Trois séquences pédagogiques pour l’enseignement du FLE par le théâtre

Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL)

Le CECRL permet d’avoir des références et des objectifs communs pour l’apprentissage des langues entre différents pays. La compétence langagière générale y est décrite avec des sous-parties qui sont, elles-mêmes, catégorisées en groupes qui sont subdivisés :
• Compétences générales : savoir, savoir-faire, savoir-être et savoir apprendre
• Compétences langagières communicatives : linguistique, sociolinguistique et pragmatique
• Activités langagières communicatives : réception, production, interaction et médiation
• Stratégies langagières communicatives : réception, production, interaction et médiation (CECRL, 2018 : 31).
La notion de médiation a été nouvellement introduite ainsi que les descripteurs pour les compétences plurilingue et pluriculturelle. La médiation est liée à la communication, l’apprentissage et elle a un rôle social et culturel : « La médiation est particulièrement pertinente avec un petit groupe en classe, pour des tâches collaboratives […] [où] les apprenants partagent différentes données, les expliquent et travaillent ensemble pour atteindre un objectif » (CECRL, 2018 : 35). L’augmentation et la précision des descripteurs a pour fonction « d’aider à l’harmonisation entre curriculum, enseignement et évaluation. » (CECRL, 2018 : 44).
Le CECRL propose six niveaux communs de références qui se regroupent en trois catégories : utilisateur élémentaire (pré A1, A1 et A2), utilisateur indépendant (B1 et B2) et utilisateur expérimenté (C1 et C2) et se développent sur deux axes : un qui décrit les activités et les aspects des compétences citées et l’autre qui représente les progrès de ces compétences (CECRL, 2018 : 35). Dans cette étude nous nous intéresserons particulièrement aux niveaux pré-A1 et A1 dont les objectifs généraux langagiers sont :
• Le niveau Pré-A1, constitue un jalon à mi-chemin vers le niveau A1, niveau de compétence où l’apprenant n’a pas encore acquis une capacité de s’exprimer de manière autonome, mais s’appuie sur un répertoire de mots et d’expressions toutes faites. (CECRL, 2018 : 48).
• Le niveau A1 (introductif ou de découverte – Breakthrough) est le niveau le plus élémentaire d’utilisation de la langue à titre personnel – celui où l’apprenant est capable d’interactions simples ; peut répondre à des questions simples sur lui-même, l’endroit où il vit, les gens qu’il connaît et les choses qu’il a, et en poser ; peut intervenir avec des énoncés simples dans les domaines qui le concernent ou qui lui sont familiers et y répondre également, en ne se contentant pas de répéter des expressions toutes faites et pré organisées (CECRL, 2018 : 171).

Définitions des composantes de la compétences culturelle selon Puren

Puren différencie et définit cinq composantes à la compétence culturelle qui développe des capacités spécifiques chez l’apprenant. La composante transculturelle permet de retrouver des valeurs communes dans la littérature et dans les manifestations culturelles de la langue cible et amène « à reconnaître son semblable dans tout être humain ». La composante métaculturelle apporte et développe des connaissances « à propos/à partir de documents authentiques représentatifs de la culture étrangère » étudiée. La composante interculturelle favorise la gestion des « phénomènes de contact entre cultures différentes » c’est-à-dire les méprises et les incompréhensions dues à nos préconceptions d’une culture étrangère par rapport à notre propre culture. La composante pluriculturelle permet de s’entendre en groupe sur une conduite concerté et recevable qui aide « le vivre ensemble dans une société multiculturelle ». Pour finir la composante co-culturelle permet la création « d’une culture commune d’action avec des personnes de cultures différentes » pour mener à bien un projet collectif. (Puren, 2013).

Autres matériaux théoriques

Nous nous appuierons aussi sur d’autres documents théoriques rédigés par des professeurs et des chercheurs en didactique des langues et en science de l’éducation.
Les premiers sont relatifs aux concepts proposés par Vygotski en matière d’apprentissage et de développement de l’enfant. Il s’agit des chapitres 4 et 5 « Apprentissage et développement I et II » du livre de Michel Brossard : « Vygotski, Lectures et perspectives de recherches en éducation » (2004). Ces écrits permettent de relier l’enseignement d’une langue par le théâtre au concept didactique plus général de l’apprentissage et du développement de l’enfant. Le texte de Jacques Lecomte sur « Lev Vygotski (1896-1934), Pensée et langage » (1998) nous donne une vision synthétique des principaux concepts de Vygotski en rapport avec l’apprentissage et l’enseignement.
« Les répertoires de théâtre dans l’enseignement du français langue étrangère » (2015) d’Eva-Marie Rollinat-Levasseur répertorie les œuvres théâtrales littéraires utilisées en classe de langue. Cette étude va permettre de faire le lien entre l’aspect littéraire et l’aspect culturel du théâtre. Rollinat-Levasseur a écrit d’autres textes et ouvrages sur la relation entre les pratiques théâtrales et l’apprentissage, qui pourraient être de bons supports pour l’approfondissement de ce travail.
• La construction d’une tâche d’apprentissage d’une langue étrangère dans les environnements informatiques » (2004) de Christian Puren et Abdi Kazeroni définit des paramètres d’utilisation de la tâche d’apprentissage en cours de langue étrangère.
• Quelques concepts organisateurs en didactiques des langues » chapitre III du livre Cours de didactique du français langue étrangère et seconde (2003) de Jean-Pierre Cuq et d’Isabelle Gruca, permet d’avoir une terminologie commune de la culture et de la langue.

Analyse théorique

Le théâtre comme moyen didactique en FLE

Nous proposons ici de développer les fonctions du théâtre et les possibilités pédagogiques qu’il offre pour l’enseignement du FLE et pourquoi il peut être un média de choix pour élaborer les activités en relations avec les objectifs pédagogiques de l’enseignement du FLE.
Notons tout d’abord que le théâtre permet de raconter quelque chose à quelqu’un : une histoire à un public. Le théâtre c’est : Le théâtre est l’art de communiquer, d’échanger et de créer. Il a plusieurs formes qui sont déterminées par des rapports entre des individus dont les principaux médias sont le langage et le corps. Dans ses formes, il y a toujours au minimum deux protagonistes : un émetteur (acteur/metteur en scène/écrivain) et un receveur (spectateur/acteur/metteur en scène). Ces deux protagonistes interagissent, d’un côté ils jouent, improvisent, proposent, lisent, récitent, déclament, parlent, écrivent et de l’autre ils regardent, écoutent, analysent, critiquent et commentent. Ces deux positions sont inhérentes au processus théâtral. L’interaction de ces deux protagonistes se développe de plusieurs manières et à plusieurs moments du processus théâtral avec différents supports, moyens et outils comme le corps, la voix, la langue écrite, la langue orale. La parole, les mots en sont l’expression principale mais il y a aussi l’écriture, la réflexion et la gestuelle. Les formes peuvent être variées et ne nécessitent pas forcément une structure spécifique aussi la classe peut être considérée comme lieu de représentation. Les fonctions d’échange et de communication qui régissent de manière probante la réalisation du projet s’effectuent aussi en amont de la réalisation et après sa production.
Dans un deuxième temps nous pouvons remarquer que le théâtre est relié à un contexte. Il se développe d’un point de vue culturel, social, politique, historique et linguistique. Dans la classe, les œuvres théâtrales et littéraires sont utilisées comme ressources, elles peuvent être étudiées, analysées et commentées. Elles peuvent aussi servir de support de travail pour les élèves en étant lues, récités, déclamés, jouées ou mises en scène, etc. Elles peuvent aussi servir élaborer un processus de création où l’élève prend exemple pour réécrire, créer ses propres textes à partir d’un travail d’écriture individuel ou collaboratif, ensuite les textes pourront être dits, joués et pour finir commentées. Rollinat-Levasseur a repérés trois types de textes qui sont utilisés dans l’enseignement : Des textes composés par les apprenants à partir de leurs improvisations […] ; des textes créés par les apprenants et/ou par l’enseignant-animateur de l’atelier à partir de textes préexistants (contes, récits, romans, nouvelles, poèmes, scripts de films, etc.) […] ; des textes dramatiques anciens ou contemporains écrits par des dramaturges […] (Rollinat-Levasseur 2015 : 66).
Si nous considérons le troisième type de texte définit par Rollinat-Levasseur, les textes ressources, le théâtre reflète en tant qu’art la société dans laquelle il se joue au même titre que la littérature. Le théâtre apporte un témoignage et un héritage artistique, culturel, historique, social et politique à travers les siècles et nous pouvons dire que le théâtre est en soi un aspect culturel de la « culture cultivée » comme nommé par Bourdieu, cité dans le chapitre« Quelques concepts organisateurs en didactique des langues » l’ouvrage de Cuq et Gruca Cours de didactique du français langue étrangère et seconde (2003 : 83). Si nous considérons maintenant les deux premiers types de textes cités par Rollinat-Levasseur, les textes de composition ou de recomposition, le théâtre devient le support d’un travail de production individuelle et collective. En travaillant à la création de textes, les apprenants construisent des relations entre eux qui élaborent de nouveaux rapports sociaux, identitaires et culturels autour et avec la langue. En ce sens le théâtre est très proche de la définition de la langue par les didacticiens Cuq et Gruca qui considèrent la langue « comme un objet d’enseignement et d’apprentissage composé d’un idiome et d’une culture » (Cuq et Gruca, 2003 : 80).

Théâtre et compétence culturelle

Le théâtre est un miroir de la société et permet de référer aux manifestations culturelles, historiques, sociales, politiques et langagières d’un pays qui en forment son héritage culturel et peuvent même avoir une dimension universelle. Donc le théâtre et par extension le cinéma (dont [Pagnol disait que] le film était la forme la plus accomplie de l’art dramatique » cité par Thierry Dehayes dans l’émission radiophonique La compagnie des œuvres) en tant que culture peut être envisagé comme ressource. L’apprenant peut reconnaitre, à travers des textes littéraires, radiophoniques et des œuvres cinématographiques, classiques ou contemporaines, « la diversité des manifestations culturelles » (Puren, 2013 : 5) et s’y associer. Puren parle de la composante transculturelle. Concrètement l’apprenant explore, avec la lecture et la traduction d’extrait de textes, la langue et la culture par exemple en étudiant et traduisant des comptines pour enfants ou un extrait de Saint Exupéry dans Le Petit Prince.
La culture de la langue cible est aussi envisagée comme une connaissance qui permet à l’apprenant de pouvoir « commenter (repérer, analyser, interpréter, extrapoler, réagir, juger, comparer, transposer) » celle-ci (Puren, 2013 : 5). L’apprenant repère les particularités qui modèlent la structure de la langue cible et les compare avec sa propre langue par exemple le féminin et le masculin ou les mots similaires. Puren parle de la composante métaculturelle.
Le théâtre permet à travers la langue et le répertoire tant historique qu’actuel de traiter de la culture, des rapports sociaux et politiques, de la vie quotidienne et d’être un support pour parler avec » (Puren, 2013 : 5). Ce qui en fait du théâtre un vecteur privilégié de la composante interculturelle en particulier les spectacles comiques diffusés sur YouTube permettent un accès facile à des formes théâtrales différentes et modernes. Par exemple : le one man show ou autre forme de présentation sur internet relate souvent des rapports sociaux comme les stéréotypes : les clichés sur les Français ou sur les homosexuels comme le fait l’artiste comique Alex Ramirès dans son sketch Les clichés sur les gays.
L’apprenant peut après avoir regardé et écouté l’extrait d’un monologue/spectacle traiter des idées préconçues, réfléchir et échanger sur la véracité des stéréotypes avec ses camarades.
L’apprenant se confronte à l’autre en ayant une idée de sa propre identité et de celle de l’autre et surtout « [il est] capable de prendre de la distance par rapport à sa propre culture être attentif aux incompréhensions et interprétation erronées » (Puren, 2013 : 7). C’est la composante pluriculturelle, l’apprenant se confronte à l’autre et va adapter son comportement en fonction des autres protagonistes et surtout « [l’apprenant est] capable de prendre de la distance par rapport à sa propre culture être attentif aux incompréhensions et interprétation erronées » (Puren, 2013 : 7). Le travail d’improvisation peut créer un contexte où les attitudes et les comportements s’ajustent en fonctions des réactions des élèves. Il peut se réaliser facilement avec un mime ou un texte simple par exemple comment dire bonjour en France puis comparer avec la Suède et d’autres pays représentés dans la classe. L’exemple des stéréotypes ou de la politesse peut permettre un travail de production de textes/dialogues variés différents en considérant la même situation de départ mais avec des personnages différents. La prise de conscience de sa propre identité et de celle de l’autre se développe à travers la création de récits sur différents comportements face à une même situation et permet une distanciation.
La composante co-culturelle amène l’idée de projet commun qui est la base du projet théâtral, et de « se créer une culture commune d’action » et donc s’oriente vers la tâche d’apprentissage (Puren, 2013 : 7). La mise en jeu fictive dans la classe ou réelle est un aboutissement par le théâtre d’un travail collectif qui aura permis la distanciation. Le théâtre peut permettre aussi de travailler sur la médiation elle-même à travers du « théâtre forum » qui axe le travail théâtral sur la prise de conscience de certains comportements en fonction d’une situation donnée, en étudiant et en créant des alternatives à cette situation et en les expérimentant soit par des jeux dramatiques soit par des échanges et des discussions. Par exemple, les apprenants débutants travaillent sur des débuts de répliques telles que « si j’étais français/fille/garçon, je dirais/ je serais/ je porterais/ je jouerais… » qui sensibilisent sur l’acceptation des différences individuelles, identitaires et culturelles. La création d’une banque de gestes définissant des mots permet la collaboration et la cohabitation du groupe et surtout donne la possibilité aux apprenants de créer un cadre commun qu’ils définissent eux-mêmes avec des discussions, des échanges, des collaborations, des projets afin de « cohabiter » (Puren, 2013 : 5).

La tâche d’apprentissage dans la perspective actionnelle

Dans le CECRL, la tâche d’apprentissage « est à relier à la théorie de l’approche actionnelle du cadre au sens de réalisation de quelque chose, d’accomplissement en termes d’actions ». La « tâche d’apprentissage est réalisée par l’action » d’un (ou de plusieurs) sujet(s) qui [y] mobilise(nt) stratégiquement les compétences dont il(s) dispose(nt) en vue de parvenir à un résultat déterminé ». L’usage et l’apprentissage d’une langue est donc caractérisés par : [Des] actions accomplies par des gens qui, comme individus et comme acteurs sociaux, développent un ensemble de compétences générales et, notamment une compétence à communiquer langagièrement. Ils mettent en œuvre les compétences dont ils disposent dans des contextes et des conditions variés et en se pliant à différentes contraintes afin de réaliser des activités langagières permettant de traiter (en réception et en production) des textes portant sur des thèmes à l’intérieur de domaines particuliers, en mobilisant les stratégies qui paraissent le mieux convenir à l’accomplissement des tâches à effectuer. Le contrôle de ces activités par les interlocuteurs conduit au renforcement ou à la modification des compétences. (Conseil de l’Europe, 2001 : 15).
Ainsi l’apprenant est mis dans une situation où il est « [acteur social] ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier » (CECRL, 2001 : 15). La notion de tâche est renforcée par l’ajout du mode de la médiation.
Plus concrètement et d’après Puren et Kazeroni, la tâche d’apprentissage est à envisager « comme un travail implicite ou explicite sur l’objet langue-culture », une série d’activités plus ou moins complexes englobées dans un projet qui forme un processus comprenant une découverte, une action à réaliser : la tâche en elle-même et une production. Elle permet aux apprenants d’agir et d’interagir au sein de la classe dans un même projet. La tâche d’apprentissage a une focalisation sur l’ensemble forme-sens ce qui permet à l’apprenant d’être en situation de production de sens tout en travaillant sur la forme. (Puren & Kazeroni, 2004 : 162-168).

Théorie de Vygotski et apprentissage par le théâtre

Si nous examinons, plus généralement, les possibilités de l’apprentissage pour le développement de l’individu, plusieurs recherches récentes s’appuient sur les théories de Vygotski comme l’explique Lecomte dans son résumé de « Lev Vygotski (1896-1934), Pensée et Langage » 1998, où le développement s’effectue du social vers l’individuel.
Selon Vygotski les notions d’apprentissage et de développement de l’enfant sont basées sur le fonctionnement du langage et de la pensée. Le langage est la médiation principale entre ce qu’il appelle les fonctions psychiques élémentaires ou naturelles et les fonctions psychiques supérieures. Le concept de développement de l’enfant est réalisé grâce à l’interaction et aux outils culturels qui permettent « la transformation des fonctions psychiques élémentaires en fonctions psychiques supérieures » (Brossard, 2004 : 11) ainsi l’enfant apprend et s’auto-construit, ce que Vygotski nomme le « processus incessant d’automouvements » et qui permettra d’ouvrir la « zone de développement prochain » cité par Van der Veer et Valsiner dans un texte de 1933, Vygotski écrivait :
Implanter quelque chose dans l’enfant… est impossible… il est seulement possible de lui faire subir un entraînement afin qu’il réalise certaines activités extérieures comme par exemple taper la machine. Pour construire une zone de développement prochain, c’est-à-dire pour engendrer une série de processus de développement interne, il nous faut mettre en place des processus d’enseignement-apprentissage scolaires élaborés avec soin (Brossard, 2004 : 99).
Le concept d’apprentissage est lié au développement d’activités multiples qui s’établissent à l’aide de la réalisation de plusieurs actions qui ont différentes fonctions dans un but précis et qui s’effectuent dans une réalisation humaine donc sociale (Brossard, 2004 : 15) et «la zone prochaine de développement » repose sur un apprentissage commun et collaboratif. Contrairement à Piaget où l’individuel procède vers le social et où le développement précède l’apprentissage, Vygotski développe l’idée que l’apprentissage découle du social et du collaboratif vers l’individuel ce qui implique que l’apprentissage précède le développement.
Lors de l’apprentissage de FLE par le théâtre, les activités pédagogiques débutent par une compréhension et une concertation commune puis en interaction avec les autres, l’apprenants va collaborer, proposer une réalisation orale et/ou écrite qui nourrira son apprentissage personnel.

Etude pratique : Trois séquences pédagogiques pour l’enseignement du FLE par le théâtre

Dans ce chapitre nous allons décrire l’étude de cas effectuée et relater l’expérimentation de notre recherche sur l’enseignement du FLE par le théâtre pour les apprenants débutants suédois. Nous avons proposé trois activités d’enseignement par le théâtre à des débutants de niveaux pré-A1, A1.2 et A1.2 (cours de 6 et de 7) que nous avons mises en place à travers des séquences pédagogiques lors d’un remplacement de professeur de français. Ces trois activités sont relatées ici ainsi que les critères d’évaluation utilisés. Les deux premières activités ont été réalisées plusieurs fois pour permettre aux élèves de s’approprier ces nouveaux modes dynamiques d’apprentissage par le théâtre, d’oser participer et de collaborer. La troisième activité proposée a été envisagée comme une tâche d’apprentissage en plusieurs étapes. Un questionnaire a été donné aux élèves (voir l’annexe) en fin de session pour savoir comment les activités théâtrales ont été perçues.

Première activité : présentation

La première activité se présenter est tirée du livre « Activités théâtrales en classe de langue » d’Adrien Payet, elle a été intégrée à la séquence pédagogique et adaptée en fonction de l’objectif du cours :
o Objectif pédagogique : se présenter
o Grammaire les verbes avoir et s’appeler au présent les trois personnes du singulier
o Lexique : la présentation personnelle
o Objectif : s’exprimer face au groupe
o Acquisition des questions comment tu t’appelles ? et Tu as quel âge ? avec réponse et variation j’ai 12 ans, elle/il a douze ans
Diriger ses mains vers une personne en posant la question, la personne répond en levant les bras, les deux participants de chaque côté de celle-ci formulent en chœur la phrase à la troisième personne (Payet, 2010 : 44).
L’apprenant a été évalué sur sa capacité à se présenter lui-même et à débuter une interaction en posant au moins une question à un autre élève. La prononciation, le juste emploi des pronoms personnels avec la conjugaison du verbe sont des facteurs de réussite. Dans cette activité, nous retrouvons les compétences générales : savoir, savoir-faire, savoir-être et savoir apprendre du CECRL.

Deuxième activité : vocabulaire

L’activité acquisition de vocabulaire (un/une) a été inspirée par le séminaire « Pratiques théâtrales en classe de FLE » organisé par l’Institut Français à Stockholm.
o Acquisition de vocabulaire avec les articles un/une + nom
o Objectif pédagogique : enrichissement du vocabulaire
o Grammaire : un et une devant un nom
o Lexique : noms courants des objets de la ville : décrire la rue
o Objectif : rapidité de l’interprétation et clarté de l’expression corporelle
Chaque mot est associé à un geste choisi communément par le groupe. Lorsque celui-ci est dit ou montré, le mot et son déterminant sont répétés et mimés par le groupe.
L’évaluation pour cette activité s’est effectuée de deux manières : celle classique du vocabulaire à apprendre et celle visuelle par le corps et l’écrit. Nous pouvons associer cette activité aux compétences langagières communicatives : linguistiques, sociolinguistique et pragmatique du CECRL.

Troisième activité : production écrite et orale de texte

Elle s’est effectuée par des phases successives et surtout dans son propre but : la création commune d’un texte qui serait joué. De plus, elle exploite plusieurs activités comme la réception, la production, l’interaction et la médiation et plusieurs compétences d’ordre communicatif, plurilinguistique et pluriculturel.
o Objectif pédagogique : les salutations (personnelles ou fictives) dans une conversation/ discuter de sa journée
o Grammaire : différenciation des salutations suivant les personnes/ verbes de différents moments de la journée
o Lexique : les différentes formules de salutations / les activités d’une journée et l’heure
o Objectifs : s’exprimer en interaction
Création de dialogue à lire et à jouer : Le support premier est un dialogue, texte déjà rédigé par un support pédagogique ou autre niveau débutant qui traite les salutations ou raconter une journée type au niveau débutant. Il est à envisager dans son contexte culturel de découverte et permet d’ouvrir sur la dimension pluriculturelle et celle « plurilingue [qui] valorise la diversité culturelle et linguistique de l’individu » (CECRL, 2018 : 164) lors de la compréhension du texte. Les activités langagières communicatives sont donc abordées à la lecture (prononciation) et lors de la traduction en commun : réception orale et écrite. Ensuite les apprenants se mettent par deux pour créer, construire et rédiger leur propre texte. Le travail s’effectue en collaboration interaction, production écrite et médiation. La dernière phase sera la restitution du texte où le dialogue sera lu oralement, joué en suédois et en français : production orale et interaction. Un développement pourrait s’effectuer à travers les nouveaux médias : interaction en ligne que nous n’avons pas pu développer dans le temps imparti.
L’évaluation s’est effectuée par différentes formes de validations contrôlant l’acquisition de la leçon, la pérennité des compétences acquises et la capacité à réutiliser les acquis d’où des tests de vocabulaire et d’expression, suivis de mises en pratique de l’utilisation des sujets traités à l’oral et à l’écrit. L’évaluation s’est faite en continu à travers les différentes étapes pédagogiques proposées car cette séquence intègre toutes les activités et les stratégies langagières communicatives : réception, production, interaction et médiation définies par le CECRL.

Résultats analyse et discussion

Nous avons donné un aperçu concret des objectifs généraux des instances référentes officielles. Nous avons analysé les relations entre culture, langue, apprentissage et fonctions du théâtre ainsi que les théories sur lesquelles s’appuie la recherche. Nous allons maintenant voir si et comment les trois séances pédagogiques pour l’enseignement du FLE par le théâtre peuvent entériner l’analyse théorique.
Les élèves de FLE rencontrés ont des origines très diversifiées (Irak, Islande, Pologne, Suède, Somalie, Syrie), les classes sont donc multiculturelles et le dialogue des élèves s’oriente dans un échange inter- et pluriculturel riche avec comme point de départ la francophonie. A des degrés différents, les élèves travaillent en interaction, ils socialisent et collaborent dans leur objectif commun de l’apprentissage du français et comme dit Vygotski: « ce que l’enfant sait faire aujourd’hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain » (Lecomte, 1998) d’où le fait de proposer un apprentissage par le théâtre en conscience dans un cadre de confiance et de jeu. En raison de la disparité culturelle de la classe, nous avons pu développer la « composante transculturelle » de Puren par le fait de « partager des valeurs générales au-delà des valeurs spécifiques au milieu d’action commune » (Puren, 3013 : 7) grâce aux activités théâtrales.
Des incompréhensions inattendues sur la forme « théâtrale » ont été formulées au milieu des activités en particulier celle d’un élève ayant des difficultés à travailler l’écrit (non à l’oral) lorsqu’il s’est exclamé : « Quand est-ce qu’on commence à travailler ? ». Nous avons avec cette remarque un type de questionnement sur les choix et les formes d’apprentissage qui peut aussi initier une discussion entre les élèves.

Activité 1 et 2

Les deux premières activités proposées ont malgré leur apparente simplicité permis dans un premier temps de mettre en évidence le fait que l’utilisation du corps désinhibe la plupart des élèves face à la prise de parole et initie une prise de conscience identitaire de soi et des autres. Par exemple, dans la première activité, le corps a été mobilisé et l’apprenant a décentré la difficulté de l’apprentissage des mots en la plaçant sur la gestuelle de l’exercice. L’apprenant a été mis dans une situation de lâcher-prise lui permettant d’accepter plus facilement ses erreurs voire d’en rire tout en automatisant des répliques langagières quotidiennes de la langue cible. Dans la deuxième activité nous avons pu remarquer que l’échange oral et de jeu corporel lors de la recherche du geste a créé une décomplexion des apprenants et donc une participation plus spontanée dans un climat agréable voir enjoué. Ces deux activités ont renforcé une affirmation de soi et de la langue cible à travers un travail sur le corps qui a permis d’oser parler face au groupe qui permet concorder avec les buts du plan de cours suédois pour les langues étrangères où « une bonne confiance en soi est fondamentale pour oser participer linguistiquement dans différentes situations et contextes » (Skolverket, 2017 : 7 notre traduction2) ainsi que d’avoir différentes stratégies de communication comme l’utilisation de « reformulations, de synonymes, de questions, et du langage corporel » (Skolverket, 2017 : 8 notre traduction3).

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