Microscopie électronique en transmission des microstructures et des micromécanismes

Microscopie électronique en transmission des
microstructures et des micromécanismes

Systèmes de glissements dans les alliages

Les alliages de titane β-métastables sont des alliage multiphasés α/β, aussi nous commencerons par nous intéresser aux mécanismes de déformation de chacune des phases.

Déformation de la phase β

Il est souvent rapportée que la phase β est dite « plus dure » que la phase α. Par exemple un alliage Ti-Mn monophasé α a une limite élastique de 350 MPa contre 1000 MPa s’il est monophasé β [Ankem et Margolin 1986]. La déformation de la phase β de cet alliage Ti-Mn n’a jamais été observée expérimentalement [Mahajan et Margolin 1982b, Mahajan et Margolin 1982a, Feaugas et Clavel 1997]. Cependant la phase β peut se déformer pour d’autres compositions d’alliages [Ambard 2001, Savage et al. 2004, Castany 2007]. Des observations on été faites pour l’alliage TA6V ou des alliages de titane ayant une microstructure très proche. Cependant dans ces alliages, la proportion de phase β est très faible par rapport à celle de la phase α (de l’ordre de quelques pourcents). Dans les alliages de titane β-métastables comme Ti 5553 ou Ti 17, la phase β représente entre 40 et 50% de la microstructure et les micro-mécanismes de déformation s’y déroulant ne peuvent pas être négligés devant les phénomènes présents dans la phase α. A notre connaissance, aucune étude poussée visant l’étude fine des dislocations n’a été réalisée dans des alliages de titane βmétastables multiphasés α/β. Par contre, différents travaux visant à étudier des micromécanismes de déformations à cette échelle on été réalisés dans des alliages β-métastables monophasés β. Ainsi la littérature différencie trois modes de déformations : – Le glissement de dislocations [Terlinde et al. 1983, Hanada et Izumi 1987] – Le maclage [Hanada et Izumi 1986, Ishiyama et al. 1991] Nous remarquerons également que la précipitation sous contrainte peut dans certain cas être assimilée à de la déformation [Duerig et al. 1982] • Le glissement de dislocations Comme pour les autres matériaux cubiques centrés, l’analyse de traces de glissement dans le titane β montre que les systèmes les plus fréquemment activés sont (110)<111>, (112)<111> et (123)<111> (Figure 11) [François et al. 1995]. Il n’y a pas d’évidence expérimentale de l’activation de dislocations parfaites avec un autre vecteur de Burgers que ½<111>. Il a été souvent constaté que ces traces de glissement sont sinueuses et que les lignes de dislocations se coupent. Ceci atteste d’un changement de plan de glissement des dislocations lors de leur mouvement. Ainsi les dislocations peuvent facilement changer de système de glissement pourvu que celui-ci contienne la direction <111>. Ce phénomène est appelé « pencil glide » et tout plan contenant la direction dense <111> peut alors être considéré comme un plan de glissement potentiel [Prima 2000].  

Le maclage

 Deux cristaux de même structure sont dits maclés lorsque leur réseau cristallographique est l’image l’un de l’autre par rapport à un miroir. Ce mécanisme correspond à un cisaillement pur d’une partie du cristal par rapport à l’autre et peut s’effectuer sous l’action d’une contrainte extérieure. Ce mécanisme de déformation est appelé maclage mécanique et entre alors en concurrence avec le glissement. La déformation par maclage engendre un changement de l’orientation cristallographique d’une partie du cristal ce qui se traduit naturellement par des textures de déformation extrêmement marquées, contrairement au glissement qui conserve cette orientation. Ainsi, les systèmes de maclage généralement rencontrés dans les alliages de titane β sont de type {112}<111> et {332}<113> [Oka et Taniguchi 1979, Grosdidier et al. 1997, Bertrand et al. 2011]. Duerig et al. ont aussi remarqué que le maclage de type {332}<113> peut parfois s’accompagner de la précipitation de la phase orthorhombique ω, ce mécanisme prenant alors la forme d’une transformation martensitique [Duerig et al. 1982]. • La précipitation sous contrainte Les transformations martensitiques induites sous contrainte dans les alliages de titane peuvent être de plusieurs sortes. La précipitation d’une phase ωs (« stress induced ») est comme nous venons de le rappeler étroitement liée au maclage de type {332}<113> [Duerig et al. 1982]. La précipitation de différentes phases α comme le phase α’ (hexagonale compacte) ou α’’ (orthorhombique) est elle aussi considérée comme une façon d’accommoder les déformations dans la phase β sous l’effet des contraintes extérieures. Ces transformations ressemblent fortement à du maclage puisqu’elles font intervenir un cisaillement du réseau. Mais elles engendrent également une variation du volume du cristal [Prima 2000]. Ainsi on considère que la formation de martensite est un moyen supplémentaire permettant d’accommoder la déformation macroscopique. Les trois types de micro mécanismes de déformation, glissement, maclage et transformation martensitique, décrits ci-dessus peuvent coexister dans les alliages de titane monophasés. Il y a donc une compétition entre ces différents modes de déformation qui seront plus ou moins actifs en fonction de la nature de l’alliage considéré. Ainsi la nature des modes de déformation peut dépendre de différents paramètres comme la microstructure du matériau (composition chimique, tailles et orientations des grains, …) et des conditions de l’essai de déformation (température, vitesse de la déformation, …). Prima [Prima 2000] a observé dans du LCB qui est un alliage de titane β-métastable multiphasé α/β que le mode de déformation principal de la phase β est le glissement de dislocations selon les systèmes (110)<111> et (112)<111>. Nous verrons par la suite que c’est aussi ce type de mécanisme qui est activé dans nos alliages, ce qui s’explique par les ressemblances microstructurales et mécaniques existantes entre le LCB et les alliages de notre étude.

 Déformation de la phase α

 Au début de ce travail, peu d’études visant à comprendre les micro-mécanismes de déformation dans la phase α du Ti 17 et du Ti 5553 étaient disponibles. Cependant, différentes recherches se sont intéressées aux micro-mécanismes de déformation entrant en jeu dans la déformation de la phase α du TA6V et du Ti 6246 [Feaugas 1994, Pelissier 1996, Ambard 2001, Castany 2007, Neeraj et Mills 2001, Castany et al. 2007, Bridier et al. 2005, Bridier et al. 2008, Bridier et al. 2009, Ding et al. 2011]. Contrairement à ce qui se passe dans la phase α du titane pur, le glissement prismatique dans la phase α des alliages α/β ne prédomine pas clairement sur le glissement basal. En effet l’ajout d’éléments d’addition, comme l’aluminium, a pour conséquence d’élever la CRSS du glissement prismatique et donc de rendre les autres types de glissement et notamment le glissement basal moins difficile [Sakai et Fine 1974]. Les nombreuses observations MET d’échantillons de TA6V déformés à température ambiante révèlent la présence de dislocations de type a. Ces dislocations présentent de longs segments vis rectilignes. Les dislocations de types c+a n’ont été que très rarement observées, il en va de même pour le maclage [Zaefferer 2003, Bridier 2006, Castany 2007]. En effet la CRSS doit être environ cinq fois plus grande pour activer les dislocations c+a que pour les dislocations a [Lütjering et Williams 2003, Lütjering et Williams 2003]. Ainsi, même défavorablement orienté, et donc avec un facteur de Schmid faible, le glissement de type a est, le plus souvent, plus facilement activé que le glissement c+a.  

Structure de cœur des dislocations vis dans la phase α 

Il est maintenant relativement bien admis que la forte friction ressentie par la dislocation vis dans les alliages de titane est due à l’arrangement particulier de sa structure de cœur. En effet celui-ci est étalé dans différents plans et donc à trois dimensions ce qui lui confère une configuration stable et sessile. Pour pouvoir avancer, le cœur de la dislocation doit se recombiner dans son plan de glissement, dans une configuration glissile et métastable jusqu’à ce qu’il trouve une situation énergétiquement plus favorable et s’arrête à nouveau. La dislocation va ainsi avancer par une succession de sauts, par un enchainement de situations de blocage déblocage comme Farenc et Naka l’ont observé in situ [Naka et al. 1988, Farenc 1992]. Structure de cœur étalé dans les plans prismatique et basal. Suite à des calculs de simulations numériques, Legrand [Legrand 1985] propose un modèle de structure de cœur étalée principalement dans les plans prismatiques. En effet l’auteur montre qu’il est énergétiquement plus favorable pour le cœur de la dislocation d’être étalé dans un plan prismatique avec des ramifications secondaires dans le basal, ceci expliquant pourquoi l’on observe majoritairement du glissement prismatique. D’autres calculs prenant en compte des potentiels d’interaction atomique plus récents permettant d’avoir une meilleure précision ont abouti aux mêmes conclusions que Legrand [Vitek et Igarashi 1991, A. Girshick et al. 1998, Bacon et Vitek 2002, Aoki et al. 2007]. Il faut toutefois garder à l’esprit que ces calculs sont réalisés sous contrainte nulle et que la température pas plus que la présence éventuelle d’impuretés, ne sont prises en compte. 

Structure de cœur étalé dans les plans prismatique et pyramidal

 Ce type de structure de cœur a été initialement proposé par Šobpuis par Naka [Naka et al. 1988] pour pouvoir expliquer la facilité du glissement dévié dans les plans pyramidaux de première espèce. En effet ce type de glissement devient fréquent même pour des orientations facilitant le glissement prismatique pour des température supérieur à 300°K. Naka observe ainsi des lignes de glissement non rectilignes. Comme pour le cas précédent il faut que la structure de cœur ne soit pas planaire pour pouvoir expliquer la friction qui contrôlera la mobilité et que son plan de glissement principal soit de type prismatique expliquant ainsi la prédominance de ce système de glissement. La différence par rapport au cas précédent se trouve au niveau des étalements secondaires qui ne sont plus dans des plans de base mais dans des plans pyramidaux de première espèce. Enfin, ces deux approches ne sont pas si différentes l’une de l’autre et permettent toutes les deux de rendre compte de la prédominance du glissement prismatique. 

Table des matières

Introduction
Chapitre I : Bibliographie
I.1. Le titane et ses alliages
I.1.1. Le titane pur
I.1.2. Transformation de phase
I.1.3. Influence des éléments d’alliages
I.2. Traitements thermiques et microstructures
I.3. Mécanismes de déformation
I.4. Systèmes de glissements dans les alliages
I.4.1. Déformation de la phase β
I.4.2. Déformation de la phase α
I.4.3. Structure de cœur des dislocations vis dans la phase α
I.4.4. Ordre à courte distance (OCD)
I.4.5. Durcissement structural
I.4.6. Les interfaces
Chapitre II : Matériaux et techniques expérimentales
II.1. Généralités sur les alliages Ti 17 et Ti 5553
II.1.1. Compositions chimiques
II.1.2. Traitements thermiques
II.2. Préparation des échantillons
II.2.1. Provenance et dimensions
II.2.2. Amincissement des échantillons post mortem Ti 5553 et Ti 17, et in situ Ti 17
II.2.3. Échantillon Ti 5553 in situ
II.3. La déformation MET in situ
II.4. Observations post mortem
II.5. Technique d’indexation automatique des orientations cristallographiques
II.6. La Microscopie Electronique en transmission à Haute Résolution (MEHR)
Chapitre III : Microstructure
III.1. Généralités
III.2. Microstructure de la phase αp
III.2.1. Relation d’orientation avec la matrice
III.2.2. Présence de la phase α2 (Ti3Al) dans les plaquettes ou nodules αp
III.3. Microstructure de la phase αs
III.4. Alliage Ti 17
III.4.1. Microstructure générale
III.4.2. Deuxième niveau de structure hiérarchique
III.4.3. Troisième niveau de structure hiérarchique
III.5. Alliage Ti 5553
Chapitre IV : Les micro-mécanismes de déformation
IV.1. Caractéristiques générales
IV.1.1. Introduction
IV.1.2. Déformation des phases αp
IV.1.3. Déformation de la phase β
IV.1.4. Déformation des phases αs
IV.2. Origine de la ductilité des alliages
IV.2.1. Naissance de dislocations dans les phases αp
IV.2.2. Multiplication des dislocations à partir des interfaces αp/β
IV.2.3. Transmission de la déformation
IV.3. Obstacles qui contrôlent la déformation dans la phase αp 
IV.3.1. Durcissement structural
IV.3.2. Ordre local
IV.3.3. Structure de cœur des dislocations
IV.4. Conclusion
Chapitre V : Interfaces α/β, contraintes internes et écrouissage
V.1. Observations expérimentales
V.1.1. Observations MET
V.1.2. Observations à l’échelle mésoscopique
V.1.3. Observations à l’échelle microscopique
V.2. Discussion
V.2.1. Les causes de l’écrouissage de la phase αp au voisinage de l’interface αp/β
V.2.2. Contraintes générées par cet écrouissage, influence sur les propriétés mécaniques
Chapitre VI : Discussion
VI.1. Comparaison avec le TA6V
VI.1.1. Comparaison des microstructures
VI.1.2. Comparaison des micro-mécanismes
VI.2. Passage micro / macro
VI.2.1. Contraintes résiduelles
VI.2.2. Contribution des différentes sources de durcissement à la résistance macroscopique des alliages de titane
VI.3. Comparaison avec les résultats des partenaires PROMITI
VI.3.1. Comparaison avec les travaux d’Amico Settefrati, Institut Jean Lamour (LSG2M)
VI.3.2. Comparaison avec les travaux de Timothée Duval et P. Villechaise, Institut P’(ENSMA)
Conclusions et perspectives
Annexe
Références Bibliographiques

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