À l’aide de données historiques sur la transparence de l’eau et d’images satellitaires, Boyce et al. (2010) ont rapporté une baisse globale de 1 % par année de la biomasse phytoplanctonique dans les 20 premiers mètres de la colonne d’eau entre 1899 et 2005. L’imagerie satellitaire a également montré une diminution globale de la
production primaire de 190 Tg C a⁻¹ entre 1999 et 2006 (Behrenfeld et al. 2006), ainsi qu’ une augmentation de l’étendue des zones oligotrophes dans les océans méridionaux (Polovina et al. 2008). De 1999 à 2004, une augmentation significative de la stratification des eaux de surface par le récharlffement solaire aurait réduit les apports en nutriments des eaux profondes dans la majeure partie des océans mondiaux (Behrenfeld et al. 2006). Une intensification de la stratification des eaux de surface a également été observée dans le Bassin canadien entre 2003 et 2008 (Li et al. 2009, Yamamoto-Kawai et al. 2009, McLaughlin & Carmack 2010). Dans cette région arctique, le réchauffement et l’adoucissement de la couche supérieure de la colonne d’eau ont entraîné un appauvrissement en nutriments des eaux de surface et le remplacement du phytoplancton de grande taille (2 – 20 µm) par des cellules algales de plus petite taille (< 2 µm) (Li et al. 2009). Des modifications de la stratification de la colonne d’eau reliées aux changements climatiques auront vraisemblablement des répercussions majeures sur la dynamique du phytoplancton dans l’océan Arctique. Toutefois, des incertitudes demeurent quant à la réponse des communautés phytoplanctoniques au réchauffement climatique. Le Haut-Arctique canadien apparaît ainsi comme une zone d’ étude intéressante, vu sa complexité biogéographique et le manque de connaissance concernant les processus affectant les communautés phytoplanctoniques arctiques.

Table des matières

1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 LA STRUCTURE DES RÉSEAUX PÉLAGIQUES
1.1.1 Milieu eutrophe .’ forte turbulence et forte teneur en nutriments
1.1.2 Milieu oligotrophe .’ faible turbulence et faib le teneur en nutriments
1.2 LE CONCEPT DES OCÉANS ALPHA (a) ET BETA W)
1.3 CONTEXTE DE L’ÉTUDE
1.4 PROBLÉMATIQUE: INCERTITUDES DES RÉPONSES DES COMMUNAUTÉS PHYTOPLANCTONIQUES DE L’ARCTIQUE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES
1.5 ZONE D’ÉTUDE
1.6 OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
2. INFLUENCE OF ENVIRONMENTAL FACTORS ON THE STRUCTURE AND FUNCTION OF PHYTOPLANKTON COMMUNITIES iN THE CANADIAN HIGH ARCTIC: DISTINCTION BETWEEN OLIGOTROPHIC AND EUTROPHIC REGIONS
2.1 INTRODUCTION
2.2 MATERIALS AND METHODS
2.2.1 Study are a and sampling des ign
2.2.2 Nutrients, chlorophyl! a and primary production
2.2.3 Cel! abundances
2.2.4 Calculations and statistical analyses
2.3 RESUL TS
2.3.1 Spatio-temporal variability of environmental factors in the Canadian High Arctic
2.3.2 Spatio-temporal variability of biological variables in the Canadian High Arctic
2.3.3 Multivariate analyses
2.4 ·DISCUSSION
2.4.1 Distinct phytoplankton regimes in the Canadian High Arctic
2.4.2 L’influence of environmental factors on phytoplankton regimes across the Canadian High Arctic
2.4.2.1 Spatial variability
2.4.2.2 Temporal variability
2.4.3 Ongoing responses of arctic phytoplankton communities in a changing climate
2.4.4 Conclusion
2.5 ACKNOWLEDGEMENTS
3. CONCLUSION GÉNÉRALE

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *