L’apprentissage et l’enseignement d’après Defays et Deltour

Apprentissage, acquisition, appropriation

Au début de la section consacrée à la problématique liée à l’apprentissage, nous souhaitons aborder le sujet par une distinction entre l’apprentissage et l’enseignement d’après Defays et Deltour, « si l’acquisition (d’une langue étrangère, par exemple) est la finalité commune à l’apprentissage et à l’enseignement, l’apprentissage est le processus personnel, conscient ou non, indispensable à la réalisation de cet objectif, tandis que l’enseignement n’est qu’un moyen qui permet l’apprentissage » (Defays et Deltour 2003 : 187-188). Ces auteurs soulignent, en effet, l’existence d’autres moyens permettant l’apprentissage – guidé ou non guidé – des langues (maternelles ou étrangères), notamment les processus inconscients, innés et universels classifiés comme abductifs (Peirce, Chomsky) ou instinctifs, l‟imitation/interaction spontanée à l‟égard d‟autres locuteurs, l‟apprentissage en contexte scolaire (Defays et Deltour 2003 : 188). Il nous semble donc opportun d‟établir une différence entre l‟enseignement, l‟apprentissage et l‟acquisition de la langue étrangère. Selon plusieurs didacticiens, l‟« acquisition » est spontanée, non guidée, voire circonstancielle et inconsciente, comme c‟est le cas pour la langue maternelle ; par contre, l‟« apprentissage » est intentionnel, programmé, contrôlé par l‟apprenant lui-même ou un professeur, général Cuq et Gruca ont mis en relief qu‟en général, après Krashen (Krashen 1981), on considère l‟acquisition comme un processus d‟appropriation naturel, implicite, inconscient, impliquant une focalisation sur le sens et l‟apprentissage, en revanche, comme un processus artificiel, explicite, conscient, impliquant une focalisation sur la forme (Cuq et Gruca 2008 : 113). Par conséquent, « en didactique, appropriation est un terme hyperonyme qui domine deux hyponymes », s‟agissant d‟habiletés (savoirs, savoir-faire) à atteindre au sein d‟une relation d‟enseignement/apprentissage (idem). La distinction entre acquisition et apprentissage fait aussi l‟objet d‟une réflexion de Py. À son avis, « il n‟y aurait pas d’acquisition pure, c’est-à- dire pas d‟acquisition sans apprentissage » (Py 1994) et, de même, « il n‟y a pas non plus d’apprentissage pur : en classe, on s’aperçoit qu‟il y a des éléments qui sont „acquis‟ sans qu‟ils aient véritablement été enseignés » (idem). De Pietro et Schneuwly, dans le domaine des langues, ont postulé l‟existence d’influences réciproques entre apprentissage et acquisition, affirmant l‟existence d‟une survalorisation de l‟« acquisition naturelle » et que, dans notre culture, la transmission du savoir en milieu scolaire influence, parfois, l‟attitude des acteurs même lors des interactions quotidiennes (De Pietro et Schneuwly 2000 : 462). Une idée fondamentale importante de l’hypothèse acquisitionniste a été mentionnée par Gaonac‟h, selon lequel, étant donné que la simple exposition « naturelle » à une L1 permet à un enfant de s‟en approprier, « un enfant ou un adulte sont capables d‟en faire autant pour une langue étrangère, par simple réactivation des processus d‟acquisition du langage » (Gaonac‟h 1987 : 134). À la lumière des contributions citées, essayons d‟esquisser un bilan théorique sur le rôle joué par les trois termes examinés dans le processus en question d‟après la définition suivante, tirée du Dictionnaire de didactique du français..

Suite à la définition générale du terme « apprentissage », nous souhaitons mener une réflexion sur l‟apprentissage « spontané », sur l‟apprentissage « guidé » et sur leurs implications dans les démarches s‟inscrivant dans le cadre de notre projet. Il y a un demi- siècle, est apparue « l‟opposition maintenant classique entre (cet) apprentissage non guidé, spontané, voire inconscient, et l‟apprentissage guidé, qui a lieu à l‟école sous le contrôle d‟un professeur » (Defays et Deltour 2003 : 123). Même si l‟apprentissage non guidé peut être rapide et favorable à l‟intégration sociale, plusieurs chercheurs ont observé la tentative d‟utilisation de nombreux apprenants des connaissances/compétences acquises en LM ou dans une autre langue connue, risquant des transferts erronés. Il s‟agirait des règles intuitives acquises par la pratique communicationnelle constituant la grammaire implicite, tandis que la grammaire explicite, apprise, relève du savoir (Defays et Deltour 2003 : 124). Lorsque l‟apprenant « non guidé » estime avoir appris ce qui lui sert pour satisfaire ses exigences communicatives, il peut se vérifier des situations de plafonnement : des imprécisions et des incorrections persistent, dont « certaines seront même définitivement incrustées au cours de l’apprentissage – on parle alors de fossilisation – parce qu’elles n’auront pas été corrigées à temps » (idem : 124-125). Un sentiment d’insécurité pourrait, donc, pousser l’apprenant à éviter les situations de communication ou les échanges linguistiques qu‟il estime trop difficiles. En situation d’apprentissage guidé (classe de langue), les besoins des apprenants dits « captifs » sont créés par les enseignants et par les institutions scolaires, souvent « en espérant que l’apprentissage suivra la même voie et le même rythme » (idem : 125). L’apport de l’enseignant est donc fondamental, car il peut doser opportunément la difficulté des tâches proposées, corriger les pnca (Narcy-Combes, J.-P., congrès APLIUT, 2007) et tenir compte des progrès. Le professeur sera aussi capable d’entraîner les apprenants « à une réflexion métalinguistique (et interculturelle) dont profiteront ces compétences… » (Defays et Deltour 2003 : 126). Nous pouvons brièvement conclure, donc, que l‟apprentissage scolaire est un processus dynamique permettant, par une série d‟échanges avec les pairs et l‟enseignant, de mettre en interaction les connaissances du sujet avec des savoirs, afin de construire de nouvelles représentations en fonction des contraintes et des ressources de la situation à laquelle il est confronté, visant l‟objectif d‟exploiter ses nouvelles cognitions dans des situations non didactiques.

 

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