Méthodes de travail en sciences humaines

Qu’est-ce que les sciences humaines ?

Mais d’abord, que sont au juste les sciences humaines ? Passons rapidement sur les problèmes de terminologie. Il serait vain de chercher une définition canonique ou un tracé précis des frontières respectives entre «sciences humaines », « sciences sociales » ou « sciences de l’homme ». Ces termes se recoupent en partie sans être complètement synonymes. Les définitions doivent plus à des découpages universitaires – variables selon les pays et les usages – qu’à une terminologie rigoureuse. Ce livre adopte la définition la plus large et la plus étendue des sciences humaines. J’ai pris le parti de rassembler sous ce nom toutes les sciences qui concernent l’homme et la société. Cet ensemble est formé d’une quinzaine de disciplines qui se sont constituées autour questions et de thèmes fondateurs. Un premier tour permet de mesurer l’étendue des problèmes des domaines couverts. L’anthropologie est née de la rencontre avec les peuples « sauvages ». Son projet fut de décrire les rites, les mythes, les mœurs des peuples de la planète. Ce faisant, elle a voulu mettre en lumière la diversité (et donc aussi les invariants) des cultures humaines et percer le mystère de leurs origines. Longtemps centrée sur les «primitifs», elle porte aujourd’hui un regard neuf et distancié sur les sociétés modernes. La linguistique s’interroge sur les fonctions, la nature et les règles du langage humain. Une de ses grandes pistes de recherche au XXe siècle aura été la quête d’une grammaire universelle au fondement de toutes les langues du monde.
La psychologie, science du psychisme, explore deux grands domaines de connaissance : les fonctions dites « cognitives » (perception, apprentissage, intelligence, mémoire, langage) ; la vie affective (émotions, personnalité, motivations, pulsions) et les méandres de la folie.
L’économie se propose de comprendre les conditions dans lesquelles les hommes produisent, échangent et se répartissent les marchandises et les biens publics. Quelques questions clés ont cristallisé les débats au cours du XXe siècle : quelle part revient au marché et à l’intervention de l’Etat dans la régulation du système ? Quelles sont les causes de la croissance et des crises économiques ?
L’histoire essaie de reconstruire le passé des hommes et des sociétés. Longtemps centrée sur les « grands » hommes et les « grands » événements, elle se préoccupe depuis un demi-siècle de reconstituer les mentalités, les modes de vie, les univers sociaux qui forment le socle invisible des mutations et des permanences des sociétés. La sociologie, fille de la société industrielle, est née d’une interrogation sur les fondements du lien social et sur les mutations des sociétés modernes. Ses domaines privilégiés : le travail, la famille, le pouvoir, les loisirs, les groupes et leurs inégalités. La géographie s’attache à comprendre comment les hommes organisent leur espace et comment ils organisent leur vie. Autour de ces disciplines phares s’est regroupée une constellation de sciences périphériques : la psychologie sociale, les sciences politiques, les sciences de l’éducation, les sciences cognitives, la psychiatrie, l’archéologie. La philosophie elle-même a partie liée avec les sciences humaines dès lors que l’on veut bien considérer que certaines de ses branches côtoient et fécondent les sciences humaines. C’est le cas notamment pour la philosophie .

La conception traditionnelle de l’« histoire universelle »

[L]’ « histoire universelle » […] [s’inscrit], sans le dire, dans une vision téléologique de l’histoire, que son signe fût chrétien, marxiste ou seulement associé à l’idée de Progrès. Ce dispositif [est] également, sans le dire, européo-centrique, puisque les peuples n’ « entraient » dans l’Histoire qu’avec leur « découverte » par les Européens… […] L’histoire s’identifie à l’histoire de l’Occident et on y retrouve la même manifestation d’un ethnocentrisme à plusieurs cercles : celui de l’Europe, qui joue vis-à-vis des peuples d’Asie et d’Afrique, mais aussi à l’intérieur de l’Europe elle-même, en ce sens que, par exemple, on étudie l’histoire russe surtout après Pierre le Grand, c’est-à-dire à partir du moment où ce pays « s’européanise » ; de sorte que l’Europe s’identifie essentiellement à la fois à la chrétienté et au progrès technique. Le deuxième cercle de cet ethnocentrisme se manifeste, pour chaque nation, dans son rapport avec ses voisines. En France, par exemple, une fois cité le nom de Charlemagne, on ne parle plus guère du Saint Empire Romain Germanique, qui dure pourtant neuf siècles ; on évoquerait plutôt sa fin, en 1806, pour mieux dire la part qu’y a prise Napoléon. De la même manière, les Français sous-évaluent l’importance du mouvement romantique, qui s’épanouit en Allemagne, et influence l’Europe, insistant plutôt sur les effets, en Allemagne, de la révolution de 1789. Cet ethnocentrisme du deuxième type est particulièrement développé en France, en Espagne, en Allemagne et en Angleterre ; il l’est moins en Italie, où l’État-nation s’est constitué plus tardivement. Par contre, l’histoire en Italie pratique un ethnocentrisme de troisième type (comme la France), qui valorise l’Italie du Nord ou la France du Nord par rapport aux provinces méridionales. En Grande-Bretagne, ce trait a été corrigé depuis longtemps : Pays de Galles, Écosse et Irlande sont analysés dans leur histoire propre, et pas seulement dans leur rapport avec Londres, avec le gouvernement anglais. Les différentes formes de cet ethnocentrisme se cachent derrière une histoire générale qui est à peu près la même dans le Malet et Isaac en France, La Storia de ll’Uomo en Italie, et ailleurs. L’histoire y « naît » avec l’Égypte ancienne, la Chaldée et Israël ; elle se développe avec la grandeur de la Grèce et de Rome. Le « Moyen Age » commence avec la chute de l’Empire Romain d’Occident, en 476, et les grandes invasions ; il s’achève avec la chute de l’Empire Romain d’Orient, en 1453, et la conquête turque. Les grandes « découvertes », l’humanisme et la réforme protestante ouvrent les « temps modernes » qui laissent la place à l’époque contemporaine qu’ouvre la révolution de 1789.

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