Aspects compositionnels théorie des groupes et combinatoire musicale

Aspects compositionnels théorie des groupes et combinatoire musicale

Cette partie est consacrée à quelques applications compositionnelles de la démarche algébrique. Nous allons nous concentrer sur les trois compositeurs/théoriciens dont on a analysé quelques aspects théoriques dans la première partie. Mais nous irons beaucoup plus loin, car le domaine de la composition assistée par ordinateur a vu dernièrement une utilisation croissante de méthodes algébriques. Nous nous concentrerons sur un cas particulier de démarche algébrique de la part d’un compositeur avec qui nous avons pu faire un travail de recherche pointu sur un problème qui reste ouvert à d’autres applications compositionnelles différentes. Nous avons analysé dans la première partie certains outils théoriques proposés par Milton Babbitt dans sa formalisation algébrique de la technique sérielle. Un des concepts qui pourraient aider à comprendre les correspondances « structurelles » entre les différents outils algébriques est sans doute celui de partition. Il s’agit avant tout d’une notion d’algèbre combinatoire sur laquelle le compositeur revient plusieurs fois dans ses écrits théoriques221 et qui s’est avérée particulièrement intéressante du point de vue compositionnel. En particulier, elle offre le cadre naturel pour étudier deux concepts théoriques sur lesquels nous avons beaucoup insisté dans la première partie : la combinatorialité (en particulier, au niveau des ensembles de trois, quatre et six notes) et le système des time-points. Nous analyserons l’application compositionnelle de ce concept dans deux pièces pour piano qui appartiennent à de vecteurs d’intervalles, du partitionnement du total chromatique en deux hexacordes complémentaires. Ce résultat est valable en général pour toute division de l’octave en n parties égales, donc pour tout groupe cyclique Z/nZ. Deux ensembles mutuellement complémentaires ayant cardinalité n/2 ont le même contenu intervallique. Un autre problème célèbre de partition en musique concerne l’étude des matrices carrées ayant m lignes et m colonnes à valeurs dans Z/nZ et pour lesquelles la somme de toute ligne ou colonne est égale à n. Les implications compositionnelles de ce problème sont traitées dans un article paru dans le numéro spécial de la revue Perspectives of New Music consacré à Milton Babbitt [BAZELOW et BRICKLE 1976]. Pour une présentation de ce problème d’un point de vue mathématique, voir aussi [BAZELOW et BRICKLE 1980].

Les titres des deux compositions renvoient directement à la notion algébrique qui unifie tous les concepts précédents. Le principe de partition gère aussi bien l’organisation des hauteurs que celle des rythmes, mais dans le cas du rythme, la technique est appliquée dans les deux compositions de façon très différente. En ce qui concerne l’organisation des hauteurs, les deux pièces utilisent le même hexacorde « omni-combinatoire » représenté sur la figure suivante. Cet hexacorde correspond à l’ensemble de classes de hauteurs {0, 2, 3, 4, 5, 7}, ou bien au pitch-class set 6-8 dans la table de Forte. initiales autour du sérialisme intégral (Three Compositions for Piano et Composition for Four Instruments de 1947-48) jusqu’à la fin des années cinquante, est caractérisée par une technique de partitionnement du total chromatique à travers des structures des trois notes (trichordal arrays). Cette technique est généralisée dans la deuxième période (1961-1980) à travers l’emploi de partitions ayant un nombre variable d’éléments (all- partition arrays). D’autres organisations différentes des hauteurs sous la forme de tableaux (superarrays) caractérisent la troisième période de l’activité de Babbitt, qui commence dans les années quatre-vingt et continue à ce jour, la pièce Allegro Penseroso pour piano (1999) étant la dernière dans un catalogue qui inclut désormais presque une centaine de compositions.

La pièce peut s’analyser en utilisant des tableaux d’accords de trois notes [trichordal arrays], une façon de segmenter la série dodécaphonique que Babbitt a héritée de Webern et qui est utilisée ici dans son aspect éminemment combinatoire. Quatre types différents d’accords de trois notes sont les éléments sur lesquels se base l’architecture de la pièce. Ces quatre ensembles de classes de hauteurs sont donnés par la figure suivante :Le total chromatique s’obtient donc en considérant les trois premières notes de chacune des quatre tessitures représentées sur la figure. Aux quatre tricordes précédents, Babbitt ajoute trois autres structures ayant la propriété d’engendrer le même hexacorde omni-combinatoire. Ces structures sont représentées sur la figure suivante :La pièce utilise une partie des 77 partitions possibles du nombre 12. Rappelons qu’en analyse et algèbre combinatoire, une partition d’un nombre n est un ensemble d’entiers compris entre 0 et n dont la somme est égale à n. Pour représenter d’une façon compacte un tel ensemble, Babbitt utilise une notation exponentielle qui condense la répétition y fois du correspondant226. La figure suivante montre un exemple de partition du nombre 12 en six parties, dans ses représentations ensembliste, condensée et graphique.

 

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