Les pays de tradition romaniste – la belgique, l’allemagne et la france

Les pays de tradition romaniste – la belgique, l’allemagne et la france

Le droit français, le droit allemand et le droit belge sont tous trois des droits de tradition romaniste. Nous allons nous intéresser au développement de la cession de créance en droit romain  pour ensuite étudier la réception de ce mécanisme en France et en Belgique ainsi qu’en Allemagne .

Le droit romain 

Inexistence de la cession de créance en droit romain primitif.- En droit romain, la cession de créance est impossible car les obligations sont considérées comme liées à la personne . Le créancier a une emprise personnelle sur le débiteur et ce dernier ne se trouve libéré qu’une fois son obligation exécutée. L’incessibilité des créances est également justifiée par la volonté de ne pas voir aggravée la situation du débiteur: celui-ci est responsable physiquement de sa dette et il est inimaginable qu’il soit exposé à la force d’un créancier qu’il n’a pas choisi et qui pourrait être plus sévère que le créancier initial .

A coté de cette incessibilité des droits personnels, il existe néanmoins un cas particulier de transfert d’obligations : la transmission à cause de mort . Cette exception est justifiée par la volonté de permettre la continuation de la personne du défunt à travers la personne de l’héritier . Seules les obligations viagères ne peuvent pas faire l’objet d’un transfert pour cause de mort.

Utilisation de la novatio ou de la procuratio in rem suam.- Le développement des relations commerciales rend nécessaire la création de mécanismes permettant d’assurer la transmission de créances . C’est ainsi que les praticiens se mettent à utiliser, à défaut d’admission de la cession de créance, d’autres institutions telles que le mandat judiciaire (procuratio in rem suam) ou la novation avec changement de créancier (novatio) .

La denuntiato et l’actio utilis.- La novation et le mandat judiciaire offrant des résultats insatisfaisant, deux nouvelles techniques sont alors inventées : la denuntiato et l’actio utilis. C’est en adjoignant ces deux institutions au mandat judiciaire que la cession de créance devient possible . Cette dernière ne sera pourtant reconnue et rendue irrévocable une fois signifiée au débiteur cédé que sous l’empire de Justinien.

Les droits français et belge 

L’ancien droit français.- Alors que la cession de créance fut admise à la fin du 12ème siècle et se développa jusqu’au 17ème siècle, les écrits de Pothier eurent une influence forte au début du 18ème siècle et divisèrent la France, sur la question de l’admissibilité de la cession, en deux grandes parties : le Nord n’acceptait pas la transmission des créances alors que le Sud l’admettait sous une forme proche de la procuratioin remsuam . Ce n’est qu’à partir de la fin du 18ème siècle que le transfert de créance fut à nouveau admis dans la totalité de l’Etat.

La cession de créance, telle qu’elle fut admise dans l’ancien droit, se détache du droit romain en ce qu’elle n’est plus perçue comme une novation (novatio) ou un mandat judiciaire (procuratio in rem suam), mais bien comme un véritable transfert de droits. Elle présente en outre certaines caractéristiques qui sont toujours les siennes à l’heure actuelle : aucune forme n’est requise en guise de condition de validité de la convention de cession (infra n°20) et le débiteur cédé n’est pas partie à l’acte (infra n°19). Par contre, et c’est une différence par rapport au régime actuellement en vigueur en Belgique, la signification est considérée comme une condition de validité de la cession .

Le Code napoléon.- Le Code napoléon de 1804 reprend le droit préexistant en ce qu’il consacre la cession de créance comme un véritable transfert de droits distinct de la novation et du mandat. La cession est alors régie aux articles 1689 à 1701 du Code. Le formalisme d’opposabilité tel qu’il existait en ancien droit est maintenu mais n’est plus une condition de validité : même si la cession n’est pas signifiée au débiteur ou acceptée par lui dans un acte authentique, elle demeure parfaitement valide entre les parties.

La réforme belge de la cession de créance.- Le Code Napoléon promulgué durant l’annexion des provinces belges à la France fut applicable en Belgique et n’a cessé de l’être depuis lors . Il a néanmoins fait l’objet de nombreuses modifications et le régime de la cession de créance n’échappa pas à la règle : la loi du 6 juillet 1994 modifie le régime d’opposabilité de la cession de créance régi par l’article 1690 en raison sa lourdeur .

La réforme française du droit des obligations du 10 février 2016.- Depuis plus d’une dizaine d’années, le droit des obligations et des contrats français était un droit en chantier. Plusieurs projets de réforme se sont succédés avec pour objectif de  moderniser les règles du Code civil . Les choses se sont accélérées avec la loi du 16 février 2015 habilitant le gouvernement à modifier le Code civil par ordonnance et avec l’ordonnance subséquente du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Par cette ordonnance, le Code civil a été remanié et modernisé de sorte à rendre son accessibilité et sa lisibilité plus aisées.

Si le Code civil a été révisé, le droit commun de la cession de créance n’a pas échappé à cette réforme et connait de substantielles modifications, notamment au niveau de l’opposabilité de la cession. Tout comme en Belgique, le formalisme lourd et couteux prévu par l’article 1690 du Code Napoléon a été abandonné. Désormais, pour toutes les conventions de cession conclues à partir du 1er octobre 2016, une simple notification au débiteur cédé ou une simple reconnaissance par celui-ci suffit à la lui rendre opposable. Par contre, pour les contrats conclus avant cette date, l’application des anciennes dispositions est maintenue. Seront donc applicables, à la date d’entrée en vigueur de la réforme, deux régimes d’opposabilité distincts en matière de cession de créance.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : EVOLUTION HISTORIQUE
CHAPITRE 1: LES PAYS DE TRADITION ROMANISTE – LA BELGIQUE, L’ALLEMAGNE ET LA FRANCE
Section 1 : Le droit romain
Section 2 : Les droits français et belge
Section 3 : Le droit allemand
CHAPITRE 2 : LES PAYS DE TRADITION DE COMMON LAW – L’ANGLETERRE
PARTIE II : CONCLUSION ET PREUVE DU CONTRAT DE CESSION DE CREANCE
CHAPITRE 1 : FORMATION DU CONTRAT
Section 1 : Le consentement des parties
Section 2 : La nature du contrat de cession
Section 3 : Les créances cédées
§1. Le principe : la libre cessibilité de toute créance
§2. Les incessibilités légales et contractuelles
A) Les incessibilités légales
B) Les créances présentant un caractère intuitu personae
C) Les incessibilités contractuelles
§3. La cession de créances futures et la cession de créances éventuelles
CHAPITRE 2 : LA PREUVE DE LA CESSION DE CREANCE
Section 1 : La preuve de la cession de créance civile
§1. L’article 1341 du Code civil : la prééminence de la preuve écrite
§2. Les exceptions à l’article 1341
A) Le commencement de preuve par écrit
B) L’impossibilité de prouver par un écrit
Section 2 : La preuve de la cession de créance commerciale
Section 3 : La preuve de la cession de créance mixte
PARTIE III : L’OPPOSABILITE DE LA CESSION DE CREANCE AUX TIERS
CHAPITRE 1 : L’OPPOSABILITE AU DEBITEUR CEDE
Section 1 : La notification
Section 2 : La reconnaissance par le débiteur cédé
CHAPITRE 2 : L’OPPOSABILITE AUX AUTRES TIERS
Section 1 : Le principe
Section 2 : Les exceptions
§1. Cessions successives de la créance au profit de plusieurs cessionnaires : l’article 1690, §1er, alinéa 3
A) Le champ d’application de l’article 1690, §1er, alinéa 3
B) La bonne foi
§2. Le paiement fait entre les mains de créanciers du cédant : l’article 1690, §1er, alinéa 4
CONCLUSION

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *