Distinguer les services des biens l’interactivité à la source de l’innovation de service

Distinguer les services des biens l’interactivité à la source de l’innovation de service

Historiquement, le management, le marketing ou l’ingénierie de la conception ont été bâtis à partir de modèles industriels. Il est vrai que le service a longtemps été déconsidéré, perçu comme un travail improductif, non noble. Très peu de courants se sont donc concentrés sur les activités de service. L’économie des services issue de l’économie industrielle est l’un des premiers champs qui a tenté de circonscrire ce domaine. Si l’économie néo-classique a essayé d’appliquer les modèles industriels sans reconnaître de spécificité aux services, les courants économiques actuels insistent davantage sur les caractéristiques des services pour ne pas y appliquer tous les concepts issus de l’industrie. En quoi les modèles développés dans l’industrie seraient-ils applicables ou non aux services ? Quelles spécificités du service remettent en question la gestion industrialiste du service ?L’un des éléments fondamentaux que l’économie des services, le management des services et la sociologie mettent en avant pour distinguer les services de l’industrie est l’interactivité de l’activité de service. La notion de relation de service, à savoir la relation entre un client et un prestataire est justement au cœur de cette interaction et constitue l’une des spécificités majeures du service par rapport à l’industrie. La place du client et du personnel en contact avec le client lors des phases de conception, de production et de distribution d’un service est soulignée dans une majorité des modèles d’analyse des activités de service.

De par l’interactivité et l’interactionnisme de la relation de service, le prestataire est contraint aujourd’hui d’arbitrer entre une standardisation et une personnalisation de la production, si même ces deux principes ne sont pas antagoniques. Plusieurs questions se posent, qui, toutes, interrogent en filigrane la faculté des services à innover lors de la réalisation de la prestation. En effet, le processus de servuction, la co-production ou la co-prescription décrite par les gestionnaires et les économistes, les arbitrages entre la règle et la relation décrits par les sociologues, n’entraînent-ils pas, à travers une personnalisation de la relation, des produits cachés développés par le personnel ? Ne serait-ce pas déjà une première source d’innovation pour les services ? De fait, « l’innovation n’est-elle pas inhérente à la notion de service dans la mesure où un service, par opposition à un produit, est potentiel et incertain, et donc virtuellement ouvert à des améliorations continuelles pour satisfaire des clients aux attentes hétérogènes et changeantes ? » [Everaere (1997a), p.38]Pour répondre à ces questions, il convient, en premier lieu, de reprendre la définition du service en soulignant l’incompatibilité entre une gestion industrialiste et les services (§ I). Il importe, en deuxième lieu, d’identifier les caractéristiques du services qui justifient leur spécificité et la non applicabilité de principes industriels (§ II). En troisième lieu, il s’avère nécessaire de rappeler l’importance de l’interactivité de l’activité de service que soulignent les différents courants de la littérature (§ III) pour pouvoir, en quatrième lieu, mettre en évidence les capacités d’innovation inhérentes au service (§ IV).

L’affirmation des services face à l’industrie

L’évolution de la production des services au cours des cinquante dernières années est caractéristique de l’évolution des débats sur les services. Jean Gadrey (1991) expose une chronologie synthétique. Dans les années 1950, le service traditionnel est fondé sur des relations personnalisées et sur des supports techniques rudimentaires. Au cours des années 1960-1970, on assiste à une phase d’industrialisation, où la standardisation et la formalisation des procédures sont recherchées, dans un contexte de clientèle passive et peu segmentée. Des services standard, produits en masse, prennent la forme de quasi-produits, à partir de systèmes lourds et centralisés. C’est le début de la société de consommation dans laquelle la production de masse permet d’augmenter la productivité et de réaliser des économies d’échelle. Le modèle de Theodore Levitt (1972 et 1976) d’industrialisation des services trouve d’ailleurs toute sa signification dans cette phase6. L’industrialisation ne suffit pas pour répondre au développement de la concurrence : au cours des années 1980, les sociétés sont alors obligées de concevoir des quasi-produits en relation avec la fonction commerciale. La clientèle est alors ciblée et segmentée, et l’entreprise cherche à réaliser des économies d’échelle et des économies de variété et d’envergure. Enfin, les années 1990 voient l’apparition du développement de services standard dédiés, adaptés à des usages multiples. L’exigence des clients est alors croissante. Dans cette phase, la croissance peut stagner mais c’est aussi le signe que les mesures classiques de productivité deviennent de moins en moins adaptées pour évaluer les services à forte valeur ajoutée, pour lesquels la relation et certains critères de qualité sont déterminants. « Il ne suffit plus de vendre des quasi produits, il faut proposer des services, des solutions plus complexes, individualisées, appuyées sur une gamme très étendue de quasi produits » [Gadrey (1991), p.19], rechercher des services à valeur ajoutée pour des clients devenus exigeants. La partie simple du service doit être automatisée.

 

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