Blogs collectifs et mise en abyme de la pratique du surfeur

Blogs collectifs et mise en abyme de la pratique du surfeur

!Les années 2000 constituent un tournant pour les activités du Net art : elles marquent la prise de conscience que le Web commence à devenir le produit d’une économie de service de réseau. Les milieux de la conception d’outils de réseau se sont professionnalisés au point qu’ils peuvent maintenant proposer des dispositifs de traitement de l’information en grandes quantités, personnalisés et à grande échelle. Avant que le terme de Web 2.0 ne devienne le mot-clef de la génération Web des années 2000, le gourou de la publication open source, Tim O’Reilly, annonce que l’avancée vers l’ère du Web dynamique est l’entrée dans une nouvelle ère de l’informatique : non plus seulement focalisée sur le hardware (la période des super- et mini-ordinateurs d’IBM), ou même sur le software (la période des micro-ordinateurs et le marché du logiciel ouvert et dominé par Microsoft), mais travaillant la matière « information » au niveau des interfaces, l’infoware. Les applications de réseau, sur le modèle d’Amazon, ont tout intérêt à réfléchir à des modalités de présentation et de traitement de l’information afin que l’utilisateur puisse prendre des décisions quant à celle qui lui convient le mieux. Cette approche, orientée produits et services, introduit au réseau l’idée d’une délégation : les décisions prises par l’internaute sont préparées, accommodées, accompagnées voire anticipées par les applications. « C’est la qualité de l’information pourvue afin d’aider à prendre des décisions qui forme le cœur de l’application avec laquelle on interagit. […] L’infoware insère peu de software dans beaucoup d’information.

Les ‘actions’ [déclenchées par des scripts CGI] dans un produit infoware sont généralement très simples : faire un choix, acheter ou vendre, entrer une petite quantité de données, et se voir présenter en retour un conférences très médiatisées,147 célèbre le principe d’infoware appliqué à la production et à la consommation de culture Web. La publication de contenus en ligne n’est plus « qu’à un clic » (« one click away »), selon l’expression consacrée, et le réseau se « remplit » à grande vitesse, alors que les technologies de l’infoware sont à la fois utilisées mais aussi appropriées par les utilisateurs du Web. Mon travail ne s’attardera pas sur les idéologies du Web 2.0, travail largement effectué par une majorité de chercheurs en SIC, mais je peux rappeler ici cette idée clef du Web 2.0 : l’utilisateur, non plus considéré comme simple consommateur mais aussi producteur de matière et de valeur dans l’économie culturelle des technologies de réseau, devient central. Un des grands symboles de cet intérêt généralisé pour la figure de l’utilisateur est la couverture du Time Magazine, le 25 décembre 2006, qui consacre le « You » du public de réseau, pronom stratégiquement placé au centre de l’écran d’un ordinateur personnel, comme personnalité de l’année.148 L’idéologie des « classes créatives », expression inventée par Richard Florida dans son best seller de 2002, The Rise of the Creative Class, qui définit des lieux de valeurs centrifuges composés de milieux professionnels à haute compétence, est augmentée d’une nouvelle population et de nouveaux espaces : les utilisateurs de services en ligne.

L’amateur de culture Web apparaît comme une confirmation de la nouvelle figure de consommateur de culture prévue par Charles Leadbeater et Paul Miller quand ils montrent comment les « ProAm » (« amateurs professionnels ») sont des « enthousiastes modifiant  notre société et notre économie »149 (Leadbeater et Miller, 2004). Les artistes qui vont servir de guides dans ce chapitre se sont surnommés avec une certaine ironie des « surfeurs professionnels », formule venant nourrir un commentaire sur la société du Web en train de changer autour d’eux qu’ils matérialisent dans des métatextes artistiques. Une première problématique s’annonce ici autour de la figure du « professionnel amateur » : le folklore Web n’est-il pas un des ensembles de dispositifs qui permettent l’émergence de cette figure ? Quels sont les dispositifs de communication en réseau qui motivent l’activité de l’amateur du Web ?

De quelle matière et de quels outils dispose-t-il au contact du folklore de réseau ? On répondra à ces questions en étudiant l’apparition des blogs, qui accompagnent l’infoware dans son développement et l’avènement du Web 2.0. Puis, on proposera un dernier cas d’étude autour d’un nouveau processus de remédiation-participation du Net Art : celui des artistes Internet surfeurs, et en particulier ceux du groupe de passionnés d’Internet réunit autour du blog collectif Nasty Nets qui a accueilli mon expérience d’observation-participation. Ce groupe réinvestit les problématiques du vernaculaire Web initié par le net.art, mais dans le contexte des médias sociaux. Ils interrogent par leurs pratiques le genre du blog de références (un genre prototypique de la forme blog) et déploient une écriture de seconde main qui réfléchit aux modalités d’appropriation et de mise en circulation des contenus triviaux du Web. On se demandera ainsi comment le blog collectif de « surf » (ou « surfblog ») est une organisation complexe et instable qui commente la culture Web, dans une logique métatextuelle.

 

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