Physiologie du muscle et mécanisme de contraction musculaire

Modèles de fatigue musculaire

Depuis le premier modèle connu de muscle proposé par Hill (1938), de nombreux chercheurs ont étudié la fatigue musculaire et ont proposé des modèles basés sur des points de vue différents : chimique, biophysique, mécanique, etc. Dans cette section, nous présentons un résumé des principaux travaux réalisés sur la fatigue musculaire ainsi que les modèles proposés. Nous classons ces modèles en fonction de leur domaine de définition.

Muscles et mécanismes de la fatigue musculaire

Physiologie du muscle et mécanisme de contraction musculaire

Le muscle est un organe spécialisé dans la transformation de l’énergie chimique en mouvement.
Il est constitué de tissus, de f bres, de nerfs et d’autres éléments. La forme, la taille, la longueur, et l’architecture des muscles varient en fonction de la tâche qu’ils accomplissent. Il existe trois grandes catégories de muscles dans le corps humain. Chacune d’elles possède des caractéristiques propres et accomplit des fonctions particulières. La première catégorie représentant la plus grande famille de muscles est celle des muscles squelettiques (ou du squelette). Ces muscles sont soudés aux os et permettent le mouvement des articulations. La seconde catégorie est celle des muscles dits involontaires que nous ne pouvons pas contrôler. Ces muscles entourent les vaisseaux sanguins, l’intestin ou l’estomac. La troisième catégorie est celle représentée par le coeur ou muscle cardiaque. La figure 2.3 représente les trois types de muscles. Nous concentrons notre étude sur les muscles squelettiques.
Les muscles squelettiques s’attachent aux os par des tendons. La f gure 2.4 représente la structure d’un muscle squelettique. Ces muscles sont constitués de cellules allongées, les f bres musculaires.
Associées en faisceaux, ces f bres sont rendues solidaires par des enveloppes élastiques. Chaque f bre musculaire présente de nombreux noyaux répartis à la périphérie de la cellule. Elle est délimitée par une membrane, le sarcolemme, et contient dans son cytoplasme (ou sarcoplasme) des myof brilles qui constituent le support de la contraction musculaire. Les myof brilles sont assemblées en dites de Leydig. Chaque colonnette est constituée de flaments épais, composés de myosine, et de f laments f ns, composés d’actine (voir la représentation de droite de la figure 2.4) colonnettes

Modele de fatigue musculaire base sur un point de vue biophysique

Liu et al. (2002) proposent un modèle dynamique de muscle utilisant la notion d’unités motrices.
Ce modèle offre une vue macroscopique basée sur des mécanismes biophysiques qui comprennent la commande volontaire, l’effet de la fatigue et de la récupération. Le modèle est étudié sous l’hypothèse d’un effort du cerveau constant. Trois paramètres (B , F et R) sont introduits pour construire le modèle du muscle et décrire le processus d’activation, la fatigue et la récupération. Le paramètre B représente la vitesse à laquelle les unités motrices sont stimulées et amenées à l’état de fatigue. L’effet de la récupération est décrit par un facteur R qui représente la vitesse à laquelle les unités motrices fatiguées sont capables de récupérer. Le modèle s’exprime alors de la façon suivante.

Modele de fatigue musculaire base sur un point de vue mecanique (statique)

Vollestad (1997) introduit systématiquement les méthodes commune de l’étude de la fatigue musculaire, dans laquelle le choisir “contraction maximale volontaire” (en anglais Maximum Voluntary
Contraction, MVC ) est l’évaluation la plus directe de la fatigue et il est souvent utilisé par les chercheurs (kent Braun, 1999; Shin et Kim, 2007; Tang et al., 2005).
La f gure 2.8 représente schématiquement des valeurs de la fatigue mesurée MVC . La courbe de la MVC diminue pendant les contractions répétitives. Quand la courbe de la MVC coupe la zone déf niepar la face objective, le fatigue arrive, c’est l’épuisement.
Fondée sur le modèle de Liu et al. (2002) qui étudie la fatigue musculaire d’un point de vue biophysique et les travaux de Vollestad (1997) qui utilise la MVC pour mesurer la fatigue, Ma et al. (2009) proposent un modèle de fatigue au niveau macroscopique. Ce modèle utilise uniquement deux paramètres (F load et la MVC) pour décrire la fatigue musculaire dans une posture statique ou quasistatique. Le paramètre F load représente le facteur de charge externe et la MVC est le facteur interne qui décrit la capacité musculaire maximum d’un muscle (individuel) sans fatigue. En général, lerésultat.

Taches statique, quasi-statique et dynamique

La plupart des modèles de fatigue musculaire Ding et al. (2000b); Liu et al. (2002); Ma (2009) étudie le cas d’efforts isométriques associés à des tâches statiques. Cependant, dans le monde industriel,beaucoup de tâches sont dynamiques et génèrent des forces isocinétiques. Aucune défnition claire n’existe pour différencier les tâches statiques et les tâches dynamiques. Nous voulons ainsi définir ce que nous considérons lorsque nous parlons de tâches statiques, quasi-statiques et dynamiques. Pour cela, nous présentons un exemple simple af n d’expliquer une fatigue du coude dans trois situations différentes. Chaque situation décrite à la figure 3.1 représente un bras humain, supposé composé de deux parties : l’arrière-bras (modélisé par un cylindre de masse mu, de longueur lu et de rayon r u) et l’avant bras (modélisé par un cylindre de masse mf , de longueur l f et de rayon r f ). Nous supposons que l’avant-bras contient la main c’est-à-dire qu’ils sont considérés ensemble comme un unique corps.
Une charge externe, composée d’une barre cylindrique de masse (modélisé par une charge ponctuelle de masse mo , le rayon étant négligeable), est maintenue en son milieu dans la main. Nous utilisons le couple généré au niveau du coude pour observer les différences entre la réalisation d’une tâche statique, quasi-statique ou dynamique. En effet, le couple est le principal facteur de fatigue.

Proposition d’une définition de la fatigue musculaire

Plusieurs définitions de la fatigue musculaire ont été énoncées. La plupart sont basées sur un lien entre la fatigue du muscle et la réduction de sa capacité à générer un effort (voir chapitre 2, section 2.3.1). Aucune déf nition (mathématique) précise de la fatigue musculaire n’existe. Dans le domaine de l’ergonomie, l’évaluation de la fatigue musculaire peut être réalisée par des méthodes directes ou indirectes. Dans le cas des méthodes directes, un paramètre est souvent utilisé : la contraction volontaire maximale (MVC). La MVC est déf nie dans (Vollestad, 1997) comme « the  force generated with feedback and encouragement, when the subject believes it is a maximal effort ».
Une représentation de l’évolution de la fatigue est donnée à la figure 2.8 (chapitre 2). La force maximale pouvant être générée à un instant donné est alors exprimée en fonction de la MVC. Cette force mesurée peut alors directement évaluer la fatigue musculaire. Selon Chaffin et al. (1999), la MVC dépend de la posture du corps.
Nous utilisons ces notions af n de déf nir notre modèle de fatigue musculaire.

Modele simple

Le modèle de Giat et al. (Giat et al., 1996) nécessite l’identif cation de plus de 30 paramètres, le modèle de Riener et al. (Riener et al., 1996) de plus de 28 paramètres, et le modèle de Ding et al. (Ding et al., 2002) de plus de 15 paramètres. Les modèles aux formules compliquées deviennent vite confus et la compréhension de la génération de la force musculaire semble alors difficile. De plus, les modèles cités ci-dessus demandent la connaissance de variables chimiques (concentration en ion Ca 2+ ou pH) ou électriques (signal neuromusculaire).
Contrairement au modèle précédent, le modèle de fatigue proposé est basé uniquement sur 2 paramètres, Γ MVC et k, dépendant de la personne réalisant l’opération. L’opération étudiée doit être analysée af n de calculer les couples nécessaires lors du mouvement. Ces couples dépendent également des caractéristiques anthropométriques du participant (poids et longueur des membres en action). Le nombre de paramètres est ainsi restreint et la simplicité de notre modèle est alors un bon atout pour son application dans le monde industriel.

Modele adapte a des applications dynamiques

La plupart des modèles proposés précédemment ont besoin de mesures chimiques, biophysiques, etc. Les conditions d’expérimentation sont très utiles pour connaître le fonctionnement du muscle d’un point de vue médical. Cependant, ces modèles sont relativement mal adaptés pour le domaine industriel qui demande une rapidité et une simplicité dans l’identif cation des paramètres.
Notre modèle se concentre uniquement sur la dynamique du corps. Il modélise très simplement la fatigue en considérant un calcul de couple nécessaire à exercer durant l’opération. Le modèle est peut-être une approximation plus grossière de la fatigue, mais il a l’avantage de pouvoir être utilisé directement dans l’industrie. En effet, l’industriel ne veut généralement pas avoir connaissance d’une valeur “exacte », mais seulement une estimation af n d’améliorer la posture, les opérations ou l’environnement de travail.

Comparaison par simulation du modele dynamique et du modele statique

Pour mieux comparer les modèles de fatigue dynamique et statique, nous supposons que la même personne (taille : 188cm, masse : 80Kg) déplace le même objet (masse : 3Kg, notée mo ) dans une opération statique et une opération dynamique. Pour calculer la fatigue dans les situations statique et dynamique, nous avons besoin des paramètres du bras. De plus, pour le cas d’une situation dynamique, nous utilisons des fonctions d’interpolation pour simuler la génération de la trajectoire du mouvement. Parametres anthropometriques
À partir des bases de données anthropométriques, les paramètres géométriques et inertiels du corps humain peuvent être obtenus par des fonctions simples Chaffin et al. (1999). Si nous connaissons la taille H d’un individu, nous pouvons estimer les autres paramètres de chaque partie du corps (longueur et rayon, chaque partie étant considérée comme un cylindre). Si nous connaissons sa masse, nous pouvons estimer la masse de chaque partie du corps. Ici, nous nous concentrons uniquement sur les paramètres du bras et plus particulièrement de l’avant-bras (la main est contenu dans l’avant bras).
Les paramètres sont : longueur de l’avant-bras (h f ), rayon de l’avant-bras (r f ), poids de l’avant-bras (mf ).

Discussion

La fatigue statique et la fatigue dynamique sont deux types de fatigue aux mécanismes différents.
En effet, lors d’un mouvement, la circulation sanguine apporte plus d’oxygène et de matières énergétiques aux muscles. Dans une posture statique, la circulation du sang est bloquée. Lors d’un mouvement, la circulation sanguine est normale. Même si le mouvement dynamique du corps consomme plus d’énergie, dans certaines postures, il est encore moins fatiguant que pour une posture statique.
La fatigue statique dépend de la posture et la fatigue dynamique dépend non seulement de la posture, mais aussi de la vitesse et de l’accélération du mouvement. Concluons cette discussion en analysant les points communs et les différences entre le modèle de fatigue statique et le modèle de fatigue dynamique.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons proposé un nouveau modèle de fatigue musculaire. La principale contribution de ce modèle est de prendre en considération l’aspect dynamique d’une opération. Dans le monde industriel, de nombreuses opérations périodiques sont effectuées. Un modèle dynamique est donc nécessaire pour résoudre ces problèmes et permettre de diminuer le taux de troubles musculosquelettiques survenant dans ce type d’opérations. L’aspect dynamique se traduit par des changements de posture du corps et donc des variations des efforts (interne ou externe) appliquées sur chaque articulation. Ce modèle est exprimé au niveau articulaire et dépend ainsi du mouvement de chaque articulation. Contrairement aux principaux modèles de fatigues musculaires pouvant être trouvés dans la littérature, ce modèle possède la qualité d’être simple et de ne faire appel qu’à un nombre limité de paramètres ce qui facilite son application dans l’industrie. Il se base sur les notions de contraction maximale volontaire (MVC) et sur un paramètre de fatigue k. Ces paramètres dépendent de l’individu et du muscle considéré. Le modèle dépend également du mouvement considéré et de l’évolution du couple exercé au niveau des articulations. Pour évaluer les couples articulaires, nous proposons d’utiliser les méthodes issues de la robotique (modélisation des articulations, génération de trajectoires, calcul des couples articulaires). Il fait également référence aux données anthropométriques moyennes définies par Chaffin et al. (1999) pour définir les dimensions et poids des membres du corps enfonction uniquement de la taille et du poids de l’individu.
Nous avons comparé ce modèle avec le modèle proposé par Ma et al. (2009) qui se limite à l’étude de situations statiques ou quasi-statiques. Cette comparaison a été réalisée en comparant mathématiquement les modèles ainsi que par la mise en pratique sur un cas d’étude (application au niveau de l’articulation du coude). Cette comparaison a permis de mettre en évidence les points communs et les différences entre ces modèles. Nous avons conclu que le modèle proposé permet d’étendre le domaine d’application puisqu’il peut résoudre aussi bien les problèmes statiques que dynamiques.
Af n de valider ce modèle, il est nécessaire de mettre en place une expérimentation. Cette expérimentation permettra non seulement de confrmer les hypothèses mais également d’identifier le paramètre k de fatigue propre à notre modèle. Elle permettra également de valider le modèle de trajectoire à considérer.

Table des matières

Chapitre 1 — Contexte et enjeux
1.1 Le besoin de l’évaluation de l’ergonomie des postes de travail
1.2 Positionnement de notre étude
1.3 Enjeux et objectifs
1.4 Plan de notre étude
Chapitre 2 — État de l’art
2.1 Introduction
2.2 Modélisation des robots
2.2.1 Modèle géométrique
2.2.2 Modèle cinématique
2.2.3 Modèle dynamique
2.3 Modèles de fatigue musculaire
2.3.1 Muscles et mécanismes de la fatigue musculaire
2.3.2 Modèles de la fatigue musculaire basés sur un point de vue chimique
2.3.3 Modèle de fatigue musculaire basé sur un point de vue biophysique
2.3.4 Modèle de fatigue musculaire basé sur un point de vue mécanique (statique)
2.4 Conclusion
Chapitre 3 — Modèle dynamique de fatigue musculaire 
3.1 Introduction
3.2 Tâches statique, quasi-statique et dynamique
3.3 Proposition d’une déf nition de la fatigue musculaire
3.4 Proposition d’un modèle dynamique de fatigue musculaire
3.4.1 Base de notre modèle dynamique de fatigue musculaire
3.4.2 Hypothèses
3.4.3 Proposition d’un modèle dynamique de fatigue musculaire
3.4.4 Architecture du modèle de fatigue musculaire
3.5 Caractéristiques de modèle dynamique de fatigue musculaire
3.5.1 Modèle exprimé au niveau des articulations
3.5.2 Modèle simple
3.5.3 Modèle adapté à des applications dynamiques
3.6 Comparaison avec le modèle de fatigue musculaire statique
3.6.1 Comparaison théorique du modèle dynamique et du modèle statique
3.6.2 Comparaison par simulation du modèle dynamique et du modèle statique
3.6.3 Discussion
3.7 Conclusion
Chapitre 4 — Mise en œuvre expérimentale 
4.1 Introduction
4.2 Objectif de l’expérience
4.3 Mise en place de l’expérimentation
4.3.1 Matériel utilisé
4.3.2 Étapes de l’expérimentation
4.4 Modélisation de la trajectoire
4.4.1 Calcul de l’évolution de l’angle, de la vitesse angulaire et de l’accélération
angulaire à partir des données du système de capture de mouvements
4.4.2 Calcul du couple articulaire à partir des données du système de capture de mouvements
4.4.3 Comparaison entre la trajectoire capturée et les différents modèles théoriques de génération de trajectoires
4.4.4 Discussion
4.5 Première validation du modèle de fatigue et identif cation du paramètre k
4.5.1 Mesure et extraction des efforts produits par les participants
4.5.2 Validation du modèle de fatigue et identif cation du paramètre k pour le coude dans le cas d’une opération périodique de 4 secondes
4.5.3 Validation du modèle de fatigue et identif cation du paramètre k pour le coude dans le cas d’une opération périodique de 2 secondes
4.5.4 Validation du modèle de fatigue et identif cation du paramètre k pour l’épaule dans le cas d’une opération périodique de 4 secondes
4.5.5 Discussion
4.6 Conclusion
Chapitre 5 — Évaluation du temps maximal d’endurance basée sur le modèle dynamique de la fatigue musculaire 
5.1 Temps maximal d’endurance (Maximum endurance time, MET)
5.2 Déf nition et évaluation de la durée maximale d’endurance dans une situation dynamique
5.2.1 Hypothèses
5.2.2 Nouvelle approche de calcul de la DMET
5.3 Validation du modèle de DMET
5.3.1 Comparaison de la DMET avec les autres modèles de MET
5.3.2 Comparaison des modèles à partir des coefficients de corrélation
5.3.3 Résultats et discussion
5.4 Application : détermination de la durée maximale d’endurance dans un mouvement dynamique
5.4.1 Description de la tâche
5.4.2 Les étapes de l’identif cation du DMET
5.4.3 Détermination de la durée maximale d’endurance
5.5 Conclusion
Chapitre 6 — Évaluation de la fatigue musculaire pour les opérations de type “pousser/tirer
6.1 Introduction
6.2 Classif cations des activités de type Pousser/Tirer
6.3 Hypothèse sur l’activité des groupes de muscles
6.4 Méthode d’évaluation de la fatigue musculaire
6.4.1 Évaluation de la fatigue musculaire
6.4.2 Prise en compte de la variation de la capacité articulaire
6.5 Étude d’une tâche de “pousser/tirer” de type avant/arrière
6.5.1 Description de la tâche
iv TABLE DES MATIÈRES
6.5.2 Modélisation du bras
6.5.3 Génération de la trajectoire
6.5.4 Évolution du couple au niveau du coude et de l’épaule
6.5.5 Évolution de la capacité articulaire Γ MVC au niveau du coude et de l’épaule
6.5.6 Fatigue des groupes de muscles au niveau de l’épaule et du coude
6.5.7 Discussion
6.6 Conclusion
Chapitre 7 — Conclusions et perspectives 
7.1 Conclusions
7.2 Perspectives
Bibliographie

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