LES MANCHOTS ROYAUX DE CROZET

Les manchots royaux de Crozet et l’environnement physique et biologique de l’Océan Austral 1)

L’Océan Austral a. Circulation de l’Océan Austral et les grands fronts L’Océan Austral a été défini par Deacon (1933) longitudinalement par la combinaison des parties Sud des océans Indien, Atlantique et Pacifique, et latitudinalement par son extension du front subtropical au continent Antarctique (Fig. 3.1).

Il en résulte une masse d’eau représentant 20% de l’Océan Mondial. Sa spécificité provient du fait qu’il ne présente pas de barrière continentale comme les autres océans. Sa principale caractéristique est donc la présence du courant Antarctique circumpolaire (ACC), un courant intense circulant d’Ouest en Est sans obstacle, à l’exception d’un resserrement bathymétrique formé par la péninsule Antarctique et la pointe de l’Amérique du Sud. L’Océan Austral se décompose latitudinalement en différentes masses d’eau séparées par des fronts. Trois grands fronts se distinguent ainsi du Nord au Sud (Fig. 3.1): le front subtropical (FST), le front subantarctique (FSA) et le front polaire (FP). Le FST constitue la limite Nord de l’ACC (Orsi et al. 1995) et de l’Océan Austral (d’après la définition de Deacon 1933).

Plus au Sud, le FSA correspond à la limite Sud des eaux subantarctiques et se définit par l’isotherme de surface de 8°C (Park et al. 1993, Orsi et al. 1995). Au Sud du FSA, le FP correspond à la limite Nord des eaux antarctiques et se définit par l’isotherme de 2°C à 200m. Cette signature profonde correspond à une isotherme de 5°C en surface pendant l’été (Park et al. 1993, Park et al. 1998).

L’activité tourbillonnaire de l’Océan Austral

Les données satellitaires témoignent d’une forte activité mésoéchelle tout le long de l’ACC (Fig. 3.2). Ces tourbillons sont suspectés de jouer un rôle essentiel dans le transport de chaleur (Morrow et al. 2004). Bien que la jonction du FSA et du FST, associé au courant de retour des Aiguilles, génère l’activité mésoéchelle la plus marquée de l’hémisphère Sud, le FP est une zone présentant une activité tourbillonnaire importante (Fig. 3.2 et 3.3).

Milieu trophique de l’Océan Austral

L’Océan Austral est caractérisé par un paradoxe unique; il présente de faibles concentrations en chlorophylle malgré des nutriments abondants, en particulier les nitrates et les phosphates (« high nutrient and low chlorophyll paradox »; pour une revue cf. de Baar 1994). Cette faible production primaire a été attribuée à la conjonction d’une disponibilité limitée en fer (e.g. Martin et al. 1990, de

Baar et al. 1995, Blain et al. 2007), des conditions de lumière défavorables dues à un mélange profond (e.g. Tranter 1982, Sakshaug et al. 1991), une limitation en silice (Tréguer & Jacques 1992, Sullivan et al. 1993), et une forte pression de broutage (Smetacek et al. 1990). Les zones frontales sont cependant des régions présentant globalement une production biologique supérieure aux zones inter frontales. Les petits poissons pélagiques (les myctophidés) présentent des biomasses élevées au niveau des fronts, notamment au niveau du FP (Pakhomov et al. 1996)