4 Application des modèles chimiométriques à une échelle locale

Application des modèles chimiométriques à une échelle locale

Validation du modèle Prem à l’échelle locale

Les modèles proposés à partir d’une échelle régionale au chapitre 3 ont été testés à une échelle locale. La figure 7 montre la validation du Prem prédit par : (I) le modèle NIRS mPLS (Chapitre 3, Tableau 2), (II) une fonction de pédotransfert utilisant les teneurs prédites de texture (sable) et teneurs en minéraux (Chapitre 3, Tableau 5, Eq. 7). Cette validation correspond aux corrélations des valeurs mesurées par rapport aux valeurs prédites de Prem. Chapitre 4. Effet des facteurs de la pédogénèse sur la rétention de P dans les sols ferrallitiques de Madagascar et application du modèle chimiométrique Prem à l’échelle locale 118 Pour le modèle du Prem prédit par NIRS (Figure 7a), 28 outliers ont été éliminés et le lot de validation est constitué finalement de 198 échantillons. La régression linéaire entre Prem mesuré et prédit est hautement significative (p-value < 0,0001), avec un R²c= 0,70 et une erreur standard (SE) de 3,909. Cette régression est toutefois bien distincte du modèle de Prem obtenu à l’échelle régionale (R²c = 0,70). Si les pentes des droites de régression sont assez similaires (1 et 0.93, respectivement), les ordonnées à l’origine sont sensiblement différentes (11.4 et 2.0, respectivement). Cette différence marquée pourrait être due au fait qu’à l’échelle régionale nous avons utilisé des sols qui n’ont a priori jamais été fertilisés (sous bozaka), alors qu’à l’échelle locale, les sols ont probablement reçu des apports de fertilisants organiques ou minéraux. Concernant le modèle du Prem prédit par la fonction pédotransfert (Figure 7b), le lot de des échantillons pour la validation du modèle est constitué uniquement sur les 225 échantillons après avoir enlevé les outliers des analyses. La corrélation entre Prem mesuré et prédit est plus faible mais toujours hautement significative (p-value < 0,0001), avec un R²c= 0,43, un SE de 5,793. Cette régression est peu distincte du modèle de Prem obtenu à l’échelle régionale (R²c = 0,49). Par ailleurs, la différence entre les deux pentes est peu marquée, du fait que le modèle à l’échelle locale tend à se rapprocher au modèle régionale. Malgré une corrélation moins bonne, le modèle du Prem développé avec la fonction pédotransfert, pourrait être utilisé pour des estimations de la teneur en Prem à des échelles locales. Chapitre 4. Effet des facteurs de la pédogénèse sur la rétention de P dans les sols ferrallitiques de Madagascar et application du modèle chimiométrique Prem à l’échelle locale 119 Figure 7. Validation du modèle Prem prédit par la chimiométrie : (I) NIRS ; (II) fonction pédotransfert.

Application du modèle Prem à l’échelle locale

Les deux lots d’échantillons étudiés à l’échelle locale, c’est-à-dire les échantillons dans la partie Est de Vakinankaratra (a) et ceux du Moyen Ouest du Vakinankaratra (b), correspondent à deux groupes bien distincts. Le premier groupe a des valeurs de Prem faibles, (16 ± 3,0 mg l-1 de moy ± SD ; min-max de 4,2-23,6 mg l-1), ce qui le rapproche des valeurs obtenues pour les Ferralsols très fixateurs. Le second groupe a des valeurs de Prem plus élevées (31,2 ± 3,1 mg l-1 de moy ± SD ; min-max de 18-38,3 mg l-1), ce qui le rapproche des valeurs obtenues pour les Cambisols ou les Nitisols, qui sont moins fixateurs. Les valeurs de Prem à l’échelle locale sont présentées sur la figure 8. Figure 8. Représentation de la distribution de Prem prédit par la fonction pédotransfert à l’échelle locale de la Région du Vakinankaratra : (a) Moyen Ouest de la Région ; (b) Est de la Région 4 Discussion 4.1 Caractérisation de clusters de sols Les sols sont le résultat d’une altération chimique poussée de la roche mère, qui, lorsqu’elle est très poussée, se traduit par une dissolution de tous les minéraux et la lixiviation profonde de la plupart des éléments (Si, cations basiques, etc.) sauf du fer et de l’aluminium (Andriamasy, 2015). Cette altération poussée se traduit par la présence dominante d’oxydes de fer (goethite, hématite) et d’aluminium (gibbsite), alors qu’une altération plus modérée se traduit par la néoformation de kaolinite en quantité plus importante. La disposition des Chapitre 4. Effet des facteurs de la pédogénèse sur la rétention de P dans les sols ferrallitiques de Madagascar et application du modèle chimiométrique Prem à l’échelle locale 121 vecteurs sur l’ACP de la figure 4 (III et IV) mettent bien en évidence ces variations minéralogiques observées, avec une opposition entre des sols très altérés et riches en oxydes d’aluminium et des sols moins altérés riches en kaolinite. Cette distinction se traduit par la formation de deux clusters regroupant les sols : un groupe correspondant principalement aux Ferralsols, riches en gibbsite, et un autre groupe correspondant principalement aux Cambisols et Nitisols, plus riches en kaolinite. Philippon (2015) montre que l’on peut avoir deux types d’altération dans les sols tropicaux suivant le comportement du silicium et de l’aluminium libéré par l’hydrolyse des minéraux primaires des roches (quartz, feldspaths, micas, etc). La première est la monosiallisation, où la kaolinite et le fer migrent séparément à une altitude faible, une température élevée et une pluviométrie moyenne annuelle < 1500 mm, pour former des sols ferrugineux tropicaux (Philippon., 2015). Ces sols sont caractérisés par un rapport silice/alumine élevée, correspondant à une forte dominance de la kaolinite (Aubert, 1962 ; cité par Ségalen et Brion, 1981). Les cambisols et les nitisols (Figure 4, III et Figure 4, IV) ont les mêmes caractéristiques typiques que ces sols ferrugineux (selon la classification CPCS, 1967). Ils sont caractérisés par une forte concentration en kaolinite (327 g kg-1) et sont riches en sable (497 g kg-1). La seconde altération est l’allitisation où les oxydes et hydroxydes de Fe et d’Al se trouvent en forte concentration dans les sols tropicaux à une altitude élevée, une température plus faible et une pluviométrie moyenne annuelle > 1500 mm, pour former des Ferralsols (Philippon, 2015). Ces sols sont caractérisés par un rapport SiO2/Al2O3 ≤ 2 où la kaolinite est moins abondante (Aubert, 1962 ; cité par Ségalen et Brion, 1981). Nos résultats sont conformes aux propositions de Philippon (2015). Les sols très altérés ou Ferralsol sont formés à une altitude assez élevée (A4), à une température assez faible (T1) et une pluviométrie élevée (P4). Ces sols sont riches en oxydes et hydroxydes de fer et d’aluminium. Les sols moins altérés, les Cambisols et Nitisols, sont formés à une altitude plus faible (A1), à une température plus élevée (T4) et avec une pluviométrie faible (P1). Le facteur déterminant semble ainsi être la pluviométrie, qui induit une lixiviation intense de la silice et des cations basiques. Les températures et l’altitude sont fortement reliées au niveau de la pluviométrie : en altitude, la pluviométrie augmente avec l’altitude alors que la température baisse. Le climat joue donc un rôle majeur dans l’altération chimique des sols ferrallitiques tropicaux (Chatelin, 1972, cité par Ségalen et Brion, 1981). Par contre, les roches mères n’ont pas un effet marqué sur la répartition des sols dans ces clusters (Figure 2, II). L’effet de la roche mère est généralement largement masqué par celui du climat dans les Chapitre 4. Effet des facteurs de la pédogénèse sur la rétention de P dans les sols ferrallitiques de Madagascar et application du modèle chimiométrique Prem à l’échelle locale

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