RACE, DROITS HUMAINS ET INTEGRATION ECONOMIQUE DES NOIRS

RACE, DROITS HUMAINS ET INTEGRATION
ECONOMIQUE DES NOIRS

Les tendances littéraires et les écoles de pensée

À l’image de l’ensemble des colonies africaines, les premières réactions littéraires des Noirs sud – africains se résumaient dans un premier temps à des dénonciations de la colonisation et de ses conséquences de diverses manières avant de s’étendre à des thèmes aussi variés que la présentation et la défense des valeurs culturelles et de civilisations de 268 l’Afrique, les conditions de vie et de travail des mineurs, l’apartheid, à la nouvelle société de classes pour aboutir à l’engagement politique militant, aux crises économiques et à la cause des homosexuels. La littérature sud – africaine a été profondément marquée par la période de l’entre – deux – guerres. Les conséquences, les causes, les manifestations et surtout les implications de la première guerre mondiale étaient devenues des sujets de prédilections des intellectuels du pays. La Première Guerre a surtout fait tomber les masques avec l’effondrement des mythes du Blanc dominant dont les limites humaines objectives à l’image de l’humain noir, ont étés découvertes au grand jour sur les champs de batailles marqués par la rudesse des intempéries et des conditions climatiques. Dans cette nouvelle dynamique de combats littéraires, le recours à l’humour, aux métaphores, aux comparaisons était devenu le moyen intelligent de dénonciation courtoise atténuée par les compliments satiriques. Ce discours anti – colonial a été d’ailleurs porté de très belle manière par le poète sud – africain doublé de romancier et d’essayiste, S. E. Drune Mghayi, dans un illustre poème d’accueil composé à l’occasion de la visite officielle du Prince de Galles en Afrique du Sud en 1925. Dans un alléchant mélange d’attaques et de compliments à l’endroit de la Grande – Bretagne, il déclame une adresse à la morale du souverain en ces vers qui suivent : « Ah Britain ! Great Britain ! Great Britain of the endless sunshine ! She has conquered the oceans and laid them low ; She has drained the little rivers and lapped them dry, She has swept the little nations and wiped them away ; And now she is making for the open skies. She sent us the preacher, she sent us the bottle, 269 She sent us the Bible and barrels of Brandy, She sent us the breechloader, she sent us cannon. O Roaring Britain ! What must we embrace ? You sent us the truth, denied us the truth ; You sent us the life, depreived us the life ; You sent us the light, we sit in the dark. Shivering, benighted, in the Bright noonday sun. »266 Le vécu quotidien des populations africaines autochtones dans une ambiance de ségrégation raciale absolue avant même la formalisation de la politique d’apartheid apparaît dans les vers ci – dessus dans une approche non conflictuelle, mais tout à fait sentimentale. De la même manière que les acteurs politiques, beaucoup parmi les combattants pour la cause noire n’ont fait recours à la violence, y compris celle verbale, qu’après avoir épuisé toutes les possibilités non violentes, les interpellations de la conscience du colonisateur et du raciste et l’agitation du spectre de la confrontation frontale inévitable. Les réactions sourdes ou répressives à leurs nombreuses dénonciations ont fini par jouer un rôle de renforcement du repli identitaire. Ainsi, dans le même contexte, la production littéraire en langues vernaculaires gagnait en notoriété et en influences : Pauline Smith plongea le monde à travers ses recueils de nouvelles dans l’environnement sentimental des Sud – Africains victimes de l’ amour impossible, car interdit entre Noir et Blanc, Thomas Mofolo publia Chaka en 1925, Solomon T. Plaatje sortit Mhudi en 1930 et se mit à publier les traductions d’une bonne partie des écrits de William Shakespear, notamment Julius Ceasar, Romeo and Juliet, A Comedy of Errors, Othello et Ado about Nothing.  Ce rappel historique sur l’évolution de la littérature sud – africaine en période coloniale, qui nous est faite par le Professeur Kinfe Abrahams,267 nous montre également son lien direct avec des écrits relevant de la littérature anglaise. Par ailleurs, la lutte anti – apartheid n’était pas seulement politique ou syndicale, mais elle était également intellectuelle. L’apartheid étant en plus un déni culturel avec une volonté de rendre impossible le débat sur la question, les intellectuels étaient particulièrement interpellés. Ainsi, pour réussir la renaissance culturelle en Afrique du Sud, il fallait prendre part activement à la lutte pour la libération totale du peuple opprimé. Les écrivains et les artistes étaient convaincus que la civilisation d’un peuple, ce sont aussi ses lettres et œuvres d’art, d’où l’engagement littéraire dans la défense et la diffusion des valeurs et vertus de la civilisation sud – africaine noire : « La littérature est évidemment un des éléments constitutifs de la ‘civilisation’ d’un peuple, et les œuvres sont bien inscrites dans une histoire »268. La richesse et l’impact des œuvres littéraires sur la lutte anti-apartheid confirment cet enseignement de certains spécialistes de la méthodologie d’études et de recherches en civilisation. En Afrique du Sud, en face de l’abondante littérature coloniale, de justifications et de promotion de l’idéologie et des pratiques de l’apartheid a émergé tout un courant de défense de la cause des non Blancs. Les réactions littéraires n’ont pas été l’apanage des seuls Noirs. Les Blancs, y compris des intellectuels afrikaners, des Noirs, des Indiens, des métis, entre autres, se sont manifestés par leur engagement contre l’apartheid en constituant un bouclier résistant autour des victimes du racisme.  Parallèlement à cet engagement surprenant d’intellectuels blancs en faveur de la cause des Noirs, une école de pensée, « l’école des années 60 », a vu le jour avec la particularité de la remise en cause des idées et convictions authentiques des Afrikaners. Cette école incarnée par un groupe d’écrivains radicaux qui ont fait leurs études supérieures à Paris (France) au cours de la décennie précédente, selon la description de Patti Waldmeir, véhiculait une nouvelle culture afrikaner soumise aux influences étrangères à travers l’œuvre des Sestigers269. Ces nouvelles influences ajoutées à celles de départ confortées par la question des intérêts de camps et de clans opposés ont généré de nouvelles divisions politiques reflétant les classes sociales chez les Blancs: les verkrampte270 qui sont les esprits étroits constitués des petits employés de bureau, des ouvriers, des fermiers sensibles à la promotion de l’apartheid et convaincus de la justesse de sa politique, et les verligte, considérés comme étant les esprits éclairés composés par les universitaires, les acteurs des professions libérales, des milieux d’affaires et les jeunes cadres modernes militant en faveur du changement de politique et d’orientation pour plus d’équité et de justice sociale. Ces oppositions idéologiques et doctrinaires fragilisaient la force raciste des Blancs tout en imposant de nouveaux contenus littéraires et de courageuses positions intellectuelles dans leurs rangs. L’unique femme parmi la liste très serrée des prix Nobel de littérature d’origine africaine, Nadine Gordimer, Blanche de surcroît, s’est fait distinguer dans le monde des arts et lettres par ses combats contre l’apartheid avec sa riche et courageuse bibliographie sur la question raciale. Comme pour reprendre ce vers du poète français Lamartine qui dénonce la passivité complaisante là où l’action s’impose lorsqu’il souhaite « Malheur à celui qui chante pendant que Rome brule », des hommes et des femmes engagés ont pris leurs plumes pour dénoncer et présenter la qualité des preuves des vérités sur l’histoire et la civilisation des Noirs riches en valeurs et hauts faits niés et rejetés par les Blancs. Malgré la tyrannie du régime et son aversion contre les intellectuels dues principalement à la remise en question des fondements idéologiques de l’apartheid par ces derniers, la plume au poing, les écrivains se sont essayés dans l’affrontement des hommes avec armes au poing. À l’imposition de la loi du silence aux intellectuels, ces derniers s’opposaient même en se cachant par leurs plumes à travers leurs vers. Ce qui fera dire à Nadine Gordimer que « La poésie est à la fois une cachette et un haut-parleur.». Un autre poète aussi engagé qu’elle, James Matthews, alliait dans son offensive contre les Blancs radicalisme et ouverture au dialogue et à la réconciliation. Matthews voit à travers la plume une arme efficace dont l’effet peut être aussi féroce et dissuasif qu’une munition d’arme à feu. Sa théorie semble sous-entendre le recours à la violence verbale, comme ses mots qui suivent laissent apparaître une dénotation de la valeur qu’il donne aux mots : « Les mots sont des balles de fusil. Comme elles, ils doivent toucher leur cible. » Cette dernière cible à cribler de « balles » ne sous-entend personne d’autre que les bourreaux blancs des Noirs. Néanmoins le co-auteur de Cry Rage, selon Florence Vaillant, comme Martin Luther King et son « I have a dream », ne désespérait pas au sujet de la levée du grand jour de la réconciliation raciale en dédiant son ouvrage « aux enfants d’Afrique du Sud qui ne formeront un jour qu’une seule famille, qui deviendront tous frères et sœurs » . Dans cette perspective, les mots servaient à soigner les maux et à freiner leurs causes. Ainsi, les réactions littéraires ont emprunté deux voies selon leur degré d’engagement dans  la prise de risques suicidaires. D’une part, s’exprimaient les tenants de la ligne dure par la promotion de la littérature des révoltés qui favorise les appels à la lutte, à la rébellion et aux soulèvements pour l’autodéfense et, d’autre part, certains militaient en faveur de la résignation par des appels au secours275.

Les apports des intellectuels et des acteurs culturels dans l’internationalisation du combat contre l’apartheid

Des rares prix Nobel (littérature et paix) décernés à des Africains, l’Afrique du Sud arrive en tête avec ses lauréats. Les travaux des deux lauréats en littérature, Nadine Gordimer (1991) et John Maxwell Coetzee (2003), accordent une place prépondérante à la question raciale, notamment les réalités de la vie sud – africaine sous le régime de l’apartheid. Déjà, avec la guerre des Boers, le pays était sous les feux des projecteurs médiatiques avec de multiples récits sur les réalités qui y sont vécues. L’histoire et la culture des Boers ont connu un regain d’intérêt aux Pays – Bas où ils sont originaires et y a suscité une ébullition intellectuelle dans les milieux littéraires et universitaires. La confusion entretenue entre l’identité boer et les valeurs hollandaises en est pour beaucoup. La diversité culturelle et les divergences idéologiques qui en découlent ne sont pas, de toute évidence, étrangères à la Hollande. Et la condition boer qui avait contraint les Afrikaners, ce peuple austère et calviniste inspiré par l’Ancien Testament, à chercher une nouvelle terre d’accueil à laquelle ils vouent un attachement quasi démentiel faisait l’objet de maintes réflexions et productions philosophiques et littéraires. Cette meilleure connaissance de la mentalité et des préoccupations des Boers à travers leur histoire et leurs croyances et convictions a participé à beaucoup aider les cercles d’influences et de décisions à travers le monde à pouvoir prendre les bonnes positions et décisions sur la question de la double colonisation en Afrique du Sud. 279 Dans les années 60, la presque totalité des meneurs de la lutte anti – apartheid étaient jetés derrière les barreaux, s’ils n’étaient pas torturés à mort. De très sévères peines d’emprisonnement leur furent infligées : elles variaient d’habitude entre une dizaine d’années et des condamnations à perpétuité assorties de travaux forcés, si ce ne sont des peines capitales. Cependant, les prisons étaient devenues du coup de hauts lieux de complicité, d’amitié et d’élaboration de nouvelles stratégies de dénonciation des violations flagrantes des droits de l’homme les plus élémentaires et / ou d’invention de méthodes de luttes plus sophistiquées et plus sournoises. Les plus chanceux des combattants pour la liberté se retrouvaient en résidence surveillée ou en exil forcé. Déjà en 1965, toutes les organisations anti – apartheid connues étaient déclarées illégales et une recherche effrénée d’indices pouvant conduire à la découverte d’initiatives, d’idées ou d’actions similaires fut lancée. Le règne de la peur dans le camp des victimes devait achever la volonté de tuer dans l’œuf toute velléité de rébellion ou de dénonciation politique sous quelque forme que se soit. Malheureusement pour le régime, l’ampleur et le degré de la violence d’État avaient atteint le niveau de saturation qui avait fini par la rendre banale. Tout ce qui est excessif devenant naturellement dérisoire, le camp de Mandela avait perdu la faculté d’avoir peur, car ayant réussi à triompher sur ce sentiment et cet état d’esprit, comme pour confirmer l’assertion selon laquelle « le courage n’est pas l’absence de peur, c’est le triomphe sur la peur ». L’internationalisation du combat et la sensibilisation efficace de l’opinion internationale sur la justesse et la légitimité de la cause des Noirs en Afrique du Sud revenaient principalement aux exilés. Ces derniers ont noué des alliances avec d’autres organisations poursuivant des buts similaires en Afrique et dans le reste du monde. Des bureaux nationaux ont été ouverts dans plusieurs pays soutenant leurs luttes. Des 280 intellectuels africains et occidentaux bien sensibilisés ont servi de relais dans des tribunes à grande audience et ont usé de leur influence auprès de grands décideurs du monde libre. En sa qualité de président en exercice de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’OUA (1986 – 87), le président congolais Denis Sassou N’guesso a joué un rôle d’une importance capitale dans la mobilisation des intellectuels contre l’apartheid en Afrique du Sud. Il a, en effet, organisé à Brazzaville « un symposium mondial des écrivains contre l’apartheid281 sur le thème ‘Les écrivains accusent l’apartheid’ », avec un impact très positif sur les réactions très molles, sinon complaisantes, de certaines grandes puissances économiques influentes dont les jugements portaient surtout sur les performances d’une des meilleures et plus solides économies africaines à ne pas déstabiliser, en l’occurrence celle sud – africaine. Les considérations économiques l’emportaient dans leur entendement sur le respect des droits humains et de la promotion de l’égalité raciale et des chances par la suppression du travail servile et de l’exclusion totale et entière de la grande majorité noire de la vie de leur pays.282 Conscients du fait que la lutte des Noirs ne concernait pas uniquement l’ANC, les prisonniers de Robben Island qui avaient décidé de produire des réflexions intellectuelles sur la condition noire dans leur pays sont allés au – delà des frontières sud – africaines pour le choix de leur thème général.283 Ainsi, pour permettre à leur co – victime des luttes de libération d’origine namibienne, Andimba Toivo ya Toivo, le secrétaire général et membre fondateur de la SWAPO (South West Africa People’s Organisation), de produire une contribution dans leur travail collectif, Mac Maharaj avait proposé le thème ouvert : Problems of the National Liberation Struggle in Southern Africa. Le combat intellectuel n’était pas donc l’apanage des seuls exilés ou autres Sud – Africains vivant sans contrainte  à l’étranger. Cependant, la bande à Olivier Tambo, Moses Kotane, Yusuf Dadoo, Joe Slovo, J. B. Marks a joué un rôle de premier plan en Afrique et en Europe. D’un autre côté, des Blancs sud – africains, surtout des intellectuels libres d’esprit et porteuses d’idées libérales et progressistes, ont apporté de précieux concours aux luttes de la Conscience Noire et à la réhabilitation ultérieure de figures politiques héroïques. Si aujourd’hui, Steve Biko, la figure de proue du Mouvement de la Conscience Noire a pu retrouver la place qui est la sienne dans la conscience populaire sud – africaine postapartheid, les Noirs le doivent principalement à deux Blancs : Donald Woods284 et Naomi Jacobsen. Mieux encore, le déclic du rapprochement, pour ne pas dire la réconciliation entre partisans du martyre et ancien leader du PAC (Pan – African Congress) et ceux de l’ANC, fut bien lancé par l’œuvre commune de ces Blancs avec la sagesse bienveillante de Nelson Mandela, président du pays en fonction au moment des faits. Abandonnée et oubliée dans un petit cimetière cédé aux herbes de sa ville natale de King William’s Town, la tombe du vaillant combattant Biko ne faisait l’objet d’aucune attention dans la nouvelle Afrique du Sud qui n’avait d’yeux et d’oreilles que pour Mandela, qui n’était pourtant pas, malgré son mérite sans limite, le seul grand combattant digne de reconnaissance et d’éloges dans la lutte pour la liberté. Donald Woods, le responsable d’alors par intérim de l’Institute for the Advancement of Journalism, sur proposition de son ami Allister Sparks, auteur de plusieurs travaux sur les questions raciales du pays, en accédant positivement à la suggestion de la plus célèbre sculpteuse blanche, Naomi Jacobsen, de parrainer la réalisation du statue de Steve Biko par ses soins a réussi par la suite à fédérer toute la nouvelle nation multiraciale autour de Biko. En effet, il a pu mobiliser les financements nécessaires auprès de généreux donateurs, de grands artistes pour des prestations à l’honneur du défunt héros comme Peter Gabriel, les autorités 284 Donald Woods, op. cit., (chapitre The Biko Statue). 282 municipales de la ville de East London et le dévoilement de la plaque d’inauguration par Nelson Mandela en présence de plusieurs milliers de militants de partis politiques différents. En plus des réponses positives et publiques des leaders du Pan – Africanist Party, du Azanian People’s Organization et de l’Inkatha Party du Chef Mangosuthu Buthelezi à l’appel du président Mandela à l’attention des différents chefs de parti noirs concurrents au sien pour l’union dans la construction de l’avenir du pays, ce 12 septembre 1997 marquant le vingtième anniversaire de la mort de Biko avait consacré également le baptême du plus grand pont de East London, le Buffalo Bridge, qui portait le nom d’un symbole de l’apartheid des années les plus sombres, l’ancien premier ministre B. J. Voster, en son nom, l’élévation de son ancien domicile au rang de monument national, l’implantation d’un autre statue Biko dans la petite ville de King William’s Town et la décision de prendre en charge officiellement le cimetière qui abrite la tombe de Biko. Au – delà de l’éminent rôle joué dans la dénonciation intellectuelle multiforme de la politique d’apartheid qui était en vigueur dans son pays, Donald Woods ne se s’est pas simplement suffi de se dresser contre sa propre race, à ses risques et périls, pour défendre l’équité et la justice, mais s’est aussi dressé contre les tentations de jeter dans l’oubli de grands héros sur des bases de rivalités politiques autour de la réclamation de la paternité de l’histoire aux multiples facettes d’un pays très particulier. Et c’était dans le même ordre d’idées, qu’il a travaillé à vulgariser les idéaux et les mérites de ces héros du pays à travers son film Cry Freedom en faisant appel à un acteur de la trempe de Denzel Washington pour y incarner le rôle de Steve Biko. Ces formes décomplexées et déracialisées de l’engagement intellectuel sont cruciales dans la réussite de la construction de la nouvelle nation arc-en-ciel, mais elles constituent également une sage leçon outre – tombe contre l’extrémisme et le radicalisme en toute épreuve à l’endroit de Biko et de ses partisans. 283 Biko menait un combat juste mais clanique dans la victoire où le Blanc n’était pas censé occuper une bonne place et ironie de l’histoire, ce sont des Blancs qui le réinstallent dans l’histoire de son pays, au grand bénéfice de la restauration de la vérité historique. 3. La nouvelle littérature sud – africaine La nouvelle littérature sud-africaine n’est pas celle de la thématique postapartheid. Elle ne se consacre pas exclusivement sur la dénonciation pamphlétaire des nouveaux problèmes du pays, encore moins sur les célébrations apologétiques des succès de la nouvelle nation arc-en-ciel. Elle est à la fois prospective et rétroperspective. Littérature de bilan d’actions, elle véhicule des messages et récits de reflets du passé ségrégationniste pour exprimer une nostalgie mal dissimulée ou une volonté de rectification des manipulations de la vérité historique et de recadrage du présent. Elle joue le rôle de conjonctions de coordination entre le passé fait de conflits et le présent marqué par des réconciliations. Sa thématique est aussi d’ordre identitaire, en plus de sa prise en charge de l’engagement politique non racialisé et son souci de promotion des valeurs universelles des droits de l’homme sur la base d’une pression qu’elle exerce sur le politique et le citoyen, comme pour se désoler de la cadence pour la mise à jour du pays sur ce registre. Les auteurs contemporains sont très friands des sujets relatifs aux moments sombres de l’histoire du pays. À l’image d’esclaves affranchis dont les chaînes détachées sont découpées et jetées, avec la fin des censures et des sanctions sévères contre les têtus qui osaient faire allusion aux réalités raciales du pays sans emprunter la ligne de la justification ou de la légitimation, la jouissance de la liberté intellectuelle et d’opinion a généré un boom littéraire. Les écrivains trouvent l’occasion de se « goinfrer » des « fruits interdits » de l’apartheid et de ses expressions, représentations et conséquences.La nouvelle littérature participe également à la redéfinition décomplexée de concepts vagues, creux, racialement orientés et à l’accréditation suivie de la vulgarisation des emprunts culturels dans des récits que véhicule une langue différente, mais plus efficace, pour atteindre un public plus large. En remettant, par réalisme et par militantisme idéologique, sa langue maternelle à sa juste et vraie place, l’afrikaans285 dont le régime de l’apartheid a toujours caché « les origines hybrides – esclaves africains et néerlandais – », le romancier sud – africain et professeur de littérature aux États – Unis, Mark Behr, qui pense local et agit global, se libère de sa prison et de sa loyauté linguistiques en affirmant clairement dans un entretien relatif à ses choix littéraires son option d’évaluer globalement la situation générale de son pays à travers ses mélanges de thèmes dans ses écrits et son style d’écriture. 

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : HISTOIRE ET FONDEMENTS DES EXPÉRIENCES COLONIALES ET D’APARTHEID DE L’AFRIQUE DU SUD : LA RÉALITÉ ENTRE LES DYNAMIQUES ÉCONOMIQUES MANIFESTES ET LES JUSTIFICATIONS PHILANTROPIQUES MANIFESTÉES
INTRODUCTION DE LA PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE I : APPROCHES D’IMPLANTATION ET ACTIONS D’IMPOSITION DES POLITIQUES DES POUVOIRS COLONIAUX
1. Présentation générale de l’Afrique du Sud actuelle : tentative d’explication du passé par le présent à partir des aspects physiques, économiques, culturels et politiques
2. La VOC (General Veerenigde Nederlandsche Geoctroyeerde Oostinddische Compagnie), le Cap et l’établissement du pouvoir colonial hollandais
3. Les Britanniques en Afrique du Sud et leurs stratégies et politiques de domination économiques (90 – 1948)
CHAPITRE II : LES CONFLITS D’INTÉRÊT ENTRE FORCES COLONIALES : EXPRESSIONS, CAUSES ET CONSÉQUENCES
1. Industrialisation, mines et situations socioéconomiques des différents groupes raciaux :
de « l’enfer mécanisé » de l’or et du diamant au profit des Blancs
2. La « Guerre des Boers » et ses liens avec les richesses naturelles
3. Les résistances des pouvoirs traditionnels locaux et des populations indigènes
CHAPITRE III : LES TRAITS DE CARACTÈRES DES ACTEURS MAJEURS ET LES JUSTIFICATIONS IDÉOLOGIQUES DU COLONIALISME ET DE L’APARTHEID
1. Présentation psycho – sociologique et historique de la communauté afrikaner
2. Le Grand Trek des Afrikaners
3. Les fondements idéologiques et religieux de l’apartheid et ses politiques diplomatiques et de communication (propagande)
CHAPITRE IV : LA LÉGISLATION D’APARTHEID : DROITS, ÉTHIQUE, INTERDITS ET OBLIGATIONS
1. La segmentation de la population
2. Le développement séparé, la bantoustanisation et la politique d’habitat
3. La politique culturelle et éducative
DEUXIÈME PARTIE : LE MOUVEMENT DU « BLACK CONSCIOUSNESS » ET LA LUTTE POUR L’ABOLITION DE L’APARTHEID ET L’AVÈNEMENT D’UN ÉTAT DÉMOCRATIQUE ET D’UNE NOUVELLE NATION MULTIRACIALE
Introduction de la deuxième partie
CHAPITRE I : STRATÉGIES ET INSTRUMENTS DE PROTECTION DE L’HÉGÉMONIE BLANCHE
1. Des dynamiques d’ordre public et de la domination mentale : méthodes et implications de la répression physique et morale
2. Sexisme, virilité et triple victimisation féminine : l’utilisation de la femme brisée comme arme fatale
CHAPITRE II : LE COMBAT IDENTITAIRE ET SES IMPLICATIONS POLITICO-SYNDICALES ET SOCIALES
1. Contributions et influences des organisations scolaires, estudiantines, citoyennes et syndicales
2. L’ANC et les autres formations politiques : rôles et relations
3. Des soulèvements sectoriels à la violence généralisée : pouvoir paysan, force ouvrière, rébellions scolaires et autres victimes
CHAPITRE III : LES RÉACTIONS LITTÉRAIRES, INTELLECTUELLES ET CULTURELLES
1. Les tendances littéraires et les écoles de pensée
2. Les apports des intellectuels et des acteurs culturels dans l’internationalisation du combat contre l’apartheid
3. La nouvelle littérature sud – africaine
Conclusion de la deuxième partie
TROISIÈME PARTIE ; LE PROBLÈME DE L’INTÉGRATION SOCIOÉCONOMIQUE DES NOIRS EN AFRIQUE DU SUD POST-APARTHEID
Introduction de la troisième partie
CHAPITRE I : LA CONSTRUCTION D’UNE NOUVELLE NATION ARC-EN CIEL
1. La réconciliation nationale
2. Rôles et apports du sport
3. Les pratiques et croyances traditionnelles à l’épreuve des droits humains
CHAPITRE II : LES CLASSES SOCIALES NOIRES ET LE « BLACK ECONOMIC EMPOWERMENT (BEE) » OU LA NOUVELLE POLITIQUE DE L’AFFIRMATIVE ACTION SUD – AFRICAINE
1. La naissance de nouvelles classes sociales
2. Fondements, cibles et mécanismes de financement du BEE
3. Impacts positifs et limites objectives du BEE 366
CHAPITRE III : LES NOUVEAUX DÉFIS D’UNE GRANDE PUISSANCE
ÉCONOMIQUE AFRICAINE
1. Problèmes sociaux et résistances identitaires : tentative d’explication de la xénophobie des Noirs
2. SIDA et politique de santé du gouvernement sud – africain
3. Actions, orientations et perspectives diplomatiques sud – africaines à l’heure de la renaissance et de l’Union africaines
Conclusion de la troisième partie
CONCLUSION GÉNÉRALE
GLOSSAIRE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE N° 1 : CHRONOLOGIE DES FAITS MAJEURS UTILES À UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DE L’HISTOIRE DE L’AFRIQUE DU SUD
ANNEXE N°2 : THE FREEDOM CHARTER
ANNEXE N° 3 : DISCOURS D’INVESTITURE DE NELSON MANDELA PRETORIA, LE MAI 1994
ANNEXE N° 4 : COMPOSITION DU PREMIER GOUVERNEMENT MULTIRACIAL DE LA NOUVELLE AFRIQUE DU SUD DÉMOCRATIQUE FORMÉ AU MOIS DE MAI 1994
ANNEXE N° 5 : LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
ANNEXE N° 6 : CARTES
INDEX.

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