Riposte biochimique et neurophysiologique suite à un stress sonore chez le rat Wistar

Modèle animal et élevage

24 femelles adultes de Rats Albinos provenant de l’Institut Pasteur ont fait l’objet de notre étude. Après réception, les rats ont été mis 10 jours au repos au niveau de l’animalerie pour une période d’adaptation. Ensuite ils ont été répartis en groupe de quatre par cage. La température et l’hygrométrie ont été maintenues respectivement à 25 ± 2 C° et 50%. La photopériodicitité spécifique à l’espèce du Rat Wistar (12H/12H) a été respectée. Après la période d’acclimatation, le protocole expérimental a démarré avec un poids moyen des rats mâles de 200 ± 20g. L’accès a l’eau et l’alimentation standard fournie par l’Office National d’Alimentation de Bétail était ad libitum. Un pré test a été effectué sur des mâles adultes par application directe de nos modèles de stress dans le but de les valider.
Mise en gestation et stress prénatal : Afin de stimuler et synchroniser le cycle œstral chez les femelles, des cages contenant 2 mâles ont été posées à côté de celle des femelles. Après 7 jours d’exposition aux phéromones masculines, les femelles ont été placées deux à deux avec un mâle pour accouplement. Le jour J0 de la gestation correspond au jour où la présence de spermatozoïdes a été vérifiée par frottis vaginal . Les femelles gestantes ont été réparties en 4 groupes expérimentaux de 6 rats et placées 3 par cage à savoir : Groupe témoin (T), groupe stress sonore (SS), groupe stress de contention (SC), groupe stress mixte (SM).
Traitement des femelles gestantes : A partir de J11 de la gestation jusqu’au J19, les groupes de stress ont été exposés quotidiennement entre 08 :00 et 10 :00 à des sessions de stress ; stress sonore, stress de contention et dans le troisième groupe un stress sonore suivi d’un stress de contention après une pause de 10mn. Le choix de cette période d’exposition au stress s’explique par le stade de neurogénèse chez le foetus du Rat qui commence à exprimer les récepteurs aux glucocorticoïdes et minéralocorticoïdes à partir de J13. Les rates des groupes de stress ont été exposées à ces modèles de stress : Les rates (SS) exposées au stress sonore pendant 3 mn, Les rates (SC) exposées au stress de contention pendant 10 mn, Les rates (SM) exposées d’abord au stress sonore pendant 3 min puis au stress de contention pendant 10 min avec un intervalle de temps de 10 min entre les deux épreuves de stress.

Traitement de la progéniture

Après 72 heures de la mise bas, tout les ratons ont été sexés et pesés et remis dans leur cages où ils étaient maintenus dans des conditions standards d’élevage décrites plus haut tout en évitant toute manipulation inutile. Par ailleurs, et en vue d’une exploration de l’état émotionnel et locomoteur, nous avons eu recours à une série de tests comportementaux qui ont été effectués à partir du jour post-natal 44 (JPN 44). Après sevrage et à JPN 44, uniquement les mâles ont été retenus pour la suite de l’étude. Des groupes de 16 mâles de chaque lot de stress ont été sélectionnés aléatoirement en vue d’une étude comportementale qui vise à l’évaluation de: Performances olfactives (test olfactif), Degré d’anxiété (EPM), Locomotion et exploration (OF), Capacité d’équilibration (BW).
Les tests de comportement ont été effectués selon l’ordre suivant : à JPN 10 : test olfactif, à JPN 44: BW, à JPN 45 : OF et EPM à JPN 46. Du fait de l’effet anxiogène de l’OF et EPM, ces deux tests ont été performés après le BW qui est un test très sensible à l’état émotionnel de l’animal. Un suivi du poids corporel des ratons a été réalisé jusqu’à JPN 30 en utilisant une balance de type OHAUS SC SERIES. Tous les tests de comportement ont été réalisés entre 08 :00 et 12 :00 AM dans un box différent de celui réservé à l’élevage. Une heure avant les épreuves de test, les animaux ont été transférés dans la pièce où se trouvent les dispositifs réservés à cet effet.

ACTH et Poids relatif des surrénales

Les concentrations plasmatiques sensiblement élevées de l’ACTH basale chez la descendance est considérée comme un effet majeur d’un stress prénatal, car des taux élevés et chroniques en ACTH mobilisent des secrétions accrues et chroniques aussi en GC et MC. Ce déséquilibre serait à l’origine d’une perturbation physiologique à plusieurs niveaux tissulaires.
Cependant, l’explication d’un tel désordre dans l’activité de l’axe HPA de la descendance semble susciter de plus en plus d’intérêt dans le concert scientifique sans pour autant arriver à apporter une explication unanime à cette question.
Un stress pendant la période de la conception pourrait exposer les fœtus à des taux élevés de glucocorticoïdes d’origine maternelle pouvant traverser la barrière hémato-placentaire et hémato encéphalique. Il a été déjà montré qu’une exposition aux GC maternels altère l’efficacité du rétrocontrôle des GC de la progéniture en diminuant l’expression génétique des GR au niveau de l’hippocampe ce qui pourrait expliquer le feedback négatif défaillant des GC et donc l’hyperactivité de l’axe HPA .
De plus, il a été établi qu’un stress prénatal provoque une augmentation de l’expression des GR au niveau de l’amygdale, structure clé dans le contrôle des émotions en l’occurence la peur et l’anxiété. Une telle surexpression des GR serait impliquée dans l’apparition de l’anxiété chez les rongeurs .
Plusieurs travaux ont réussi à démontrer que l’environnement prénatal n’est pas le seul facteur délimitant de l’expression des GR. En effet, la revue bibliographie faite par Elizabeth Cottrel et Seckl au sujet de la programmation épigénetique des GR, a bien résumé les principales conclusions de plusieurs travaux faits dans ce sens. Liu et al. [68] ont pu mettre en évidence que des ratons exposés à des soins maternels intenses tels que léchage et toilettage (High licking and Grooming : High-LG) ont connu une augmentation de l’ARNm GR et une réponse HPA réduite à l’âge adulte, comparativement au ratons ayant été exposés à peu de soins maternels (low-LG). Ceci dit que le taux d’expression des GR est directement corrélé aux soins maternels. Ces résultats ont été confirmés plus tard par Weaver en révélant qu’il n’existe aucune différence dans le degré d’expression des gènes à JPN 1 entre les deux groupes de rats : High-LG et Low-LG. Ce n’est qu’à partir de JPN6 que la différence d’expression génétique s’est manifestée. Cette augmentation d’expression serait médiée par l’activation des Voies sérotoninergiques (5-HT) en réponse à la stimulation tactile (Heandling ou LG maternel) .

Test du champ ouvert et de la croix surélevée

La batterie de tests comportementaux utilisés dans notre étude nous a permis d’évaluer l’exploration et l’activité locomotrice de la progéniture. Nos résultats rapportent des altérations dans le comportement locomoteur et explorateur dans les trois groupes de stress prénatal. Nos observations s’ajoutent à d’autres travaux qui ont aussi confirmé que le stress prénatal affecte le comportement motivationnel du Rat. Il est admis que la dopamine est un neurotransmetteur qui joue un rôle crucial dans le mouvement et la locomotion. D’ailleurs, plusieurs études ont conclu que la locomotion du Rat dans l’OF augmente en augmentant le nombre de récepteurs dopaminergiques stimulés . Il a été également noté qu’une déplétion de la concentration de dopamine s’accompagne d’une baisse de l’activité locomotrice . De même, le trouble de la signalisation dopaminergique semble être du à une défaillance de signalisation postsynaptique ; Slotkin et ses coéquipiers [86] ont pu détecter au niveau du cortex et de l’hippocampe de rats stressés prénatalement, une augmentation de la concentration synaptique de dopamine associée à une augmentation de son turnover (recapture présynaptique).
A la lumière de ses résultats, ils proposent comme explication : l’altération de la structure des récepteurs à dopamine qui paraissent incapables de fixer la dopamine induisant ainsi son accumulation dans l’espace synaptique, et donc sa recapture. L’exposition prénatale à des taux élevés de glucocorticoïdes pourrait moduler la densité et la distribution des neurones dopaminergiques et altérer son fonctionnement par des mécanismes qui restent jusqu’à lors méconnus. Plusieurs études ont montré que la réduction de l’exploration serait due à un dysfonctionnement du système sérotoninergique. Dans le même contexte, Lesch et ses collègue ont rapporté que le promoteur du gène qui code pour l’expression du transporteur de la sérotonine (5-HT) peut être l’objet d’un polymorphisme touchant une allèle de 43 paires de bases (forme longue) qui est connu pour être à l’origine d’une expression importante de 5-HT. Cependant, lorsque la forme courte remplace la forme longue de l’allèle, l’expression diminue. Cette dernière forme est également associée à l’apparition de troubles dépressifs .

Test du mât arrêté

Des travaux scientifiques ont montré qu’une exposition à une ambiance sonore affecte des régions non auditives dans le cerveau en l’occurrence l’amygdale et l’hippocampe qui reçoivent des entrées neuronales directes et indirectes du système auditif central .
Maladies cardiovasculaires, dyslipidémie, hyperglycémie, trouble de sommeil , altération des performances cognitives et beaucoup d’autres troubles sont générés par l’exposition au bruit environnemental. Les résultats ici présentés montrent l’apparition de troubles de locomotion chez les rats prénatalement stressés qui sont plus marqués chez les rats du groupe SS. Nous avons alors décidé d’étendre nos investigations en ciblant la coordination motrice des rats par l’utilisation d’un test plus spécifique à la coordination motrice, qui est le test du mât arrêté.
L’évaluation de la coordination motrice des rats a révélé une altération sévère de la capacité des rats SS à maintenir leurs corps en équilibre afin de traverser la barre du mât. Les rats du stress mixte ont également manifesté un trouble de la balance par rapport au groupe témoin, mais qui reste notablement moins important que celui des rats du stress sonore. Par contre, les rats SC n’ont manifesté aucune altération. Nos résultats ont tendance à soutenir l’idée de l’atténuation des effets des stresseurs combinés tels que avancé dans l’hypothèse d’Evans. En effet, rappelant qu’à selon Evans le stress mixte peut induire des effets soit par multiplication ou atténuation. En réalité, peu de travaux ont abordé les effets de synergie d’addition ou d’exclusion de stress différents. Il semble que dans le cas de nos paradigmes de stress, les effets ont été atténués. Les facultés adaptatives des mères exposées au stress mixte ainsi que celles de leur progéniture pourraient être à l’origine de telles réparations. En effet, l’exposition des femelles gestantes au stress sonore suivi par le stress de contention de façon chronique aurait éventuellement développé chez elles une habituation au premier stress (sonore) qui s’est révélé être la composante la plus stressante par rapport à la contention. Campbel et son équipe ont observé un comportement adaptatif chez des rats exposés à de multiples stress.

Glycémie et dyslipidémie

Les rats SS ont présenté une augmentation de la glycémie et manifesté une tendance à développer une hyper glycémie à jeun. La glycémie des deux autres groupes était comparable aux témoins. L’explication la plus probable est que le stress sonore augmente le passage des GC à travers la barrière hémato-fœtale. En effet, l’accès incontrôlé des GC au compartiment fœtal peut perturber des mécanismes métaboliques importants tels que le métabolisme glucidique et lipidique . En plus, dans leur action épigénetique, les GC maternels sont capables d’induire des désordres métaboliques chez la descendance ; Nyrienda et al. ont pu mettre en évidence l’influence des glucorticoïdes sur l’expression hépatique de la phosphoenol-pyruvate carboxy kinase (PEPCK) qui catalyse la transformation de l’oxaloacétate en phosphoenol pyruvate (PEP), une réaction clé dans la néoglucogenèse. Ils ont montré que l’exposition prénatale à la déxamethazone, analogue structural de la corticostérone, a provoqué une élévation de la concentration et de l’activité hépatique de la PEPCK en plus d’une surexpression de leurs récepteurs hépatiques, signe d’une hypersensibilité hépatique aux GC . De même, cette surexpression des GR a été également détectée dans le tissu adipeux abdominal, ceci contribuerait à la résistance à l’insuline dans le foie et le tissu adipeux viscéral . Une activité anormale de la PEPCK en plus de l’altération de l’action suppressive de l’insuline débouche sur une hyperglycémie persistante ce qui concorde avec notre résultat enregistré dans le groupe du stress sonore.
L’hyperglycémie apparait associée aux manifestations métaboliques suivantes : surpoids (cas des rats SS), hypertriglycéridémie, hyper LDL-cholestérolémie et hypo HDL-cholestérolémie, dans les différents groupes. Ces variations physiologiques et biochimiques sont caractéristiques du syndrome métabolique, décrit pour la première fois par Reaven 1988 .
L’obésité abdominale et l’insensibilité périphérique à l’action de l’insuline sont considérées comme facteurs centraux impliqués dans la survenue du syndrome métabolique. La résistance à l’insuline apparait lors d’une défaillance de signalisation intracellulaire (phosphorylation antagoniste des récepteurs de l’insuline : Insulin Receptor Substrat : IRS) suite à laquelle la transmission du signal métabolique de l’hormone est bloquée. La cellule musculaire devient résistante à l’insuline et ne permet plus l’entrée du glucose, l’hépatocyte produit du glucose en excès et baisse de l’activité de la lipoprotéine lipase (LPL) périphérique conduisant à la prolongation du temps de résidence des LDL dans le plasma.

Table des matières

I. Introduction générale
II. Matériel & Méthodes 
1. Modèle animal et élevage
1.1.Mise en gestation et stress gestationnel
1.2.Traitement des femelles gestantes
1.2.1. Stress sonore
1.2.2. Stress de contention
1.2.3. Stress mixte
1.3.Traitement de la progéniture
1.3.1. Etude comportementale
1.3.1.1. Test du test du champ ouvert (open field test)
1.3.1.2. Test de la croix surélevée (Elevated plus maze)
1.3.1.3. Test olfactif (reconnaissance du nid)
1.3.1.4. Test du mat arrêté (Beam walking test)
1.3.2. Prélèvement sanguin et dosage plasmatique
1.3.2.1. Dosage de l’hormone adénocorticotrope
1.3.2.2. Dosage des paramètres biochimiques
1.3.2.2.1. Glycémie
1.3.2.2.2. Cholestérolémie
1.3.2.2.3. Triglycéridèmie
1.3.2.2.4. HDL-Cholestérolémie
1.3.2.2.5. LDL-Cholestérolémie
1.3.2.2.6. Transaminases ASAT et ALAT
1.3.2.2.7. Formule numérique sanguine
1.3.3. Prélèvement d’organes
1.3.3.1. Extraction du cerveau et conservation par snapfreez
1.3.3.2. Technique d’immunohistochimie
A. Fixation
B. Confection des microsections
C. Immunohistochimie par fluorescence indirecte
2. Etude statistique
III. Résultats
1. Concentration plasmatique basale de l’ACTH
2. Poids relatifs des glandes surrénales
3. Etude comportementale
3.1. Test du champ ouvert
3.2. Test de la croix surélevée
3.3.Test du mât arrêté
3.4.Test olfactif : reconnaissance de l’odeur maternel
4. Paramètres physiologiques et biochimiques
4.1.Fluctuation du poids corporel
4.2.Glycémie
4.3.Cholestérolémie
4.4.Triglycéridèmie
4.5.HDL- et LDL-cholestérolémie
4.6.Transaminases : ASAT et ALAT
4.7.Formule numérique sanguine
5. Détection des CD25 par immunohistochimie
IV. Discussion générale
1. ACTH et poids relatif des surrénales
2. Test du champ ouvert et de la croix surélevé
3. Test du mât arrêté
4. Test olfactif 
5. Paramètres physiologiques et biochimiques
6. Glycémie et dyslipidémie
7. Cholestérolémie
8. Transaminases
9. Immunohistochimie
V. Conclusion et perspectives
VI. Références bibliographiques
VII. Annexes

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