Développement d’interfaces micro/nano pour la capture d’espèces biologiques in vivo

Le système nerveux central.

En 1906, Santiago Ramon y Cajal et Camillo Golgi reçoivent le Prix Nobel de Physiologie et Médecine pour leurs travaux sur la structure du système nerveux. Quelques années plus tard, en 1932, Scherrington et Adrian reçoivent la même distinction pour la description de la synapse et du fonctionnement des neurones. Le XXème siècle verra par la suite l’avènement des “Neurosciences”, discipline nouvelle au carrefour de la biologie, de la biochimie, de la physiologie, de la médecine, et aujourd’hui, de la biophysique, des mathématiques et de la bio-informatique. De  grands progrès méthodologiques, techniques et technologiques vont permettre d’aborder l’étude du cerveau et de son fonctionnement. Plus largement, on parle de système nerveux central (SNC) qui comprend les deux hémisphères cérébraux, le tronc cérébral, le cervelet et la moelle épinière. À ces structures s’ajoute le système ventriculaire (les 2 ventricules latéraux connectés au 3ème ventricule par les trous de Monroe et l’aqueduc de Sylvius faisant jonction entre les 3ème et 4ème ventricules) dans lequel circule le liquide céphalo rachidien (LCR). Le SNC est composé de différentes entités cellulaires qui en assurent le fonctionnement.
Neurones: unité fonctionnelle de base du tissu nerveux, ces cellules sont spécialisées dans la réception, l’intégration et la transmission de l’information électrique sous forme de potentiels d’action.
Cellules gliales: astrocytes: ils ont longtemps été considérés comme des cellules de soutien sans fonction particulière. On sait aujourd’hui que les astrocytes participent effectivement au soutien métabolique des neurones mais qu’ils assurent également de très nombreuses autres fonctions de régulation et de communication qui influencent la propagation du signal. Ils occupent notamment un rôle central dans les phénomènes de plasticité cérébrale et de mémorisation.
oligodendrocytes: ces cellules interviennent dans la formation de la gaine de myéline qui entoure les axones des neurones de la substance blanche. La structure discontinue de la gaine de myéline (et des noeuds de Ranvier) permet une conduction saltatoire du potentiel d’action, augmentant considérablement la vitesse de conduction.
Ependymocytes: le long du système ventriculaire, ces cellules forment une paroi à l’interface entre le LCR et le tissu nerveux. Elles permettent, grâce à des cils vibratiles la circulation du LCR, assurent des fonctions de transport métabolique et pourraient être à la base du processus de neurogenèse sous ventriculaire . Endothélium vasculaire: “organe dans l’organe”, le réseau vasculaire arbore une structure spécifique dans le système nerveux central. L’endothélium est constitué de cellules qui forment des jonctions serrées assurant une fonction de barrière sélective, la barrière hémato encéphalique (BHE).
Cellules microgliales: “macrophages du cerveau”, ces cellules, d’origine hématopoïétique, participent à la surveillance immunitaire et occupent un rôle central dans les phénomènes inflammatoires et de réparation.

Les glioblastomes

La stratégie thérapeutique en échec : Les tumeurs primitives du système nerveux central représentent 3 à 5% des cancers en France, soit 10 à 15 cas pour 100 000 habitants. De très nombreuses données sur les glioblastomes sont disponibles, notamment au travers des travaux de l’Association des Neuro-Oncologues d’Expression Française (ANOCEF) qui tient la base de données française des tumeurs cérébrales, et du Central Brain Tumor Registry of the United States (CBTRUS). Une des problématiques dans l’enregistrement des données épidémiologiques réside dans la difficulté à classifier ces tumeurs. Plusieurs types de classification coexistent. Le standard international repose sur la classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans sa quatrième Edition de 2007 . Cette classification proposée initialement en 1979 a connu de nombreuses révisions pour intégrer des données relatives à l’origine cellulaire des tumeurs, à leur localisation puis plus tard, aux premières données moléculaires associées. En marge de la classification OMS, il existe également une classification française proposée par l’hôpital Sainte-Anne qui apporte des critères cliniques de classification comme la prise de contraste en imagerie par résonance magnétique (IRM).
Parmi l’ensemble des tumeurs cérébrales, le glioblastome multiforme (GBM), grade IV de la classification OMS, demeure la tumeur de plus sombre pronostic. La survie médiane des patients au diagnostic est de 15 mois. Les traitements actuels consistent, lorsque c’est possible, en une exérèse chirurgicale suivie de radio/chimiothérapie. Il faut ici souligner les extraordinaires progrès qui ont révolutionné l’instrumentation et les techniques chirurgicales.
En imagerie, les rayons X en chaîne radiographique puis la tomodensitométrie (TDM ou scanner) vont conduire au développement de la ventriculographie, de l’angioscanner… L’IRM viendra compléter les bilans pré-opératoires. La mise au point et le perfectionnement des cadres de stéréotaxie (de Talayrach, de Leksell) viennent augmenter considérablement la précision du geste et la localisation des instruments dans le référentiel 3D. Aujourd’hui, les blocs sont équipés de microscopes (Pentero® de Zeiss, Surgiscope® d’ISIS) qui sont interfacés avec des systèmes de neuronavigation qui donnent à tout instant la position exacte de l’instrument dans le référentiel d’imagerie pré-opératoire. La neuroendoscopie a conduit à de nouveaux abords moins invasifs, comme la chirurgie trans-sphénoïdale pour les adénomes hypophysaires par exemple. La neurochirurgie fonctionnelle autorise des interventions au cours desquelles on réveille le patient afin de faire une cartographie des aires fonctionnelles, voire des enregistrements électrophysiologiques, préservant les fonctions cognitives des patients. La tendance actuelle, enfin, est à la chirurgie stéréotaxique sans cadre (frameless) qui repose sur des systèmes de type chirurgie robotisée, comme le bras ROSA® de la société Medtech qui assure la fusion des images pré-opératoires et rend possible la planification et la réalisation de trajectoires avec une précision submillimétrique. Les abords frameless s’étendent et seront probablement élargis à l’avenir grâce à l’arrivée des systèmes d’IRM intra-opératoires et de TDM per-opératoires dont les coûts sont en train de diminuer. Ces grandes avancées ont indéniablement augmenté la précision et l’efficacité du geste chirurgical, même si de nombreux obstacles persistent dans le traitement des GBM.

Neurogenèse, cellules souches et glioblastomes

La zone sous‐ventriculaire, territoire de neurogenèse : En 1962, Joseph Altman montre qu’une lésion bilatérale des corps géniculés latéraux induit la formation de nouveaux neurones dans le cerveau adulte des mammifères révélée par une injection de thymidine tritiée 57,58. Chez l’adulte, des niches de neurogenèse sont présentes dans la zone sous-ventriculaire (SVZ), le long de la paroi des ventricules latéraux et dans le gyrus denté de l’hippocampe. Les neuroblastes issus de la SVZ migrent vers le bulbe olfactif, tandis que ceux formés dans le gyrus denté s’intègrent localement au niveau de la couche granulaire. Ces processus sont amplifiés ou réduits dans de nombreux contextes pathologiques, inflammatoires ou neurodégénératifs. D’autre part, la migration des neuroblastes peut être modifiée et dirigée vers des zones lésées .
L’architecture cellulaire de la niche de cellules souches au niveau de la paroi des ventricules a largement été étudiée. Chez le rongeur, qui demeure le modèle le plus répandu, des analyses immunohistochimiques ont autorisé le décryptage des composants cellulaires et des marqueurs moléculaires qui caractérisent le pool de progéniteurs. Même si des controverses persistent sur l’identité exacte des cellules souches . Les cellules de type B sont considérées comme des cellules souches. Elles expriment la Glial Fibrillary Acidic Protein (GFAP) et peuvent être en contact avec le LCR. Elles donnent naissance aux cellules de type C, immatures et prolifératives, qui expriment le récepteur à l’Epidermal Growth Factor (EGFR).
Ces dernières se différencient en neuroblastes migrants ou cellules de type A qui expriment des marqueurs proneuraux comme la Polysialilated Neural-Cell Adhesion Molecule (PSA NCAM) et la Doublecortine (DCX). Ces derniers migrent le long du champ de migration rostral pour atteindre le bulbe olfactif où ils s’intègrent dans les réseaux neuronaux .
Niches neurogéniques chez les grands mammifères : Si l’existence, la structure et le fonctionnement des niches de neurogenèse (SVZ et couche granulaire du gyrus denté de l’hippocampe) sont désormais largement décrits dans la littérature chez le rongeur, assez peu de données sont disponibles sur leurs équivalents dans les espèces de grands mammifères, et chez l’Homme.
Chez le primate non humain, l’existence de cellules proliférantes dans la zone sous ventriculaire a été formellement démontrée par Kornack and Rakic en 2001 . Par injection de bromdesoxyuridine (BrdU) et comarquages immunohistochimiques, ces auteurs ont pu montrerl’existence de phénomènes de prolifération dans la SVZ la présence de phénomènes de migration de neuroblastes immatures en direction du bulbe olfactif et la présence de neurones néo-formés dans le bulbe olfactif, 97 jours après la dernière administration de BrdU. La structure de la niche a été étudiée à très haute résolution en microscopie électronique à transmission et confirme l’existence du pool de progéniteurs et plus particulièrement celle du champ de migration rostral comme il a avait été décrit chez le rongeur .

La maladie de Parkinson et la stimulation cérébrale profonde

Un point central dans ce travail de thèse trouve son origine dans les travaux du Pr. A.L. Bénabid et l’invention de la stimulation cérébrale profonde pour le traitement symptomatique de la maladie de Parkinson . Cette maladie, provoquée par la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substance noire pars compacta, se manifeste par un ensemble de symptômes cliniques bien identifiés qui constituent le “syndrome parkinsonien”: tremblement de repos, akinésie, rigidité. En 1987, le Pr. Bénabid rapporte l’utilisation de la stimulation cérébrale à haute fréquence dans le noyau thalamique ventro-intermédiaire pour le traitement du tremblement essentiel 95. Très rapidement, la stimulation cérébrale profonde (Deep Brain Stimulation (DBS)) s’étend comme technique chirurgicale de référence pour la maladie de Parkinson, et connaît également une extension à d’autres pathologies cérébrales comme les dystonies ou les troubles obsessionnels compulsifs . Au delà du progrès thérapeutique majeur, cette technique chirurgicale introduit un nouveau paradigme de chirurgie invasive mais non lésionnelle, dont les effets sont complètement réversibles à l’arrêt de la stimulation.
Les patients sont implantés de manière bilatérale avec des électrodes placées dans le noyau subthalamique connectées à un stimulateur externe en position pectorale sous-cutanée. Au moment de l’implantation, la trajectoire pour le placement final de l’électrode est tracée à l’aide d’un stylet chirurgical en inox. Les membres de l’équipe ont pu montrer qu’il permet de recueillir des micro-fragments de tissus exploitables pour l’analyse protéomique du tissu cérébral.

Explorer le tissu nerveux

L’apport des micro et nano technologies. : Les deux dernières décennies ont vu l’essor considérable des micro et nanotechnologies au service de la santé. De très nombreuses stratégies de recherche et développement (R&D) ont été orientées vers l’utilisation des micro et nanotechnologies pour mieux diagnostiquer ou traiter les pathologies. Il est probablement vain de chercher à faire un état de l’art exhaustif de toutes les approches autour des micro et nano objets, dispositifs, particules … et de leurs applications. On peut tout de même citer d’importants développements autour des dispositifs implantables, de la recherche de biomarqueurs, de la délivrance localisée, de l’imagerie médicale, de la vectorisation des drogues et bien d’autres encore. Un grand nombre de revues ont décrypté les différents domaines applicatifs et convergent vers l’idée que ces nouveaux outils devraient ouvrir la voie à une véritable prise en charge médicale personnalisée dans des approches thérapeutiques et pronostiques, auxquelles on réfère aujourd’hui comme la « nanomédecine théranostique ».
Parmi les nombreux matériaux et polymères qui sont aujourd’hui à la base des procédés de nanofabrication, le silicium a plus particulièrement retenu notre attention au cours de ce travail de thèse. Le silicium (Si), élément chimique de la famille des métalloïdes est couramment utilisé pour la fabrication de semi-conducteurs en électronique. Dans l’industrie, il se présente sous la forme de galettes ou wafers qui peuvent faire des diamètres de 200, 300 ou 450mm selon les chaînes de production, pour une épaisseur de 750µm. Ce matériau avait été retenu au moment de la conception de l’outil d’empreinte . Par ses propriétés, le silicium apporte de nombreux avantages :
c’est un matériau inerte, il est modelable à façon, de nombreux procédés comme la lithographie, la gravure … permettent d’obtenir des structurations et des propriétés uniques d’un lot à l’autre, il est fonctionnalisable chimiquement, sa production sur des chaînes industrielles permet une reproductibilité inter-lot très importante et garantit la standardisation, pré-requis indispensable pour une utilisation à visée médicale.
Dans la version première du dispositif d’empreinte, les puces en silicium utilisées sont micro-structurées par photo lithogravure de manière à présenter des micro-picots octogonaux de 80µm de diamètre et de 50µm de hauteur. Cette structuration permet une augmentation de la surface développée d’un facteur 3, dont nous avons démontré qu’elle améliore considérablement l’efficacité de capture des fragments tissulaires. D’autre part, ces puces sont fonctionnalisées chimiquement, et exposent des fonctions chimiques carboxyles (COOH/COO-) contribuant également à améliorer la quantité d’éléments biologiques recueillis.

Table des matières

INTRODUCTION
I. Le système nerveux central
I.1 Généralités
I.2 Un organe peu accessible
II. Des pathologies mal comprises
II.1 Les glioblastomes
II.1.1 La stratégie thérapeutique en échec
II.1.2 Pourquoi cet échec ?
a. Leur hétérogénéité est grande
b. Il n’y a presque pas de biomarqueurs (marqueurs biologiques)
c. Infiltration tumorale et récidive
II.2 Neurogenèse, cellules souches et glioblastomes
II.2.1 La zone sous‐ventriculaire, territoire de neurogenèse
II.2.2 Niches neurogéniques chez les grands mammifères
II.2.3 Glioblastomes et zone sous ventriculaire
II.2.4 Le modèle des neurosphères
II.3 La maladie de Parkinson et la stimulation cérébrale profonde
III. Explorer le tissu nerveux
III.1 L’apport des micro et nano technologies. 
III.2 L’imagerie interventionnelle
III.2.1 Les systèmes d’imagerie lourde
III.2.2 Les systèmes d’imagerie dédiés à la détection de fluorescence
III.2.3 Les fluorophores validés pour un usage clinique
a. Le Gliolan®
b. La fluorescéine
c. Le vert d’indocyanine (ICG) et les traceurs proche infrarouge
IV. Les objectifs du travail de thèse
IV.1 Nouvelle stratégie matériau
IV.2 Améliorer la localisation des empreintes
MATERIEL ET METHODES
I. Cultures cellulaires
I.1 Entretien des lignées cellulaires
a) Glioblastome murin F98
b) Glioblastome humain U87‐MG
I.2 Culture primaire de cellules souches neurales
a) Etablissement de cultures primaires
b) Mise en différenciation des Neurosphères
I.3 Transduction lentivirale
II. Techniques de microscopie
II.1 Immunocytochimie de typage après différenciation des neurosphères
II.2 Microscopie Electronique à balayage
III. Modèles Animaux
III.1 Implantation stéréotaxique de cellules tumorales chez le rat
III.2 Xenogreffe ectopique de cellules tumorales chez la souris
III.3 Chirurgie stéréotaxique chez le primate non humain
a) Prélèvements de fluides biologiques avant et après chirurgie
b) Analyse comportementale
c) Procédure chirurgicale
d) Recueil des empreintes tissulaires sur silicium
IV. Préparation des échantillons pour l’analyse transcriptomique
RESULTATS 
I. Capture tissulaire sur silicium poreux. 
I.1 Publication en préparation: Mesoporous silica chips for safe deep brain proteomic investigation, a preclinical study
I.2 Résultats complémentaires in vitro
a) Etablissement de cultures primaires à partir d’empreintes sur silicium
b) Evaluation du caractère multipotent en réponse au sérum de veau
c) Analyse transcriptomique des cultures primaires issues d’empreintes sur silicium
I.3 Conclusion sur les résultats de la partie I
II. Un dispositif d’empreinte « optiquement guidé ».
II.1 Publication 2: « Optimprint : a new optico‐molecular device for brain tumor theranostic
investigation. »
II.2 Vers l’utilisation de nouveaux traceurs fluorescents
II.3 Conclusion sur les résultats de la partie 2
III. Les dispositifs d’empreinte « 3.0 » 
III.1 Brevet concernant un dispositif d’empreinte guidé par détection de fluorescence
III.2 Brevet concernant un dispositif d’empreinte tissulaire sur silicium pour la chirurgie coelioscopique
DISCUSSION
BIBLIOGRAPHIE 

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