L’efficacité des différentes mesures environnementales d’éviction des risques d’exposition au plomb dans le saturnisme infantile

L’efficacité des différentes mesures environnementales d’éviction des risques d’exposition au plomb dans le saturnisme infantile

 Le saturnisme est la pathologie liée à l’intoxication au plomb. Elle peut toucher toutes les tranches d’âge, du nouveau-né au patient âgé et est toujours présente de nos jours en France. Parmi eux, le Saturnisme Infantile (SI) est le plus fréquent avec une incidence de 3700 cas en 2014 (1). Le plomb a été utilisé depuis l’antiquité dans de nombreux produits du quotidien. Il est retrouvé notamment dans les peintures, les jouets, l’industrie alimentaire et les produits d’hygiène… Ceci est dû à ses propriétés chimiques qui le rendent résistant à la corrosion en air ambiant (2). Son utilisation est aujourd’hui réglementée en France. Il est interdit dans les métiers du bâtiment depuis les années 50, sa vente au public est interdite depuis 1993 (3). Il subsiste un délai pour que celui présent dans la vie quotidienne soit éliminé, soit par l’usure naturelle, soit par la rénovation. Le plomb est un ion qui n’intervient pas dans le fonctionnement de l’organisme humain. Son absorption se fait principalement par voie aéro-digestive, et de façon plus limitée par voie transcutanée. Les conséquences de sa présence dans le corps sont diverses : une diminution des performances cognitives et sensori-motrices, une altération du développement staturo-pondéral et sexuel, des troubles du comportement, une diminution de l’acuité auditive, une augmentation de la tension artérielle et une diminution du débit de filtration glomérulaire. Les intoxications présentent un risque létal à partir de 1000 µg.L-1 chez l’adulte et 700 µg.L-1 chez l’enfant. Le plomb est éliminé grâce aux urines et aux selles. Certaines complications sont réversibles avec la diminution de la plombémie. Malgré tout, le fort stockage osseux du plomb entraine un relargage prolongé (intoxication endogène) dans le cas d’expositions intenses ou prolongées. Les jeunes enfants sont surexposés à cette maladie. Ceci s’explique du fait de leurs activités main-bouche et de leurs déplacements à « 4 pattes » qui les exposent davantage aux poussières mais également car leurs organismes en croissance assimilent davantage de plomb dans les tissus. 3 Le seuil de plombémie définissant le SI était de 100µg.L-1 mais des études récentes ne retrouvaient pas d’effet seuil pour certaines complications (4)(5)(6). De ce fait, depuis juin 2015, le nouveau seuil diagnostic du SI est de 50µg.L-1 . Le dépistage et le suivi du SI sont réalisés gratuitement depuis de nombreuses années afin de lutter contre le handicap entrainé pour les patients et la société (7). Le dosage n’est pas systématique, il est réalisé sur un faisceau d’indices cliniques et environnementaux tel que décrit dans le guide de la Direction Générale de la Santé 2006 (8). Ces indices regroupent notamment la présence d’un logement dégradé, les cas de saturnisme dans l’entourage proche, les activités de récupération et un comportement de pica. Quand la plombémie dosée est supérieure à 50µg.L-1 , une déclaration est réalisée à l’Agence Régionale de Santé (ARS) dans le cadre de la déclaration obligatoire (9). Ainsi l’ARS va programmer la suite de la prise en charge avec une visite au domicile du patient pour réaliser une enquête environnementale. Elle permet de rechercher la source de plomb (peinture, vapeur, hydrique ou élément), de dépister les enfants au contact du patient et d’identifier les facteurs de risque d’exposition au plomb (à des fins épidémiologiques et de dépistage). Si l’enquête environnementale retrouve une source de plomb au domicile du patient, le propriétaire du logement est mis en demeure par l’État et doit réaliser dans le mois les travaux nécessaires à l’élimination de la source (10)(11). Il peut demander des aides financières et matérielles auprès de différents organismes pour l’aider dans ses travaux. Juridiquement, les travaux doivent être contrôlés par une équipe de l’ARS après leur réalisation afin de s’assurer de la bonne réalisation de ceux-ci. Durant cet intervalle des recommandations sont données au locataire pour diminuer l’intoxication au plomb. Ces recommandations sont parfois le seul moyen pour ces familles de se protéger du plomb (réalisation des travaux retardée par le propriétaire, vie en bidonville). La prise en charge du SI repose sur deux grands axes. Le premier médical, dans les cas où l’intoxication par le plomb révèle des taux supérieurs à 400µg.L-1 , une chélation peut être proposée via différents traitements 4 médicamenteux. Cette chélation permet d’atteindre rapidement des plombémies sanguines non létales et d’améliorer le pronostic fonctionnel des patients au long terme. Toutefois, cette prise en charge n’est que symptomatique. Le second axe, qui est la prise en charge environnementale, est indispensable. Elle permet d’éliminer la source d’exposition et repose sur les mesures suivantes : • la mise en œuvre de conseils hygiéno-diététiques ((CHD) réalisée par une éducation des patients, les mesures sont décrites en annexe 1). • La réalisation de travaux palliatifs. Ils permettent d’encapsuler le plomb en le recouvrant par de la peinture ou en construisant un coffrage autour de la surface toxique. • La réalisation de travaux définitifs. Ils permettent de supprimer le plomb en le remplaçant par un autre matériau. • Un changement de logement pour un nouveau logement ne comprenant pas de plomb dans son environnement. Une méta-analyse réalisée par la Cochrane et publiée en octobre 2016 (12) conclue que les CHD ne sont pas efficace pour lutter contre le saturnisme infantile, différence moyenne = 0.02 [IC95 : -0.09 ; 0.12], I2 = 0%. Toutefois cette étude présentait de multiples limitations. Les enfants inclus avaient tous moins de six ans. Le SI touchant toutes les tranches d’âge, exclure les enfants plus âgés était un choix discutable. Toutes les études incluses se déroulaient sur les territoires Nord-Américain et l’Australie, l’Europe n’étant pas incluse. Enfin, les niveaux socio-économiques étudiés étaient majoritairement bas. Les paramètres environnementaux et socio-économiques étant très différents entre ces territoires et l’Europe, la généralisation des résultats peut être faussée. L’objectif de ce travail était de comparer l’efficacité des différentes mesures d’éviction du plomb, CHD, travaux ou changement de logement, selon la cinétique de décroissance de la plombémie dans des cas de SI en France.

Matériel et Méthodes

Cette étude utilisait une méthode de cohorte rétrospective. Elle était monocentrique et réalisée à la Consultation Enfant et Environnement (CEE), Permanence d’Accès aux Soins de Santé Mère-Enfant de Marseille (PASS). L’inclusion des patients était faite de novembre 2011 (date de création de la CEE) à décembre 2016. Cette étude était non interventionnelle. La prise en charge des patients suivait les recommandations du Guide de la DGS 2006 (13). Les critères d’inclusion des patients étaient : une prise en charge de l’enfant à la CEE, un âge inférieur à 18 ans à l’inclusion, une plombémie au dépistage supérieure à 50µg.L-1 , avoir bénéficié d’au moins un contrôle ultérieur de la plombémie et de résider dans les Bouches-du-Rhône. Les patients n’étaient pas inclus si aucune évaluation des risques sur le lieu de vie (par une visite à domicile) n’avait pu être réalisée. Étaient exclus de l’analyse les patients pour lesquels des interventions multiples étaient réalisées à des dates imprécises, ainsi que ceux qui n’avaient pas 2 plombémies successives pour une même intervention. Pour des plombémies présentant un écart type de 69, avec une différence à démontrer de 25µg.L-1 , avec une puissance attendue de 80% et un risque alpha de 5%, le nombre de sujets nécessaires à inclure était de 119 sujets par groupe. Les données collectées pouvaient être classées en deux catégories. La première regroupait des informations relatives aux patients : l’âge et le sexe, un comportement de pica, la profession des parents, la présence d’autres personnes intoxiquées dans l’entourage. La seconde concernait leur environnement: le type de domicile, la présence des autres critères de non-décence (ACND), les facteurs d’exposition au plomb (peintures dégradées, plomb hydrique, plomb élément, plomb vapeur et fumée). Le type de domicile était défini de la façon suivante : logement stable (bâtiment d’habitation avec titre de propriété, contrat de bail ou hébergement intra-familial), habitat en bidonville (définit par : un non accès à l’eau salubre, un non accès à l’assainissement des eaux, une qualité structurelle des habitations défaillante, la 6 surpopulation et le statut résidentiel non sûr (14)). Les ACND étaient définis par le défaut de vérification des critères énoncés dans de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, relative aux caractéristiques du logement décent (15). Les professions à risque étaient celles précisées dans la liste du Guide DGS 2006. Ces professions incluaient la réalisation d’activité de récupération des matériaux, brulage et ferraillage (8). Trois interventions permettant le contrôle du risque d’exposition au plomb étaient étudiées : une modification des pratiques par délivrance de CHD, la réalisation de travaux et un changement de logement. Les travaux palliatifs et définitifs étaient analysés ensemble car un manque d’effectif avait été constaté lors de la mise en place méthodologique de l’étude. Lors du changement de logement, les patients bénéficiaient d’une nouvelle visite environnementale pour s’assurer que le nouvel habitat était sain. Les patients suspectés d’intoxication à l’étranger (sans source d’exposition retrouvée dans leur logement actuel) étaient inclus dans la catégorie de changement de logement. Le critère de jugement principal était la vitesse de diminution de la plombémie par type d’action entreprise (en µg.L-1 .mois.-1 )… Le suivi des patients visait à être poursuivi jusqu’à une plombémie inférieure à 50µg.L-1 et une éradication du risque d’exposition. Les plombémies étaient dosées soit au laboratoire de l’hôpital soit en ville (et envoyé dans un laboratoire certifié). Le suivi biologique et clinique des patients était réalisé tous les trois mois (13) tant que la plombémie était supérieure à 50µg.L-1 puis tous les 6 mois tant qu’elle était supérieure à 25 µg.L-1 ou qu’un risque d’exposition au Plomb persistait. Dans le cas où plusieurs membres de la famille étaient suivis, les plombémies de suivi inférieures à 25µg.L-1 étaient inclues dans l’étude tant qu’au moins un enfant présentait encore une plombémie supérieure à 25µg.L-1 . Le but était d’assurer un suivi continu de toute la fratrie et ainsi de diminuer les perdus de vue. Deux fois par an, les infirmières faisaient le point sur les dossiers en retard de suivi (patients non vus les 6 derniers mois) et effectuaient une relance téléphonique. En cas 7 de non réponse après 2 relances, ces patients étaient considérés comme perdus de vue. Les patients étaient informés de l’utilisation de leurs données personnelles et médicales pour la recherche via l’affichage de notices d’information (annexe 2) dans les salles d’attente de la CEE. Une déclaration au correspondant Informatique et Libertés de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille avait été faite. Les variables continues étaient décrites par t-test et analyse de variance ; les variables discontinues par chi2 et test exact de Fisher avec le logiciel SPSS 20, IBM SPSS Statistics. L’analyse de la cinétique des plombémies était réalisée par modélisation multivariée avec un modèle mixte sur le logiciel SAS de SAS Institute. Les plombémies étaient log transformées. Le modèle a été sélectionné avec le critère d’information d’Akaike corrigé. Le modèle retenu était à intercept et pente aléatoires pour l’effet temps et intégrait les effets fixes : âge à l’inclusion, type de logement, absence d’autre critère d’indécence du logement, type d’intervention, temps, interaction temps*intervention. Les coefficients du modèle étaient calculés avec leur erreur standard. Les moyennes estimées par le modèle étaient calculées avec l’erreur standard et comparées en référence avec la moyenne de plombémie avant tout intervention, les p-values étaient données avec l’ajustement de Tukey 

Table des matières

Introduction
Matériel et Méthodes
Résultats
1/ Population étudiée
2/ Critère de jugement principal
3/ Autres facteurs étudiés
Discussion
1/ Revue de la littérature
2/ Exposition au plomb
3/ Les interventions
4/ Facteurs de risque d’exposition
5/ Les biais
Conclusion
Bibliographie
Annexe 1
Annexe 2
Abréviations

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