DISSERTATION LITTERAIRE

DISSERTATION LITTERAIRE

Les historiens de l’avenir diront que la modification des attitudes mentales à l’égard du travail constitue, dans les sociétés industrialisées, le trait le plus marquant des années 1970. Nous sommes les témoins d’un double phénomène, à première vue contradictoire : d’une part, une inquiétude généralisée, chez les jeunes, de ne pas trouver d’emploi et de devenir chômeur ; d’autre part, dans la même classe d’âge, une désaffection croissante envers le travail et les valeurs qu’il est sensé véhiculer : c’est ce que le docteur Rousselet a appelé « l’allergie ». Voilà aujourd’hui un des principaux points d’encrage du classique conflit des générations. Les parents, les adultes ne comprennent pas l’étrange ambition de la jeunesse. Héritière d’une civilisation du travail qui s’est développée, parallèlement à l’essor de l’industrie, depuis la seconde moitié du XVIIe siècle et qui ne s’était pas encore remise en question, ils accusent leurs filles et leurs fils de ne pas savoir ce qu’ils veulent : inquiets à l’idée de ne pas trouver un métier, ne voit-on pas ceux-ci s’angoisser à la perspective de devoir l’exercer ?De leur côté, les jeunes s’indignent justement de l’incapacité du système industriel à maîtriser ses finalités aussi bien que ses moyens.

En vérité, le partage du travail est devenu aujourd’hui un problème obsédant. L’activité économique est l’objet d’une perversion radicale et monstrueuse qui peut s’exprimer ainsi : le travail est moins un moyen de créer des richesses ; c’est la production des richesses qui devient un moyen – parfois un prétexte – pour créer du travail.En somme, le travail est malade. Il traverse une grande crise. Alors que nous continuions de vivre dans un milieu où l’homme devient homme à travers son travail de transformation de la nature. C’est pourquoi le chômage est regardé non seulement comme un malheur, mais comme une honte, comme si le chômage était exclu de la condition humaine. Seulement, il y a travail et travail : il y a le travail destructeur de l’homme et le travail créateur d’une œuvre. Les Romains connaissaient cette distinction et employaient deux mots différents : le premier labor, désigne la peine de l’homme ; le second, opus, le fruit de son activité. On sait du reste que le mot travail vient de tripaium, appareil à trois pieux qui sert à ferrer les chevaux rétifs, et qui dans un deuxième sens, désigne un instrument de torture. Il est resté quelque chose du sens original dans des expressions telles que «femme en travail», «travailler un adversaire au corps», ou même hélas « travailler un suspect ».

Avec un sens étymologique très sûr, ceux qu’on appelle d’ordinaire les ouvriers ont de plus en plus tendance à renoncer à ce vocable pour se designer comme «travailleurs», comme s’ils voulaient indiquer par là que l’aspect créateur de leur travail n’a cessé de régresser et que, désormais, ils voient surtout en lui un tourment. C’est pourquoi, il n’y a pas une mais deux lignes de clivages dans la société: la première sépare ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas. La seconde passe entre ceux qui font un travail intéressant, créateur, et ceux pour qui travailler consiste uniquement à assurer sa substance. Soyons lucides : on ne retrouvera plus le plein emploi dans la fuite en avant dans le productivisme, mais par la redéfinition du travail.Le crépuscule était venu. Une clarté louche flottait au-dessus de la nappe limoneuse. Le ciel pâle avait l’air d’un drap blanc jeté sur la terre. Au loin, des fumées traînaient. Tout se brouillait, c’était une fin de jour épouvantée s’éteignant dans une nuit de mort. Et pas un bruit humain, rien que le ronflement de cette mer élargie à l’infini, rien que les beuglements et les hennissements des bêtes ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! répétaient à demi-voix les femmes, comme si elles avaient craint de parler tout haut. Un craquement terrible leur coupa la parole. Les bêtes furieuses venaient d’enfoncer les portes des étables. Elles passèrent dans les flots jaunes, roulées, emportées par le courant. Les moutons étaient charriés comme les feuilles mortes, en bandes, tournoyant au milieu des remous. Les vaches et les chevaux luttaient, marchaient, puis perdaient pied. Notre grand cheval gris surtout ne voulait pas mourir ; il se cabrait, tendais le cou, soufflait avec un bruit de forge ; mais les eaux acharnées le prirent à la croupe, et nous le vîmes abattu, s’abandonner.

 

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