Collage d’hydrogels par des nanoparticules de silice

Collage d’hydrogels par des nanoparticules de silice

Coller des hydrogels avec des macromolécules 

Adhésion par capillarité 

Deux hydrogels mis en contact dans l’air peuvent présenter une certaine adhésion.10,11 Plusieurs auteurs ont expliqué cette adhésion par des effets de mouillage et de capillarité.10,11 Le phénomène de mouillage concerne les forces intersurfaciques et décrit la capacité d’un liquide à s’étaler sur une surface solide fournissant un travail d’adhésion qui compense l’énergie de cohésion du liquide. Il peut s’appliquer dans le cas de l’étalement d’un gel sur une surface. 12 Le coefficient d’étalement (SAB) peut être calculé à partir des tensions de surface du solide et du liquide selon l’expression : (I. 1) où γA est la tension de surface du liquide A, γB est l’énergie surfacique du solide B et γAB l’énergie interfaciale entre le solide et le liquide. Nous notons que le terme énergie surfacique s’utilise principalement pour les solides et il est donné en énergie par unité de surface (J/m2 ). Inversement le terme de tension de surface s’utilise pour les liquides et il est mesuré en unité de force par unité de longueur (N/m). Cependant, les deux termes sont dimensionnellement et numériquement équivalents.13 SAB doit être positif pour que le liquide s’étale sur la surface. Cependant pour les hydrogels, même dans le cas où le coefficient d’étalement est positif, la contrainte élastique due à la déformation du gel s’oppose à l’étalement du gel sur la surface.12 Le travail thermodynamique d’adhésion (Wadh) est une propriété intrinsèque interfaciale d’un matériau ayant pour origine les forces de Van der Waals et d’autres forces intermoléculaires. Il représente le travail nécessaire pour séparer complètement deux surfaces en contact et il est donné par l’expression suivante : 10,14,15 (I. 2) Pour deux matériaux identiques γA=γB=γ, alors Wadh=2γ est aussi appelée le travail de cohésion ou l’énergie de Dupré. Dans le cas de l’adhésion de deux hydrogels gonflés d’eau, ne présentant pas d’autres interactions entre eux, l’énergie d’adhésion obtenue devrait être égale à deux fois la tension de surface de l’eau en contact avec l’air, soit aux alentours de 0.14 Chapitre I. Assemblage d’hydrogels 15 J/m2 (énergie de surface de l’eau: γeau=0.07 J/m2 ). Nous verrons que cette énergie thermodynamique ne peut être atteinte que dans la limite des déformations réversibles. 

 Adhésion par des forces faibles Interactions électrostatiques 

Deux hydrogels présentant à leur surface des charges opposées peuvent adhérer entre eux par interactions électrostatiques attractives. Ainsi, pour coller deux hydrogels de même charge, l’idée de Tamagawa et al. a été d’utiliser un liquide composé d’électrolytes polymères de charges opposés aux hydrogels à coller. Par exemple, deux hydrogels ioniques de poly(acrylamide-co-acide acrylique) (PAAm-co-AAc) présentant des charges négatives portées par les groupes carboxyliques peuvent être collés par un liquide comprenant des polymères chargés positivement présentant des groupes ammoniums. Cette adhésion s’explique par la formation de ponts salins de type -COO- NH3 + NH3 +  COOentre les électrolytes polymères et les surfaces des gels. Néanmoins, l’adhésion obtenue dans l’air est relativement faible de l’ordre de 2 kPa. La valeur de cette contrainte représente la force d’adhésion mesurée divisé par la surface collée dans un test de tack. 4 L’immersion dans une solution aqueuse entraîne le détachement des deux gels due à un changement de pH, modifiant les charges des groupes à la surface des hydrogels. Reprenant un principe similaire, Abe et al. ont mis au point une méthode pour coller deux gels cationiques en solution aqueuse en utilisant un polymère chargé négativement. L’adhésion maximum mesurée est autour de 5 kPa dans ce cas. Plus récemment, Gong et al. ont mis au point des hydrogels neutres polyampholyte (PA) auto-adaptables, adhérant aussi bien sur des gels polyélectrolytes que sur des tissus biologiques en milieu humide grâce à des interactions électrostatiques attractives.17 L’énergie d’adhésion mesurée d’un PA sur un gel polyélectrolyte peut atteindre 30 J/m2 et 3 J/m2 sur la peau de cochon. Cette différence d’adhésion pourrait s’expliquer par une densité surfacique de charge plus faible dans le cas d’un tissu biologique que dans le cas d’un gel polyélectrolyte. Chapitre I. Assemblage d’hydrogels 16 

Adhésion par des connecteurs 

Interdiffusion des chaînes de polymères à une interface du gel Pour augmenter l’adhésion de deux hydrogels, Peppas et al. ont greffé à la surface d’hydrogels de poly(acide acrylique) des chaînes pendantes de poly(éthylène glycol) susceptibles de diffuser plus facilement à la surface et d’ainsi créer des enchevêtrements. 18,19 L’adhésion résulte ainsi de l’interdiffusion et de l’interpénétration des chaînes de polymères à l’interface créant une interface diffuse ou « interphase » entre les deux matériaux comme le montre la Figure I. Cette interdiffusion favorise à la fois le nombre d’interactions entre les chaînes de polymères et la possibilité de former des enchevêtrements, ce qui entraîne une augmentation de l’énergie d’adhésion.10,11,20 Figure I. 1. Représentation schématique de la théorie de diffusion de l’adhésion. (a) Surface supérieure (bleu) et inférieur (rouge) d’un gel avant contact. (b) Mise en contact des deux surfaces. (c) Création d’une interface après un temps de contact long.10,21 L’interdiffusion a largement été étudiée en mucoadhésion, où l’une des deux surfaces adhésives est un tissu vivant. Ainsi, Jabbari et al. ont mis en évidence par spectroscopie ATRIR la présence d’interpénétration entre les chaînes d’un film de poly(acide acrylique) et des protéines, les mucines.22 Un phénomène de succion osmotique contribue également à la mucoadhésion d’un gel polyélectrolyte tel que le poly(acide acrylique) sous gonflé sur une muqueuse.10,22 Un gel polyélectrolyte possède une forte affinité avec l’eau, une pression osmotique élevée et une Chapitre I. Assemblage d’hydrogels 17 capacité à gonfler importante. Dès lors qu’il est en contact avec une muqueuse, une déshydratation de la muqueuse est observée jusqu’à atteindre l’équilibre comme le montre la Figure I. 2. Un mouvement d’eau de la muqueuse vers l’intérieur du gel de poly(acide acrylique) a été en effet observé par Jabbari et al.22 Cependant, cet effet est négligeable dès lors que les hydrogels sont gonflés à l’équilibre.10 Figure I. 2. Représentation schématique de la théorie de succion osmotique dans le cas de la mucoadhésion d’un gel polyélectrolyte à la surface d’une muqueuse.10 Polymérisation à l’interface Gong et al. ont mis au point une méthode de polymérisation pour assembler deux hydrogels de type double-réseau. 3 Nous rappelons qu’un hydrogel en double-réseau est constitué d’un premier réseau polyélectrolyte fortement réticulé et d’un second réseau neutre faiblement réticulé. Dans l’exemple présenté ici, le premier réseau est le poly(acide-2- acrylamido-2-methylpropanesulfonique) (PAMPS) et le second réseau est le polyacrylamide (PAAm).23 Bien que ces hydrogels soient composés à 90 wt% en eau, ils présentent des performances mécaniques impressionnantes en termes de module d’Young (0.3 MPa) et d’énergie de rupture (1000 J/m2 ).3,24 L’assemblage de deux hydrogels en double-réseau est réalisée par la polymérisation du second réseau PAAm à l’interface et à l’intérieur des deux films d’hydrogels du premier réseau le PAMPS comme le montre la Figure I. 3. 3 Chapitre I. Assemblage d’hydrogels 18 Figure I. 3. (a) Photographie de l’assemblage de deux hydrogels double-réseaux. L’hydrogel inférieur fût coloré avec un colorant vert pour une meilleure visualisation. (b) Illustration schématique de la formation d’une structure double-réseau entre deux films d’hydrogels PAMPS en synthétisant le second réseau PAAm à l’interface de deux gels de PAMPS3 L’énergie d’adhésion de ces deux hydrogels double-réseaux ainsi assemblé est du même ordre de grandeur que l’énergie rupture dans le volume d’un gel double-réseau, c’est-àdire autour de 1000 J/m2 .

I.4. Adhésion par liaisons covalentes sur diverses surfaces

 Les hydrogels peuvent adhérer à différents surfaces en formant des liaisons covalentes avec celles-ci. Strehin et al. ont développé un polyéthylène glycol (PEG) modifié par des groupements sulfates de chondroïtin pouvant adhérer irréversiblement aux tissus en formant des liaisons amides. La contrainte d’adhésion de deux morceaux de cartilage bovin collés par cet hydrogel est de 50 kPa soit 10 fois supérieure à la colle tissulaire commerciale de référence. 25 Grinstaff et al. ont augmenté la contrainte d’adhésion de ces hydrogels de PEG pouvant atteindre 700 kPa en les réticulant en présence de dendrimères pour une concentration en polymère de 50%.26 Ces hydrogels peuvent être aussi bien utilisés pour la réparation de la cornée que du cartilage.26,27,28 Néanmoins, l’adhésion de ces hydrogels de PEG à des tissus biologiques reste difficile en milieu humide. Une des idées a été d’incorporer une protéine riche en un acide aminé appelé DOPA (3-4-dihydroxyphénylalanine). 1 Cet acide aminé est à l’origine de l’adhésion des moules à des surfaces en milieu humide. Brubaker et al. ont ainsi mis au point un pansement d’hydrogel constitué d’un PEG branché modifié DOPA présentant de bonnes propriétés d’adhésion sur des surfaces humides et dont la dégradation par des enzymes est contrôlable. 29 Chapitre I. Assemblage d’hydrogels 19 Récemment, Zhao et al. ont mis au point un hydrogel synthétique composé à 90% d’eau, qui adhère fortement sur des surfaces non poreuses diverses telles que le verre, le silicone, les céramiques ou des surfaces métalliques. 2 L’énergie d’adhésion de cet hydrogel sur ces surfaces a été mesurée aux alentours de 1000 J/m2 et elle est comparable aux cartilages et aux ligaments unissant les os entre eux. La méthode consiste à créer des liaisons covalentes entre les longues chaînes polymères constituant l’hydrogel et les surfaces solides par un procédé de silanisation de ces dernières. Ainsi, l’hydrogel est un copolymère composé de deux blocs : un bloc qui crée des liaisons covalentes aux silanes de la surface à coller et un bloc composé de liaisons réversibles, qui permet une forte dissipation d’énergie lors du décollement de l’hydrogel à la surface solide. 

Table des matières

Chapitre I : Assemblage d’hydrogels
Introduction
I. Coller des hydrogels avec des macromolécules
I.1. Adhésion par capillarité
I.2. Adhésion par des forces faibles
I.3. Adhésion par des connecteurs
I.4. Adhésion par liaisons covalentes sur diverses surfaces
II. Coller des hydrogels avec des nanoparticules
II.1. Etat de l’art
II.2. Adsorption de polymères sur des surfaces solides
II.3. Quelles interactions moléculaires à l’origine de l’adsorption ?
II.4. Interactions entre les particules de silice
III. Adhésion, Fracture & Phénomène de dissipation
III.1. Théorie de la fracture : Lake & Thomas
III.2. Dissipation viscoélastique
IV. Vers le collage avec les organes
IV.1. Coller des organes par des polymères
IV.2. Assembler des organes avec des nanoparticules
Conclusion
Références
Chapitre II : Synthèse et caractérisation des hydrogels et particules
Introduction
I. Hydrogels étudiés
I.1. Matériels & Méthodes
I.2. Caractérisation mécanique
I.3. Propriétés de gonflement
II. Particules de silice
II.1. Matériels & Méthodes
II.2. Caractérisation des particules de silice
Conclusion.
Références
Annexe A. Diffusion dynamique de la lumière
Annexe B. Détermination de la surface spécifique d’une particule sphérique non poreuse
Chapitre III : Comment mesurer l’adhésion entre deux gels ?
Introduction
I. Notions générales sur la théorie de l’élasticité
I.1. Contrainte, déformation et module élastique
I.2. Rupture et taux de restitution d’énergie
II. Essai de joint de recouvrement
II.1. Modèle de Kendall
Table des matières
II.2. Dispositif expérimental
II.3. Interprétation de l’essai et reproductibilité
III. Test de pelage à 90°
III.1. Modèle de Kendall
III.2. Dispositif expérimental
III.3. Interprétation de l’essai
III.4. Reproductibilité
IV. Test de pelage en Y
IV.1. Force de pelage et énergie d’adhésion
IV.2. Dispositif expérimental.
IV.3. Interprétation de l’essai.
IV.4. Effet de l’angle de pelage θ
IV.5. Reproductibilité
Conclusion
Références
Annexe A. Détermination de l’énergie d’adhésion pour le pelage en Y
Annexe B. Mesure de vitesse de propagation par analyse d’image
Chapitre IV : Adhésion entre deux gels neutres
Introduction
I. Joint de recouvrement
I.1. Effet de la vitesse de traverse
I.2. Effet du taux de réticulation
II. Pelage à 90°
II.1. Effet de la vitesse de traverse
II.2. Effet du taux de réticulation
II.3. Effet du gonflement
III. Pelage en Y
III.1. Effet de la force appliquée
III.2. Effet du taux de réticulation
III.3. Effet du gonflement
IV. Discussion
IV.1. Dépendance en vitesse de propagation de fissure
IV.2. Effet du taux de réticulation
IV.3. Effet du gonflement
Conclusion
Références
Chapitre V : Etalement de gouttes et adsorption
Introduction
I. Etalement de goutte de silice et distribution des particules à la surface des hydrogels
I.1. Matériels et Méthodes
I.2. Observation microscopique de la répartition des particules sur des gels
I.3. Importance de l’âge du gel
II. Caractérisation microscopique de l’adsorption
II.1. Principe de la Spectroscopie ATR-IR
Table des matières
II.2. Bandes de vibrations caractéristiques de la silice
II.3. Etude de goutte de suspension colloïdale
II.4. Etalement de goutte à la surface d’un hydrogel
Conclusion
Références
Chapitre VI : Assemblage d’hydrogels avec des nanoparticules de silice
Introduction
I. Matériels et Méthodes
I.1. Préparation des solutions de nanoparticules de silice
I.2. Protocole de collage et mesure d’adhésion par pelage
II. Paramètres gouvernant l’adhésion polymère/silice
II.1. Nature des chaînes de polymères
II.2. Effet du gonflement
II.3. Effet de la concentration de la solution déposée
II.4. Effet de la vitesse de traverse
II.5. Influence de la taille des particules
II.6. Effet de la surface des particules
II.7. Interprétation
III. Modulation de l’adhésion par la cohésion silice-silice
III.1. Effet de deux multicouches de silice sur le collage
III.2. De la solution stable à la poudre
Conclusion
Références
Chapter VII : Adhesion and self-adhesion of hydrogels filled by nanoparticles
Abstract
Introduction
I. Experimental Section
I.1. Materials
I.2. Gel preparation and composition
I.3. Swelling measurements
I.4. Tensile tests and stress relaxation
I.5. Adhesion Tests
I.6. Scanning Electron Microscope (SEM)
II. Results and Discussion
II.1. Bulk properties of nanocomposite gels
II.2. Self-adhesion properties of nanocomposite gels NCG
II.3. Adhesion properties induced by silica nanoparticles
II.4. Comparison with CG gels glued by silica nanoparticles
II.5. Effect of contact time
Conclusion
References
Supporting Information
Chapter VIII : Tough double-network glued by silica nanoparticles solutions
Abstract
Introduction
I. Experimental Section
I.1. Materials & Gel preparation
I.2. Sample preparation
I.3. Adhesion Testing
I.4. Fourier transform infrared spectroscopy (FTIR) coupled with attenuated total
reflectance (ATR)
I.5. Swelling measurements
II. Results
II.1. Adsorption of silica nanoparticles on DN gel surfaces
II.2. Adhesion energy of DN gels glued by silica nanoparticle solutions
II.3. Adhesion of prestretched PAMPS/PDMAAm DN gels
II.4. PDMAAm – PAMPS/PDMAAm DN gels junction glued by silica nanoparticles
III. Discussion
Conclusion
References
Appendix 1. Effect of batch PAMPS/PDMAAm
Appendix 2. Effect of aging PAMPS/PDMAAm (batch no 1)
Appendix 3. Effect of the face or the edge (in bulk)
Conclusion générale

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