Perturbation d’un système intégrable et chaos Hamiltonien

CIRCULATION

Le déplacement général des masses d’ eau dans l’ estuaire moyen du Saint-Laurent consiste en une circulation longitudinale à deux couches dans laquelle les eaux saumâtres de la couche de surface s’ écoulent vers le Golf au-dessus d ‘une couche profonde, plus salée (Figure 5, Figure 6 et Figure 7). Superposé à cet écoulement à deux couches, la force de Coriolis impose un écoulement latéral cyclonique où l’eau plus douce s’écoule principalement dans le Chenal Sud alors que l’ eau plus salée remonte préférentiellement par le Chenal Nord (d’Anglejan, 1981 ; Kranck, 1979; Neu, 1970). Selon Neu (1970), l’ intensité de la circulation estuarienne est caractérisée uniquement par le débit d’ eau douce, le volume d’ eau de mer entrant dans le système étant contrôlé par le volume d’eau douce en sortant. Cette hypothèse découle du principe de continuité: comme l’ eau saumâtre, en s’ écoulant vers l’ océan, se mélange avec la couche plus profonde, elle entraine avec elle un certain volume d’ eau salée. Le principe de continuité suggère qu’ une augmentation du débit d ‘eau douce entraînera une augmentation de l’écoulement de la couche profonde vers l’ amont, pour compenser cette perte d ‘eau salée. L’écoulement résiduel de la couche profonde est donc vers l’ amont (Neu, 1970). De forts courants de marée sont observés le long des principales iles de l’estuaire moyen: l’ Ile d’ Orléans, l’Ile-aux-Coudres et l’ Ile-aux-Lièvres. Ces zones de forte énergie cinétique sont associées à une constriction de la section transversale d’un chenal (d’Anglejan, 1981), ce qui provoque nécessairement une accélération du fl uide. La traverse de St-Roch, au sud est de l’Ile-aux-Coudres, illustre bien ce phénomène: s’ouvrant en aval sur une région faisant plus de quatre fois sa largeur, pour une même profondeur (d’Anglejan, 1981), Forrester (1972) a prédit des courants de l’ordre de 3.5 mis pour cette région.

Région d’intiüsion saline

Dans le Chenal Nord, pour la région comprise entre l’Ile d’Orléans et l’Ile-aux- Loups-Marins, un transport net vers l’aval a été observé par Meric (1975; cité par Sylverberg et Sunby, 1979) puis par Silverberg (1979). Au-delà de cette région (vers l’aval), une augmentation de la stratification suggère un écoulement à 2 couches (Figure 5 et Figure 6). Comme on pourrait s’y attendre, l’écoulement résiduel vers l’aval est plus fort et continu dans la couche de surface. Toutefois, un écoulement résiduel vers l’aval est aussi observé dans la couche profonde pour le Chenal Nord et Sud à la hauteur de l’Ile d’Orléans, et jusqu’à la plaine de sable fin, qui se situe vis-à-vis de la pointe ouest de l’Ileaux- Grues, (voir carte, Silverberg et Sundby, 1979, station 100), durant les marées de vives-eaux, dans le Chenal Nord (Figure 5). Lors des marées de mortes-eaux, cela s’étend au-delà de l’ Ile-aux-Loups-Marins dans le Chenal Nord (Silverberg et Sundby, 1979; Soucy et al. , 1976) (Figure 6). Vis-à-vis la pointe est de l’Ile-aux-Grues, durant les mois de juin et juillet, Laprise (1989) a observé que le flot était plus long que le jusant dans le Chenal Nord, et l’ inverse dans le Chenal Sud. Le déplacement résiduel des masses d’eau était vers l’amont sur toute la colonne d’eau dans le Chenal Nord.

Dans le Chenal Sud, le déplacement résiduel était vers l’aval excepté pour une mince partie de la couche profonde dirigée vers l’amont. Un peu plus à l’est, au niveau de l’ Ile-aux-Coudres, une avancée de la sous-couche vers l’amont est observée autant dans le Chenal Nord que dans le Chenal Sud (Figure 5, Figure 6 et Figure 7) (Soucy et al. , 1976). Toutefois, la circulation résiduelle dans le Chenal Sud se rapproche plus d’ une circulation idéale près d’ un point nodal que dans k Chenal Nord (Figürc 7), ce qüé; les aüteürs expliqüent par la topographie plus régulière du Chenal Sud. Il en résulte une plus grande stabilité du point nodal dans le Chenal Sud. En face de la Baie de Ste-Anne, dans le Chenal Sud, Ouellet et Trump (1979) ont observé un courant transversal vers le nord ouest lors du passage du jusant au flot, à 25 m de profondeur. Des courants transversaux ont aussi été observés par Laprise (1989) autant dans le Chenal Nord que dans le Chenal Sud, à la hauteur de la pointe est de l’ Ileaux- Grues. La direction de ces courants était dans le sens prédit par l’action de la force de Coriolis, sauf pour la couche de surface dans le Chenal Nord, ce qu’il propose d’attribuer à l’effet du vent.

ONDES INTERNES

Forrester (1974) fut le premier à parler de marées internes à la tête du Chenal Laurentien. Ces marées internes sont générées par l’interaction de la marée barotrope avec la bathymétrie abrupte de cette région. Desguise (1977; cité par Mertz et Gratton, 1990) a ensuite observé, dans la région du Banc des Anglais, des ondes internes d’une période de 2 à 3 minutes. Plus tard, Muir (1979) a observé qu’une marée interne est présente entre Pointe-aux-Pic et l’Ile-aux-Lièvres et qu’elle représente une bonne partie de l’énergie totale associée à la marée. De plus, Silverberg (1979) a noté la présence d’ondes internes de périodes plus courtes que la période tidale vis-à-vis de Cap-aux-Oies, toujours dans le Chenal Nord. Il est maintenant généralement accepté que l’estuaire moyen, du moins la partie en aval de l’Ile-aux-Coudres, est dominé par des marées internes et des oscillations à haute fréquence dont des ondes internes qui sont générées par l’interaction de la marée avec la bathymétrie variable de l’estuaire (Mertz et Gratton, 1990). La tête du Chenal Laurentien est une région prépondérante dans la génération de ces ondes (Mertz et Gratton, 1990). Comme le Chenal Sud est plutôt bien mélangé, les ondes internes se propagent préférentiellement dans le Chenal Nord ((Muir, 1982) de (EI-Sabh, 1988)). Ces ondes favorisent le mélange en créant du cisaillement, lequel peut engendrer des instabilités qui deviendront des zones de turbulence (Mertz et Gratton, 1990). Plus récemment, les travaux de Bourgault (Bourgault et al., 2007; Bourgault et Kelley, 2003; Bourgault, Kelley et Galbraith, 2005; Bourgault, Kelley et Galbraith, 2008; Bourgault, Saucier et Lin, 2001) ont porté sur des ondes internes de haute fréquence observées à la hauteur de l’Ile-aux-Lièvres. Il suggère que le mélange induit par le déferlement des ondes internes sur les pentes de l’estuaire moyen soit significatif dans cette partie de l’estuaire.

COPÉPODES

L’ étude menée par Bousfield, Filteau et al. (1975) est la première traitant de la composition et de l’ abondance du zooplancton dans l’estuaire moyen. Selon cette étude, les copépodes calanoïdes y constituent 60% de la population du mésozooplankton. Le groupe de copépode calanoïde de l’estuaire moyen est peu diversifié. On y retrouve principalement trois espèces dominantes : Eurytemora affinis (43%), Acartia longimeris (35%) et Eurytemora herdmani (17%). Toujours selon cette étude, E. affinis se retrouve principalement dans les eaux saumâtres entre l’Ile d’Orléans et l’ Ile-aux-Coudres. Sa capacité d’ adaptation à la salinité a été constatée par Laprise & Dodson (1994) qui ont observé une forte abondance de E. affinis dans des eaux dont la salinité variait de 0.5 à 23 , ce qui atteste d’une espèce fortement euryhaline. La forte abondance d’E. affinis en fait le plus important brouteur d’autotrophes parmi les copépodes de la ZTM de l’estuaire moyen. Il a été estimé que sa population consomme environ 50 tonnes de carbone algal par jour, soit 20% de la production totale nette de la ZTM, ce qui illustre son impact important sur la biomasse phytoplanctonique. Ses principaux prédateurs sont les larves de poisson et les mysidacés, ces derniers étant de loin les plus importants (Winkler et al., 2003). Récemment, il a été découvert qu’E. affinis est un complexe d’espèces cryptiques constitué de 6 clades ancestraux distribués dans l’hémisphère Nord (Lee, 1999; , 2000). Dans l’estuaire moyen du Saint-Laurent, deux clades habitent en sympatrie dans la région comprise entre l’Île d’ Orléans et la baie de l’Île Verte.

Ces deux clades, le clade Atlantique et le clade Nord Atlantique, ont une morphologie identique (Lee et Frost, 2002) mais sont génétiquement différenciés (Lee, 2000). L’étude de la distribution de ces deux clades met en évidence sa nature cloisonnée, certains endroits de l’estuaire moyen étant hautement dominés par un des deux clades (Winkler, Dodson et Lee, 2008). Cette ségrégation géographique est surprenante puisqu’ on s’attendrait à ce que l’hydrodynamisme intense de l’estuaire moyen homogénéise la distribution des deux clades. Malgré le courant net vers l’aval, E. ajJinis est une espèce endémique de l’estuaire moyen (Runge et Simard, 1990). Son comportement natatoire est sans doute important dans le maintien de sa population dans cette région. Comme le suggèrent plusieurs études, il est fort probable que des espèces zooplanctoniques adaptées à un environnement estuarien aient la capacité de contrôler leur position verticale en fonction du moment de la marée (Cronin et Forward Jr, 1979; Forward Jr et Cronin, 1980; Orsi, 1986; de Runge et Simard, 1990) de façon à se maintenir dans un tel environnement. L’écoulement barocline créé par les gradients de salinité latéraux et longitudinaux a été identifié comme étant un processus clé dans la rétention du zooplancton dans la région d’intrusion saline (Simons et al., 2006). Des migrations verticales en fonction du moment de la marée couplées à cet écoulement seraient un mécanisme de rétention viable pour cette région. Le chapitre 4 de ce mémoire aborde, entre autre, cette question.

Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES .
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 RÉGION D’ÉTUDE: L’ESTUAIRE MOYEN DU SAINTLAURENT
1.1 L’ESTUAIRE DU SAINT-LAURENT
1.2 L’ESTUAIRE MOYEN
1.3 SALINITÉ ET TEMPÉRATURE
Région d’intrusion saline: de l’Ile d’Orléans à l’Ile-aux-Coudres
De l’Ile-aux-Coudres au Saguenay
1.4 MARÉES
1.5 CIRCULATION
Région d ‘intrusion saline
De l’Ile-aux-Coudres au Saguenay
1.6 ZONE DE TURBIDITÉ MAXIMALE (ZTM)
1.7 ONDES INTERNES
1.8 COPÉPODES
CHAPITRE 2 APPLICATION DE LA THÉORIE DES SYSTÈMES DYNAMIQUES AUX ÉCOULEMENTS GÉOPHYSIQUES
2.1 DESCRIPTION LAGRANGIENNE ET EULÉRIENNE
2.2 THÉORIE DES SYSTÈMES DYNAMIQUES ET DYNAMIQUE NON-LINÉAIRE
2.3 COMPORTEMENT DES SYSTÈMES DYNAMIQUE DISSIPATIFS
2.4 SYSTÈMES HAMILTONIENS, CHAOS ET ÉCOULEMENT 2-D INCOMPRESSIBLE
Section de Poincaré et écoulement périodique
Variétés stables et instables
Perturbation d’un système intégrable et chaos Hamiltonien
Trois théorèmes et structure générale du chaos dans un système
Hamiltonien
Exemples
2.5 DÉFINITION DES FTLE
2.6 FTLE, LCS ET BARRIÈRES AU TRANSPORT
2.7 ALGORITHME DE CALCUL POUR LES FTLE.
2.8 EXEMPLES DE CHAMPS DE FTLE OBTENUS D’ÉCOULEMENTS ANALYTIQUES
Quadruple gyre
Pendule non-amorti
Quadruple gyre de diamètre variable
CHAPITRE 3 COMPARISON BETWEEN MODELED AND OBSERVED SURFACE DRIFTER TRAJECTORIES AND CALCULATION OF FTLE FIELDS TO EXPLAIN SPATIAL SEPARATION BETWEEN TWO GENETIC CLADES OF
A COPEPOD SPECIES COMPLEX
3.1 INTRODUCTION
3.2 M ETHODS
Study region
Numerical model
FILE and LCS
Drifters, fabrication, experiments and comparison parameters
3.3 RESULTS
Comparison of observed and modeled trajectories FTLE
3.4 DISCUSSION
3.5 CONCLUSION
CHAPITRE 4 CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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