Commande d’un exosquelette du membre supérieur à des fins de rééducation neuromotrice

Commande d’un exosquelette du membre supérieur à des fins de rééducation neuromotrice

Problématique 

Les systèmes robotisés présentent plusieurs intérêts dans le cadre particulier de la rééducation neuromotrice, le principal étant leur capacité d’interaction ne et répétable avec l’humain. C’est pour cette raison que de nombreux systèmes ont été développés depuis plusieurs années pour le membre supérieur. On répartit classiquement ces systèmes en deux catégories : les manipulanda qui interagissent avec l’utilisateur en un seul point, généralement la main, et les exosquelettes qui exploitent plusieurs points de contacts distribués le long du membre. Ces derniers ont l’avantage de permettre un réel contrôle de l’interaction au niveau articulaire du membre. Or cet avantage est très important dans l’application qui nous intéresse ici. En eet, classiquement les thérapeutes interagissent avec l’ensemble du membre en plusieurs points notamment dans des thérapies de type Bobath.Si aujourd’hui plusieurs commandes innovantes existent pour les manipulanda, ce n’est pas le cas pour les exosquelettes. Plus précisément, les modes de contrôle actuels ne tirent pas pleinement prot de la capacité particulière des exosquelettes permettant une interaction articulaire. C’est pourquoi la question à laquelle nous essayerons de répondre dans cette thèse est la suivante : Quelles commandes robotiques faut-il mettre en ÷uvre pour la rééducation du membre supérieur an d’exploiter au mieux les capacités des systèmes exosquelettiques à interagir au niveau articulaire ? Dans un premier chapitre, nous proposons un état de l’art des diérents systèmes robotiques développés aujourd’hui et les commandes mises en ÷uvre sur ceux-ci. Après ce tour d’horizon et la présentation plus précise du système choisi pour nos travaux l’exosquelette ABLE du CEA-LIST, un deuxième chapitre s’intéresse à un problème propre aux structures exosquelettiques : la compatibilité cinématique entre le robot et le membre humain. Cette étude aboutit à la mise en ÷uvre d’une méthode de commande pouvant être utilisée lors des premiers stades de rééducation neuromotrice (mode passif). Le chapitre suivant développe un mode de commande original constitué de champs visqueux articulaires et visant à corriger les coordinations pathologiques de patients hémiparétiques lors de stades plus avancés du protocole de rééducation. Il est complété par un chapitre adressant plus directement le problème de ces coordinations articulaires, aussi appelées synergies, qui sont alors mises en évidence par l’utilisation d’analyses en composantes principales. Enn, un dernier chapitre présente les résultats expérimentaux obtenus avec cette dernière méthode, d’abord avec des sujets sains, puis avec des patients

La robotique de rééducation du membre supérieur

 L’arrivée de la robotique dans le domaine de la rééducation est très récente et les spécialistes ne maîtrisent pas encore bien les processus de récupération neurologique sous-jacents. Ainsi le principe de « plasticité cérébrale » 1 , à l’origine de cette récupération, n’est communément admis que depuis les années 1960-1970 [Hubel & Wiesel, 1962, Droz Mendelzweig, 2010]. La robotique apparaît premièrement comme un outil très intéressant d’analyse de ces processus de récupération. En eet, de par la grande précision, répétabilité et reproductibilité qu’ils présentent, les robots sont parfaitement adaptés à ce type de mesures et d’analyses. Ainsi ils permettent d’évaluer un processus nouveau ou existant de rééducation. Mais, par ces mêmes capacités, ils sont également utiles pour la simple analyse du mouvement que ce soit chez des malades, hémiparétiques par exemple, ou chez des sujets sains à titre de comparaison ou de référence. Enn, l’utilité potentielle des systèmes robotisés dans une thérapie de rééducation a très vite été pressentie. Si les mécanismes neurologiques exacts de récupération ne sont pas parfaitement connus, on sait que deux facteurs sont primordiaux : l’implication du patient, physique bien sûr mais aussi psychologique (respect de l’intention du mouvement), dans la réalisation des gestes et l’intensité de ceux-ci (très rapidement après l’accident) [Nakayama, 1994, Maclean et al., 2000]. Ces deux besoins appellent naturellement à l’utilisation de robots : l’intensité d’abord, propre à un système robotisé capable de reproduire avec la même ecacité et régularité un geste sur une très longue durée ; l’implication du patient, ensuite, qu’un système peut procurer par sa réactivité instantanée mais aussi par sa possible évolutivité. C’est dans l’objectif triple de développer des outils de mesure du mouvement, de suivi des thérapies et de thérapies ecaces (intensité, réactivité) que les robots ont fait leur apparition dans le domaine de la rééducation dans les années 1970. Cette apparition s’est faite assez naturellement, comme une évolution : d’outils mécaniques non robotisés, déjà expérimentés par des thérapeutes, et d’outils mécaniques d’abord destinés à l’assistance de personnes handicapées [Zimmerman, 1960, Bahniuk et al., 1963, Wilson Jr, 1969]. Les premiers robots de rééducation étaient destinés à la marche et plus généralement au membre inférieur, comme l’exosquelette développé par M. Vukobratovi¢ [Vukobratovic et al., 1974]. Dans les années 70-80 sont ensuite apparus les premiers systèmes dédiés au membre supérieur. Aujourd’hui les robots de rééducation des membres inférieurs ou les manipulanda pour les membres supérieurs ont pour certains été validés par des essais cliniques et commercialisés, comme le Lokomat R (pour les membres inférieurs), ou le MIT-Manus (devenu InMotion R , pour le membre supérieur). Il n’en est pas de même pour les exosquelettes du bras. En eet ceux-ci ne sont apparus que plus tard et n’ont pas encore été susamment expérimentés en clinique. La partie suivante présente les principaux systèmes robotisés existants destinés à la rééducation du membre supérieur puis les diérentes commandes de ces systèmes développées pour la rééducation neurologique. Une partie présente ensuite les principales études cliniques mettant en évidence le potentiel des thérapies robotisées. Enn, une description du système ABLE, utilisé pour cette étude, est réalisée dans une dernière partie. 

Manipulanda et exosquelettes

 Les robots de rééducation sont des systèmes en interaction physique avec l’homme. L’interaction doit alors être susamment ne pour respecter les exigences du contrôle moteur humain et permettre la mise en place de commandes dédiées à la rééducation. Les systèmes développés sont de nature très variée, avec des cinématiques, des modes d’actionnement, des types de capteurs et même des objectifs diérents. On peut toutefois les classer en deux catégories distinctes : les manipulanda, et les systèmes multi-contacts dont les exosquelettes représentent la grande majorité. Par la suite, sont présentés dans un premiers temps les manipulanda. Ces dispositifs n’interagissent qu’en un point de contact avec le membre du sujet. Ils entrent dans la catégorie des cobots (terme introduit en 1996 par E.J. Colgate et M.A. Peshkin [Colgate et al., 1996, Colgate & Peshkin, 1999] pour collaborative robot). Ces systèmes ont été les premiers développés pour la rééducation et ont bénécié pour certains de validations expérimentales permettant de montrer la pertinence de l’utilisation de robots dans ce domaine [Lum et al., 2002, Lo et al., 2010]. On présente ensuite les exosquelettes et les autres systèmes multi-contacts existants pour la rééducation neuromotrice. Ce type de systèmes, développés plus tardivement, se diérencient des manipulanda, par le nombre de points d’interaction. En eet, ils interagissent en au moins deux points du membre du sujet. Plus précisément, ils possèdent normalement un point de contact par segment de membre (deux segments étant délimités par une articulation physique). Les exosquelettes sont constitués d’une chaîne série principale, sur laquelle sont répartis les diérents points de contacts, éventuellement via des sous-chaînes cinématiques parallèles. Les autres systèmes multi-contacts sont eux constitués de plusieurs chaînes séries indépendantes, mais apparte- nant à un même système et contrôlées de manière coordonnée. Leur principal avantage sur les manipulanda est la possibilité d’aner l’interaction et le contrôle du membre en interagissant avec ses diérents segments. Cependant, la conception et le contrôle de tels systèmes sont bien plus complexes. 

Les principaux manipulanda 

Les manipulanda sont des systèmes robotisés de comanipulation série. Ils travaillent au niveau de l’eecteur du bras du sujet, à savoir la main ou le poignet. Ils peuvent être ainsi équipés soit d’une poignée, tenue par la main de l’utilisateur, soit d’une attelle destinée à installer l’avant-bras, solidarisé de la main. Ce sont les premiers robots utilisés pour la rééducation. Ils possèdent diérents types de capteurs (de position, d’eorts, de pression…) leur permettant de contrôler l’interaction avec le membre du sujet et ainsi d’accompagner un mouvement, de l’altérer, ou de le compléter lors de gestes qui peuvent être en 2D (dans un plan) ou en 3D (dans tout l’espace). Les principaux manipulanda existants et destinés à la rééducation sont présentés ci-dessous avec leurs principales caractéristiques et les éventuelles essais cliniques pour lesquels ils ont été utilisés (cette description est en partie inspirée de l’état de l’art de Brewer et al. [Brewer et al., 2007]). Si certains d’entre eux sont aujourd’hui commercialisés et utilisés en thérapie comme le InMotion R , leur avantage sur la thérapie classique n’a pas été complètement démontré. En eet, lors de ces essais, la thérapie robotisée est toujours réalisée en complément d’une thérapie classique et non en remplacement de celle-ci, même en partie.  InMotion : le InMotion est certainement le robot de rééducation le plus abouti à ce jour et le plus testé cliniquement. C’est un système commercialisé, directement issu du robot MIT-Manus développé depuis le début des années 1990 au MIT par Krebs et Hogan [Hogan et al., 1992]. Il s’agit à l’origine d’un robot plan, formé d’un parallélogramme et produisant 2 degrés de liberté (d.d.l.) à l’organe terminal, muni d’une poignée. Il permet au patient de réaliser des mouvements dans le plan transversal (horizontal, face au patient assis). Plusieurs commandes ont été développées pour ce robot, en grande partie basées sur la commande en impédance [Hogan, 1984], qui ont ensuite été intégrées à des jeux thérapeutiques. Plusieurs études cliniques menées ont permis de montrer une certaine ecacité de l’utilisation de ce robot dans un processus de rééducation [Krebs et al., 1999]. Ce système est proposé en diérentes versions permettant chacune de travailler des mouvements diérents du membre supérieur. Le InMotion R Arm Robot directement dérivé du MIT-Manus, est un robot plan à 2 d.d.l., que le sujet saisit par une poignée et permettant de réaliser des mouvements en 2D dans le plan transversal. Il est doté d’un écran donnant un retour visuel et d’un ensemble de jeux thérapeutiques. Il doit permettre au sujet de récupérer des capacités au niveau de l’épaule et du coude. Une autre version, le InMotion R Hand Robot, est destinée à la main. Elle permet d’exercer des mouvements de préhension et relâchement et peut être couplée au modèle précédent. 

Table des matières

Résumé
Abstract
Introduction
Contexte
Problématique
1 La robotique de rééducation du membre supérieur
1.1 Manipulanda et exosquelettes
1.1.1 Les principaux manipulanda
1.1.2 Les principaux systèmes multi-contacts
1.2 Commandes pour la rééducation
1.2.1 Stratégies mises en ÷uvre
1.2.2 Commandes dans l’espace opérationnel
1.2.3 Commandes dans l’espace articulaire
1.3 Ecacité de la thérapie robotisée : études cliniques réalisées
1.4 Le choix de l’exosquelette ABLE
1.4.1 Conception cinématique et actionnement
1.4.2 Intégration des modules de xation passifs
1.4.3 Commande bas niveau de l’exosquelette
2 Assistance au mouvement passif
2.1 Le problème de la compatibilité cinématique
2.1.1 Morphologie du membre supérieur
2.1.2 Homme – exosquelette : un alignement imparfait
2.1.3 Insertion de mécanismes passifs
2.2 Détermination de mouvements compatibles
2.2.1 Représentation du système
2.2.2 Modèles géométriques direct et inverse
2.2.3 Identication
2.3 Validation expérimentale
2.3.1 Protocole
2.3.2 Résultats
2.4 Discussion
viii TABLE DES MATIÈRES
3 Commande active-contrainte dans l’espace articulaire
3.1 Exploitation de la redondance
3.2 Commande à contraintes cinématiques
3.2.1 Commande des robots redondants
3.2.2 Commande à contraintes générales
3.2.3 Cas particulier avec contraintes linéaires
3.2.4 Élasticité ou viscosité ?
3.3 Dénition des premières contraintes et résultats
3.3.1 Protocole
3.3.2 Résultats
4 Utilisation de l’ACP pour la dénition de coordinations articulaires
4.1 Dénition des synergies comme solution à la redondance
4.1.1 Synergies
4.1.2 Expression à l’aide d’ACP
4.2 ACP sur les positions et les vitesses articulaires : expérimentations
4.2.1 Protocole
4.2.2 Résultats
4.3 Utilisation de l’ACP pour l’expression d’une contrainte articulaire
5 Validations expérimentales
5.1 Validation sur sujets sains de la commande active-contrainte
5.1.1 Protocole
5.1.2 Résultats
5.1.3 Discussion
5.2 Essais avec patients hémiparétiques
5.2.1 Patients impliqués
5.2.2 Protocole
5.2.3 Résultats
5.2.4 Discussion
Conclusion
Bilan
Perspectives
Publications
Bibliographie

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