L’approche transactionnelle du stress et du coping

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Déterminants du coping et exemples dans les auditions de Yoshida

Fonctions et classifications du coping

Plusieurs auteurs proposent des classifications et des taxinomies des différentes stratégies de coping. La plus célèbre – et aussi la plus élémentaire – concerne ce que Lazarus et Folkman nomment les fonctions de coping (Lazarus and Folkman, 1984). Pour eux, les stratégies de coping peuvent être distinguées selon leur objectif, mais indépendamment de leur effet éventuel. Une revue de littérature des précédentes classifications leur permet d’en dégager deux principales, qui se retrouvent – implicitement ou explicitement – dans la majorité des modèles proposés. Il y aurait donc des stratégies centrées sur le problème et des stratégies centrées sur l’émotion. Les autres fonctions définies dans la littérature peuvent se recouper, mais ne paraissent pas aussi élémentaires pour les deux auteurs.
Les formes de coping centrées sur le problème peuvent être comparées aux stratégies de résolution de problème. Il s’agit donc de définir le problème, d’envisager les différentes solutions, de choisir la meilleure possible (compte tenu des ressources et de leur effet), et enfin de la mettre en œuvre. Il peut s’agir, par exemple, de processus destinés à agir directement sur l’environnement pour altérer ou éliminer la source de stress ou à se procurer des ressources proximales. Mais certains changements sur des aspects cognitifs ou motivationnels, tels l’implication et l’investissement personnels, le niveau d’aspiration et la priorité des objectifs, l’amélioration des connaissances du problème ou la sollicitation d’une aide matérielle ou instrumentale en font également partie.
Les autres formes de coping sont dites centrées sur l’émotion et sont dirigées essentiellement sur la détresse affective ressentie par les individus dans une situation de stress. Elles peuvent consister à rechercher des informations rassurantes dans l’environnement. Elles comportent, par exemple, la prise de distance ou l’attention sélective, la réévaluation positive de la situation ou l’analogie avec des événements favorables, l’auto-accusation, la maîtrise de soi ou enfin la recherche d’un soutien affectif parmi ses proches (Paulhan, 1992).
Notons que des auteurs ont montré que l’évaluation primaire joue un rôle déterminant dans le choix d’une fonction de coping. Si la situation est perçue comme un défi, l’individu favoriserait des stratégies dirigées vers le problème, tandis qu’une menace ou une perte entraîne une expression émotionnelle qui peut aller jusqu’à la résignation (McCrae, 1984).
Parfois inclus dans les stratégies dirigées vers l’émotion, l’évitement a pu être considéré comme n’ayant aucune de ces deux fonctions. Car s’il existe des formes d’évitement qui peuvent s’associer à d’autres stratégies de confrontation et dont le but est d’alléger la tension, le répit n’en est que temporaire. L’évitement est ici comparable à la composante fuir du modèle
« fuir ou combattre » chez les animaux de Cannon (INSERM, 2011). D’autres auteurs, notamment ceux s’intéressant à l’efficacité du coping et à ses conséquences sur la santé, ne considèrent pas l’évitement comme une stratégie de coping. Mais Lazarus a démontré que certaines stratégies d’évitement pouvaient ponctuellement être des stratégies efficaces (Lazarus, 1983). Toutefois, l’approche transactionnelle ne s’intéressant pas aux effets ou aux conséquences du coping, il s’agit uniquement de considérer l’évitement comme une stratégie d’adaptation auxquels certains individus ont recours.
Contrairement aux défenses psychanalytiques, ou à ce que Lazarus nomme la
« réévaluation défensive », le coping centré sur le problème n’implique pas forcément une distorsion de la réalité. L’individu peut donc décider de ne retenir que des aspects positifs d’une expérience négative (attention sélective) ou abandonner temporairement certaines réflexions.
En général, la recherche montre que le recours à un coping centré sur l’émotion a lieu lorsque l’individu estime ne rien pouvoir faire pour changer la situation. A l’inverse, le coping centré sur le problème provient de l’évaluation des conditions éprouvantes comme modifiables. Enfin, ces deux formes de coping peuvent avoir lieu simultanément, voire s’entraver mutuellement (Lazarus and Folkman, 1984).
Outre la distinction par fonction, les stratégies de coping sont parfois classées selon l’attitude de l’individu. D’un côté, on trouve des stratégies actives ou vigilantes, qui supposent l’intervention de la personne sur son environnement, sur sa perception ou sur la relation entre
les deux. Elles comportent la recherche d’informations, la recherche de soutien social, l’établissement de plans d’action. De l’autre, les stratégies passives ou évitantes, telles l’acceptation ou la résignation, le déni ou la fuite. Une troisième catégorie est parfois distinguée. Il s’agit des processus intrapsychiques tels que la réévaluation du problème dans le but de rendre la situation tolérable, à travers une réduction des écarts perçus entre les exigences de la situation et les ressources disponibles (Paulhan, 1992; Lourel, 2006). Le coping peut encore être différencié par la nature des stratégies mises en œuvre, selon leur aspect cognitif ou comportemental. La recherche de soutien social Certains auteurs considèrent qu’il faut distinguer un autre type de coping, qui peut être transversal. La recherche de soutien social58 est en effet proposée comme dimension à part entière. Les recherches sur le rôle du soutien social et ses fonctions sont diverses. Elles comparent les différences qu’apportent la possession d’un soutien tangible (financier par exemple), d’un soutien psychologique (dans la réévaluation de la situation par exemple) ou encore d’un soutien émotionnel (Cohen and McKay, 1984). Elles s’interrogent sur la prédictibilité du coping en fonction du soutien social à disposition et à quel point ce dernier peut jouer dans l’atténuation des ressentis (Billings and Moos, 1981). Les réseaux sociaux59 ont également été étudiés pour déterminer leur fonctionnement et leur influence sur l’adaptation des individus à leur environnement (Tolsdorf, 1975).
La recherche de soutien social est multifonctionnelle. Elle peut être dirigée vers le problème, comme dans le cas d’une demande d’aide, de support ou encore de conseil. Elle peut au contraire concerner les émotions de l’individu et prendre la forme d’une demande d’un appui moral, de la sympathie ou encore de la compréhension. Si ces deux fonctions sont différentes conceptuellement, les études cliniques montrent qu’elles coexistent souvent lors du processus d’adaptation (Carver et al., 1989).
Pour Cobb, le soutien social est considéré comme un ensemble d’informations indiquant pour le sujet que : il compte et il est aimé ; il est apprécié et valorisé ; il appartient à un réseau de communication et d’obligations mutuelles (Cobb, 1976). Les deux premiers types d’information désignent respectivement un support émotionnel et un support d’estime. L’appartenance à un réseau sous-entend le partage d’informations au sein du groupe à propos de quel membre fait quoi, de la relation entre les membres et enfin de la façon dont laquelle le groupe en est arrivé là. Le soutien social (notamment dans sa forme émotionnelle et sous l’angle 58 Dans la littérature, le rôle du soutien social pour le coping a été discuté. Des auteurs considèrent qu’il s’agit d’une ressource à mobiliser, tandis que d’autres estiment que la recherche de soutien social demande des efforts et constitue bien une stratégie de coping.
59 Les réseaux sociaux font ici référence aux structures signifiantes reliant différents agents sociaux et aux interactions sociales qui les agencent.
de l’estime) joue un rôle dès le plus jeune âge, où les enfants « voulus» 60 font preuve de davantage d’adaptation et d’un coping plus efficace. Il peut être considéré comme protectif en cas de crise, en ce qu’il fournit des ressources supplémentaires à mobiliser. De plus, les trois types de soutien social facilitent l’apprentissage de nouvelles compétences et la capacité de changer de rôle, donc à accepter des changements environnementaux de façon mieux adaptée (Ibid.). Le soutien social, les relations interpersonnelles et l’impression d’être intégré dans un collectif améliorent donc la capacité de faire face aux situations stressantes (Cohen and McKay, 1984).
Les typologies de coping et les questionnaires d’enquête Les chercheurs choisissent parfois de s’attarder sur un aspect particulier du coping. Des typologies plus fines sont ainsi proposées pour recenser les stratégies de coping ou pour mieux comprendre leur utilisation. Certains auteurs ont élaboré des listes établies à partir de différentes analyses, et notamment de questionnaires. Les typologies de coping sont établies selon plusieurs aspects. Elles portent sur des éléments allant de la nature, la motivation ou la fonction des stratégies utilisées. D’autres chercheurs ont proposé des outils de mesure, en essayant de catégoriser ces stratégies. Ces outils ont souvent été discutés dans la littérature, dans l’objectif de les valider ou de les adapter à des contextes spécifiques (Cousson-Gelie et al., 2010).
Dans l’ensemble, on peut distinguer deux types d’approche concernant l’établissement des outils de mesures. Le premier type accorde plus d’importance aux variables dispositionnelles individuelles, tandis que le second privilégie l’étude des variables contextuelles de la situation. Ainsi, certains auteurs estiment qu’il existe des styles ou dispositions de coping, qui désignent les modes habituels de réponse à des stimuli de la vie quotidienne. D’autre part les réponses ou les capacités comportementales de coping peuvent correspondent à des situations stressantes plus spécifiques. L’approche stylistique ou dispositionnelle sous-entend que des facteurs stables individuels déterminent les efforts d’adaptation habituels. L’approche contextuelle implique que l’évaluation cognitive des individus et leur choix de coping dépendent davantage de facteurs situationnelles et transitoires (Moos and Holahan, 2003).

Table des matières

Remerciements
Sommaire
Introduction
Revue de littérature
1.1 Contexte et conséquences de l’accident de Fukushima Dai Ichi
1.1.1 La centrale de Fukushima Dai Ichi
1.1.2 L’accident nucléaire du 11 mars 2011
1.1.3 Les conséquences de l’accident
1.2 Traitement de l’accident de Fukushima dans les publications
1.2.1. Rapports institutionnels
1.2.2 Publications scientifiques sur l’accident
1.2.3 La situation extrême
1.3 Les auditions de Masao Yoshida
1.3.1 Publication des auditions de l’ICANPS
1.3.2 Les auditions de Masao Yoshida
1.3.3 Le contenu des auditions
Le stress et le coping : éléments théoriques
2.1 L’approche transactionnelle du stress et du coping
2.1.1 La notion de stress de la physiologie à la psychosociologie
2.1.2 L’évaluation cognitive comme médiateur du stress
2.1.3 L’adaptation au stress et le coping
2.2 Déterminants du coping et exemples dans les auditions de Yoshida
2.2.1 Fonctions et classifications du coping
2.2.2 Les facteurs en jeu lors du stress-coping
2.2.3 Prédispositions personnelles et stress-coping
2.3 Définition de marqueurs de stress et de coping à partir des extraits de l’audition
de Masao Yoshida
2.3.1 Sidération à l’arrivée du tsunami
2.3.2 La désobéissance de Yoshida pour éviter la catastrophe
2.3.3 L’impossibilité d’agir face à un danger certain
Méthodologie : aspects théoriques et pratiques
3.1 Le récit de vie
3.1.1 La notion de récit
3.1.2 Approches pour l’étude des récits
3.1.3 Le récit de vie
3.2 La recherche qualitative
3.2.1 Eléments épistémologiques et théoriques sur les approches qualitatives
dans la recherche scientifique.
3.2.2 De l’Ecole de Chicago à la Grounded Theory : historique de la l’analyse qualitative dans les sciences sociales
3.2.3 Le fonctionnement des approches qualitatives
3.3 Utilisation du récit de vie de Masao Yoshida pour une recherche
3.3.1 Intérêt d’un récit de vie pour la recherche sur le coping
3.3.2 La méthodologie d’analyse du récit de vie de Yoshida
3.3.3 Etapes suivies pour mener notre étude
Résultats et interprétation
4.1 Le coping de Yoshida en situation extrême
4.1.1 Identification des séquences dans le récit
4.1.2 Choix des séquences à analyser
4.1.3 Analyse des deux séquences et interprétation des résultats
4.2 Les motivations de Yoshida lors de ses auditions
4.2.1 Codage des deux premières auditions
4.2.2 Commentaire des résultats de l’analyse
4.2.3 Un porte-parole reconnaissant, meurtri et revanchard
4.3 Discussion des résultats
4.3.1 L’apport de l’approche transactionnelle du coping
4.3.2 Utilisation des récits de vie dans les enquêtes sur les accidents
4.3.3 L’intérêt du récit de vie pour le retour d’expérience sur les accidents
Conclusion
Bibliographie
Glossaire
Tableau des figures
Table des tableaux
Annexes

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