Contribution à l’analyse de stabilité orientée tâche pour la préhension robotique

Contribution à l’analyse de stabilité orientée tâche pour la préhension robotique

 Organe terminal d’un robot manipulateur

Les organes terminaux des robots sont des outils positionnables au bout des bras robotiques industriels et qui leur permettent d’interagir avec leur environnement pour réaliser les tâches qui leur sont confiées. Les types d’interactions possibles sont multiples et variées, on peut notamment citer la saisie d’objets, leur manipulation, le perçage, ou encore la peinture de surface. Les outils ont évolué grandement durant les six décennies qui nous séparent de la commercialisation du premier robot industriel, notamment et surtout les outils dédiés à la préhension qui nous intéressent tout particulièrement dans ce manuscrit. Initialement formés d’un ou deux degrés de liberté (d.d.l.), les premiers préhenseurs étaient soumis à des limitations importantes Murray et al. (1994) : — Manque de dextérité : Le faible nombre de d.d.l. ne permet de saisir qu’une gamme restreinte d’objets, et ne permet ni de les réorienter ni de les manipuler. — Champ limité de prises possibles : l’adaptation à un large panel de géométries d’objets est difficile, voire impossible, il est donc nécessaire de changer de préhenseur avec la géométrie de l’objet ou la tâche à effectuer. — Difficulté à réorienter l’objet saisi dans l’espace : Le manque de dextérité du préhenseur implique le transfert de cette tâche au bras robotique sur lequel il est monté.  Figure 1.1 – Deux préhenseurs industriels spécialisés de type pince pour des objets de section circulaires Cela peut induire des mouvements importants de la part du robot pour un mouvement faible au niveau du préhenseur. Ce problème est d’autant plus criant lorsque le robot est proche des limites de son espace de travail. — Manque de finesse du contrôle des efforts : Les quelques articulations du préhenseur ne permettent pas de contrôler précisément les forces appliquées sur les objets saisis, ils peuvent donc être dangereux pour les objets flexibles ou fragiles. Ces types de préhenseurs à faible nombre de d.d.l., bien que fortement limités, ont cependant des avantages certains venant contrebalancer ces contraintes : — Optimisation et sur-spécialisation : La faible quantité de d.d.l. permet la conception de préhenseurs parfaitement spécialisés pour l’objet à manipuler et optimisés pour la tâche pour laquelle ils sont conçus. — Faible coût matériel : La faible complexité du préhenseur entraine un coût réduit de conception et de fabrication. — Faible complexité de commande : Le nombre réduit de d.d.l. permet de réduire le nombre d’articulations à piloter, cela affecte positivement la complexité de la commande de ce type de préhenseur en réduisant le nombre de variables à contrôler. Les préhenseurs à faible nombre de d.d.l. sont donc toujours particulièrement utilisés dans les domaines de l’industrie nécessitant des cadences importantes et pour lesquels les tâches et objets à manipuler restent inchangés sur de longues séries. La figure 1.1 présente deux préhenseurs de type pince pour les objets de section circulaire. Ces types de préhenseurs ne sont cependant pas adaptés à toutes les tâches de préhension et de manipulation. Effectivement, les défauts liés à ceux-ci peuvent avoir un impact beaucoup trop important face à leurs avantages, notamment pour les tâches de manipulation fine d’objet, les tâches de saisie d’objets de géométries variées ou encore lors de la production de petites séries sur des chaines de montage qui nécessiteraient un comportement plus adaptatif du préhenseur à la tâche et à l’objet pour pouvoir le conserver sur plusieurs séries différentes. Le développement de préhenseurs pluri-digitaux ou anthropomorphes a permis de combler partiellement cette problématique. Il a fallu attendre l’émergence de problématiques autour de la téléopération en milieu hostile ou difficile d’accès, telles que pour le nucléaire, l’exploration sous-marine, le milieu spatial, 1.1. Contexte 3 ou encore la chirurgie pour voir apparaitre le développement de préhenseur pluri-digitaux dextres. Ces problématiques ont induit des développements autant au niveau de la mécanique des préhenseurs, qu’au niveau de leur intelligence pour rendre leur contrôle plus efficace. On peut trouver des exemples de ces développements notamment dans les travaux de Skinner (1975) ou de Hanafusa et Asada (1977). Ces types de préhenseurs, bien qu’amenant des solutions aux problèmes soulevés par les préhenseurs à faible nombre de d.d.l., engendrent à leur tour des problématiques qui sont les suivantes : — Coût matériel important : La multiplicité des degrés de liberté d’un préhenseur implique une complexité autant dans la mécanique du préhenseur que dans la manière de transmettre le mouvement des actionneurs vers les articulations du préhenseur. Cela engendre un coût de développement, d’optimisation et un coût matériel important. — Complexité de la commande : Les préhenseurs de type anthropomorphe peuvent comporter jusqu’à 24 d.d.l. différents, or ce grand nombre de d.d.l. peut induire une complexification significative de la commande utilisée, notamment avec l’introduction de redondance et la complexification du choix des points de contact. Les préhenseurs pluri-digitaux ont ainsi un gain de dextérité et de versatilité, mais au prix d’une complexité accrue en termes mécaniques, de commande ainsi qu’en terme spatial pour rassembler l’ensemble de la chaine de transmission actionneur-articulation dans le volume contraint du préhenseur. On peut dégager une troisième catégorie de préhenseurs, à mi-chemin entre les préhenseurs pluri-digitaux très versatiles et complexes et les préhenseurs à faible nombre de d.d.l., qui sont les préhenseurs adaptatifs. Ces préhenseurs intègrent dans leur mécanique des composants adaptatifs tels que du sous-actionnement 1 ou bien des éléments compliants 2 qui vont se déformer pour s’adapter à l’objet saisi. Cette catégorie de préhenseurs tire parti de son aspect pluri-digital et déformable pour conserver une partie de versatilité tout en réduisant la complexité mécanique et la complexité de commande. On observe cependant une potentielle perte de dextérité du fait de la réduction du nombre de d.d.l.. Ce type de préhenseur n’est donc pas toujours approprié pour des tâches de préhension fine, telle que la réorientation de l’objet saisi dans le repère du préhenseur, mais peux parfaitement convenir pour des tâches de saisie et de maintien d’objet. On peut trouver des exemples de conceptions de préhenseurs adaptatifs dans les travaux de Birglen et al. (2007) et Doria et Birglen (2009) (voir figure 1.2), ou encore Malvezzi et Prattichizzo (20) qui s’intéressent à la modélisation de la compliance dans un mécanisme sous-actionné. C’est cette dernière catégorie de préhenseur qui va nous intéresser tout au long de ce manuscrit, l’aspect sous-actionné est cependant mis de côté pour ne se concentrer uniquement 1. Un mécanisme est dit sous-actionné si le nombre d’actionneurs du mécanisme est inférieur au nombre d’articulations de celui-ci. Un exemple notoire est le doigt humain pour lequel la flexion de la dernière articulation n’est pas possible indépendamment des deux précédentes. 2. La compliance est la capacité d’une structure mécanique à se déformer sous l’influence d’une force extérieure. Pour plus de détails, se référer à la section 3.3 du chapitre 3. 4 Chapitre 1. Introduction (a) Préhenseur seul (b) Préhenseur formant une saisie autour d’un objet circulaire Figure 1.2 – Conception d’un préhenseur sous-actionné adaptatif issu des travaux de Doria et Birglen (2009) que sur l’aspect compliant des préhenseurs adaptatifs.

Intérêt de la préhension adaptative

L’agenda de la recherche stratégique, de l’innovation et du déploiement pour le partenariat IA, Data et Robotique ADRA (2020) ainsi que la dernière itération de la feuille de route multiannuelle des projets européens SPARC (20) présentent les axes privilégiés et stratégiques pour la recherche en Europe vis-à-vis des marchés clés et des opportunités pour lesquelles la robotique pourrait être mise en application. Ces deux documents nous donnent une vue d’ensemble de l’intérêt que peuvent porter la recherche et l’industrie à la préhension adaptative. Le premier document s’intéresse largement aux différentes applications clés et stratégiques dans lesquels peuvent être appliquées conjointement la robotique, l’IA et la Data, ainsi la perspective du document est très large, mais permet tout de même de faire ressortir nombre de points cruciaux pour le domaine de la préhension, notamment liés à la préhension adaptative. Le document définit plusieurs champs d’applications clefs afférents à la préhension robotique, dont deux particulièrement en lien avec la préhension adaptative : — Agroalimentaire : La préhension robotique peut avoir des applications sur l’ensemble de la chaine de production agroalimentaire, notamment : • Au début de la chaine lors de la récolte des matières premières au sein des cultures tel que la saisie de fruits et légumes, qu’ils soient fragiles ou non. • En milieu de chaine, lorsqu’il s’agit de manipuler ces matières premières pour les transformer en produit fini. • En fin de chaine pour le conditionnement des produits pour la vente. — Production agile : La flexibilité de production apportée par la préhension adaptative a plusieurs impacts sur la manière de produire : • Adaptabilité des préhenseurs à différents types d’objets et de tâches. Cela permet de réduire la taille des séries et potentiellement d’individualiser les produits à la demande (e.g. lot de taille unitaire, lot size one) à travers la mise en place de chaines de productions modulaires et adaptables. • Robotisation de domaines industriels utilisant des éléments délicats ou souples ne pouvant pas être manipulés avec des préhenseurs standards rigides. Un avantage potentiel de cette robotisation serait une réduction du coût de la main d’œuvre de production suffisamment importante dans certains secteurs pour leur permettre de concurrencer l’avantage du coût de main d’œuvre gagné par la délocalisation de leur production. On peut donc voir ici les besoins importants que peuvent résoudre les préhenseurs adaptatifs dans les domaines de l’agroalimentaire et de la production agile, où la capacité adaptative prend tout son sens, avec à la fois la variété de formes et de tailles que peuvent prendre les produits de cultures pour l’agroalimentaire, mais également les variétés des objets et des tâches pour les petites séries en production agile. Pour rentrer un peu plus dans le détail, on peut s’intéresser à la feuille de route multiannuelle des projets européens SPARC (20). Celle-ci donne une vision détaillée des enjeux de la robotique pour la recherche et l’industrie. En premier lieu, la préhension est décrite à travers trois compétences : — Capacité de saisie : capacité d’un préhenseur à venir former une prise autour de l’objet pour le saisir. — Capacité de maintien : capacité d’un préhenseur à maintenir une prise dans le contexte d’une tâche. — Capacité de manipulation : capacité d’un préhenseur à déplacer un objet et à le déposer à une destination. Chacune de ces trois sous-catégories est ensuite divisée en différents niveaux d’avancement définissant le degré de difficulté lié à la maitrise de la sous-catégorie. Le niveau 0 correspond, respectivement pour chaque catégorie, à l’incapacité à saisir, maintenir la prise et manipuler un objet. Les niveaux suivants définissent ensuite des jalons technologiques à atteindre pour avancer dans la maitrise de la sous-catégorie. Les deux sous-catégories qui nous intéressent dans les cas des préhenseurs adaptatifs sont les capacités de maintien et de saisie. Le niveau 1 de la capacité de maintien, appelée « prise simple d’objet connu » , se définit par la capacité à maintenir un objet au sein d’une prise aussi longtemps qu’aucune perturbation externe n’est appliquée sur l’objet ou le préhenseur. Les niveaux suivants étendent la capacité de maintien en ajoutant comme jalons : Niveau 2 – Prise dynamique d’objet connu Résistance partielle à des perturbations externes sur l’objet dont les caractéristiques sont connues. Niveau 3 – Prise simple d’objet modélisé Maintien d’un objet, dont le modèle est connu, au sein de la prise aussi longtemps qu’aucune perturbation externe n’est appliquée sur l’objet ou le préhenseur. Niveau 4 – Prise dynamique d’objet modélisé Résistance partielle à des perturbations externes sur l’objet dont les caractéristiques ne sont pas connues, mais modélisées. 6 Chapitre 1. Introduction Niveau 5 – Prise dynamique d’objet inconnu Adaptation dynamique aux caractéristiques de l’objet et résistance partielle à des perturbations externes. La capacité de saisie quant à elle s’étend sur huit niveaux différents en allant de la simple saisie en boucle ouverte d’un objet connu, à un emplacement connu, avec une prise définie en amont pour le niveau 1; à la saisie d’objet de géométrie inconnue, avec sélection en temps réel de la prise la plus adéquate pour le niveau 8. L’ensemble de ces niveaux d’avancement technologiques sont ensuite utilisés dans le document pour définir les niveaux cibles à atteindre suivant le domaine d’application. On relève ici trois domaines pour lesquels la préhension adaptative a de l’intérêt : Industrie manufacturière L’implantation des technologies robotiques dans l’industrie manufacturière est actuellement concentrée sur les grandes industries ayant un très haut niveau d’automatisation. Cependant celles-ci pourraient profiter à un plus large panel d’activités, tels que les activités de PME, ou pour des applications plus précises telles que la manipulation d’objets déformables ou fragiles. Ainsi, la feuille de route considère l’amélioration de la flexibilité des robots industriels et le développement de systèmes d’automatisation permettant une configuration intuitive et rapide comme deux des principaux enjeux du développement de la robotique pour ces secteurs afin de la rendre plus accessible à des industries de plus petite taille. Ces deux enjeux passent par le développement de plusieurs technologies dont les buts principaux sont l’adaptabilité et la robustesse. Parmi ces technologies, celles liées à la préhension et la manipulation sont les suivantes : — Manipulation d’objets flexibles. — Préhenseur adaptatif potentiellement à forme libre. Ces deux technologies font intervenir une multitude de jalons cibles parmi ceux présentés précédemment, notamment le niveau 4 – « Prise dynamique d’objet modélisé »de la capacité de maintien pour la garantie de robustesse aux perturbations. Le développement de ces technologies aurait un impact direct à court terme sur plusieurs domaines, dont les suivants : — La fabrication agile et à la demande. — Introduction de systèmes de production intuitifs et adaptatifs. — Déploiement de manipulateurs légers, peu coûteux et compliants. On retrouve dans ce document de nombreux points en accord avec le ADRA (2020), notamment sur les problématiques de productions agiles et modulaires, qui représentent des clefs essentielles à l’implantation de systèmes robotiques dans les PME et pour la production de petites séries de produits. Logistique La robotique a une part très importante dans le milieu de la logistique, ce milieu étant notamment le 4 ème plus gros secteur du domaine de la robotique de service professionnelle. Cette place de la robotique dans le domaine de la logistique aurait d’ailleurs progressé de % par an sur les deux années précédant la rédaction de la feuille de route 1.1. Contexte 7 d’après un rapport de IFR World Robotics (IFR (2021)). Aujourd’hui, bien que l’automatisation à grande échelle soit de plus en plus utilisée, ces solutions sont généralement très rigides et demandent un coût très élevé de déploiement ainsi qu’une restructuration en profondeur des entrepôts de stockage pour accueillir ces installations. Il y a donc un besoin important de modularité et d’adaptabilité des systèmes robotiques pour faciliter son implantation dans le secteur. De plus, d’après la feuille de route, des systèmes robotiques plus sophistiqués et versatiles ont le potentiel d’améliorer la chaine complète de logistique de bout en bout, en combinant à la fois les tâches de manipulation de produit, leur contrôle continu, ainsi que la tenue à jour de leurs informations en temps réel. La réalisation de ce type de système passe par le développement d’une grande variété de technologies, dont cinq en lien direct avec la préhension adaptative : — Chargement et déchargement d’objets ayant des propriétés physiques variées. — Manipulation dextre d’objets. — Manipulation d’objets déformables. — Emballage, chargement et déballage. — Développement de préhenseur sûr pour l’humain, peu cher et dextre. Les préhenseurs pluri-digitaux aux grandes capacités dextres tels que les mains anthropomorphiques semblent ici être destinés à prendre une place importante dans le développement de ces technologies. Cependant les préhenseurs adaptatifs peuvent aussi remplir une partie des besoins requis pour ces technologies. On peut notamment citer la manipulation d’objets aux propriétés physiques variées, la manipulation d’objets déformables ou encore le coût faible de ces préhenseurs. Effectivement, bien qu’ayant des performances dextres dégradées, les propriétés adaptatives de ces préhenseurs offrent la possibilité de réduire la complexité de la commande et la gestion de la variété des propriétés physiques des objets à saisir, tout en s’accompagnant d’un coût plus faible. Parmi les jalons des capacités de préhension requis pour ces technologies, la capacité de maintien requise pour le domaine de la logistique est comprise globalement entre les niveaux 1 et 5. Agriculture L’une des principales opportunités des technologies robotiques dans le domaine agricole réside dans l’amélioration de son efficience tout en maintenant les standards économiques et écologiques actuels. Les technologies robotiques dans leur ensemble ont le potentiel de transformer toutes les formes d’agriculture tout en améliorant significativement la collecte de données nécessaires à la prise de décision. D’après le document, une plus grande utilisation de la robotique dans le domaine de l’agriculture pourrait avoir un impact significatif sur la qualité de vie des travailleurs et pourrait aussi ramener une génération plus jeune dans le domaine. De plus, les technologies robotiques pourraient permettre d’atteindre, pour des exploitations de petites tailles, les objectifs écologiques en termes de pesticides, fongiques et autres traitements chimiques, tout en contribuant à une meilleure gestion des sols. Un grand nombre de capacités cibles sont nécessaires pour remplir tous les besoins liés aux 8 Chapitre 1. Introduction applications de la robotique dans le domaine de l’agriculture, on peut notamment citer les deux en lien avec la préhension adaptative : — contrôle fin des efforts et manipulation des matières premières récoltées, — manipulation d’éléments délicats et souples tels que des fruits. Le contrôle fin des efforts et la manipulation d’éléments souples peuvent mettre à profit les atouts des préhenseurs adaptatifs, notamment leur capacité d’adaptation à la géométrie de l’objet saisi. Les travaux de Figliolini et Rea (2006), de Gunderman et al. (2021) ainsi que de l’entreprise Root AI (Root AI) proposent des applications de la préhension adaptative à l’agriculture, et notamment à la saisi de fruits et légumes. Le jalon de maintien pour ces capacités est de nouveau fixé au niveau 4 – « Prise dynamique d’objet modélisé », la robustesse de la prise étant un élément important à prendre en compte pour les applications de préhension dans le domaine de l’agriculture.

Difficultés liées à la préhension adaptative et à la compliance dans la prise

Choix de la prise Les préhenseurs dans leur globalité admettent une gamme très large de prises possibles vis-à-vis de l’objet à saisir, et il en est de même pour les préhenseurs adaptatifs. Cet ensemble de prises peut être séparé en deux catégories (Cutkosky et Kao (1989)) : — Prise enveloppante : Prise mettant à contribution jusqu’à l’ensemble des phalanges du préhenseur pour la saisie de l’objet. Ce type de prise permet d’augmenter le nombre de points de contact entre l’objet et le préhenseur pour améliorer la qualité de la saisie et pour s’adapter à la géométrie de l’objet (c.f. Figure 1.3a). — Prise de précision : Appelée aussi prise distale, ce type de prise ne fait intervenir que les dernières phalanges de chaque doigt du préhenseur pour venir saisir un objet. Ce type de prise donne la possibilité de choisir précisément les points de contact (c.f. Figure 1.3b). Dans le cas de préhenseurs adaptatifs tri-digitaux comme celui présenté sur la figure 1.3, on peut subdiviser ces deux catégories en trois sous-catégories : — Prise cylindrique : Formée en plaçant deux doigts du préhenseur en opposition du troisième comme présenté sur la figure 1.3. — Prise sphérique : Formée en répartissant les doigts autour de l’objet. — Prise planaire : Appelée aussi prise bi-digitale, cette prise est formée en n’utilisant que deux des trois doigts de la main pour saisir l’objet, ceux-ci étant placés de part et d’autre de l’objet. Chacune de ces sous-catégories de prise admet de plus un grand nombre de variations des positions des points de contact et tout autant de configurations possibles pour les doigts ou de comportements adaptatifs du préhenseur. Il est donc nécessaire de faire un choix parmi l’ensemble conséquent de ces prises possibles lorsque l’on souhaite réaliser une saisie pour une tâche. Ce choix de prise peut se faire suivant la forme de l’objet à saisir en utilisant une taxonomie 1.2. Difficultés liées à la préhension adaptative et à la compliance dans la prise 9 (a) Prise cylindrique enveloppante. (b) Prise cylindrique de précision – distale. Figure 1.3 – Variations de prise de type cylindrique réalisables avec un préhenseur tri-digital. de prises, à l’image de celles proposées dans les travaux Feix et al. (20) ou de Cutkosky et Howe (1990) et présentée sur la figure 1.4. Cela permet d’obtenir la forme globale que devra prendre la prise, mais ne permettra cependant pas de déterminer les paramètres de celle-ci en détail. Outre le manque de détails de la prise, la tâche pour laquelle celle-ci est réalisée n’est pas non plus prise en compte, la prise n’est donc potentiellement pas appropriée à la tâche. Un outil supplémentaire pour la détermination et le choix d’une prise est la quantification de sa qualité. Meilleure sera la qualité d’une prise, plus celle-ci sera appropriée à un objet et éventuellement à une tâche. Il existe de très nombreuses méthodes de mesure de la qualité d’une prise, utilisant une grande variété de paramètres différents de prise. Les travaux de Roa et Suárez (20) offrent notamment une vue d’ensemble non exhaustive de ces méthodes qui sont réparties en quatre grandes catégories : — Mesures fondées sur des propriétés algébriques de la matrice de saisie 3 . — Mesures fondées sur des relations géométriques au sein de la prise, notamment en lien avec le polygone formé par les points de contact. — Mesures construites à partir des limitations imposées aux efforts appliqués par les doigts sur l’objet saisi. — Mesures associées à la configuration du préhenseur. L’ensemble de ces mesures est utilisé pour la quantification de qualité de prise à base de préhenseurs totalement rigides. Toutes ces mesures s’établissent à partir des paramètres nécessaires et suffisants à la description de prises utilisant ces types de préhenseurs, à savoir : la position et nature des points de contact, la configuration du préhenseur ainsi que sa capacité à appliquer des efforts sur l’objet. Ces paramètres ne suffisent cependant pas à décrire entièrement une prise à base de préhenseurs adaptatifs. En effet, la description des comportements compliants au sein du pré3. Matrice construite à partir des positions de points de contact sur l’objet, ainsi que des propriétés de frottement aux contacts. Pour plus de détails, se référer à la section 2.5.1.2 du chapitre 2. 10 Chapitre 1. Introduction Figure 1.4 – Taxonomie de prise de Cutkosky et Howe (1990) henseur est un critère manquant et crucial à la détermination du comportement complet de la prise, et donc de sa qualité. Il existe des mesures de qualité s’intéressant au comportement compliant du préhenseur, on peut notamment citer les travaux de Tsuji et al. (20) qui s’intéressent à l’effet de la compliance de la pulpe des doigts en contact avec l’objet sur la stabilité de la prise en proposant la notion de zone de stabilité de prise et d’énergie minimale de déstabilisation (c.f. figure 1.5). Les travaux de Prattichizzo et al. (20) et Pozzi et al. (20) s’intéressent quant à eux à la compliance amenée par la loi de commande et à son effet sur la robustesse de la prise, tandis que les travaux de Howard et Kumar (1996) s’attachent à déterminer le comportement compliant d’une prise considérant la courbure de l’objet aux contacts ainsi que la compliance de la pulpe des doigts. Pour finir on peut citer les modèles proposés par Siciliano et Khatib (20) qui s’attachent à décrire le comportement compliant de la prise en prenant en compte la compliance des articulations et la compliance de contact. Cependant, les comportements sont isolés du reste des critères définissant la prise. Enfin, l’adéquation avec la tâche pour laquelle la prise est construite est un aspect considéré dans peu de mesures de qualité de prise pour des préhenseurs rigides et l’est encore plus rarement pour les préhenseurs adaptatifs. Du côté des préhenseurs rigides, on peut citer les travaux de El-Khoury et al. (20) qui se sont intéressés à la synthèse de prise vis-à-vis d’une tâche, et qui ont utilisé pour cela un critère de qualité de prise orienté tâche initialement développé dans les travaux de Melchiorri (1997). Ce critère quantifie la capacité de la prise 1.2. Difficultés liées à la préhension adaptative et à la compliance dans la prise Région d’équilibre Perte d’équilibre Perte d’équilibre 𝐸1𝑚𝑖𝑛 𝐸2𝑚𝑖𝑛 Δ𝐸𝑚𝑖𝑛 Énergie poten�elle Configura�on spa�ale de l’objet Figure 1.5 – Représentation de la zone de stabilité proposée par les travaux de Tsuji et al. (20) à assurer un rapport de transformation maximal entre les couples articulaires du préhenseur et le Object Wrench Space 4 . Une autre approche, proposée dans les travaux de Borst et al. (2004), quantifie la qualité d’une prise vis-à-vis d’une tâche en comparant les torseurs d’efforts générés par la tâche (ensemble appelé Task Wrench Space, abrégé en TWS (Pollard (1996))) avec l’ensemble des efforts que peut appliquer le préhenseur sur l’objet saisi à travers les points de contact de la prise (ensemble appelé Grasp Wrench Space, abrégé en GWS (Pollard (1996))). On constate donc un manque d’outil pour le choix de prise prenant à la fois en compte l’aspect compliant du préhenseur et l’importance de la tâche en plus des paramètres habituels de définition de prise.

Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte
1.1.1 Organe terminal d’un robot manipulateur
1.1.2 Intérêt de la préhension adaptative
1.2 Difficultés liées à la préhension adaptative et à la compliance dans la prise
1.3 Objectifs
1.4 Plan du mémoire
2 Modèles pour la préhension d’objets
2.1 Introduction
2.2 Cas d’étude
2.3 Concepts de base de mécanique du solide
2.3.1 Configuration spatiale d’un solide
2.3.2 Vitesse d’un solide
2.3.3 Torseur d’effort
2.4 Géométrie d’un robot
2.4.1 Structures
2.4.1.1 Liaisons et articulations
2.4.1.2 Chaine poly-articulée
2.4.2 Modèle géométrique d’une chaine ouverte
2.4.2.1 Modèle direct
2.4.2.2 Modèle indirect
2.5 Étude statique d’un préhenseur pluri-digital
2.5.1 Définition de la saisie
2.5.1.1 Modèle de contact
2.5.1.2 Matrice de saisie
2.5.2 Cinématique d’un préhenseur pluri-digital
2.5.2.1 Matrice Jacobienne d’une chaine poly-articulée
2.5.2.2 Matrice Jacobienne du préhenseur
2.6 Conclusion
3 Modélisation de la compliance au sein d’une prise pluridigitale
3.1 Introduction
3.2 Importance de la prise en compte du comportement compliant d’un préhenseur
3.3 Origines des phénomènes de compliance
3.3.1 Compliance du préhenseur
3.3.2 Compliance de l’objet saisi
3.3.3 Bilan
3.4 Compliance de la prise
3.4.1 Modèle d’énergie potentielle
3.4.2 Modèle de raideur .
3.4.2.1 Hypothèse simplificatrice
3.4.2.2 Développement
3.5 Considérations de stabilité
3.5.1 Définition
3.5.1.1 État d’équilibre
3.5.1.2 État stable
3.5.2 Métriques de qualité de prise
3.5.2.1 Mesures de qualité de prise associées à la position des points de contact
3.5.2.2 Mesures de qualité de prise associées à la configuration du préhenseur
3.6 Conclusion
4 Analyse de qualité de prise orientée tâche pour la saisie d’objet rigide par un
préhenseur compliant
4.1 Introduction
4.2 Formulation de l’analyse de qualité
4.2.1 Limites des métriques au cas des préhenseurs compliants
4.2.2 Formulation du problème d’optimisation
4.2.3 Algorithme
4.2.3.1 Structure globale
4.2.3.2 Détails des algorithmes
4.3 Exploitation du problème
4.3.1 Cas d’étude
4.3.2 Intérêt pour la génération de trajectoire
4.3.3 Intérêt pour la planification de prises
4.4 Validation expérimentale
4.4.1 Présentation
4.4.1.1 Système expérimental
4.4.1.2 Modèle de simulation
4.4.2 Validation expérimentale
4.4.2.1 Protocoles expérimentaux
4.4.2.2 Résultats expérimentaux
4.4.3 Bilan .
4.5 Conclusion
5 Approche robotique de qualité de prise pour le cas d’objets non infiniment rigides
5.1 Introduction
5.2 Modélisation de prise avec une saisie d’objets non infiniment rigides
5.2.1 Difficultés liées à la modélisation du comportement déformable d’objets
5.2.2 Modèle de compliance de la prise considérant un objet non infiniment rigide
5.2.2.1 Hypothèses simplificatrices
5.2.2.2 Développement
5.2.3 Modélisation pour le cas spécifique des objets de type poutre
5.3 Analyse de qualité dans le cas de prise d’objets non infiniment rigides
5.3.1 Formulation
5.3.2 Algorithmes
5.4 Exploitation du problème
5.4.1 Cas d’étude
5.4.2 Étude de l’influence de la compliance de l’objet sur la robustesse de la prise
5.5 Conclusion
6 Conclusion générale
6.1 Contribution
6.1.1 Analyse de qualité de prise orientée tâche pour préhenseurs compliants
6.1.2 Influence de la raideur de l’objet et analyse de qualité orientée tâche associée
6.2 Perspectives
6.2.1 Prise enveloppante
6.2.2 Commande adaptative
6.2.3 Développement d’un algorithme de sélection de prise
Bibliographie
Publications personnelles
Annexe A Rappel sur la modélisation cinématique de structures poutres sous l’influence de contacts digitaux ponctuels
A.1 Cas général de déflexion de poutre simplement supportée et soumise à un effort ponctuel
A.2 Application au cas de la préhension tri-digitale
Annexe B Mesure du coefficient de frottement
B.1 Protocole expérimental 3
B.2 Résultat expérimental .

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