Un recrutement en manque de représentativité

Un recrutement en manque de représentativité

Dans la perspective des investitures, les formations politiques se focalisent sur les cursus militant et politique de leurs candidats à la députation. Mais en agissant de la sorte, rendent- elles l’Assemblée représentative de la physionomie de la société ? À l’évidence, la réponse ne peut être que négative. Au contraire, elles participent à la professionnalisation de la politique, au sentiment d’éloignement des élus et à la défiance des Français à l’égard de leurs représentants. Or, la représentativité d’une assemblée, au sens du degré de similitude entre les citoyens et les députés, revêt une portée symbolique considérable. Elle peut même être considérée comme une fin en soi dans la mesure où les similitudes sociale et politique participent à l’identification des citoyens aux élus et à la légitimation de l’institution et du travail parlementaires. Aussi, afin de réduire la « coupure » entre les représentés et les représentants, il y a lieu d’agir à la fois sur une meilleure représentation de la diversité sociale (Section 1), et sur celle de la diversité des sensibilités politiques à travers la loi électorale (Section 2). La composition sociologique de l’Assemblée fait l’objet de critiques récurrentes, et ce dès les premières années de la IIIe République. La Chambre se caractérise en effet par sa faible représentativité sociale en termes de parité (§ 1), d’âge, d’origine ou encore de profession (§ 2). Pourtant, les Français sont demandeurs d’une assemblée qui reflète davantage la mixité sociale et sexuelle du pays. Pour répondre à cette exigence démocratique, plusieurs solutions peuvent être envisagées et nourrir le débat.

La représentativité sociale du député

Le manque de considération à l’égard de la gent féminine, quant à sa place et à ses droits dans la cité, n’est pas une problématique propre à notre siècle ni à la France. L’histoire montre que la très grande majorité des femmes a toujours été mise au ban de la conduite des affaires publiques, à l’exception de quelques-unes266, et ce, jusqu’au début du XXe siècle. La raison ? Elle provient d’une conception du rôle social de la femme dans l’humanité, selon laquelle elle est destinée à la maternité et faite pour la vie de famille. L’idée qui sous-tend son exclusion des affaires de l’État est qu’« elle oublierait fatalement ses devoirs de mère et ses devoirs d’épouse, si elle abandonnait le foyer pour courir à la tribune. Elle n’y apporterait pas d’ailleurs la modération de langage et la netteté des conceptions, qui sont indispensables dans les usages parlementaires »267. On a donc, « depuis les origines mêmes des sociétés, écrit Adhémar Esmein, une division naturelle du travail et des fonctions [qui] s’est établie, perpétuée et constamment accentuée entre les deux sexes. À l’homme sont échues la vie publique et les fonctions qui s’y rapportent ; à la femme appartiennent la garde et le soin du foyer domestique, et la tâche capitale de la première éducation des enfants. L’éducation différente pour les deux sexes, les influences héréditaires, ont, par suite, développé et fixé chez l’homme et chez la femme des aptitudes correspondantes à leur destination sociale ainsi différenciée »268. Finalement, c’est la persistance de la conception romaine qu’a adoptée et diffusé le christianisme269.

Depuis, tous les pouvoirs ont suivi le même système et jamais les femmes n’ont quitté la gestion du foyer familial. Même la Révolution française n’a su corriger cet état et accorder la capacité électorale aux femmes. Pourtant la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen d’août 1789270 semblait être l’occasion pour ce faire, puisqu’elle reconnaissait plusieurs droits naturels. Parmi eux, citons « les Hommes naissent et demeurent libre et égaux en droits » (art. 1), « le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation » (art. 3) et « la Loi est l’expression de la volonté générale ; tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation » (art. 6). Toutefois, la loi réserva l’électorat et l’éligibilité aux hommes. Les femmes se voyaient donc refuser le droit de vote et le droit d’être élues. Or, en niant aux femmes leur appartenance pleine et entière à la Nation, et donc leur participation à l’exercice de la souveraineté et à la formation des lois, la représentation de la volonté générale se retrouve altérée dès son origine.

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *