Précipitation du bore dans le silicium

Redistribution du B dans le Si fortement dopé : mécanismes, apports de la sonde atomique

Les densités de porteurs libres dans le silicium intrinsèque sont de l’ordre de 1010 cm-3 à 300K. Il est donc nécessaire, afin d’augmenter la conductivité, d’introduire des impuretés, les dopants. L’ajout d’une impureté introduit un niveau d’énergie dans la bande interdite. On définit deux types de dopage : p et n. Le dopage p introduit un niveau accepteur proche de la bande de valence. Un électron de la bande de valence comble cet état inoccupé et il laisse un « trou ». On parle de conduction par «trous». Le dopage n introduit un niveau d’énergie dans la bande interdite proche de la bande de conduction. L’électron supplémentaire du donneur (l’impureté) migre alors vers la bande de conduction. On parle de conduction par électrons libres. Les jonctions P/N sont formés de zones dopées p (l’impureté est un accepteur) mises en contact avec des zones dopées n (donneur). Le dopage est donc un élément clef dans la fabrication des composants électroniques. Pour doper le silicium (IV) les impuretés dopantes les plus utilisées en microélectronique sont le phosphore et l’arsenic (colonne V, donneurs) et le bore (colonne III, accepteurs).
Le fonctionnement des composants électroniques dépend en grande partie de la redistribution des dopants dans le matériau implanté. Après implantation ionique, un recuit thermique permet de restaurer la cristallinité du réseau et d’activer les dopants en les plaçant sur les sites substitutionnels. La diffusion thermique modifie le profil d’implantation. Comme les défauts ponctuels servent de véhicule à la diffusion, la grande quantité de défauts ponctuels créée par l’implantation ionique peut donc fortement accélérer ou modifier la diffusion des dopants. D’autre part, des interactions avec les défauts d’implantation peuvent affecter la redistribution des dopants.

Défauts d’implantation

L’implantation ionique crée une grande quantité de défauts dans le silicium cristallin. Deux types de défauts sont distingués : les défauts ponctuels et étendus. Ils seront succinctement décrits. Défauts ponctuels : On distingue deux défauts ponctuels dans les structures cristallines : la lacune et l’auto-interstitiel. La lacune est un atome manquant sur une position substitutionnelle du réseau cristallin. L’auto-interstitiel est défini comme un atome de Si se trouvant sur un interstice de la structure diamant. Il existe aussi des défauts non intentionnels qui sont présents dans le silicium pur. Il s’agit d’impuretés en position interstitielle ou substitutionnelle. Les défauts peuvent se combiner, on observe alors des bi-lacunes ainsi que des paires lacune/impureté en site substitutionnel. Dans le Si, les défauts étendus sont constitués d’auto-interstitiels. Ils peuvent enfin se recombiner (lacune-intersitiel).
Défauts étendus : Les défauts sont dits étendus quand ils ne sont pas ponctuels. Ils sont divisés en trois catégories : les amas d’auto-interstitiels, les défauts {113} et les boucles de dislocations. Tous sont constitués d’auto-interstitiels. Les amas d’auto-interstitiels (I) se présentent sous la forme d’agglomérats de n interstitiels (In). En raison de leur petite taille, la mise en évidence expérimentale de telles structures est difficile. Il semble que I2 et I4 sont les plus stables [Cowern 1999]. Les calculs ab-initio ont confirmé ces hypothèses.

Diffusion et interactions avec les défauts d’implantation

Parmi les mécanismes susceptibles de modifier la distribution du bore et par conséquent le profil des dopants, on peut citer la diffusion transitoire et accélérée du bore, appelée couramment «TED», et la formation d’agglomérats mixtes bore/auto-interstitiel de silicium : les « BIC’s » (pour « Boron Interstitial Cluster’s »).
Diffusion transitoire et accélérée du bore : La diffusion transitoire et accéléré du bore dans le silicium est un phénomène anormal par rapport à la diffusion classique (thermiquement activée). La TED a un impact néfaste sur la position de la jonction. Il a été montré que ce phénomène est transitoire [Michel 1987]. Les profils SIMS de bore, obtenus après recuit classique à 800°C  et RTA à 950°C, montrent que l’accélération de la diffusion diminue avec le temps de recuit, on parle à juste titre de diffusion transitoire. L’interstitiel sert de véhicule à la diffusion du bore (mécanisme « kick-out »). Ainsi, les défauts étendus, qui sont des sources d’auto-interstitiels, peuvent contribuer largement au phénomène [Claverie 1999].
Le rôle des défauts d’implantation dans la TED a été démontré par Cowern et al. [Cowern 2000]. Trois structures réalisées par épitaxie contiennent une fine couche de bore substitutionnel à une profondeur sous la surface de 200 nm. Le premier échantillon sert de témoin, le deuxième est recuit à 810°C pendant 15 min et le troisième est soumis à une implantation d’ions Si+ pour générer des défauts étendus avant de subir le même recuit. Il a été montré que la diffusion du bore est très peu accélérée (courbe bleue) en l’absence des défauts d’implantation. En présence des défauts étendus, la TED est très marquée (courbe verte).
Agglomérats mixtes bore/auto-interstitiels (BIC’s) : Les agglomérats mixtes bore/auto-interstitiels ont été conjecturés pour expliquer des épaulements sur les profils de diffusion des dopants [Hofker 1973, Michel 1987] et leur désactivation partielle [Cowern 1989, Cowern 1990]. On les voit comme des amas mixtes contenant quelques atomes de bore et quelques auto-interstitiels se formant dans les zones sursaturées en interstitiels de silicium et à des concentrations en bore inférieures à la limite de solubilité [Hofker 1973].
Leur petite taille fait qu’il a été très difficile de les observer expérimentalement. Nous reviendrons sur les observations expérimentales à la fin de ce chapitre. Néanmoins, les configurations possibles des BIC’s ont été déterminées à partir du calcul des énergies de formation et ont fait l’objet de travaux de simulation ab-initio [Luo 1998]. Des structures plus ou moins stables (BI2…) ont été établies mais n’ont pas été confirmées expérimentalement. Il a été démontré expérimentalement que la présence des BIC’s influence la diffusion du bore [Stolk 1997, Solmi 2000], des modèles de diffusion ont donc été développés pour prendre en compte la cinétique (formation et dissolution) des BIC’s et reproduire les profils de diffusion expérimentaux [Pelaz 1997, Uematsu 1998] sur la base des modèles classiques de diffusion.

Germination non classique

De nombreuses transformations comme la précipitation sont des transformations du 1er ordre. La précipitation peut intervenir via le mécanisme de germination-croissance ou de décomposition spinodale suivant la sursaturation. Les premiers développements de la thermodynamique des transformations de phase du 1er ordre ont été faits par Gibbs [Gibbs 1928] et van der Waals [van der Waals 1893, van der Waals 1908]. La première formulation du modèle de germination croissance a été faite par Gibbs. De nombreux raffinements ont été apportés aux théories pionnières de Becker [Becker 1935] comme les théories de Zeldovich [Zeldovich 1942] ou de Turnbull [Turnbull 1949] qui introduisent le temps d’incubation. Cahn et Hilliard ont ensuite repensé le modèle de van der Waals pour développer une théorie continue de la germination (aussi appelée théorie des interfaces diffuses).
Quand la solution solide possède une structure différente de la phase mère, le système peut préférer former des germes cohérents d’une phase métastable de même structure que la solution solide initiale. On parle de précipitation cohérente. Ce phénomène a été montré dans les alliages à base d’aluminium et ce notamment pour le système Al-Cu. Des précipités cohérents appelés zones Guinier-Preston (GP) précédent l’apparition de la phase d’équilibre Al2Cu [Hashizume 1986]. Il est communément admis que les zones GP sont pures en Cu. Des processus de germination non classique ont été observés dans les métaux (Fe-Cu, Fe-Cr) mais aussi dans les semi-conducteurs (Si-As, Si-B).

Chemin d’énergie minimale dans la théorie de la germination de Cahn et Hilliard

Il y a plus de 50 ans, et bien avant Schmelzer [Schmelzer 2000], Cahn et Hilliard ont étudié les propriétés d’un germe critique dans une solution métastable à 2 éléments (A et B) en déterminant le point selle de l’énergie libre d’un système non uniforme [Cahn 1959b].
Cependant, les propriétés des germes sous- et sur-critiques qui renseignent sur le comportement général d’un germe pendant la germination restent à déterminer et sont d’un intérêt majeur puisque que beaucoup de transformations de phase du 1er ordre procèdent via la germination. Le problème est que la surface d’énergie est impossible à étudier de manière exhaustive à cause de son grand nombre de degré de liberté.
Il est généralement admis en germination que le chemin d’énergie libre minimale (MEP) est le suivant : le germe sous-critique remonte la surface d’énergie jusqu’à atteindre le point selle, c’est le germe critique, puis le germe sur-critique descend le long de la vallée pour croitre indéfiniment (régime de croissance). L’ascension et la descente se fait en suivant la ligne de plus grande pente. Le MEP est le chemin le plus probable, néanmoins le chemin réel peut différer du MEP à cause des fluctuations thermiques ou d’effets cinétiques particuliers [Soisson 2000, Athenes 1996]. Nous ne prendrons pas en compte ces effets particuliers dans cette partie.

Table des matières

Introduction
I. Redistribution du B dans le Si fortement dopé : mécanismes, apports de la sonde atomique
1. Défauts d’implantation
a. Défauts ponctuels
b. Défauts étendus
2. Diffusion et interactions avec les défauts d’implantation
a. Diffusion transitoire et accélérée du bore
b. Agglomérats mixtes bore/auto-interstitiels (BIC’s)
3. Précipitation du B dans le Si 
a. Diagramme de phase Si-B
b. Phase SiB3
c. Solubilité limite
4. Etat de l’art des observations expérimentales des BIC’s et des précipités mixtes B-Si
Références
II. Germination non classique 
1. Théorie de Gibbs généralisée 
a. Détermination du point selle
b. Chemin d’énergie minimale
2. Chemin d’énergie minimale dans la théorie de la germination de Cahn et Hilliard 
3. Application au système Si-B
Références
III. Statistiques de distribution des atomes et mise en amas
1. La sonde atomique tomographique
2. Distribution de distances au kième voisin
3. Distance moyenne au premier voisin comme mesure du hasard
4. Estimation de la composition des phases
a. Méthode 1NN
b. Généralisation au kième voisin pour un système multiphasé
c. Fonction de corrélation de paires d’une assemblée mono-disperse de précipités
5. Pavage de Delaunay dans l’identification des précipités enrichis en solutés
Références
IV. Etude expérimentale de la redistribution du B dans le Si implanté 
1. Effet du carbone sur la redistribution du B dans le Si implanté BF2
2. Mise en évidence d’atmosphères de Cottrell dans le Si implanté B
Références
V. Modélisation du couplage diffusion/précipitation du bore dans le Si fortement implanté
1. Modèle 
2. Expériences numériques
Références
Conclusion
Annexe 1 : La méthode des cordes
Annexe 2 : Production scientifique 

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