Le césium dans l’environnement

Le césium dans l’environnement

Caractéristique et origine du césium dans les sols 

Caractéristiques chimiques et nucléaires du césium Le césium (Cs) appartient, comme le lithium (Li), le sodium (Na), le potassium (K) et le rubidium (Rb), à la classe des métaux alcalins. Chimiquement, le Cs présente un seul degré d’oxydation correspondant au cation Cs+ . Il possède 31 isotopes dont la masse atomique varie de 114 à 145 g.mol-1 . Parmi eux, seul l’isotope 133 est stable. La période de décroissance radioactive est supérieure à l’année uniquement pour les isotopes 134 (2,2 ans), 135 (2,9 × 106 ans) et 137 (30 ans). Le 137Cs, émetteur β- , donne naissance avec un rendement de 94,6 % au 137mBa de période 2,55 min et avec un rendement de 5,4 % au baryum 137 stable. Le 137mBa conduit au baryum 137 stable, avec une émission gamma (661,7 keV, rendement 85 %). 

Origine naturelle du césium

Le Cs naturel (133Cs) est présent dans l’écorce terrestre à raison de 1 – 5 mg.kg-1 (ATSDR, 2004; Wedepohl and Turekian, 1961). Il se présente sous forme oxydée (Cs2O) dans un minerai, appelé pollucite ((Cs,Na)[AlSi2O6]·nH2O). Il existe également sous forme d’hydroxyde (CsOH), de carbonate, (Cs2CO3), de nitrate (CsNO3) et de chlorure (CsCl). La plupart des composés formés à partir du Cs sont très solubles dans l’eau (ATSDR, 2004). Les autres isotopes du Cs n’existent pas à l’état naturel.

Origine anthropique du césium

ESSAIS D’ARMES NUCLEAIRES Pendant la période 1945-1980, les essais nucléaires atmosphériques ont libéré dans l’environnement une quantité de 137Cs estimée à 948 PBq, qui s’est peu à peu déposée à la surface de la planète. Les essais souterrains et sousmarins ont rejeté environ 200 PBq de 137Cs (Agalesdes et al., 2000). Le dépôt cumulé qui en a résulté est évalué à 142 kBq.m-2 pour l’hémisphère nord et 35 kBq.m-2 pour l’hémisphère sud (UNSCEAR 2000).

REJETS DES INSTALLATIONS NUCLEAIRES EN FONCTIONNEMENT NORMAL

Le cœur d’un réacteur de 1300 mégawatts électrique (MWe) contient en fin de cycle environ 400 PBq de 137Cs confinés à l’intérieur du combustible. En fonctionnement normal, une faible fraction de ce Cs se retrouve rejetée dans l’environnement. Lors du retraitement du combustible irradié, le 137Cs est extrait avec les autres produits de fission. A titre d’exemple, dans sa « fiche radionucléide » de 2001 consacrée au 137Cs, l’Institut de Protection et de Le césium dans l’environnement ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE 8 Sûreté Nucléaire (IPSN) (actuellement IRSN) donne une estimation de rejet annuel sous forme liquide de 1,3 GBq de 137Cs pour un réacteur nucléaire de 1300 MWe et de 1,3 TBq pour l’usine de retraitement de la Hague en 1999. Les 134Cs et 135Cs sont également présents dans les rejets liquides et gazeux issus des différentes étapes de retraitement du combustible.

REJETS ACCIDENTELS

En 1957, les accidents de Kyshtym (Tcheliabinsk, Russie) et de Windscale (Royaume-Uni) ont entraîné des rejets en 137Cs de respectivement 26,64 TBq (UNSCEAR 2000) et 22 TBq (Agalesdes et al., 2000). L’activité du 137Cs émis dans l’environnement lors de l’accident de Tchernobyl est estimée à 85 PBq. Le dépôt a pu atteindre plusieurs MBq.m-2 à proximité du site, alors qu’en Europe occidentale, notamment en France, le dépôt était de l’ordre de quelques kBq.m-2 à quelques dizaines de kBq.m-2 . Plus récemment, lors de l’accident de Fukushima, jusqu’à 10 GBq.m-2 de 137Cs ont été rejetés dans l’environnement.

Cas des sols de Fukushima

L’accident nucléaire de la centrale de Fukushima Daiichi, survenu le 11 mars 2011 à la suite d’un tremblement de terre suivi d’un tsunami, a entrainé la formation d’un nuage radioactif porté par les vents qui s’est déposé ensuite par lessivage (pluies) sur les sols et le couvert végétal, majoritairement vers le nord-ouest du Japon (Endo et al., 2012; Fujiwara et al., 2012; Morino et al., 2011). Ce nuage était principalement composé de 137Cs et de 131I à hauteur de 1,5 × 1017 et 1,3 ×1016 Bq, respectivement (Chino et al., 2011). Les quelques mois qui ont suivi l’accident, différentes équipes de recherches ont mesuré la concentration en Cs dans les sols sur un périmètre allant jusqu’à 100 km autour de la centrale (Endo et al., 2012; Kato et al., 2012; Yoshida and Takahashi, 2012; MEXT, 2011a, b, c). Les activités mesurées atteignaient jusqu’à 1,0 × 107 Bq.m-2 pour le 137C. Il a été montré que l’activité du 137Cs décroit en fonction de la profondeur du sol. Les études montrent que 90 % de l’activité est mesurée sur les 5 premiers centimètres du sol et 70 % sur les 2 premiers centimètres du sol (Fujiwara et al., 2012; Kato et al., 2012; Matsunaga et al., 2013). Cette localisation superficielle est la même quelle que soit l’utilisation des sols -sols forestier, sols de prairies, sols agricoles – (Koarashi et al., 2012; Takahashi et al., 2015). Toutes ces études suggèrent un lien étroit entre la concentration en Cs dans l’horizon de surface du sol et la quantité d’argile et de matière organique des sols (Kato et al., 2012; Saito et al., 2014; Takahashi et al., 2015). 2. Comportement du césium dans les sols Le Cs est connu pour être très peu mobile dans le sol (Cornell, 1993; Sawhney, 1972, 1970, 1969). Sa mobilité est régie par différents processus d’origine physico-chimique et biologique. Des paramètres comme la nature des substrats minéraux ou organique, la concentration en Cs, la présence d’ions compétiteurs, le pH, les conditions  d’oxydo-réduction, ainsi que la température, peuvent influencer directement ou indirectement cette mobilité (Cornell, 1993).

Phénomène d’adsorption-désorption

Le principal mécanisme qui permet d’expliquer la mobilisation du Cs dans les sols est le phénomène d’adsorptiondésorption. L’adsorption est un phénomène de surface par lequel des molécules se fixent à l’interface sol/eau ou sol/air. La désorption est le phénomène inverse qui permet la libération des molécules adsorbées à la surface du solide. Selon les énergies de liaisons impliquées, l’adsorption peut être de deux types : l’adsorption physique ou l’adsorption chimique (Alloway, 1995; Kabata-Pendias and Pendias, 2001; McBride, 1989). Pour le Cs, seule l’adsorption chimique entre en jeu. L’adsorption chimique, ou chimisorption, résulte d’une attraction spécifique de haute affinité. Cette adsorption met en jeu des liaisons chimiques fortes avec un échange d’électrons entre la surface du solide et les molécules adsorbées. Les propriétés du solide s’en trouvent modifiées. Les liaisons chimiques mises en jeu peuvent être de type ionique, covalente ou de coordination. Ce type de sorption peut être réversible et dépend du pH et des conditions physico-chimiques du milieu. Le Cs est concerné par des liaisons de type ionique en raison de son unique charge positive. 

Rôle des composants abiotiques des sols dans la mobilité du césium

Parmi les composants du sol, en raison de leurs caractéristiques chimiques, les micas et les minéraux argileux, contrairement aux oxydes, à la calcite ou aux silicates, sont connus pour adsorber spécifiquement et plus fortement le Cs. Ils sont très fortement impliqués dans le comportement du Cs dans les sols (Cornell, 1993; Komarneni, 1979; Sawhney, 1970). 

Les argiles

Globalement, de par leurs caractéristiques chimiques (notamment leur électronégativité et leur structure en feuillets (phyllosilicates), les argiles possèdent une surface spécifique élevée, la capacité d’absorber de l’eau et donc de gonfler, et une capacité d’échange cationique (CEC). Ces caractéristiques influencent la rétention du Cs sur ces minéraux. En effet, l’électronégativité des argiles et la CEC influencent les processus d’échange cationique et donc la structure de l’argile et la nature des sites d’adsorption affectant la sorption du Cs (Jacobs and Tamura, 1960; Sawhney, 1970). Pour des concentrations élevées en Cs, l’adsorption sur l’argile se fait sur des sites présents à la surface. Ces sites sont non spécifiques au Cs et l’adsorption est fortement influencée par la teneur en cations majeurs dans l’eau et par la valeur de la CEC de l’argile. Par exemple, une montmorillonite qui possède une plus forte  qu’une illite, adsorbe plus de Cs lorsqu’il est présent à forte concentration (>10-3 mol.L-1 ) (Bradbury and Baeyens, 2000; Cornell, 1993; Nakao et al., 2008; Sawhney, 1972, 1970). Cependant, la situation est différente pour des concentrations en traces de Cs (< 10-8 mol.L-1 ). Dans ce cas, par exemple, l’illite adsorbe plus de Cs à partir d’une solution à faible concentration qu’une montmorillonite (Cornell, 1993). Cette différence de comportement s’explique par la présence de sites d’adsorption spécifiques à chaque type d’argile. L’illite contient des sites interfoliaires qui ont une forte spécificité pour le Cs alors que les montmorillonites possèdent de nombreux sites non spécifiques au Cs (Cornell, 1993; Nakao et al., 2008).

CAS PARTICULIER DE L’ILLITE

Parmi toutes les argiles présentes dans un sol, l’illite est connue pour influencer la mobilité du Cs grâce à la présence de sites spécifiques au Cs. Cette argile non gonflante de type 2:1, dont les interfeuillets ont toujours la même épaisseur limitant ainsi les échanges ioniques et donc la désorption, est souvent utilisée pour étudier le processus d’adsorption et de désorption du Cs (Figure 1). Les expérimentations en laboratoire et les modélisations utilisant des illites saturées en Ba, Ca, Cs, K, Na ou Sr ont permis de définir des CECs de l’illite. Les valeurs obtenues varient entre 3,5 et 26 cmol.kg-1 (Cornell, 1993; Poinssot et al., 1999; Sawhney, 1970). Compte tenu de ces variations, Bradbury et Baeyens, (2005) ont choisi une valeur de référence pour la CEC de 20 cmol.kg-1 et recommandent que le Cs soit le cation utilisé pour l’indice de référence. Pour l’illite, la CEC se répartit sur plusieurs sites de fixation. Les sites principaux de fixation appelés « planar site » sont des sites d’échange non–spécifiques au Cs et correspondent à environ 80 % de la CEC totale de l’illite. L’illite est connue pour avoir en plus des sites d’échange non-spécifiques de surface, deux autres types de sites d’adsorption avec une sélectivité variable au Cs : i) des sites intermédiaires appelés site de type II correspondant à environ 20 % de la CEC totale et ii) des sites FES pour frayed edge sites correspondants à 0,25 % de la CEC (Fan et al., 2014; Jacobs and Tamura, 1960; Sawhney, 1970). Les sites FES ont une affinité particulièrement élevée pour le Cs (Sawhney, 1970; Staunton and Roubaud, 1997). Ces différences d’affinité impliquent que la proportion de Cs adsorbé sur les argiles diminue avec l’augmentation de concentration en Cs. En effet, une fois les sites FES (en faible proportion) saturés, l’affinité des autres sites étant plus faible, la quantité de Cs adsorbée n’augmente quasiment plus (Sawhney, 1972; Staunton and Roubaud, 1997). En outre, la nature des FES et des sites de type II est telle qu’ils sont principalement accessibles aux cations de faibles énergies d’hydratation – K+ , Rb+, NH4 +.Ces cations concurrencent donc le Cs pour la sorption sur ces sites. Cette compétition chimique par échange ionique avec le Cs+ correspond à une mobilisation directe du Cs.

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