Ampleur de la prématurité

Ampleur de la prématurité

Dans cette étude, une plus grande prévalence hospitalière de la prématurité à Moramanga est retrouvée par rapport aux autres études malgaches. Celle-ci est de 29,94 %, quasiment le double de ce qu’on a trouvé ailleurs et surtout à Befelatanana, 15,26 % .

A l’échelle mondiale en 2010, les études montrent une variation régionale importante des taux de prématurité allant de 5 à 7 % en Europe à 10-12 % en Amérique du Nord et jusqu’à 18 % dans certains pays d’Afrique [18]. Au CHUGOB Antananarivo, le taux d’admission des nouveau-nés prématurés était passé de 18,1 % en 1997 à 12,7 % en 2008, en partie grâce à l’amélioration de la couverture prénatale [15, 17]. En 2009, l’équipe de Rabesandratana au service de néonatalogie du Complexe Mère Enfant de Mahajanga a rapporté un taux de prématurité à 20,3 % [16] et Mahamad sur une étude réalisée au CHUMET en 2014 rapporte un taux à 13,3 % .

Dans les études africaines, un taux de prématurité légèrement moindre que celui de Befalatanana est retrouvé, entre autre au Gabon 11,8 % [20], au Togo 11,1 % [21], au Nigéria 8,5 % [22]. Ce taux est plus bas au Burkina Faso 2,6 % [23] et sur une étude en Chine 4,5 % [24]. Parcontre en Asie, Schresta rapporte un taux un peu plus élevé à 19,1 % [25]. Monebenimp sur une étude réalisée à Yaoundé au Cameroun trouve un taux franchement supérieur à 57 % .

Ce taux élevé de prématurité observé à Moramanga est probablement lié à un recrutement important provenant de la maternité du CHD. Il s’agit également de seul centre de la région qui dispose d’un service de pédiatrie, ce qui peut conduire à un suréchantillonnage du nombre de prématurés. Une étude épidémiologique sur l’estimation de la prématurité sur le plan régional et national permettrait de mieux axer les actions de prévention.

Différence entre CHRD et CHU

Caractéristiques maternelles et sociales

Les études épidémiologiques ont permis de recenser de nombreux facteurs de risque à la prématurité : antécédent de prématurité, race noire, âge maternel (jeune ou élevé), faible niveau éducatif ou socio-économique, addictions (tabac, drogues, alcool), statut monoparental, travail stressant ou fatiguant, faible index de masse corporel avant grossesse, prise pondérale insuffisante ou excessive au cours de la grossesse .

Dans cette série, aucune différence significative n’a été constatée entre les deux centres en ce qui concerne l’âge des mères qui est pour la plupart entre 18 et 24 ans, le niveau d’instruction qui est majoritairement secondaire ainsi que le milieu de provenance qui est pour un peu plus de la moitié le milieu rural.

La différence en termes de profession des parents est significative. A Moramanga, 62,7 % des mères sont ménagères contre 42 % à Befelatanana ; et 35,6 % des pères de Moramanga sont des cultivateurs contre 18,2 % à Befelatanana. Ceci pourrait s’expliquer par le faible taux de scolarisation en dehors des grandes villes et par les activités agricoles de près de 80 % de la population active malgache, notamment ceux vivant en zone rurale.

Les femmes primipares sont légèrement plus importantes à Befelatanana et près du quart des prématurés de Moramanga sont issus d’une fratrie de plus de trois.

Caractéristiques obstétricales

Aucune différence n’a été constatée entre les deux centres en ce qui concerne le type et le suivi de grossesse. Dans 4,2 à 8,4 % des cas, les gestantes n’ont bénéficié d’aucun examen prénatal. Seules 27,8 à 28,8 % des mères ont suivi les recommandations de l’OMS sur le nombre minimum de CPN qui est de 4. Dans 61 à 68 % des cas, la consultation a été faite mais en nombre insuffisant. En 1999 au CHUGOB, Andriamady rapporte que 86,7 % des femmes accouchées prématurément n’ont pas ou ont mal effectué les CPN [15]. Pour notre part, on note un taux de CPN légèrement supérieur, ce qui suggère que des efforts ont été fournis pour faire suivre les grossesses mais ceci reste encore non satisfaisant.

Les soins prénatals servent pourtant au dépistage des problèmes pendant la grossesse et aussi à la préparation de l’accouchement. Il s’agit de mesures préventives qui visent à rendre optimal le déroulement et l’issue de la grossesse [28]. A Madagascar, les barrières financières et physiques sont les principaux freins à l’accès aux soins : deux tiers des femmes (69 %) évoquent le coût des soins comme principal obstacle et 42 % parlent de la trop grande distance entre leur domicile et la structure de santé. D’autres ne fréquentent pas les services de santé seulement par manque de connaissance [11]. Pour le Ministère de la Santé Publique, multiplier les IEC sur les CPN et faciliter l’accès aux soins devraient rester prioritaires pour inciter les femmes à se faire suivre durant leur grossesse.

Sur le plan obstétrical, la différence constatée entre les deux centres est le plus grand nombre de cause ovulaire à Moramanga, notamment plus de grossesse gémellaire et plus de prématurité de cause maternelle à Befelatanana notamment d’origine infectieuse. Ainsi se pose la question s’il s’agit réellement d’un nombre plus élevé d’infection maternelle à Befelatanana ou d’un sous diagnostic de celle-ci à Moramanga ou s’il existe d’autres faits qui pourraient expliquer cette situation. Plus de prématurité induite est notée à Moramanga donc plus d’accouchement par opération césarienne (20 % contre 9,7 %) ; jusqu’à 65,2 % des accouchements se déroulent dans une maternité contre 29,3 % à Befelatanana. La prématurité induite comprend l’ensemble des situations où l’équipe obstétricale estime que la poursuite de la grossesse entraine des risques maternels ou fœtaux et décide pour éviter ces risques, de provoquer la naissance alors que le terme n’est pas atteint. A Moramanga, 3 fois plus de toxémie gravidique est retrouvée. Les grossesses à risque dans la capitale sont en principe référées et prises en charge dans les centres de maternité de référence qui disposent d’un service de néonatalogie adapté. Le service de néonatalogie de Befelatanana ne reçoit ainsi qu’un nombre moins important de prématurés issus de grossesse pathologique.

A Moramanga, 2,5 fois plus de femmes sont accouchées par matrone (25,4 % contre 10,3 %). La raison pourrait être lié à la méconnaissance de la population rurale sur l’intérêt du recours au service de personnel qualifié pour le suivi de la grossesse et l’accouchement. A Madagascar, notamment dans les zones rurales, pour des raisons financières et culturelles, les femmes préfèrent parfois accoucher chez elles, avec l’aide de matrones ou d’accoucheuses traditionnelles. Ceci leur revient largement moins cher. Des Informations Education Communication (IEC) sur le risque des accouchements hors centre sanitaire, des campagnes encourageant les parturientes à accoucher par des personnels qualifiés constituent encore des priorités que le Ministère de la Santé Publique doit considérer.

Du fait de la différence du lieu de provenance des prématurés dans les deux centres, l’âge moyen d’admission des prématurés est également différent. Il est tardif à Befelatanana : 4,12 contre 1,53 jour à Moramanga. Les prématurés de Befelatanana proviennent des centres de santé et CHD de la région Analamanga et de ses environs. En 2011, sur une étude réalisée par Randrianarivony au CHD 2 Itaosy, la prématurité constitue le principal motif de référence vers les CHU (35,93%) sur les 64 cas de référence des nouveau-nés de 0 à 15 jours. La référence vers un niveau supérieur est inévitable du fait de l’inexistence de service de néonatalogie de premier niveau dans ces maternités et par le manque de personnel qualifié en pédiatrie .

Caractéristiques néonatales

Aucune différence statistiquement significative n’a été mise en évidence entre les deux centres concernant les caractéristiques néonatales. Il est retrouvé une légère prédominance des prématurés de sexe masculin, avec dans plus de ¾ des cas une bonne adaptation néonatale. Il s’agit dans plus de 41 % des cas de prématurité légère, environ un quart des cas de prématurité modérée et un quart de grande prématurité.

La morbidité néonatale sévère et les handicaps dans l’enfance concernent à des degrés divers tous les âges gestationnels. Même tardive, la prématurité ne doit pas être banalisée, les risques de handicap moteur ou de déficience intellectuelle sont 2 à 3 fois plus élevés chez les enfants nés à 34-36 SA que chez les enfants nés à terme .

Seuls 2,5 à 5 % des prématurés pèsent au-dessus de 1 500g et le retard de croissance intra-utérin est retrouvé chez environ le tiers de nos prématurés : 36,4% et 31 % respectivement à Moramanga et à Befelatanana. Il est probable qu’il existe une relation entre l’hypotrophie fœtale et la prématurité spontanée, comme semble le montrer des études récentes. Ce mécanisme inducteur de travail prématuré serait en liaison avec une avance maturative du fœtus hypotrophe, une des explications étant le stress chronique supporté par le fœtus permettant d’accélérer les maturations .

Table des matières

INTRODUCTION
METHODES
I. Cadre d’étude
II. Type d’étude
III. Période d’étude
IV. Population d’étude
V. Collecte et analyse des données
VI. Variables étudiées
VII. Considérations éthiques et déontologiques
VIII.Limites de l’étude
RESULTATS
I. Résultats descriptifs
I.1. Description de la population d’étude
I.2. Données sociales et maternelles
I.3. Données obstétricales
I.4. Modalités d’admission
I.5. Données concernant le nouveau-né
I.6. Données concernant les complications à court terme des prématurés
I.7. Données concernant les thérapeutiques
I.8. Données concernant les modalités de sortie
II. Résultats analytiques
II.1. Devenir des prématurés
II.2. Risques de décès selon les caractéristiques sociales et maternelles
II.3. Risques de décès liés aux caractéristiques obstétricales
II.4. Risques de décès liés à la cause de la prématurité
II.5. Risques de décès liés aux caractéristiques néonatales
II.6. Risques de décès liés aux caractéristiques cliniques des prématurés
II.7. Risques de décès liés aux thérapeutiques
DISCUSSION
I. Description de l’échantillon
I.1. Ampleur de la prématurité
I.2. Différence entre CHRD et CHU
I.3. Morbidité et mortalité néonatale
II. Etude analytique
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE

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