Contamination fongique des environnements intérieurs par la détermination et la mesure de traceurs chimiques spécifiques

Contamination fongique des environnements
intérieurs par la détermination et la mesure de traceurs chimiques spécifiques

CROISSANCE ET NUTRITION

Etapes de multiplication

Le développement d’une moisissure comporte 3 phases :germination, croissance, sporulation (puis dissémination). La phase végétative de croissance et la phase reproductive se produisent presque simultanément. Durant cette phase de croissance le micro-organisme dégrade les constituants du substrat nécessaires à son développement par l’émission d’enzymes et d’acides, pouvant induire la détérioration des supports. En 2001, Osherov et May décrivent les différentes phases du cycle de vie asexuel d’Aspergillus nidulans (Figure I-2). Les conidies sont produites par une structure spécialisée, le conidiophore. Après dispersion et contact avec un milieu adéquat, les conidies germent et donnent naissance à un hyphe. Le développement de cette structure forme un mycélium ramifié dont émerge un hyphe aérien porteur de conidiophores. Figure I-2 : Cycle de vie asexuel d’Aspergillus nidulans (d’après Osherov et May, 2001) La colonisation du substrat est réalisée par extension et ramification des hyphes. L’accroissement de ceux-ci s’effectue par le sommet, ou apex, où se déroule l’essentiel des réactions de synthèse et de dégradation du métabolisme dit « primaire », indispensable à la construction de la cellule du champignon. Les produits du métabolisme dits « secondaires », dans la mesure où ils ne sont pas indispensables au fonctionnement de la cellule pour sa survie, sont généralement stockés en région subapicale. Les métabolites secondaires les plus connus sont les mycotoxines, les pigments, et certains composés organiques volatils (Prescott et al., 1995 ; Yang et Johanning, 1997 ; Roquebert, 1998). Les champignons sont des organismes généralement aérobies. La quantité d’oxygène disponible est donc un facteur influent de la croissance. Le métabolisme des champignons peut être modifié selon la teneur en oxygène environnemental; par exemple la production de mycotoxines (acide penicillique produit par Penicillium brevicompactum par exemple) décroît considérablement en conditions d’oxygénation faible (Roquebert, 1998).

Besoins nutritionnels

Les moisissures sont susceptibles de se développer partout où de la matière organique est disponible. Les micromycètes sont capables de sécréter un fluide exocellulaire, contenant des enzymes hydrolytiques qui décomposent les substrats (protéines, polysaccharides, lipides, acides nucléiques, lignine …) en monomères facilement assimilables par le microorganisme. Les besoins nutritionnels requis sont divisés en deux catégories : les nutriments constitutifs, et les oligonutriments. Les premiers, parmi lesquels figurent le carbone, l’hydrogène, l’oxygène, le phosphore, le potassium, l’azote, le soufre et le magnésium, sont nécessaires à des concentrations d’environ 10-3 mol/L. Le carbone, combiné à l’hydrogène, l’oxygène et l’azote, est l’élément structural majeur de l’organisme. L’hydrogène provient de l’eau contenue dans le support, l’oxygène est puisé dans l’ambiance (Janinska, 2000). Concernant les oligonutriments, parmi lesquels figurent le fer, le cuivre, le manganèse, le zinc et le molybdène, ils sont nécessaires à des concentrations de 10-6 mol/L au maximum (10-6 mol/L pour le fer à 10-9 mol/L pour le molybdène). Certains sont des cofacteurs essentiels au bon fonctionnement enzymatique de la cellule. Des vitamines, telles que la thiamine (B1), la biotine (B7), l’inositol (C16H12O6), sont également requises par ces microorganismes (Griffin, 1994). 

Besoins en eau

Les moisissures, comme tous les organismes ont besoin d’eau comme solvant. Les substrats et les enzymes sont tous en solution ou en suspension colloïdale, et aucune activité enzymatique n’existe en absence d’eau. Le mouvement de l’eau, au travers des parois semi perméables des cellules et des hyphes, se fait par osmose. Parmi les différents termes utilisés pour décrire les forces impliquées dans ce phénomène figurent : la pression osmotique, le potentiel osmotique, le potentiel hydrique et l’activité de l’eau (aw). L’activité de l’eau est assimilable à l’humidité relative, exprimée en pourcentage, lorsque l’équilibre entre le substrat et l’air adjacent est atteint. Elle correspond au rapport de la tension de vapeur d’eau du produit sur la tension de vapeur de l’eau pure à la même température. Elle varie de 0 (absence d’eau) à 1 (eau pure). Adan, en 1994, assimile la teneur en eau des substrats à l’activité de l’eau ou à l’humidité relative de leur environnement, dans la mesure où le développement fongique est initialement un phénomène de surface et où l’existence d’hystérésis lié à l’historique du support ne permet pas de définir précisément, à partir des isothermes de sorption, ce facteur. Les limites théoriques du développement fongique correspondent, pour la valeur supérieure à une aw égale à 1 et pour la valeur inférieure à une aw égale à 0,55, où l’ADN est probablement dénaturé (distorsion de la structure hélicoïdale de la molécule). Toutefois, à ce jour, aucun développement fongique n’a été constaté pour des valeurs d’aw inférieures à 0,62 (germination d’Eurotium echinulatum) (Scott, 1957). La nature de la flore fongique varie selon la teneur en eau du support. Une humidité croissante du substrat entraîne l’apparition successive de genres fongiques dits de première (Aspergillus, Penicillium), deuxième (Cladosporium, Ulocladium) et de troisième colonisation (Stachybotrys) (Grant et al., 1989).  Essentiellement liée au bâti (erreurs de conception, mauvaise isolation, ventilation insuffisante ou inadaptée) et aux occupants (vapeur générée par le métabolisme et les activités quotidiennes : cuisson, nettoyage,…), la teneur en humidité d’un local peut également résulter de dégâts des eaux (Déoux, 2001). Quelques unes des sources d’humidité dans le bâtiment sont représentées sur la Figure I-3. Figure I-3 : Quelques sources d’humidité dans le bâtiment (Singh, 1994). 

Rôle des différents facteurs de l’environnement Impact de la température

La croissance des moisissures est possible sur une large gamme de température. La plage minimale requise se situe entre 0 et 10°C, les basses températures (inférieures à la minimale) affectent essentiellement leur croissance et non leur viabilité. La température maximale tolérée par les espèces isolées dans les locaux est comprise entre 35 et 52°C (Ayerst, 1966 ; Panasenko, 1967), tandis que l’optimale s’observe généralement à 25°C (Tableau I-1).

Effets irritatifs

rôle des composés organiques volatils (COV) Potentiellement dues à l’activité bactérienne, ces substances sont principalement liées au développement de moisissures (Korpi et al., 1997 ; Pasanen et al., 1997). Les réactions à l’inhalation de ces composés sont diverses, mais certains peuvent être la cause de problèmes sanitaires dans l’habitat (Davies et al., 1995). Plusieurs études imputent au COV un rôle important dans l’apparition du Syndrome des Bâtiments Malsains ou SBS (Sick Building Syndrome) bien qu’une multitude de facteurs puissent en être la cause (Wessén et al., 1995, Willkins, 1995 ; Bjurman, 1999). Le SBS se définit par l’association de symptômes non spécifiques ressentis par les occupants d’habitations dites « malsaines » tels que fatigue, irritation des muqueuses oculaires et buccales, céphalées, gène respiratoire… (Lyles et al., 1991 ; Davies, 1995 ; Godish, 1995 ; Vincent et Chapitre I : Synthèse Bibliographique 28 Pradalier, 1997). De nombreux cas de SBS ont été signalés dans les locaux équipés d’un système de ventilation et de traitement d’air (Schleibinger et Rüden, 1999). L’organisation mondiale de la santé estime que 30 % des bureaux neufs présentent des signes de SBS, et que 10 à 30 % des occupants de ces immeubles sont affectés (Lyles et al., 1991). Les COV, typiquement des alcools et des aldéhydes à chaîne courte, sont aussi responsables « d’odeurs désagréables » et donc d’inconfort olfactif (Schleibinger et al., 2002). Ström, en 1994, a ainsi référencé certaines substances responsables de ce type de gênes : géosmine, 1-octen-3-ol, 2- octen-1-ol, 3-octanol, 3-octanone et 2-méthyl-isobornéol dont l’odeur de moisi ou l’odeur terreuse est caractéristique (Gravesen et al., 1994). Cependant l’impact sanitaire des COV reste relatif. Lors d’une étude sur la cytotoxicité de certains COV, Kreja et Seidel ont comparé 13 COV avec la gliotoxine (une mycotoxine). Il a été établi que le COV le plus toxique de cette étude (le 1-décanol dont la toxicité est proche de celle du méthanesulfonate de méthyl (MMS)) a une toxicité 1000 fois moins élevée que celle de la gliotoxine sur des cellules de poumon humain (Kreja et Seidel, 2002). Lors d’une autre étude, Pasanen a comparé les concentrations de COV en présence d’une contamination fongique et dans un environnement stérile. Le développement fongique n’induisait qu’une augmentation de 1% de ces composés (Pasanen et al., 1998). Toutefois il n’existe pas actuellement d’informations validées en matière d’effets à court ou à long terme de ces composés, même en faible quantités. De plus la présence de certains COV comme l’éthanol possèdent un fort pouvoir synergique vis-à-vis d’autres substances irritantes voire toxiques (Schmidt et Etkin, 1994). 

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I Moisissures des environnements intérieurs :développement, biodegradation et impact sanitaire
I.1 Croissance et nutrition
I.1.A Etapes de multiplication
I.1.B Besoins nutritionnels
I.1.C Besoins en eau
I.1.D Rôle des différents facteurs de l’environnement
I.2 Mécanismes de biodégradation
I.3 Impact sanitaire
I.3.A L’aspergillose invasive nosocomiale
I.3.B Les maladies immuno-allergiques
I.3.C Les toxi-infections
I.3.D Effets irritatifs : rôle des composés organiques volatils (COV)
I.4 Contamination fongique de l’air et des surfaces
II Méthodologie d’Evaluation de la contamination fongique dans les environnements intérieurs
II.1 Examen visuel des locaux
II.2 Echantillonnage des moisissures
II.2.A Collecte des aérosols fongiques
II.2.B Prélèvements de surfaces
II.3 Analyses
II.3.A Méthode culturale
II.3.B L’observation microscopique
II.3.C Mesure des éléments constitutifs
III Composés Organiques Volatils
III.1 Echantillonnage et analyse des COV d’origine fongique : application aux environnements
intérieurs
III.2 Biosynthèse des COV d’origine fongique
III.3 Nature des COV émis à partir de matériaux de construction contaminés
III.4 Occurrence des COV d’origine fongique dans l’habitat
III.5 Utilisation des COV comme traceurs
IV Les mycotoxines
IV.1 Prélèvement et préparation de l’échantillon : application aux environnements intérieurs
IV.2 Méthodes chromatographiques utilisées pour la détection des mycotoxines dans les environnements intérieurs
IV.3 Nature et biosynthèse des mycotoxines
IV.4 Production de mycotoxines sur des matériaux de construction
IV.5 Prélèvements in situ

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