Transport mésoscopique dans les nanotubes 

Dispersion des phonons

On s’attend de manière intuitive à ce que la courbe de dispersion comprenne six bandes correspondant, d’une part, à la vibration se propageant dans la direction du mouvement relatif des atomes (longitudinale : L) et, d’autre part, aux 2 vibrations normales à la direction de propagation (transverses : T) dans ou hors plan (notées respectivement i et o pour ‘in-plane’ et ‘out of-plane’) chacune pouvant être en phase (acoustiques : A) ou déphasée (optiques : O) entre atomes de la même maille.

Ainsi, de manière similaire à la dispersion électronique, la structure de bande des phonons peut être obtenue en déterminant l’Hamiltonien du système en approximant les vibrations du système par des oscillateurs à force constante [Dresselhaus 2005]. La courbe de dispersion ainsi obtenue, en considérant les forces exercées par les 3 plus proches voisins, est représentée sur la figure 1.4.
Notons quelques caractéristiques en centre de zone Γ. Les modes acoustiques (non marqués sur la figure 1.4) ont une énergie nulle. Les vibrations oTO sont quant à elles environ deux fois moins énergétique que les modes dans le plans. Ces deux derniers modes iTO et LO sont dégénérés, ceci peut se comprendre intuitivement en considérant que les variations relatives des liaisons sont les mêmes alors que seule la direction de propagation change. Cette dernière considération n’a à priori aucune influence pour une quantité de mouvement nulle. Cette dégénérescence va être levée par les interactions entre feuillets dans le graphite et la bande LO va présenter un extremum local au point marqué sur la figure (croix verte). Les spécificités de cette courbe concernant les modes actifs en spectroscopie Raman seront commentées dans le paragraphe 1.5.

Niveaux de Landau

Du point de vue classique, un électron libre, de masse m et de charge e, en mouvement à la vitesse ~v et soumis à un champ magnétique uniforme B va subir la force de Lorentz orthogonale au plan défini par les deux vecteurs précédents. Ainsi, il va avoir un mouvement circulaire appelé orbite cyclotron de fréquence ωc = eB m et de rayon r c = vωc.
Du point de vue quantique, le champ magnétique est introduit dans l’Hamiltonien du système à travers la transformation de l’impulsion, ~p → ~p − e ~ A où A est le vecteur potentiel
(B = rot( A)). C’est la substitution de Peierls. Si l’on résout l’équation de Schrödinger, on trouve les états propres dits de l’oscillateur harmonique. Ceux-ci sont quantifiés dans le plan orthogonal à B. Les fonctions d’onde correspondantes ont une étendue donnée par les rayons.

Dispersion électronique et Densité d’états

La relation de dispersion monoélectronique (obtenue par un modèle à un électron, donc sans interactions électrons-électrons) des SWNTs peut être déduite directement de celle du graphène en tenant compte des considérations précédentes. C’est l’approche dite de “zone folding” (repliement de zone). On remplace le vecteur d’onde continu du graphène par un vecteur “semi-quantifié”, c’est-à-dire continu selon la direction parallèle à l’axe du nanotube(k) et quantifié selon la direction de la circonférence (k q ). On obtient alors un système de 2N équations pour les bandes π − π ? décrivant les bandes 1D du NT [Mintmire 1998]

Nanotubes multiparois

De la même manière que pour la comparaison du graphène et du graphite, il apparaît intuitivement que les bandes π issues des différents feuillets vont pouvoir être plus ou moins couplées. Par contre, contrairement au graphite, rien n’indique qu’il est nécessaire de respecter un empilement particulier durant la croissance pour la stabilité cristallographique de l’ensemble. Nous allons présenter ici quelques considérations qualitatives issues de la bibliographie théorique ([Charlier 2007] et références incluses), sachant que celles-ci concerne surtout les DWNTs pour des raisons de ‘simplicité’ de calcul. Soulignons dès à présent que les méthodes actuelles de synthèse ne nous permettent pas de maîtriser la position et la chiralitérelative des différentes parois.

Commensurabilité et couplage interparois

La détermination du couplage entre parois peut être faite en calculant la probabilité de transmission tunnel entre les parois du nanotube. L’énergie de transfert (ou de saut) interfeuillets est de l’ordre de 0.4eV pour une distance de 0.34nm. Il est nécessaire de connaître l’enroulement relatif de celles-ci afin de déterminer la distance entre atomes des différents feuillets. Du point de vue cristallographique, un DWNT n’aura généralement pas de maille élémentaire permettant de décrire l’enroulement des deux parois en même temps. En d’autrestermes, il faut savoir s’il est possible de superposer les deux mailles élémentaires de manière à définir une base commune. On distingue deux principaux cas : le cas commensurable pour lequel les rapports entre les vecteurs de base sont des nombres rationnels et le cas incommensurable. Une vue de l’esprit consisterait à dire que dans le cas commensurable, si on superpose 1 atome de chaque paroi, on peut retrouver périodiquement d’autres atomes superposés si on parcours le nanotube selon sa circonférence et sa longueur.
Or, le réseau réciproque et la structure de bandes dépendent directement des coordonnées (n, m) du nanotube. Les structures de bandes dues à chaque feuillet vont donc être fortement dissimilaires et leurs points K ne seront pas confondus dans l’espace réciproque. L’interaction interfeuillets va donc dépendre des conditions de conservation de l’énergie et du vecteur d’onde.
On trouve ainsi que dans le cas incommensurable, la probabilité de transfert est nulle et ceci est également vrai pour presque tous les vecteurs k du cas commensurable [Kwon 1998]. Or, ces conditions ne sont strictes que pour un nanotube de longueur infinie et se relaxent dans le cas d’une longueur finie (relation d’Heisenberg). Donc, une interaction et un transfert de charge interparois vont pouvoir intervenir.

Ainsi les sous-bandes vont théoriquement pouvoir être différentes de celles obtenues en superposant les deux structures isolées. Les deux principaux résultats de ce transfert de charge [Marganska 2009, Kwon 1998], sont :
– l’ouverture (ou fermeture partielle) d’un gap dans une paroi métallique (ou semiconductrice), mais cet effet reste propre au cas commensurable ;
– un décalage du niveau de Fermi de la paroi interne vers de plus basses énergies, ou en d’autre termes un dopage en trous de celle-ci. Aucune évidence expérimentale claire de ces effets n’a encore été reportée à notre connaissance.

Autres effets : dimmensionnalité et écrantage

Dans les chapitres suivants, nous nous intéresserons principalement à des MWNT comprenant de très nombreuses parois. En effet, nous verrons au paragraphe suivant que les effets attendus ne seront observables avant 60T que pour des diamètres au moins égaux à 10nm.
Ainsi, avant même de considérer les effets interfeuillets, on se rend compte que la paroi externe va présenter un caractère moins unidimensionnel qu’un SWNT. Les valeurs typiques de l’énergie de gap (pour les semiconducteurs) et des distances entre-sous bandes vont être de l’ordre de quelques dizaines de meV. On s’attend également à un étalement progressif des SvH.
Un exemple est représenté sur la figure 1.9. On représente également sur cette figure un zoom de la structure de bande proche du CNP. Ainsi que les approximations de Dirac et paraboliques pour les 1 res sous-bandes métallique et semiconductrice respectivement.

D’autre part, il a été observé expérimentalement que la paroi externe va pouvoir protéger les parois internes [Iakoubovskii 2008]. Généralement, la paroi interne va présenter moins de défauts (en particulier moins d’adsorbats), être moins sensible à l’environnement chimique et, parfois, à une contrainte extérieure. Ceci va se traduire par un écrantage du potentiel extérieur, donc un plus faible dopage de celle-ci.

Signature Raman des multi parois et de l’effet interparois dans le graphite

En raison de leur diamètre externe large et du fait qu’ils sont composés de nombreux tubes concentriques, le spectre Raman des MWNT va être plus complexe à interpréter que pour les SWNT. De plus, bien qu’on puisse s’attendre à de nouvelles particularités, ceuxci n’ont pas fait l’objet d’une étude intensive, en particulier en tant qu’objets individuels.
Nous pouvons tout de même nous référer à quelques travaux effectués sur de petits fagots de MWNT [Rao 2000, Zhao 2002a], sur des DWNT [Villalpando-Paez 2008, Yuan 2009] et sur les particularités de la transition graphène-graphite [Lee 2008, Gupta 2006a].

La transition du graphène au graphite HOPG a été étudiée en fonction du nombre de feuillets (non reproduit ici) [Gupta 2006a]. Considérons ce dernier point pour la bande G. La forme du pic en une seule Lorentzienne n’est pas modifiée, seule la fréquence du phonon actif décroît de…….à cause de la levée de dégénérescence due aux liaisons interfeuillets. La bande 2D est quant à elle décalée vers les hautes énergies et va présenter une structure en deux pics (distincte de celle dans les SWNTs) également due à l’interaction entre feuillets. Si on considère maintenant du graphène epitaxié, le couplage entre parois étant beaucoup plus faible, le décalage de la bande G n’a plus lieu et la bande 2D est décalée vers les plus hautes énergies mais conserve une structure proche de la Lorentzienneunique [Lee 2008].

Nous ne reviendrons pas sur l’ensemble des particularités de l’étude de DWNT uniques mais soulignons tout de même deux résultats importants [Villalpando-Paez 2008]. Concernant la bande RBM, la fréquence correspondant à la paroi interne va être décalée vers les basses énergies par rapport aux SWNT et ceci d’autant plus que son interaction avec la paroi externe va être importante. Il est possible d’observer dans le même temps un seul pic de bande G pour chaque paroi et il semble que le pic 2D n’est observé que lorsqu’il y a résonance. Par ailleurs, on s’attend à une Lorentzienne multiple pour ce dernier uniquement dans le cas de structures commensurables.
Enfin, les MWNT et le graphite partagent un pic caractéristique, appelé D ? , autour de 1610cm −1 , figure 1.17.B. Celui-ci est dû à un maximum local de la bande LO introduisant un processus similaire à celui de la bande D (mais intravallées) faisant intervenir ces phonons.

Plus généralement, il a été observé pour les MWNT des spectres proches de ceux du graphite, en particulier pour la bande G. Et les pics RBM ne peuvent pas être observés car les signaux associés sont faibles et étalés en énergie en raison des nombreux pics. Pour certains MWNT obtenus par croissance par décharge à l’arc, la paroi interne peut être suffisamment petite pour entrer en résonance avec l’énergie du laser [Zhao 2002a, Rao 2000]. Dans ce cas seulement, des pics RBM peuvent être observés ainsi que le splitting de la bande G similaire à celui décrit pour les SWNT.

Transport balistique et formalisme de Landauer-Büttiker

Comme nous l’avons évoqué précédemment, la conductance G, d’un conducteur balistique (le > L) n’est pas nulle mais finie. Une approche intuitive de sa détermination permet d’introduire le formalisme de Landauer et son extension au cas généralisé aux contacts multiples et en présence de champ magnétique par Büttiker. On se référera par la suite au formalisme de Landauer ou Landauer-Büttiker. Celui-ci permet de mettre en évidence que la conductance d’un échantillon est proportionnelle au nombre de canaux de conduction et à un terme de transmission prenant en compte la diffusion dans le système et/ou aux contacts. Nous nous contenterons par la suite du cas de conduction par les électrons mais ce raisonnement peut s’appliquer à la conduction par les trous en modifiant les statistiques d’occupation et en considérant certaines valeurs absolues.

Conductance d’un système balistique entre deux contacts ‘parfaits’

Ce cas correspond au cas idéal où il n’y a aucune diffusion dans le conducteur (le > L) et aucun phénomène d’interférence (auquel nous nous référerons sous le nom de contacts ‘parfaits’). Considérons un système balistique unidimensionnel de longueur L relié à deux réservoirs (les électrodes amenant le courant) (voir figure 2.1.a). Les contacts entre le système et les réservoirs sont ‘parfaits’, c’est-à-dire qu’on considère qu’il n’y a pas de réflexion des électrons allant du système vers les réservoirs (ce n’est pas nécessairement le cas dans l’autre sens). Ceci a pour conséquence que tous les électrons de vecteur d’onde +k proviennent uniquement du réservoir 1 (de gauche) et ces états se dépeuplent uniquement dans le réservoir 2(de droite) et réciproquement pour −k. Nous noterons N le nombre de canaux (ou modes) de conduction accessibles sous polarisation (µ1 − µ2 ), ceux-ci correspondent aux sous-bandes accessibles dans le domaine d’énergie alors considéré. Les réservoirs macroscopiques ont une très grande densité d’états au niveau de Fermi alors que le conducteur 1D ne va pouvoir conduire qu’à travers un nombre restreint de canaux en raison de la quantification des états électroniques dans les directions perpendiculaires au courant. Le système peut ainsi être vu comme un guide d’onde électronique (voirparagraphe 2.1.4.1).

Ainsi, sous polarisation nulle, le courant doit être nul ce qui implique que le potentiel du fil est aligné aux potentiels des réservoirs. Lorsqu’on applique une différence de tension entre les réservoirs, la variation de potentiel dans les réservoirs va être négligeable en raison de la très forte densité d’état : (µ1 − µ2 ) ≡ −e(V 1 − V 2 ). Par contre, dans le conducteur mésoscopique, le quasi-niveau de Fermi des électrons de vecteur d’onde +k va s’aligner avec celui du réservoir de gauche car aucun électron provenant du réservoir de droite ne peut être dans un état de vecteur d’onde positif (cf. figure 2.1.b) ; idem pour −k et le réservoir de droite. Il apparaît une distribution hors-équilibre qui va entraîner l’apparition d’un courant.

Table des matières

Introduction 
1 Structure de bandes des nanotubes 
1.1 Graphène et graphite
1.1.1 Structure cristallographique
1.1.2 Dispersion électronique
1.1.3 Dispersion des phonons
1.1.4 Niveaux de Landau
1.2 Nanotubes monoparoi
1.2.1 Réseau direct et chiralité
1.2.2 Réseau réciproque et relation de quantification
1.2.3 Dispersion électronique et Densité d’états
1.3 Nanotubes multiparois
1.3.1 Commensurabilité et couplage interparois
1.3.2 Autres effets : dimmensionnalité et écrantage
1.4 Modification de la structure de bandes électronique par un champ magnétique
1.4.1 Champ magnétique parallèle à l’axe du nanotube : Effet Aharonov-Bohm
1.4.2 Champ magnétique normal à l’axe du nanotube : Niveaux de Landau
1.5 Phonons et spectroscopie Raman des nanotubes de carbone
1.5.1 Modes de vibration des nanotubes
1.5.2 Principaux pics Raman du spectre des nanotubes
1.5.3 Signature Raman des multi parois et de l’effet interparois dans le graphite
2 Transport mésoscopique dans les nanotubes 
2.1 Régimes de transport
2.1.1 Longueurs caractéristiques
2.1.2 Transport balistique et formalisme de Landauer-Büttiker
2.1.3 Transport incohérent ou hautes températures
2.1.4 Transport cohérent ou basses températures
2.2 Transport balistique et diffusif dans les nanotubes
2.2.1 Configuration transistor
2.2.2 Contacts et nanotube parfaits
2.2.3 Transmission aux contacts
2.2.4 Défauts et désordre : transition balistique à diffusif
2.2.5 Effet du champ magnétique sur la conductance
2.3 Conclusion : Choix technologiques et paramètres clefs du transport
3 Cadre Expérimental 
3.1 Préparation d’échantillons
3.1.1 Nanotubes de carbone étudiés : MWNT de l’EPFL
3.1.2 Salle blanche : Du wafer silicium au transistor à base de nanotubes
3.1.3 Caractérisation des échantillons
3.2 Techniques de mesure : Mesures de transport électronique sous champs intenses
3.2.1 Production de champs magnétiques pulsés
3.2.2 Mesures de transport électronique
3.2.3 micro-Raman
4 Evolution de la bande G du spectre Raman de nanotubes multiparois sous l’effet d’un dopage électrostatique 
4.1 Évidences expérimentales
4.1.1 Conductance en fonction de la tension de grille
4.1.2 Spectre Raman à tension de grille nulle
4.1.3 Bande G pour différents niveaux de dopage
4.2 Discussion sur l’origine des pics constituant la bande G
4.3 Écrantage et couplage interparois
4.4 Discussion et Conclusion
5 Formation des niveaux de Landau 
5.1 Aplatissement des bandes métalliques en régime de Fabry-Pérot
5.1.1 Dépendance en température et en énergie de la conductance : apparition du régime de Fabry-Pérot désordonné
5.1.2 Émergence d’un niveau de Landau : dépendance en champ perpendiculaire des conditions de résonance
5.2 Formation des états propagatifs dans un nanotube semiconducteur
5.2.1 Conductance en fonction de la tension de grille : Caractérisation du couplage et position des sous-bandes
5.2.2 Magnétoconductance : Vers un état propagatif unique
5.3 Réintroduction de la rétrodiffusion et ancrage du niveau de Fermi dans un nanotube métallique
5.3.1 Champs intermédiaires : Perte d’une sous-bande à haute énergie, diffusion par les SvH
5.3.2 Forts champs : Rétrodiffusion au CNP et modulation du couplage de grille par le champ
5.4 Conclusion : Émergence, propagation et rétrodiffusion dans les niveaux de Landau des nanotubes
6 Effet Aharonov-Bohm multi-bandes 
6.1 Identification de l’énergie de Fermi et du régime de transport dans un nanotube métallique par effet Aharonov-Bohm
6.1.1 Dépendance en température de la conductance en fonction de l’énergie
6.1.2 Magnéto-oscillations de la conductance : Signature de la métallicité, du diamètre et de l’énergie des porteurs
6.1.3 Écart au régime balistique de bandes plates : barrières Schottky et défauts résonants
6.2 Conductance sous champ parallèle d’un nanotube semiconducteur : Modulation des extrema de magnétoconductance en régime diffusif
6.3 Conclusion : Le champ magnétique, un outil pour la caractérisation des MWNT
Conclusion 
A Paramètres des nanotubes de carbone et constantes utiles
A.1 Constantes universelles et grandeurs dérivées
A.2 Paramètres des nanotubes et transport électronique
A.3 Lexique
B Asymétrie électrons-trous en champ magnétique perpendiculaire
B.1 Résultats expérimentaux
B.2 Pistes d’analyse
C Publications et Communications
C.1 Revues internationales à comité de lecture
C.2 Communications avec acte
C.3 Communications sans acte
C.3.1 Communications orales
C.3.2 Séminaires
C.3.3 Posters
Bibliographie 

projet fin d'etude

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