Méthodologie d’analyse de levés électromagnétiques aéroportés en domaine temporel

Evolution des méthodes électromagnétiques aéroportées en domaine temporel

Les phénomènes ElectroMagnétiques (EM) sont décrits par les lois d’Ohm, d’Ampère, de Gauss et de Faraday, formulées au cours du 19e siècle et traduites au travers des équations de Maxwell. Le comportement d’une onde EM dépend de la conductivité et de la permittivité diélectrique du milieu rencontré. L’utilisation d’une telle onde en géophysique se révèle donc utile dans un large panel d’applications, les mesures pouvant s’effectuer avec des dispositifs aéroportés, marins, en forage ou au sol.
Le développement de l’EM aéroporté, et plus particulièrement en domaine temporel (TDEM), fait l’objet de différentes publications. Un résumé des principaux évènements ayant conduit aux dispositifs HTEM est présenté ici.
Au milieu du 20e siècle, afin de répondre, d’une part, à la forte demande en ressources naturelles au sortir de la seconde guerre mondiale et, d’autre part, au besoin de posséder des réserves stratégiques (cuivre, plomb, zinc et nickel) géographiquement sûres à l’entrée dans la guerre froide, des explorations géophysiques à grande échelle ont été entreprises au Canada. Le climat rude de ce pays, nécessitant des acquisitions rapides dans des régions peu peuplées, et le contraste de résistivité existant entre le bouclier résistant et le comportement très conducteur de nombreux dépôts connus ont conduit au développement de dispositifs EM aéroportés. La première tentative d’utilisation d’un tel dispositif est attribuée à Hans Lundberg en 1946. Cependant, ce système s’est révélé être inutilisable. Ainsi, le premier système opérationnel a été développé en 1949 par les sociétés Stanmac Ltd. et McPhar Geophysics Ltd. ; s’en est suivi la découverte au Canada du premier dépôt attribuée à un dispositif EM aéroporté en 1954. Ce succès a immédiatement conduit à l’émergence d’un nouveau marché, et dix systèmes ont vu le jour avant 1960. On note notamment le développement d’un dispositif fréquentiel en 1953 par le Geological Survey of Finland (couverture EM complète de la Finlande en 1972) et du premier dispositif temporel aéroporté, L’INPUT® (INduced PUlse Transient), en 1959. Dans les années 1970, ce dernier est alors utilisé dans 70 % des acquisitions.

Bruits électromagnétiques

Les mesures TDEM peuvent être altérées par différentes sources de bruit ; un bruit est un signal non souhaité, mesuré par le récepteur. En effet, la méthode TDEM est large bande et donc très affectée par les signaux EM de toutes sortes. Un graphe présentant le spectre des bruits EM a été présenté par Macnae et al. (1984). Celui-ci possède des variations journalières, annuelles et géographiques. On distingue deux familles de bruit : le bruit naturel et le bruit culturel. Le bruit de fond, dont la valeur absolue après traitements préliminaires est caractérisée par une pente, est mesuré lors de toutes les acquisitions. Sa pente étant moins importante que celles des décroissances, il devient alors non négligeable aux temps longs. A partir d’un certain temps et donc d’une certaine profondeur, la mesure est alors ininterprétable si aucun traitement n’est appliqué. Couramment, la décroissance se décompose en trois parties : aux temps courts-intermédiaires, la mesure dessine une décroissance facilement interprétable ; aux temps intermédiaires-longs, la mesure oscille et devient de plus en plus bruitée ; aux temps longs, le bruit domine.
Cependant, le bruit peut également être caractérisé par de plus fortes amplitudes, affectant des temps plus courts, et donc plus problématiques pour l’interprétation des données. Celles-ci doivent impérativement être identifiées et retirées des mesures.
Comme bruit naturel, les décharges électriques (ou atmosphériques), appelées «spherics», provenant de l’activité orageuse et guidées par la cavité terre-ionosphère, sont les bruits les plus couramment rencontrés lors des acquisitions et induisent des pics au niveau des décroissances ; les «spherics» ne durent pas plus d’une milliseconde et ont une fréquence de 100 Hz environ. Pour ce qui est des bruits culturels, Szarka (1988) propose une liste des différentes sources de bruit. Ainsi, ces derniers peuvent provenir d’émetteurs de modulation d’amplitude (AM, > 100 kHz) ou de très basse fréquence (VLF, 3 à 30 kHz). Cependant, pour une acquisition en milieu anthropisé, d’autres bruits plus problématiques viennent s’ajouter. Ainsi, le récepteur mesure également le mode fondamental (50 Hz en France) et les harmoniques du réseau de distribution d’électricité. De plus, des bruits de couplage avec les différentes installations humaines présentes sur la zone sont observés . Ces derniers peuvent être de deux sortes.

Bruits géologiques

Il s’agit de tous les bruits que l’on « crée artificiellement» en formulant les différentes hypothèses sur les équations de Maxwell et en considérant la subsurface comme un milieu 1D tabulaire. Ainsi, la perméabilité magnétique d’un matériel peut être supérieure à celle du vide et dépendante de la fréquence, les courants de déplacement non négligeables et le milieu possiblement anisotrope. Les bruits géologiques les plus couramment rencontrés sont présentés ci-dessous. Une interface pentée séparant deux milieux est généralement mal inversée par un code 1D. Dans le cas d’un milieu conducteur recouvert par un résistant, il est possible d’obtenir un modèle de résistivité proche de celui initial si le pendage n’excède pas 45°. Pour le cas inverse, il est bien plus difficile de retrouver le modèle initial. Dans ce cas, plus l’interface possède une pente importante et plus on aura tendance à créer un artefact conducteur en profondeur. En effet, les courants «préfèrent» rester dans la couche conductrice, d’où ces observations. De façon plus générale, l’inversion 1D ne peut rendre compte finement d’une géologie plus complexe que le milieu tabulaire. Des artefacts sont alors créés artificiellement dans le modèle de résistivité, le rendant plus ou moins imprécis, voir faux (Ellis, 1998). Ainsi, une formation conductrice verra sa largeur surestimée, tandis que, inversement, un corps résistant sera mal résolu.
On considère également souvent que la conductivité est indépendante de la fréquence. Cependant, ceci n’est pas valable dans les milieux dits polarisables, où la conductivité augmente avec la fréquence. Il s’agit d’une polarisation électrique induite par la circulation de courant (i.e. l’effet de polarisation provoquée (PP)). Ainsi, dans un milieu polarisable, il y a superposition de deux courants, celui induit et celui de polarisation (plus faible et circulant dans la direction opposée à l’autre). Les champs magnétiques créés par les deux courants sont donc opposés. Dans le cas d’une mesure se faisant au centre de la boucle émettrice, on observe alors une réponse négative aux temps longs .

Le dispositif électromagnétique héliporté en domaine temporel

Les systèmes héliportés peuvent voler à altitudes relativement basses (~30-50 m) et à vitesses faibles (~ 45-90 km/h), permettant d’imager précisément la subsurface le long de la ligne de vol. La boucle émettrice : La boucle émettrice, caractérisée par un nombre de tours influant sur le moment magnétique généré, est attachée à un treillis en bois. Ce dernier doit satisfaire trois critères : être léger (i.e. facilement héliportable), non conducteur (i.e. n‟interfère pas avec les mesures) et rigide (i.e. garde la même géométrie). Durant le vol, la boucle peut alors être gardée horizontale et dans l’axe de vol, stabilisée par un réseau de suspentes . La stabilité en vol est très importante, toute rotation suivant un des deux axes horizontaux (Pitch and Roll) modifiera l’aire effective de la boucle et devra donc être prise en compte lors de la modélisation de la réponse. On remarque également que la boucle émettrice est placée à grande distance de l’hélicoptère (~35 m) afin de limiter les bruits dus aux courants induits dans celui-ci.
La/les boucles réceptrices : Le/les récepteurs peuvent être situés à l’intérieur ou à l’extérieur de la boucle émettrice. Chaque récepteur mesure alors la réponse du milieu sur une des trois composantes cartésiennes. Dans le cas du SkyTEM®, afin de limiter le bruit venant de l’émetteur, les récepteurs sont placés tels que la composante mesurée du champ primaire produit est théoriquement nulle. De plus, tout comme la boucle émettrice, durant l’acquisition ces derniers doivent rester stables par rapport à leurs orientations d’origine. En effet, d’une part, l’aire effective de la boucle réceptrice est également affectée par la rotation, d’autre part, tout mouvement d’un récepteur dans le champ magnétique terrestre produit un signal parasite.
Autres appareillages : Outre les boucles émettrice et réceptrice(s), le dispositif inclut d’autres appareillages afin de positionner et corriger les données mesurées : deux altimètres laser, positionnés de chaque côté de la boucle émettrice, mesurent toutes les 0.1 s l’altitude de vol ; deux inclinomètres, situés au plus près des récepteurs, mesurent toutes les 0.5 s l’inclinaison du dispositif suivant l’axe de vol et la perpendiculaire ; deux GPS différentiels, situés à l’avant de la boucle émettrice, donnent toutes les secondes la position du dispositif en latitude/longitude ; une caméra vidéo, située sous l’hélicoptère, filme le terrain survolé ; un magnétomètre, situé en pointe de la boucle émettrice , mesure le champ magnétique naturel durant le « Off-Time » des cycles EM; une unité de refroidissement, située dans un angle de la boucle émettrice, permet de stabiliser l’électronique d’émission afin de maintenir une intensité de courant stable  ; au sol, une station de base comprenant un GPS différentiel et un magnétomètre.

Emission et réception du signal électromagnétique

L’émission Le temps d’émission est appelé «On-Time». Afin de créer le champ magnétique primaire, on injecte du courant, grâce à un générateur, dans la boucle émettrice. Plus le courant injecté est fort ou plus la boucle possède de tours, plus le moment magnétique sera important, mais également plus le temps de coupure («front gate») sera long. En effet, l’injection et la coupure ne sont pas instantanées. L’émission est alors définie par une fonction caractérisant l’intensité du courant en fonction du temps : la forme d’onde. Celle-ci varie d’un système à un autre mais comporte obligatoirement deux « pentes » (i.e. l’injection et la coupure) ; dans ce cas, la forme d’onde est triangulaire. Dans d’autres cas, le courant marque également un palier. Notons que la forme d’onde a un effet important sur la réponse et doit donc être choisie judicieusement et prise en compte lors du traitement des données.
La réception : Le temps de réception est appelé « Off-Time » et fait suite à l’«On-Time»; dans certains cas, la mesure peut également se faire durant le «On-Time» mais ceci n’est pas discuté ici. Le rapport du temps « Off-Time » sur la somme des temps «On-Time» et «Off-Time» définit alors le «Duty-cycle». La mesure du champ secondaire peut se faire avec différents appareils (e.g. magnétomètre ou boucle d’induction). Cependant la boucle d’induction est la plus communément utilisée et est prise en exemple ici. On mesure alors le signal grâce à l’induction d’un courant (force électromotrice) dans une boucle généralement composée de plusieurs tours. On est donc sensible à la dérivée temporelle du champ magnétique.

Table des matières

Introduction
1. Evolution des méthodes électromagnétiques aéroportées en domaine temporel
2. Contexte et objectifs
I. Electromagnétisme en domaine temporel
1. Théorie de l’électromagnétisme appliquée à la géophysique
1.1. Equations de Maxwell
1.1.1. Dans le vide
1.1.2. Equations généralisées
1.2. Equations d’onde
1.2.1. L’équation d’Helmholtz
1.2.2. Solution de l’équation d’Helmholtz pour le domaine diffusif
1.3. En présence de sources électromagnétiques
1.3.1. Les potentiels de Shelkunoff
1.3.2. La fonction de Green
1.4. Cas d’une boucle circulaire horizontale
1.4.1. Cas du demi-espace homogène
1.4.2. Cas du milieu tabulaire
2. Limites d’utilisation de l’électromagnétisme en domaine temporel 
2.1. Bruits électromagnétiques
2.2. Bruits géologiques
2.3. Limites de résolution
2.3.1. Profondeur d’investigation
2.3.2. Effet d’une couche conductrice
2.3.3. Résolution verticale
2.3.4. Caractérisation de la conductivité du sous-sol
2.3.5. Equivalence
3. Mise en œuvre des méthodes électromagnétiques héliportées en domaine temporel
3.1. Le dispositif électromagnétique héliporté en domaine temporel
3.1.1. La boucle émettrice
3.1.2. La/les boucles réceptrices
3.1.3. Autres appareillages
3.2. Emission et réception du signal électromagnétique
3.2.1. L’émission
3.2.2. La réception
3.2.3. L’acquisition
3.3. Caractéristiques du levé étudié
4. Synthèse
II. Traitements des données
1. Traitement des données de navigation
1.1. Données GPS
1.2. Données d’inclinaison
1.3. Données d’altitude
2. Traitement des données électromagnétiques en domaine temporel
2.1. Filtrages intégrés au logiciel Aarhus Workbench
2.2. Autres traitements existants
3. Décomposition en valeurs singulières
3.1. Généralités
3.2. Tests sur synthétiques
4. Singular Value decomposition as a denoising tool for airborne time domain electromagnetic data
4.1. Abstract
4.2. Introduction
4.3. SkyTEM data
4.4. The Singular Value Decomposition (SVD) and its applications
4.4.1. SVD Theory
4.4.2. Adapting SVD to TDEM data
4.4.3. Implementation of the SVD method: pre-denoising step
4.4.4. Denoising procedure
4.4.4.1. Gate rejection
4.4.4.2. Decay rejection
4.4.4.2.1. Capacitive coupling noises detection
4.4.4.2.2. Galvanic coupling noises detection
4.5. Discussion – Conclusion
4.6. Appendix A
4.7. Appendix B
5. Inversion des données électromagnétiques en domaine temporel
5.1. Généralités
5.2. Laterally constrained inversion
III. Interprétation du modèle de résistivité
1. Interprétation préliminaire
1.1. Caractérisation des failles
1.2. Mise en évidence de conducteurs profonds
2. Problématique d’interprétation
3. Characterization of a karstic chalk terrain using airborne time domain electromagnetic cross-interpreted with borehole data
3.1. Abstract
3.2. Introduction
3.3. Heliborne TDEM data
3.4. Geological, geophysical and hydrological context
3.5. Implemented methodology
3.6. Geological interpretation of the TDEM data
3.7. Hydrogeological implications
3.8. Conclusion –Discussion
3.9. Remarques
4. La SVD : un outil pour la caractérisation géologique ?
4.1. Correction de l’altitude de vol
4.2. Caractérisation géologique au travers des composantes
IV. Modélisation géologique 3D
1. Problématique de modélisation
2. Extraction de données d’orientation et de pendage
3. Paramétrisation de la modélisation jointe
4. Airborne time domain electromagnetic data combined with boreholes in an optimal 3D geological modeling
4.1. Abstract
4.2. Introduction
4.3. Heliborne TDEM data
4.4. Implemented methodology
4.5. Evaluation of the joint modeling
4.6. Discussion – Conclusion
Conclusion – Perspectives
1. Conclusion
2. Perspectives
2.1. Perspectives découlant des résultats du levé de Courtenay
2.2. Perspectives de développement
Bibliographie
Résumé

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