Corrélation spatiale des galaxies infrarouges

Corrélation spatiale des galaxies infrarouges

Les galaxies ne sont pas distribuées de façon uniforme dans le ciel. En eet, celles-ci suivent, de façon plus ou moins biaisée, la distribution sous-jacente de matière noire. Les simulations numériques montre que la matière noire a probablement une distribution lamentaire (un peu comme une éponge) avec des grandes bulles (∼10 Mpc) quasiment vides et de longs laments (∼100 Mpc) plus denses. Aux points de rencontre de ces laments, on trouve les amas de galaxies. Cette structure est illustrée gure I.5. Corrélation spatiale des galaxies 72 III.1. 

INTRODUCTION

 L’étude de la distribution spatiale des galaxies apporte donc des informations sur la distribution de la matière noire dans l’Univers et peut aider à comprendre comment se sont formées ces structures cosmiques. De plus, cet outil est également utile pour comprendre le lien entre la structure de matière noire et la formation des galaxies, en particulier celle des galaxies massives qui sont aux n÷uds de cette structure cosmique. Nous présenterons tout d’abord quelques résultats récents sur la distribution spatiale des galaxies infrarouges et leurs implications pour la formation de ces dernières. Pour la première fois, la signature de la corrélation des galaxies a été détectée dans les anisotropies du CIB à 160 µm par Lagache et al. (2007) : ce point fera l’objet d’une seconde partie. Nous présenterons ensuite une nouvelle méthode pour estimer la fonction de corrélation angulaire ω(θ) et verrons comment la méthode de stacking présentée précédemment est biaisée par les eets de corrélation. Enn, nous validerons notre méthode d’estimation de la fonction de corrélation angulaire sur des données en comparant à des travaux déjà publiés. III.1 Introduction Comprendre comment se sont formées les galaxies massives est une étape importante dans la compréhension de la formation des galaxies. On pense que les structures actuelles se sont formées par amplication des uctuations initiales du champ de densité primordial. D’après le modèle hiérarchique de formation des structures, les galaxies massives se seraient formées par fusions successives de halos de matière noire moins massifs (Cole et al. 2000; Granato et al. 2000; Hatton et al. 2003). D’un autre côté, plusieurs études semblent montrer que les galaxies massives se sont formées à grand redshift sur des courtes échelles de temps (∼0.1 Gyr) (Cimatti et al. 2004, par exemple). L’étude de la distribution spatiale des galaxies permet de mieux comprendre comment les processus de formation stellaire et d’assemblage (en masse) des galaxies sont modiés par les interactions entre galaxies et les fusions de halos de matière noire. Il existe principalement deux outils statistiques qui permettent de sonder la distribution spatiale des galaxies : la fonction de corrélation spatiale (ou angulaire si on ne dispose pas des redshifts) (celles-ci ont été présentées au paragraphe I.3.1) et le spectre de puissance des anisotropies du fond dius infrarouge. Ces deux méthodes permettent de sonder, aux petites échelles, la corrélation des galaxies au sein d’un même halo de matière noire, et aux plus grandes échelles la corrélation entre halos de matière noire (voir par exemple Magliocchetti et al. (2007) ou Knox et al. (2001) pour plus d’informations sur le formalisme). La première de ces méthodes permet d’étudier les populations de galaxies qui sont détectées. On peut également séparer ces galaxies selon leur morphologie, leur masse, leur redshift (ou n’importe quel autre paramètre physique pertinent) et comparer les fonctions de corrélations angulaires obtenues pour diérents sous-échantillons. La deuxième méthode, à savoir l’étude des anisotropies du fond dius infrarouge, permet quant à elle d’étudier la corrélation des galaxies non détectées. De telles études nécessitent des observations à la fois profondes (pour sonder l’Univers lointain) et couvrant une grande surface (an d’avoir une bonne statistique). Le satellite Spitzer a permis de faire ce genre d’analyse. Waddington et al. (2007) ont mesuré le paramètre A de la fonction de corrélation angulaire pour 11 échantillons sélectionnés en ux à 3.6 µm. Ces galaxies tracent au premier ordre la masse stellaire déjà assemblée. En utilisant un modèle pour estimer la distribution en redshift de leurs sources, ils ont pu mesurer la longueur de corrélation r0 et la variation de celle-ci avec le redshift (on rappelle que plus le paramètre r0 est grand et plus les galaxies en question sont corrélées, voir paragraphe I.3.1). Dans cette étude, le paramètre γ a été xé à 1.8. A z . 0.5, r0 reste constant et vaut 6.1 ± 0.5 h −1 Mpc et, à plus grand redshift, r0 décroit pour atteindre 2.9 ± 0.3 h −1 Mpc à z ∼ 1. Cette décroissance peut-être interprétée comme une variation avec le redshift de la fraction de galaxies de type elliptiques et spirale dans l’échantillon. En eet ces deux types de galaxies n’ont pas les mêmes distributions spatiales (Madgwick et al. 2003). Il est également intéressant d’étudier la corrélation angulaire des galaxies infrarouges qui tracent principalement les régions de forte formation stellaire dans l’Univers : c’est une façon de voir quels eets ont l’environnement, les interactions et les fusions entre galaxies sur la formation stellaire. Les premières mesures de la corrélation spatiale des galaxies infrarouges ont pu être faite à l’aide de IRAS qui a observé tout le ciel. Ces études ont montré que les galaxies détectées par IRAS à 60 µm (qui sont locales) sont faiblement corrélées (r0 ∼ 3.8 h −1 Mpc) (Saunders et al. 1992; Moore et al. 1994; Fisher et al. 1994). Gonzalez-Solares et al. (2004) a également mesuré la fonction de corrélation des galaxies sélectionnées à 15 µm dans ELAIS, le plus grand champ observé par ISO (4 deg2 ). Les résultats sont comparables à ceux obtenus par IRAS, à savoir que les galaxies infrarouges locales sont faiblement corrélées. Toutefois ces résultats sont limités aux galaxies locales et à de petits échantillons. Grâce à Spitzer il a été possible d’étudier la corrélation spatiale des galaxies infrarouges jusqu’à z ∼ 2. Farrah et al. (2006) ont pu étudier la corrélation angulaire des galaxies infrarouges de type ULIRGs peu lumineuses dans le visible et situées à des redshifts z ∼ 1.7 et z ∼ 2.5. Ils ont mesuré une très forte corrélation angulaire pour ces deux échantillons (voir gure III.1) : 9.4±2.2 h −1 Mpc à z ∼ 1.7 et 14.4±2.0 h −1 Mpc à z ∼ 2.5. Ces longueurs de corrélation sont bien plus grandes que celles déjà mesurées aux mêmes redshifts mais sur d’autres échantillons. Ceci implique que ces galaxies résident dans des halos de matière noire très massifs (∼ 6 × 1013M). En utilisant diérents modèles de croissance des halos de matière noire, ils prédisent que les halos qui contiennent la population à z ∼ 1.7 contiendront des amas aussi bien pauvres que riches à z = 0 alors que les halos contenant la population d’ULIRGs à z ∼ 2.5 contiendront les amas les plus riches à z = 0. Ces résultats sont cohérents avec ceux de Magliocchetti et al. (2007) qui ont étudié la corrélation d’un échantillon de galaxies sélectionnées à 24 µm (S24 > 350 µJy) et situées à z ∼ 2. Ces derniers ont trouvé que ces galaxies étaient parmi les plus corrélées et devaient résider dans des halos de matière noire plus massifs que 1013.4M. Figure III.1  Evolution de la longueur de corrélation comobile r0 avec le redshift obtenue pour diérentes populations. Les régions colorées représentent l’évolution du halo de matière noire en fonction du redshift pour diérents modèles plausibles. Les lignes continues sont des lignes d’iso-masse. Extrait de Farrah et al. (2006). La corrélation spatiale des galaxies sélectionnées à 24 µm et à z ∼ 1 a été étudiée par Gilli et al. (2007) à l’aide les données profondes du relevé GOODS (S24 > 20 µJy). Leur échantillon a une luminosité infrarouge médiane modérée (LIR ∼ 5×1010L). Cet échantillon est relativement peu corrélé (r0 = 4.0 ± 0.4 h −1 Mpc). En ne considérant que les LIRGs, ils obtiennent une longueur de corrélation légèrement plus élevée : r0 ∼ 5.1 h −1 Mpc ce qui les place dans des halos de matière noire de masse ∼ 3 × 1012M . Ceci semble montrer que les galaxies a plus fort taux de formation stellaire sont contenues dans des halos plus massifs. On peut également citer les travaux de Magliocchetti et al. (2008) qui ont mesuré la corrélation angulaire de deux populations sélectionnées à 24 µm (S24 > 400 µJy) situées à des redshifts diérents (0.6 < z < 1.2 et z ≥ 1.6). La population a plus grand redshift est la plus corrélée (r0 = 15.9 contre 8.5 Mpc) et réside dans des halos plus massifs (& 1013M contre ∼ 1012). La population a grand redshift semble donc de nature complètement diérente et pourrait être les progéniteurs des galaxies elliptiques géantes situées au centre des amas riches à z = 0. La masse stellaire de ces galaxies semble déjà formée à z ∼ 2 alors que, les galaxies sélectionnées à 24 µm à z ∼ 1 semblent avoir une formation stellaire beaucoup plus étalée dans le temps. Toutes ces études tendent à montrer que, d’une part, les galaxies infrarouges très brillantes situées à grand redshift sont très corrélées et que, d’autre part, les galaxies locales le sont peu. Ceci suggère que la formation stellaire se déplace progressivement dans des structures de moins en moins massives au fur et à mesure que le redshift décroit.

Anisotropies du fond dius infrarouge

 Nous avons présenté dans l’introduction quelques résultats récents obtenus sur la distribution spatiales des galaxies infrarouges. Les outils utilisés dans les travaux (fonction de corrélation angulaire et spatiale) nécessitent de connaître la position (et éventuellement le redshift) des sources. Il faut donc que celles-ci soient détectées. L’étude des anisotropies du fond dius infrarouge (CIB) est une méthode complémentaire qui permet de sonder la population des galaxies non détectées (en fait plus particulièrement les galaxies qui dominent les uctuations du fond). Nous présentons dans ce paragraphe une étude récente sur la détection, pour la première fois, d’un signal de corrélation dans les anisotropies du CIB à 160 µm. Ces travaux, auxquels j’ai participé, sont présentés dans le papier de Lagache et al. (2007). 

Formalisme 

L’étude des anisotropies du fond dius infrarouge se fait par l’intermédiaire de son spectre de puissance (le carré moyenné par bande de nombre d’onde k du module de la transformée de Fourier de l’image). Celui-ci contient plusieurs contributions puisque la carte initiale est en réalité la somme de plusieurs signaux : les cirrus galactiques qui forment un avant plan, le fond dius infrarouge (avec une partie poissonnienne et une partie corrélée) et le bruit, le tout étant convolué par la PSF. Le spectre de puissance angulaire peut donc s’écrire : P(k) = [Pcirrus (k) + Pclustering(k) + Ppoisson(k)] × γ(k) + N(k) (III.1) où  k est le nombre d’onde à 2 dimensions (k = p k 2 x + k 2 y ) qui s’exprime en arcmin−1 .  Pcirrus (k) est le spectre de puissance des cirrus galactiques. C’est lui qui domine aux grandes échelles (ie. aux petites valeurs de k). Ce spectre de puissance est une loi de puissance : Pcirrus (k) ∝ k −3 , mais l’exposant peut varier avec la longueur d’onde (Miville-Deschênes et al. 2007, par exemple).  Pclustering(k) est le spectre de puissance du signal de corrélation des sources. Nous expliquons ci-dessous comment celui-ci peut être calculé.  Ppoisson(k) est le bruit de poisson des sources. Il a donc un spectre plat : Ppoisson(k) = Ppoisson. Il est possible de diminuer la valeur de cette contribution en soustrayant préalablement les sources résolues de la carte.  γ(k) est la fonction instrumentale (TF de la PSF). Cette fonction domine aux petites échelles spatiales (grandes valeurs de k) et empêche donc de mesurer du signal à ces échelles.  N(k) est le spectre de puissance du bruit. Le spectre de puissance des anisotropies corrélées peut être modélisé de la façon suivante (Knox et al. 2001) (nous ne considèrons ici que la partie linéaire, c’est-à-dire la corrélation entre halos de matière noire, et pas la corrélation entre galaxies au sein d’un même halo) : Pclustering(k) = Z dz r 2 dr dz a 2 (z)j¯ ν 2 (z)b 2PDM(k3D, z) (III.2) où k3D est le nombre d’onde à 3 dimensions (k3D = p k 2 x + k 2 y + k 2 z ), r est la distance comobile, a est le facteur d’échelle, j¯ ν 2 (z) est la densité d’émissivité (par unité de volume comobile) à la fréquence ν des sources situées au redshift z, b est le biais que l’on suppose constant, PDM(k, z) est le spectre de puissance de la matière noire au redshift z. On peut distinguer plusieurs termes dans cette intégrale : un terme géométrique ( dz r 2 dr dz a 2 (z)), un terme d’émission j¯ ν 2 (z) que l’on peut calculer à partir du modèle de Lagache et al. (2004) et le spectre de puissance de la matière noire qui peut être calculé à partir de la théorie de croissance linéaire des perturbations (voir paragraphe I.2.4). Enn, puisque nous avons supposé le biais constant, on peut sortir le facteur b 2 de l’intégrale et le spectre de puissance des anisotropies corrélées est alors tout simplement proportionnel à b 2 . Ainsi, plus le biais sera important et plus le signal de corrélation sera important et donc facile à détecter. 

Résultats

 Nous avons utilisé pour cette étude les données MIPS 160 µm provenant du relevé SWIRE dans le champ Lockman Hole. Ce champ couvre une surface de ∼ 10 deg2 . Les données ont été préalablement nettoyées : en particulier, les stries qui résultent de la stratégie d’observation (Scan Map Mode) ont été enlevées par ltrage dans l’espace de Fourier (voir MivilleDeschênes & Lagache 2005). Toutes les sources plus brillantes que S160 = 200 µJy ont été soustraites en utilisant une PSF extraite sur les données. Nous avons ensuite calculé le spectre de puissance de cette carte (carrée). Celui-ci a été prolongé aux grandes échelles spatiales à partir d’une carte IRAS 100 µm. Le spectre de puissance du bruit, obtenu en soustrayant deux cartes de la même région, a été soustrait. Enn le spectre de puissance a été déconvolué de la PSF. Le résultat est montré gure III.2. On remarque un excès du spectre de puissance par rapport au spectre de puissance des cirrus pour k > 0.03 arcmin−1 . Ceci est la signature de la corrélation dans les anisotropies du CIB. Ce spectre de puissance est parfaitement reproduit par une somme de 3 composantes : Pcirrus (k), Pclustering et Ppoisson (k). Nous mesurons alors la valeur du biais suivante : b = 2.39 ± 0.22. Le bruit poissonien des sources vaut : Psources = 9850 ± 120J

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